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Mazarinade n° C_7_49

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Anonyme [1649], DISCOVRS DE LA CLEMENCE ET DE LA IVSTICE, AV PARLEMENT, pour & contre Iules Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1114. Cote locale : C_7_49.


de ce souuerain Maistre de tous les Monarques, que par la foiblesse de mes
raisons : Et si vous considerez bien jusques à quel poinct il est continuellement
offensé ; & combien toutefois il est misericordieux, vous iugerez en ma faueur,
quoy qu’en puisse dire vostre Iustice, que les sentimens de douceur que ie vous
ay donnez quand vous auez prononcé les Arrests du bannissement de I. Mazarin,
& de la confiscation de ses biens, sont enfin dignes de vous & de luy.
 

LA IVSTICE.
QVE le bannissement du Mazarin soit digne de vous & de luy, Messegneurs,
à prendre les choses dans leur verité, à les penettrer iusques à leur source,
cela ne se peut dire. Si vous pensez, ô Clemence stateuse, des vices d’vn
monstre que tous les gens de bien abhorrent ; si vous dites, dis-je, que ses
crimes sont dignes de ce chastiment, ie l’auouë. Mais si vous en voulez conclurre
que le chastiment est digne des crimes, & faites vne conuersion reciproque de
l’vn à l’autre, ie le nie. Il y a plus en ceux-cy qu’en celuy-là, & la moderation de
l’vn ne s’accorde point à l’excez des autres. Quoy, vn homme de neant monté
par des moyens plus bas que sa naissance à des grandeurs plus hautes que son merite,
seroit assez puny du bannissement ? Si la vertu l’auoit arraché du centre mesme
de la poussiere, il feroit beau le voir maintenir par la mesme puissãce qui l’auroit
éleué. Vn diamant tiré de la bouë, n’en est pas moins éclattant quand il est
enchassé dans l’or. Mais il est vn rebut de la nature & de la naissance, que des crimes
ont éleué, & que des crimes veulent soûtenir, & que ce n’est point assez de
chasser, mais qu’on doit exterminer. Ne faisons point aux autres ce que nous
ne voudrions point qu’on nous fist, Messeigneurs, & n’enuoyons point chez eux ce
que nous ne voudrions point qu’ils enuoyassent chez nous. Hercules, inuincibles,
deliurez la terre d’vn monstre, & ne faites point vn coup à demy genereux & à
demy cruel ; & du quel si nous pouuons nous réjouïr icy, on puisse vn iour s’affliger
ailleurs.
Ie voy bien que vous croyez, que c’est vn assez grand supplice à cét Eminent de
n’estre plus que Mazarin. Mais ne vous trompez pas : c’est peu de chose de luy
oster apparemment vne qualité dont il se reserue de si belles marques. Tant
qu’il disposera de nos Louïs, il conseruera trop son Eminence. En vn mot, ie ne
puis comprendre quelle punition c’est de le renuoyer chez soy jouïr de ce qu’il
a volé chez nous. C’est vne espece de douceur plus molle & plus facile que la grace,
mon ennemie, ou plûtost (si ie le dois dire dans les apres termes de ma seuerité
ordinaire) c’est vne grace d’impuissance, qui cessant d’estre puissante, ne cesse
pourtant pas d’estre grace. Car n’est-il pas vray, Messeigneurs, qu’en le laissant
paisiblement jouïr de ce qu’il nous a pris, vous semblez consentir aux vols qu’il
nous a faits ; & luy dire auec douleur, Nous n’auons plus rien à vous donner, retirez
vous en paix. Ah ! Seigneurs, agissez contre luy auec plus de rigueur. Mais
quel droict à mon injuste plainte, puis que déja vous auez agy ? On entend par
tout retentir vostre Arrest de la confiscation de ses biens ; & cette rare & genereuse
prudence, la liberatrice de tant de miserables oppressez a déja preuenu cét aduis.
Quoy que vous ayez fait toutefois de grand & de genereux, Messeigneurs,
il me semble que la carriere est encore longue, & que si vous en auez laissé beaucoup