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Mazarinade n° C_7_14

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Anonyme [1649], DIALOGVE ENTRE LE ROY DE BRONZE, ET LA SAMARITAINE. Sur les affaires du temps present. , françaisRéférence RIM : M0_1090. Cote locale : C_7_14.


vostre pauure France est suiete à tomber, comme on dit, de fiévre
en haut mal : & Mazarin a si auantageusement en chery sur Armand,
qu’il est bien mal-aisé qu’vn autre puisse encherir sur Mazarin.
Ie sçay bien qu’il faut auoir la foy bonne pour ne reuoquer
rien en doute de tout ce que les flateurs ont chanté de ce premier,
puisqu’à leur conte il n’estoit point de vertu qui ne fût Cardinale :
mais ie ne me figure pas moins de malice à ne les croire en rien,
que de simplicité à les croire en tout. Son ame n’estoit pas si belle
que nous la depeignoit Monsieur Panegyrique (qui, dit-on, commence
à se morfondre vn peu) mais aussi n’est-elle pas si laide
que nous la faisoit Dame Satyre, qui fait maintenant la Diablesse
à quatre. Armand aimant les Muses leur faisoit du bien, Et certes
ce n’estoit pas en faire à des ingrates, puisque connoissant la vanité
du personnage, elles ont de si bonne grace couronné son
merite imaginaire des plus belles fleurs du Parnasse, & formé ses
loüanges indifferemment des vertus qu’il auoit, & de celles qu’il
n’auoit pas : Mazarin ne les aima iamais, peut-estre à cause qu’il a
ouy dire que leur chasteté n’est pas de celles qui se laissent corrompre :
& l’on ne sçait qui a receu moins de faueurs, ou elles de
luy, ou luy d’elles. Car enfin son esprit est trop brutal, pour n’estre
pas incapable mesmes de leurs moindres presens. Armand peut se
vanter d’auoir marié ces pauures filles, que les plus sages courtisoient
sans dessein de les espouser : parce qu’elles n’auoient point
de dot. Mais si sous Mazarin elles ne courent risque, comme elles
ont fait autrefois, de viure long temps filles : ie crains fort pour elles,
qu’elles ne meurent vefues : non pas comme moy, chacune
d’vn septiesme mary, mais d’vn premier seulement. Armand tiroit
iusqu’au sang du peuple. Mazarin en fait bien autant. Mais Armand
faisant de ce sang, ce que ie fais de l’eau de la Seine que ie
verse dans la riuiere d’où ie l’ay puisée, le laissoit goutte à goutte
rentrer dans les veines d’où il estoit sorty. Il en sustentoit mille
beaux esprits, qui sans luy fussent morts de faim : & ce qu’il s’en
reseruoit, ne passoit ny les Alpes ny les Pyrenées, comme les innombrables
sommes dont cette Harpie a remply le Mont de Pieté
de Rome, & les banques de Venise, pour ne point parler des
bourses d’Amsterdam. Armand aimoit l’aggrandissement de sa
maison. Mazarin aime aussi celuy de la sienne. Mais Armand songeoit
aussi à l’aggrandissement de l’Estat de son Maistre, & Mazarin