Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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& Monsieur de Brezé pouuoient songer à poursuiure pour luy la suruiuance
de toutes leurs Charges, de tous leurs Gouuernemens, de tout ce
que generallement ils tenoient de la Cour. Il ne falloit pas l’obmettre,
est-ce là tout ? Ie m’estonne que le Cardinal Mazarin soit demeuré en si
beau chemin : Il pouuoit ce me semble aller bien plus loing, personne ne
mettoit de bornes à son imagination eschaussée. Au lieu de pretentions
raisonnables, comme auroient esté celles-cy, il pouuoit leur imputer de
plus grands crimes ; Et luy qui a tant leu Machiauel ne deuoit pas les accuser
faussement, si ce n’estoit de quelque forfait estrange. Cependant la
verité est, que Monsieur le Mareschal de Brezé n’a pas dit vn mot de
toutes ces choses, qu’il ne les a pensées. Or dans cette rapidité où le
Cardinal Mazarin s’est laissé emporter d’imposer des fautes de toutes
sortes, & d’entasser crime sur crime sans mesure, sans raison, sans apparence ;
il ne s’est pas apperceu qu’en cét endroit, il a fait l’Apologie de
Monsieur le Prince, & destruit ce qu’il auoit tasché d’establir dans tout
son discours auec tant d’artifice, & de soin. Comme quoy pourra-t’il
persuader qu’vn homme, qui auec vn si estrange emportement qu’il le figure,
recherchoit les grands establissemens pour s’ésleuer à vne puissance
formidable, ayt voulu en ce mesme temps se dépoüiller volontairement
du Gouuernement d’vne Prouince : peu de gens sans doute auront assez
de foy pour le croire. Et si ç’a esté là le resultat des conseils de nostre famille,
ie ne voy pas qu’ils ayent esté pernicieux à l’Estat.

 

Mais le moyen de soustenir comme fait le Cardinal Mazarin, que les visites
des proches sont deuenuës criminelles ? Que la bonne intelligence des
freres passe pour vne conspiration ? Que la charité mutuelle des familles
est vn crime de leze Majesté ? Qu’on doit punir la concorde des parens
qui est le fondement des autres vertus ? Nous sommes bien mal-heureux
s’il change ainsi nos mœurs ; nous auons desia parmy nous assez de deffauts
de sa Nation. La deffiance & la perfidie ne souffrent pas que ces mauuaises
maximes acheuent de nous peruertir. En effet, qui auparauant luy
auoit iamais oüy parler de ces conseils de familles ? sinon pour en loüer
l’vnion si belle & si souhaittable, qu’elle doit faire le plus grand desir des
gens de bien : & qu’elle a tousiours attiré les benedictions du Ciel, & les
eloges des hommes sur ceux qui l’ont cultiuée.

En cet endroit le Cardinal Mazarin s’efforce d’appuyer son attentat de
l’approbation des autres Ministres ; mais de la maniere qu’il en parle il offense
sans doute, & la plus sage & la plus saine partie du Conseil. Nous ne
doutons point en effet, que tout ce que la fortune luy a donné de flateurs
n’ayent aplaudy à sa hayne, aux despens de leur conscience & de la ruïne
de l’Estat. Mais nous sçauons bien que les fidelles seruiteurs de sa Majesté
n’ont point eu de part à son crime : qu’ils le blasment, ainsi qu’ils l’ont en
horreur, qu’ils condamnent la meschanceté de celuy qui l’a commis, de

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Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.