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Mazarinade n° C_6_59

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Anonyme [1649], LE POLITIQVE CHRESTIEN. DE S. GERMAIN. A LA REYNE. , françaisRéférence RIM : M0_2811. Cote locale : C_6_59.


vertus ont esté bannies absolument du gouuernemẽt de la France.
L’on a desesperé le Peuple par des oppressions qu’on n’eust pas
souffertes en Turquie. On la reduit à paistre l’herbe, & le glã. On
a contraint les femmes à écraser leurs enfans ; & à s’estouffer elles-mesmes.
On a rẽpli les prisons & les cachots de gẽs qui n’estoient
coulpables, que parce qu’ils estoient mal-heureux. La pauureté
qui faisoit leur misere, faisoit encor leur crime. On les a assassinés
& massacrez, parce qu’ils ne donnoient pas l’argẽt qu’ils n’auoient
point, & qu’ils ne pouuoient dõner. L’on a pris les Prestres à la barbe,
lors qu’ils sont venus au secours de leurs Paroissiens, immolez
à la fureur des Fuzeliers & des Partisãs. La vefue & l’orphelin ont
ploré, & il n’y a eu que le Ciel qui les ait escoutez. Ils n’ont point
trouué d’autre Iustice parmy les hõmes, que celle qui pouuoit authoriser
la vexatiõ Leurs sãglots & leurs souspirs pouuoiẽt biẽ les
suffoquer : mais ils ne pouuoiẽt pas toucher les cœurs de ceux qui
exerçoiẽt l’authorité Royale. Que peut-on dire de l’insolẽce que
nos gẽs de guerre ont cõmise dãs les armées ? Ils ont bruslé les Eglises,
rẽuersé les Autels, pollué les vaisseaux sacrez, violé les Religieuses,
saccagé les Monasteres, tué les Religieux, foulé les Reliques
aux pieds, dõné le S. Sacrement aux cheuaux. Ils ont fait ce qu’on
ne peut dire sãs horreur, & que vo9 ne pouuez entẽdre sãs fremir.
 
Il est aisé, MADAME, de iuger comment nous faisons la guerre
parmy les Estrangers, par l’exemple de celle qu’on a faite à Paris,
On a meslé le sang des meres auec le laict des enfans ; On a forcé
les Vierges, & les filles de huictans, iusques dans les Eglises ; On
a foulé le Corps de Iesus-Christ aux pieds ; On a exposé nuds les
prisonniers à la rigueur de l’Hyuer, & à l’opprobre de la nature.
On a fait ce que les Tartares n’auroient pas voulu faire, en l’irruption
d’vn Siege. Et tout cela s’est fait, MADAME, Sous la Regence
de la meilleure Princesse du monde, qui auoit tesmoigné
tant de compassion de la misere de ses subjets, lors qu’elle ne les
pouuoit soulager. Et tout cela se feroit encor à l’aduenir, si Dieu
n’y mettoit la main. Car les hommes qui nous gouuernoient, n’étoient
point disposez de la l’y mettre. Ils auoient dépoüillé tout
sentiment d’humanité, pour nous gouuerner, non plus d’vne façon
humaine, mais d’vne maniere feroce & sauuage.
Nous ne voulons point, MADAME, exaggerer ces desordres,
Nous sçauons que Dieu a donné l’esprit de Religion & de Pieté à
V. M. mais nous pouuons l’asseurer qu’il n’y a iamais eu Royaume
qui n’ayt succombé à quelque notable calamité, quand il a succombé