Sipois, Cermier de (P. A. N.) [signé] [1649], LETTRE DV SIEVR CERMIER DE SIPOIS, A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS. SVR LES DEFFIANCES DE de quelques particuliers touchant la Paix. , français, latinRéférence RIM : M0_2198. Cote locale : C_3_49.
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qu’enuers leurs propres suiets, qu’il n’y a rien au monde
qui soit plus digne d’vn grand cœur, que la douceur &
la clemence ; & tout au contraire, rien de plus indigne
& de plus messeant, que l’appetit & la passion de la vengeance.

 

Nos Politiques du temps ne sçauroient gouster ces
exemples : parce que comme il ne respirent que les meurtres
& le sang, ils s’imaginent que c’est vn effet de poltronnerie
d’estre indulgent enuers des delinquans, & ne
suggerent autre chose aux oreilles des Princes, sinon
que la grande bonté & facilité les rend méprisables, &
que c’est elle qui a rendu Louys le debonnaire contemptible
aux siens mesme. I’aduoüe qu’vn Prince doit estre
tellement misericordieux, qu’il punisse neantmoins les
crimes : Ie sçais bien que le grand Saint Louys disoit que
c’estoit vne espece de cruauté de ne pas punir les coupables,
quoy que les publiques soient plus apparantes &
plus lourdes, neantmoins parce qu’elles ont ordinairement
de plus mauuaises suites, & que bien souuent pensant
esteindre vn petit feu, on le rend plus violant. C’est
la raison pourquoy vn Prince bien aduisé les pardonne,
particulierement pour vne premiere fois ; Car venant à
faire reflexion que les armes sont iournalieres, & qu’il
n’y a rien à craindre comme vne populace irritée, qui
change quelque fois son desespoir en vertu : il ayme
beaucoup mieux, à la façon d’vn bon Pilote, obeïr sagement
à la tempeste, que d’y resister & s’y opposer inutilement.
C’est ainsi que se sont comportez les Princes
les plus auisez, pour calmer les esprits de leurs peuples,
& nous voyons par tout dans les Histoires, que ceux qui
se fians par trop à leurs propres forces, ont voulu punir
& chastier rigoureusement leurs suiets, se sont trouuez
mal de leur procedé, & n’y ont rien gagné que leur
propre ruïne ; Car de croire qu’il soit aisé de venir à
bout d’vn peuple, parce qu’il n’est pas aguery, c’est se
tromper : Outre qu’il est impossible qu’il n’y en aye dans

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Sipois, Cermier de (P. A. N.) [signé] [1649], LETTRE DV SIEVR CERMIER DE SIPOIS, A MONSEIGNEVR LE DVC D’ORLEANS. SVR LES DEFFIANCES DE de quelques particuliers touchant la Paix. , français, latinRéférence RIM : M0_2198. Cote locale : C_3_49.