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Mazarinade n° A_7_54

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Anonyme [1649], LE TABLEAV DES TYRANS FAVORIS, ET LA DESCRIPTION des maluersations qu’ils commettent dans les Estats qu’ils gouuernent. ENVOYÉ PAR L’ESPAGNE A LA FRANCE. , françaisRéférence RIM : M0_3746. Cote locale : A_7_54.



Il fut ambitieux au dernier poinct à n’en point mentir, & pour
n’estre que le Cadet d’vne maison de Gentilhomme, voyez à quelles
hautes dignitez il paruint ? Il deuint de Cardinal, Duc & Pair de
France, Grand Maistre, & Sur-Intendant General de la Nauigation,
& Commerce de vostre Royaume, Lieutenant general pour
le Roy en Bretagne. Il eut le bonheur de soustenir sous le nouueau
nom de vanité du premier Ministre d’Estat, sa fortune contre les efforts
iustes & legitimes de la deffuncte Reyne, Marie de Medecis
sa Maistresse & bien-faictrice, & des Princes du Sang, & des plus
grands de vostre Monarchie. Ainsi pour rendre sa maison qui
estoit dans l’indigence la plus illustre de France, en charges & en
qualitez, & la plus puissante en biens & mesme pour paruenir au
Gouuernement absolu de vostre Royaume, il le fit entrer dans vne
guerre ouuerte auec le nostre, dont vous & moy sentons encore
les incommoditez.
Il ne faut pas estre beaucoup sçauant aux affaires d’Estat, pour ne
sçauoir pas que sa Politique l’obligea à cette rupture de nostre alliance,
afin que par des leuées extraordinaires & excessiues de deniers
sur vos Subiets, de toute sorte de condition causées par le pretexte
de la guerre il s’enrichit de ces sommes immenses, desquelles
il a consommé, selon le rapport qu’on en a fait, la plus grande partie
par vn nombre infiny de comptant. Par le moyen des contributions
volontaires de tous les Monopoleurs de vostre Royaume,
desquels il a tousiours authorisé les propositions, & protegé le
party, il fit vn fond prodigieux de deniers, pour rendre vn fief, portant
ce nom renommé de Richelieu, de deux mille liures de rente,
le seul gage de sa maison, vn Chasteau le plus superbe bastiment de
l’Europe, qui contient en soy vos plus riches dépoüilles, accompagné
d’vne Ville portant le titre de Duché, Pairie, du reuenu de cent
mille liures. Il a outre plus, m’a-t’on dit, laissé à ses heritiers les terres
les plus seigneuriales de vostre Estat, & du plus grand reuenu ; &
donné à ses autres parens le moyen de posseder les plus hautes
charges & les plus beaux biens du Royaume. Il a donné mesme à
vne veufue sa niepce, de laquelle le nom est si connu dans vostre
Histoire, pour auoir esté fait l’obiect de l’amour coniugal de vos
Princes du Sang, le pouuoir de s’éleuer iusqu’à la qualité de Duchesse,
& de luy faire vn reuenu de quatre cens mille liures par an.
Enfin, il est mort le plus riche homme de vostre Royaume, & a
laissé sa famille la plus opulente qu’aucune autre qui y reside.
O chere France ! vous vous estiez consolée dans vostre mal, par
l’attente d’vn meilleur gouuernement, & du soulagement de vos
peuples, que vous auiez estimé que la mort de ce Cardinal apporteroit :
mais le deceds du deffunct Roy, ayant suiuy celuy de son