Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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Tant il parloit auec science,
De l’Eternelle Prouidence,
Et du mal qu’on fait auiourd’huy,
Mais ce n’estoit pourtant pas luy.

 

 


Les vns ont vendu leur patrie,
Et pour de l’or l’ont asseruie,
Sous le pouuoir d’vn Estranger,
Qui prend plaisir à la ronger :
L’application est facile,
Sans forcer le sens de Virgille.
Ils ont fait Edicts & rayez,
Selon qu’ils en furent payez :
C’est ce que dit la médisance,
De la derniere Conference,
De la derniere Conference,
Où l’on a cassé nos Arrests,
Et l’hõme est plus grand que iamais.

 

 


L’vn de sa fille fist sa femme,
Par vne incestueuse flamme ;
Generalement en ce lieu,
Nul n’est pour auoir prié Dieu,
Et d’autres que i’oubliois presques,
Pour auoit fait des vers Burlesques,
A dire toutes les façons,
Dont on bat ces mauuais garçons,
Et dont on ramonne leurs costes,
Tous leurs tourmés, toutes leurs fautes,
La bouche de Gargatuas,
Monsieur, ne me suffiroit pas.

 

 


La Sybille au bout de son roole,
Demeura sur cette parole,
Et luy dit, d’Achise le fils,
Nous auons nostre temps précis,
Ces pays sont mal agreables,
Laissons en repos tous les diables ;
Marchons voicy nostre chemin,
Nous pourrons voir l’Enfer demain.
Ie croy desia m’estre apperceüe,
Moy qui n’ay point mauuaise veüe,
D’vne cheminée & d’vn huis,
Regardez plustost d’où ie suis,
C’est, ie croy, la porte cochere,
Et si ie ne me trompe guere,
Ie le connois c’est le logis,
Où les cycloppes font leur nids,
Ou de donner on nous commande,
Nostre rameau d’or à l’offrande.
Ce dit, ils marchent à grands pas,
Vn cheual ne les suiuroit pas,
Non pas mesme s’il alloit l’amble,
Deux Cordeliers qui vont ensemble,
Quand on commence le soupper,
Ne les pourroient pas attrapper,
(I’entends ceux qui sont en la ruë,
Quand on a sonné la repuë.)

 

 


Ils vont comme Freres Mineurs,
A la maison de ces forgeurs :
Æneas à la porte aduance,
Où Virgille dit qu’il commence
A prendre auec qu’il commence
A prendre auec deuotion,
De l’eau fraische, beniste, ou non,
Pour moy ie ne vais pas si viste,
Mais si ce ne fut eau beniste,
Il meritoit bien que c’en fut,
Dans cette pieté qu’il eut.

 

 


Ayans procedé de la sorte,
Il ficha sa branche à la porte,
De là le gaillard fit vn saut,
Pour auoir fait tout ce qu’il faut,
Et comme si cette gambade,
Qu’il auoit fait par boutade,
En d’autres païs l’eut mené,
Il se trouue bien estonné,
Quand il cõtemple vn vaste Empire,
Où tout semble creuer de rire ;
Des grandes plaines, de beaux prez,
Que la Nature a chamarez
Des fontaines & des cascades,
Des canaux bordez de Nayades,
Il vit comme il auoit bon nez,
Que c’estoient les lieux fortunez :
Vn air guay, que mesme vn Zephyre
N’oseroit troubler, s’y respire ;
Le iour y semble estre fardé,
Ou qu’il se soit accommodé,
Pour receuoir le sieur Enée,
Ou qu’en cette illustre iournée,
Il ait emprunté des rubis,
Ou qu’il ait loüé des habits,
Les plus beaux de la Fripperie,
Auec le plus de broderie :
Son teint est plus blanc qu’vn satin,
Il a la fraischeur du matin,
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Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.