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Mazarinade n° D_2_21a

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Anonyme [1649], DISCOVRS DE LA CLEMENCE ET DE LA IVSTICE, AV PARLEMENT, pour & contre Iules Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1114. Cote locale : D_2_21a.


comme pour les punir de leur courage & de leur fidelité. En effet tout le reste de
la campagne en les employant à ie ne sçay quoy, dont il n’a succedé autre chose
que de la fatigue, il a acheué de les accabler : de telle sorte qu’enfin les vainqueurs
ont eu sujet de porter enuie aux vaincus. S’il leur a fait toucher quelque argent,
c’est si peu, que leur necessité est plutost accreuë que diminuée : Et cõme ils auoient
esperé quelque chose apres tant de peines, le peu qu’ils ont receu estoit moins
pour les satisfaire que pour les desesperer : Et de fait plusieurs se sont iettez dans
l’armée des ennemis, & la paye a contraint leur necessité de seduire leur fidelité &
leur constance. Ainsi souuent ce traistre les fortifie en nous affoiblissant. Le reste
qui a peu combattre contre son malheur & contre les trahisons de ce perfide, s’en
est reuenu. O vous qui auez veu retourner cette armée, que vous vistes partir,
quelle difference ! quels François peuuent auoir le courage de s’en aller pour retourner
de la sorte ? Voila quelle ardeur ce cruel met en l’ame des Soldats de cét
Estat : c’est ainsi qu’il sçait attiedir ce feu que leur naissance & leur vertu leur donne,
& reduire en glace les plus belles flammes qui les embrasent de l’amour de
leur Prince, & du desir de mourir en le seruant. Mais voicy encores d’autres soupplesses
de sa malice pour rendre la France à tel poinct ennemie d’elle mesme,
qu’elle ne pense plus à d’autres ennemis. Ie laisse les grands & les fameux exemples,
les petits sont assez funestes & assez sanglans.
 
Voicy donc le Soldat qui arriue à la fin de la campagne, triste, miserable & desesperé,
chez d’aussi de consolez, d’aussi affligez, & d’aussi malheureux que luy. Le
Bourgeois & les Païsans le reçoiuent comme vn foudre qui doit acheuer de les
perdre. Cependant il demande à manger à des gens qui meurent de faim. Il se
plaint à eux du mal qui les tuë : mais comme la guerre l’a rendu plus âpre en sa
douleur ; Tout furieux de se voir si mal receu apres auoir ailleurs esté si mal traitté,
il iure, il menace, il tuë, il violle, & semble à dessein inuoquer & contre luy &
contre tout l’Estat les puissances vengeresses qui ne laissent point de si noirs crimes
impunis. L’oprimé en ce rencontre, ou languist ou expire, ou se plaint, & en toutes
sortes irrite le Ciel qui protege les innocens.
O Messeigneurs ! que ie ne vous represente point icy l’affreux & pitoyable spectacle
de deux hostes, dont l’vn le poignard à la gorge demande, & l’autre, les genoux
en terre, les mains au Ciel, & les larmes aux yeux refuse. Qui tous deux ensemble
dans de differentes actions prennent loy de la necessité, où vn barbare les
abysme : qui tous deux ensemble sont François, & que l’inhumanité seule d’vn
Sicilien desespere. C’est trop vous entretenir des malheurs de tant de miserables :
Ces objets sont trop tendres & trop sensibles ; & vous voyez assez les crimes de celuy
qui reduit la France en ce déplorable estat. Il est temps, Messeigneurs, que vous
en fassiez vne rigoureuse & seuere iustice. Apres tant d’inhumanitez & de barbaries,
ne merite-t’il pas de receuoir la mort, qu’il a si souuent donnée. Chaque miserable
qu’il a ruiné vous en solicite. Chaque vie a sa rage immolée demande l’immolation
de la sienne ; elle est deuë à chaque perfidie qu’il a commise : il la doit
au Roy, qu’il a cent fois laschement trahy ; à sa Maison qu’il a pillée ; à la France
qu’il a déchirée. Escoutez la voix d’vn Roy mineur qui vous la demande. Escoutez
la voix de ses armées, qui se plaignent de ce qu’il vit encores. Escoutez
enfin tout l’Estat ensemble qui vous dit qu’il n’est plus iuste qu’il respire.
Et toy Clemence, qui sans raison me resiste : Considere bien à quoy tu t’opposes :