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Mazarinade n° A_2_4

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Anonyme [1649], ADVERTISSEMENT FAIT PAR MONSIEVR DE CHASTILLON REVENV DES CHAMPS ELISEES, A MONSIEVR LE PRINCE DE CONDE A S GERMAIN EN LAYE. , françaisRéférence RIM : M0_457. Cote locale : A_2_4.


ne peut desguiser les sentimens que toutes les lumieres diuines
luy donnent : tu és dans vne vie où tout te doit estre suspect, parce
que tout y est obscur, & dans tes interests, tu és obligé de
croire ceux qui viuent parmy les immortels, & qui voyent clairement
la verité de toutes choses. L’aduertissement de mon ombre
est vn fort bon sujet pour te soust aire de cette guerre ; & te
dis, que ce seroit vne grande faute à toy de presumer sçauoir
mieux de quel costé la iustice peut estre, que ceux qui en ont ressenty
& la correction & la peine. L’amour de ta patrie ne doit
pas estre vne chaleur de ton cœur, c’est vn deuoir de la nature
qui n’exempte aucune personne, & moins encore ceux qui auec
la naissance en ont retiré leur grandeur.
 
Ie me resioüis en moy mesme de voir que Paris trouue encore
dans ton ieune frere cette vertu & sagesse qui deuroit reluire en
toy, & cét amour dans des Princes estrangers que tu reiette de
ton cœur.
Mais que diront de toy les nations estrangeres, quel iugement
en formeront les ennemis de l’Estat & les enuieux de sa grãdeur ?
qu’vn Prince du sang Royal est le Prince de l’iniustice ; qu’vn
Prince de France est le persecuteur de ses peuples ; qu’vn Prince
de Condé est le seul protecteur des ennemis, que ses ayeuls ont
chassè du Royaume, par vn sermẽt qu’ils auoiẽt dõné de ne poser
iamais les armes qu’ils ne les eussent chassé, & tu les veux retenir.
Prince, si tu ayme la France comme tu t’en glorifie, tu dois suspendre
les effects de tes armes, pour ne pas réueiller dans les
cœurs des peuples de semblables desirs, & pource que ce seroit
vn moindre mal que Paris fut en cendre, si en l’y mettant tu ne
te reduisois en la poussiere.
C’est sans raison & sans iustice que ie te vois encore soustenant
le party de l’ẽnemy de l’Estat, soit que tu croye que Paris perisse
dans ton siege d’vne calote rouge, soit que tu presume de laisser
à la posterité vn exemple d’auoir vaincu en la fleur de tes ans la
ville la plus forte & plus inuincible du monde, tu peche en toutes
façons, en presomption, & en superbe.
Despoüille ces armes, puisque tu n’as à cõbatre que cõtre l’iniustice
de tes entreprises, ces ornemens militaires ne sõt pas propres
pour vne actiõ que i’ay estimé lache, & qui n’est cõmune qu’à
ceux qui portent l’iniustice ou la cupidité veulent te precipiter.
Si tu estois asseuré de subiuguer cette grande ville par tes forces,
Si Dieu t’auoit reuelé ce dessein tu ne deurois pas l’executer,
pour ne rendre pas si fort mesprisable les forces de Paris, qu’elles
puissẽt estre abbatuës par les menées d’vn Estrãger, tu ne deurois
pas le faire par des peuples qui sont ses vaincus, ou ses subjets.