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Mazarinade n° C_7_49

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Anonyme [1649], DISCOVRS DE LA CLEMENCE ET DE LA IVSTICE, AV PARLEMENT, pour & contre Iules Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1114. Cote locale : C_7_49.


estans fournies de bonnes garnisons, celles de France en sont tout à fait denuées :
Tellement que pour aller cette année à Ypre, il eust fallu auoir passe-port des ennemis.
Que les Volontaires de Saint Omer, d’Aire & de Cambray couroient iusques
dans les portes de toutes nos places circonuoisines ; auec autant d’asseurance,
& tenoient les François & le bagage qui passoit dans tout l’espace qui est entr’eux
& la mer, aussi bien seur que si déja il eust esté dans leurs propres murs. Que par ses
courses ils ont bien fait plus de prisõniers & de butin qu’on n’en a fait à la bataille
de Lens. Ie laisse ces choses qui luy reprochent autant de crimes, & ie ne veux reprocher
à ce perfide Sicilien, plus cruel que les Vespres mesmes Siciliennes, que le
triste estat des pauures Soldats. Cependant sous le pretexte de la guerre cét insatiable
auare se comble des biens de la France. On ne voit pas vn denier dans les armées.
Par là sa noire malice est trop découuerte. Comme il sçait que l’argent est
le nerf de la guerre, & la machine qui fait harmonieusement mouuoir ces grands
corps composez de tant de membres ; il tranche ce nerf, il soustrait cette machine ;
il épuise le Royaume, & ne remplit point les armées. Il met l’vn dans la necessité,
& y laisse l’autre. Ainsi de cét Estat il fait languir également les forces actiues &
les patientes en telle sorte que tout est prest à ietter le dernier soûpir. Ie l’ay dit
vne autre fois Dieu renuerse veritablement & dispose des desseins des hommes. Ie
le redis encore, & ne sçauroit iamais me lasser de le dire, quand ie considere comme
il conserue contre toute apparence ce que cét infame ministre veut perdre contre
toute raison. C’est son dessein que de donner aux ennemis tout l’auantage qui luy
sera possible : Il ne les attaque que mollement ; & encore pour abattre tout à fait ce
peu de vigueur qui reste dãs ses feintes attaques ; il les fait par des forces extenuées.
Ainsi pendant que l’armée de la cãpagne passée estoit dans sa force, il l’a enuoyée
perir deuant vne meschante ville, & a laissé perdre vne bonne place ; & comme si
Ypre eust esté preferable à Courtray, il a voulu qu’elle s’extenuast deuant celle-là,
sans auoir soin que d’abandonner celle-cy. Mais c’est oit encores peu qu’vne florissante
armée se fust extremement affoiblie deuant vne ville qu’on ne peut garder
qu’aux ennemis. La tirant de là comme si elle n’eust pas esté encores assez fatiguée,
il luy a fait tenir des routes égarées, & la fait courre les champs comme vne
folle sans conduite, sans ordre, ny sans autre dessein, que de l’affoiblir par tant de
courses par les trauaux d’vne saison ennuieuse, & d’vne disette sans exemple. En
fin comme il l’a veuë demie morte de faim & de peine, il l’enuoye au combat,
croyant plûtost l’enuoyer à la boucherie. Cependant Dieu donne la victoire à
celle-là, qui d’elle mesme estoit quasi vaincuë. Vn petit nombre de demy enseuelis
triomphe d’vn grand nombre de fraiz & de vigoureux ennemis. Ainsi ce
traistre voit ses trahisons succeder au rebours, & tomber sur l’Espagne le foudre
qu’il auoit pretendu de faire choir sur la France. Car enfin qu’il ne vienne pas se
vanter qu’elle a bien reüssi par son moyen : elle ne reconnoist d’autre que Dieu
pour Autheur du bien qui luy arriue : ny d’autre que luy pour Ingenieur des peines
qu’elle endure. On iuge assez de ses bonnes volontez par la suite d’vne si grande
victoire. N’a-t’il pas fait tout ce qu’il a peu pour en oster le fruict, qui sans luy
deuoit estre plus grand qu’il n’a esté ? Qui empeschoit qu’on n’assiegeast promptement
vne bonne place, & qu’on ne la prist : Quelle ignorance : mais plûtost quelle
malice en cét infame Ministre, qui au lieu de suiure vne si belle pointe, quand
personne ne pouuoit plus l’empescher, a voulu faire perir les Soldats vainqueurs :