[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° E_1_130

Image de la page

Anonyme [1649], DIALOGVE ENTRE LE ROY DE BRONZE. ET LA SAMARITAINE. Sur les affaires du temps present. , françaisRéférence RIM : M0_1090. Cote locale : E_1_130.


vostre pauure France est suiette à tomber, comme on dit, de fiéure
en haut mal : & Mazarin a si auantageusement enchery sur Armand
qu’il est bien mal aisé qu’vn autre puisse encherir sur Mazarin.
Ie sçay bien qu’il faut auoir la foy bonne pour ne reuoquer
rien en doute de tout ce que les flateurs ont chanté de ce premier,
puisqu’à leur conte il n’estoit point de vertu qui ne fût Cardinale :
mais ie ne me figure pas moins de malice à ne les croire en rien,
que de simplicité à les croire en tout. Son ame n’estoit pas si belle
que nous la depeignoit Monsieur Panegyrique (qui, dit-on, commence
à se morfondre vn peu) mais aussi n’estoit elle pas si laide
que nous là faisoit Dame Satyre, qui fait maintenant la Diablesse
à quatre. Armand aimant les Muses leur faisoit du bien, Et certes
ce n’estoit pas en faire à des ingrates, puisque connoissant la
vanité du personnage, elles ont de si bonne grace couronné son
merite imaginaire des plus belles fleurs du Parnasse, & formé ses
loüanges indifferemment des vertus qu’il auoit, & de celles qu’il
n’auoit pas : Mazarin ne les aima iamais, peut estre à cause qu’il a
ouy dire que leur chasteté n’est pas de celles qui se laissent corrompre :
& l’on ne sçait qui a receu moins de faueurs, ou elles de luy, ou
luy d’elles. Car enfin son esprit est trop brutal, pour n’estre pas incapable
mesmes de leurs moindres presents. Armand peut se vanter
d’auoir marié ces pauures filles, que les plus sages courtisoient sans
dessein de les espouser : parce qu’elles n’auoient point de dot. Mais
si sous Mazarin elles ne courent risque, comme elles ont fait autrefois,
de viure long temps filles : ie crains fort pour elles, qu’elles ne
meurent vefues : non pas comme moy, chacune d’vn septiesme
mary, mais d’vn premier seulement. Armand tiroit iusqu’au sang du
peuple. Mazarin en fait bien autant. Mais Armand faisant de ce sang,
ce que ie fais de l’eau de la Seine que ie verse dans la riuiere d’où il
estoit sorty. Il en sustentoit mille beaux esprits, qui sans luy fussent
morts de faim : & ce qu’il s’en reseruoit ne passoit, ny les Alpes ny
les Pyrenées, comme les innombrables sommes dont cette Harpie
a remply le Mont de Pieté de Rome, & les banques de Venise, pour
ne point parler des bourses d’Amsterdam. Armand aimoit l’aggrandissement
de sa maison. Mazarin aime aussi celuy de la sienne. Mais
Armand songeoit aussi à l’aggrandissement de l’Estat de son Maistre,
& Maarin en machine la perte ineuitable, si Dieu n’a pitié de