M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : D_2_36.
Page précédent(e)

Page suivant(e)

-- 19 --

qu’il touchast vn peu à l’auarice qui tend à la conseruation,
que non pas à la prodigalité qui ne fait que tout dissiper.

 

Ie sçay bien qu’on peut m’alleguer que dedans vn Estat
plusieurs attendent les graces du Prince, & que qui n’en contente
pas vn, attire la haine de tout le monde. Qu’au moins
il faut en satisfaire quelques-vns pour ne les apprehender pas
tous. Que ceux que l’on met dedans la faueur sont obligez
pour la conseruer, de se tenir dedans leur deuoir ; & que ceux
qui n’ont rien obtenu sont contraints de viure dans leur impuissance.
Il me semble toutesfois qu’il vaudroit bien mieux
que tous fussent également traittez, que quelques-vns mal
contens : Personne de cette façon ne pouuant se plaindre,
personne aussi ne pourroit rien attenter. Car enfin ceux que la
faueur met au suprême degré, n’entreprennent rien contre
l’Estat, que parce qu’ils s’estiment assez puissants : Or ils ne
peuuent estre assez puissans sans estre secondez, ny secondez
que des mal-contens ; Cette maxime doncques d’en fauoriser
quelques vns, & non pas tous, est dangereuse des deux
costez, & donne à craindre, & celuy qui est en faueur, & celuy
qui est en mespris. Ce n’est pas que ie tienne qu’il ne faille
rien donner à personne. Vn Roy ne peut pas tout seul agir
dans les diuerses parties de son Estat. Le Soleil mesme ne
communique pas sa lumiere sans le secours d’vn estre moyen
entre luy, & la surface des choses qu’il esclaire. Il faut donc
qu’il donne les charges de son Royaume à quelques-vns de
ses sujets, & qu’il communique sa puissance pour la rendre
plus absoluë. Mais aussi il faut qu’il dispence ses faueurs auec
echonomie, & qu’il n’enrichisse point vn seul de ce qui peut
enrichir plusieurs. Cette maxime n’ayant point esté obseruée
en la fortune du Prince de Condé, à quel degré de puissance
& d’authorité n’est-elle point montée. Toutes choses dans
cét Estat dépendoient de luy plus que de la volonté de la Reine
Regente : La differance des heureux & des malheureux,
ne se faisoit que par ses amis & ses ennemis : Sa faueur estoit
tout celle qu’on pouuoit pretendre, & sa disgrace toute
celle qu’on deuoit redouter. Cependant en faisant trembler

Page précédent(e)

Page suivant(e)


M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : D_2_36.