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Mazarinade n° A_7_54

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Anonyme [1649], LE TABLEAV DES TYRANS FAVORIS, ET LA DESCRIPTION des maluersations qu’ils commettent dans les Estats qu’ils gouuernent. ENVOYÉ PAR L’ESPAGNE A LA FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_3746. Cote locale : A_7_54.


& en vrais, & fideles Espagnols, remonstrer au Roy, le malheureux
Estat où l’ambition, & l’auarice du Comte Duc m’auoit
mis auec mes peuples. Ce Prince ne fut pas sourd à leurs iustes remonstrances,
& en leur donnant vne fauorable audiance, il leur
tesmoigna bien assez qu’elles luy estoient agreables. De cette plainte
des grands, n’asquit celle des petits, & de ceux cy à ceux-là : de
façon que le Clergé, la Noblesse, & le Tiers-Estat ne s’espargnerent
point à representer au Roy qu’il arriueroit vne subuersion à la
Monarchie si le Ministre d’Estat qui en auoit le gouuernement n’estoit
osté de cette charge, dont tout le monde le trouuoit indigne.
 
La Iustice aussi bien qu’en vostre Estat, Auguste Princesse, fit des
plaintes si amples & si iustes contre ce Fauory, touchant le retranchement,
& de leur authorité, & de leurs gages, dont il s’attribuoit
la seule vtilité, que le Roy promist d’y apporter du remede. L’on
ne voyoit point apporter de secours à ce mal, quand tout Madrid
émeu & armé, comme n’aguere a fait la premiere Cité de vostre
Empire, commit au Roy des Deputez pour luy demander raison de
l’iniustice qu’on faisoit de ne point remedier à leurs desordres, &
de ne donner point à la vengeance publique l’autheur de toutes ses
miseres.
A cette fois, ce tumulte confus mit le Roy en vne si grande apprehension,
& moy en vne si grande crainte de voir arriuer nostre perte
en recherchant nostre salut, que me monstrant au Prince dans
vne desolation toute entiere, ma peine fut vne augmentation à la
sienne. Comme vn bon Pilote, il fit tout ce que l’art & l’experience
luy auoient appris pour garentir ses Estats & les miens, de naufrage,
& sans plus temporiser, il n’abandonna pas le Duc, qu’il
estoit les delices de son affection, au peuple : mais par vne voïe plus
douce, il creut qu’il n’y auoit point de plus iuste moyen de le chastier,
que de le mettre entre les mains de la Iustice.
Ceux qui ont ordre de la rendre en mes Estats aussi souuerainement
que fait le Parlement au vostre, ne voulans pas faire cet affront
à leur Prince, que de faire passer par les mains d’vn bourreau
ce larron audacieux qui s’estoit enrichy de la ruine des peuples, le
condamnerent à vne prison perpetuelle. Ainsi cette indulgence
loüée par le Roy, luy fit agréer l’Arrest que l’on donna contre son
Fauory, qu’en son ame il croyoit mieux meriter la mort qu’vne captiuité
trop douce pour vn crime si enorme, que de voler impunement
son Roy, & son peuple. Voilà vn exemple de clemence plustost
que de Iustice : car pour tous les maux que ce Tyran auoit
commis contre Dieu, contre son Roy, & contre sa Patrie ; qui doute
qu’il ne meritoit vn chastiment bien plus seuere ? Le Roy eut cette
constance & cette vertu particuliere de ne tesmoigner point de
ressentimẽt de la misere de sõ premier Ministre : & c’est par là aussi,
qu’il tesmoigna tout de bon à ses Subiets, que l’amitié qu’il auoit