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Mazarinade n° C_7_49

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Anonyme [1649], DISCOVRS DE LA CLEMENCE ET DE LA IVSTICE, AV PARLEMENT, pour & contre Iules Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1114. Cote locale : C_7_49.


par derriere, & en reste encores beaucoup pardeuant. Si vous considerez
I. Mazarin en tous ses iours, c’est vn voleur public, vn seruiteur infidele, & vn ennemy
juré de la France, qui tombant par tous ses crimes en celuy de leze Majesté
Diuine & humaine, ne peut estre assez puny que de la mort. Quoy donc, il le seroit
assez du bannissement & de la saisie de la moindre partie de ses biens ? Ce voleur
public, qui de l’esclat de la Majesté Royale a fait vn ombre, à l’abry de laquelle
il a pillé tous nos biens. Qui de la capitale de la France a estendu ses mains
harpies iusques aux extremitez du Royaume. Qui l’a épuisé de sang & de substãce
dans le cœur & dans les veines de toutes ses parties. Ie ne veux point icy representer
les cris furieux que des épuisemens si violens ont fait ietter à la plus grande
partie des peuples. Quoy que de pointures si sensibles, les douleurs fussent extremement
ameres, on a puny, comme rebellion, leurs iustes defenses, & peut estre
qu’à l’abord ils estoient trop delicats de ne pouuoir seigner vn moment pour le
seruice apparent de leur Prince. Laissons donques éuanoüir & dissiper ces premieres
clameurs, comme trop impetueuses & trop promptes. Mais, Seigneurs, escoutez
le reste des soûpirs du peuple affligé. Il y a long temps que son sang coule,
& qu’il n’a point assez de force pour crier. Il y a long temps qu’il soûpire & qu’il
sanglotte. Il y a long temps qu’il fait des plaintes, & qu’il verse des larmes. Enfin
peu à peu ces plaintes se sont abaissées : Ces larmes à faute d’humeur se sont toutes
sechées. Il n’a pas mesme la force de languir ; Il meurt à toute heure, ou s’il ne
meurt pas, ce qu’il fait n’est pas viure, c’est plûtost ietter les derniers soûpirs.
 
Encores s’il nous auoit souffert de ietter ces derniers soûpirs en patience. S’il
auoit permis au pauure Laboureur d’expirer sur la paille, ou dans les sillons, ou en
suant il seme dequoy nous nourrir. Mais les infames satellites de cét execrable
Tyran ont ajoûté douleurs à la mort, & ils ont pillé en vn moment ce qu’il auoit
recueilly des semances de toute sa vie : Et retournans auec encor plus d’inhumanité,
comme si sa pauure cabane vuide n’eust pas esté assez malheureuse, ils l’ont
traisné dedans les cachots des prisons : non pas auec dessein de le retirer d’vn lieu
où il n’auoit rien pour viure ; mais pour le renfermer dans vn autre où il pust mourir
plus malheureusement. Que n’est-il, Mess. des expressions assez fortes pour
vous dire toute la verité. Mais elle est trop extraordinaire & trop affreuse pour se
representer par des paroles. Toute la campagne deserte en son langage muet &
pitoyable, vous l’apprendroit mieux que moy. Les cabanes des paysans s’estõnent
d’estre des retraites de hiboux, que leur ont preparées des oiseaux de proye : elles
n’ont plus leurs hostes ordinaires : ou s’il leur en reste quelques vns, c’est pour
pleurer la captiuité ou la mort des autres qui ont tombé sous la main des Sergens,
comme sous la rage des ennemis. Si le bœuf restoit dans l’estable, il s’estonneroit
d’vn si long repos, & de ne voir plus le Maistre qui le faisoit viure, apres l’auoir fait
trauailler. La charruë abandonnée demeure inutile au milieu d’vn champ plein de
ronces & de chardons. En vn mot toute la campagne est vn affreux spectacle, qui
découure en ses deserts l’auarice insatiable d’vn seul voleur.
Mais les villes en sont-elles exemptes ? que peuuent-elles dire, ou plûtost que
peuuent-elles faire ? Les sources dont sortoient leurs richesses sont coupées, Pourroient-elles
manquer de tarir ? Cette abondance qui ne leur vient d’ailleurs que de
ces lieux où regne à present la disette, que peut-elle deuenir ? Helas ! plûtost qu’est-elle
deuenuë ? Ces pauures villes au lieu de s’employer au trauail, ne s’amusent