Anonyme [1649], ADVERTISSEMENT A COHON, EVESQVE DE DOL ET DE FRAVDE: PAR LES CVISTRES de l’Vniversité de Paris. , français, latinRéférence RIM : M0_444. Cote locale : A_2_17.
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ADVERTISSEMENT A
COHON,
EVESQVE DE DOL ET DE FRAVDE :
PAR LES CVISTRES
de l’Vniversité de Paris.

Iouxte la Copie imprimée à Doüay.

M. DC. XLIX.

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ADVERTISSEMENT AV SIEVR
COHON, EVESQVE
DE DOL ET DE FRAVDE :
PAR LES CVISTRES DE L’VNIVERSITÉ.

MONSIEVR,

Vos anciens Camarades, qui ont autrefois servy comme
vous dans l’Vniversité de Paris, apres avoir leu exactement
& dechiffré votre belle lettre escriteau Cardinal Maz. en date
du 16. Fevrier de la presente année, se sont estonnez avec
raison, de votre impertinence, & de votre peu de jugement,
de vous estre ainsi oublié vous mesme, qui avez tant de fois
detesté publiquement l’ingratitude & la trahison, qui avez
prêché l’humilité & la douceur ; & que vous soyez aujourd’huy
devenu traitre & arrogant, & ayez perdu le souvenir
de votre naissance & de ce que vous avez esté, pour faire
comparaison avec le plus Auguste Parlement de l’Europe, &
mepriser & trahir les Cours Souveraines, les traiter impudemment
de gens de Chicane : Avez-vous de-ja oublié les
plaisirs qu’ils vous ont fait, & la bonne justice qu’ils vous
ont renduë ? Sçavez-vous pas bien qu’à Poitiers le Grand-Conseil
vous tira de la necessité, quand il vous adjugea le premier
Benefice que vous ayez jamais possedé ? Ce fut ce qui
vous donna du pain : Et tost apres, le Parlement prenant
compassion de vous, en fit de mesme en pareil rencontre.
Vous avez donc fait comme le mulet qui donne le coup de
pied à sa mere, quand il est soul ; Hé quoy, ne vous souvient
il plus de votre vie passée, quand votre arrogance & votre
gloire vous fit chasser du colege, où l’on ne pouvoit vous
souffrir ? La charité des Ecoliers & ceux à qui vous tendiez
la main, vous donnerent de quoy vivre dans vn grenier en la
ruë des Quatre vents chez vne fruitiere ; Là, comme vous
estiez fils d’vn pauvre savetier, & par consequent exempt d’aprentissage,

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vous travailliez en toute seureté, votre pere vous
ayant laissé sa hotte garnie de toutes sortes d’outils necessaires
au mestier, pour refaire vn soulier, & travailler pour autruy
en cas de besoin : Il est vray qu’en tirant vos rivets aux
jours de recreation & de congé, vous estiez d’vne conversation
assez agreable, là, on vous voyoit assez complaisant, aimant
mieux à l’exemple de ce grand Romain, estre le premier
dans votre grenier, que le second dans la ville de Rome.
On dit bien vray, que les honneurs changent les mœurs, depuis
le commencement de votre fortune, vous estes devenu
extremement insolent ; pour vous tenir dans la modestie, il
vous faloit faire comme le Roy Agathocle, lequel en prenant
ses repas, parmy ses vases d’or en faisoit mettre de terre, pour
ne point oublier son extraction, & demeurer toujours dans
l’humilité. Ayez donc devant les yeux, à l’exemple de ce
grand Roy, vne boëtte garnie d’outils de savetier, pour vous
retenir dans la modestie, faite vne reflexion sur votre naissance,
dans vos prosperitez : Peut-estre si vous eussiez pratiqué
ces beaux preceptes, cela vous auroit servy beaucoup, & vous
auroit exempte de ce qui vous arriva à Nismes, que tout le
monde sçait tres-bien, lors que vous futes atteint & convaincu
du crime de fausse monnoye, & d’avoir debauché bonne
partie des Dames de la Ville, & en dessein de corrompre le
reste à qui votre appetit desordonné s’acharneroit ; quand le
defunt Cardinal de Richelieu, par vn Arrest du Conseil fit
evoquer le tout, & vous sauva la vie, ne voulant pas vous
perdre, puisqu’il vous a voit mis au monde par ses liberalitez.
Vous avez quitté Nismes, pour aller à Dol, Cælum, non animum,
qui trans mare currunt, mutant : Votre vie scandaleuse
& de mauvais exemple, vous a suivy par-tout, & vous a fait
chasser honteusement de cette belle demeure & de ce beau
sejour : & comme le vice cherche le vice, & qu’vn abyme
attire vn autre abyme, les personnes vertueuses & sages
vous ayant abandonné, vous vous estes jetté entre les bras &
donné entierement à Iules Mazarin, le plus mechant, le plus
fourbe, & le plus criminel personnage de l’Europe, sous pretexte
d’attraper quelque pension, pour aider à subvenir à vos
de bauches ordinaires, & fournir aux frais de vos infames cupiditez.

 

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Et quoy, Mr. Cohon, vous estes donc residant en cette
Ville, à ce que nous aprenons par la votre, en qualité d’Espion
de Iules Maz il vous a recommandé sa maison, vous
estes demeuré pour gouverner les singes & les magots qu’il
avoit laissez à Paris ! Vous n’estes pas devenu, à ce que nous
pouvons connoitre, d’Evesque Meusnier, mais bien, d’Evesque
le precepteur des singes de I. M. vous leur faites repeter
leurs leçons, les tenez chez vous en pension, & les aprenez
à sauter & faire des tours de souplesse, pour divertir ce
Ministre étranger, au lieu où la mauvaise fortune le pourra
jetter quelque jour. Quelle honte à la Mitre, au Camail, &
au Rochet ! Que diront vos Confreres, qu’vn Evesque soit
devenu le pedant de singes & de magots, qu’il ait pris le soin
de leurs habits d’hyver, de les faire peigner & penser tous les
jours avec le soin que vous y apportez ? Nous croyons pour
certain, qu’ils vous interdiront, & chasseront de leur compagnie,
comme infame, qu’ils vous declareront indigne du
charactere que vous possedez ; c’est tout le moins que vous
puissiez esperer, pour avoir ainsi profané volontairement
le S. habit Episcopal que tout le monde revere, & dont l’attouchement
faisoit autrefois des miracles. Nous ne vous
blâmons pas pour estre le fils d’vn savetier, ce seroit nous
mepriser nous-mesmes, qui ne sommes pas sortis de meilleure
maison, mais bien de votre negligence, & de votre peu de
courage, de ce qu’étant en si beau chemin, vous ayez degeneré
si lâchement : en sorte que la posterité ne verra jamais
en vous la metamorphose d’vn Cuistre en Cardinal ; ce que
vous pouviez esperer infailliblement, & qui auroit engagé
aux études beaucoup de pauvres garçons, sous l’esperance
d’vn pareil honneur, puisque nous sommes dans vn temps,
que la Fortune a fait bien des enfans, cette fille de bonne
maison s’est adonnée à des Valets, qui sont aujourd’huy parvenus
aux plus éminentes Charges & Dignitez de la Couronne,
vont du pair avec les Bourbons & Condez, interviennent,
signent aux actes & aux traitez les plus importans.
Qui a jamais leu dans l’histoire, ce que nous voyons maintenant
dans la France, des Faquins qui n’ont pas esté annoblis
par les Lettres comme nous, faire comparaison avec les Princes,

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& prendre la plume pour signer avec eux ? Ce Ministre
étranger de Maz. auquel vous donnez de si bonnes qualitez
& de si bons avis, si vous ne le sçavez, nous vous apprenons,
qu’il est fils d’vn petit Commissionaire de Sicile, qui a fait
banqueroute plusieurs fois, qu’il a este piqueur & postillon,
en vn mot, valet du feu Cardinal de Richelieu, & par luy
employé aux courses ordinaires ; par ses intrigues & par ses
charmes il est parvenu au Cardinalat, & tost apres le decez
du Roy, il a gagné par art magique les bonnes graces d’vne
Reyne Regente, & est aujourd’huy le premier Ministre de
son Erat, à la veuë & au sceu de deux des premiers Princes du
Sang, qui n’ont point de honte, & ne rougissent point devant
ce veau d’or, qu’ils devroient avoir etouffé des sa naissance ;
tant s’en faut, ils font ce qu’ils peuvent, pour le maintenir,
luy rendent les homages, les devoirs & les respects,
qu’ils ne rendroient pas mesmes à vn Roy, pour le maintenir
dans la tyrannie, contribuent aux sacrileges, aux violemens,
aux pillages, & aux incendies, mesmes abandonnent
la France & les pauvres François. Ils ont fait venir pour
plaire à ce Ministre etranger, des regimens Polonois, qui
tiennent quelque chose du Turo, des Alemans Lutheriens,
des Italiens athées, & autres especes de gens abominables,
sans foy ny religion, pour executer leur passion contre des
Princes veritablement François, & ce Tres auguste Parlement,
qui avoit entrepris avec la Ville de Paris, de maintenir
l’Authorité du Roy, & la liberté des Peuples affligez par
l’oppression de ce Tyran. Nous voyons le petit fils d’vn Procureur
du Chastelet tenir la place d’vn Chancelier de France,
quoy qu’il ait fait oter de nos jours l’epitaphe de Pierre Seguyer
son grand-pere, il n’en est pas plus à estimer ; elle etoit
sous les charniers de S. Severin à l’entrée de la petite porte, à
main gauche. Celuy qui possede aujourd’huy la charge de
Grand maistre de l’Artillerie de France le sieur de la Meilleraye
n’est-il pas petit fils d’vn miserable notaire de vilage ?
Le sieur Tubeuf n’est-il pas petit fils d’vn boucher ? Le sieur
de la Riviere Abbé de quinze Abbaïes, n’est-il pas fils d’vn
pauvre couturier de la ville de Montfort-la-morry ? n’a-t’il
pas esté comme nous, Cuistre & valet au colege de Navarre ?

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n’a-t’il pas decrotté les habits & noircy les souliers des Regens ?
n’est-il pas à la veille, au lieu d’vn chapeau gras que
nous luy avons vû porter autrefois, de voir sur sa teste vn
chapeau de Cardinal ? Iaques l’Escot fils d’vn petit portebale
de S. Quentin, Abbé de trois belles Abbaïes, & Evesque
de Chartres, celuy que le curé de Mezieres a surnomme le pedant
mitre, n’a-t’il pas esté comme nous, au colege de Calvi
au logis du bon Docteur Mr. le Clerc ? Ce Chancelier quoique
glorieux, & qui tient vn peu trop sa gravité, est parvenu
par la vertu, & les autres par le vice. Nous avons bien voulu
vous mettre ces exemples devant les yeux, pour vous faire
connoistre vostre faute, que les Cuistres auroient tiré vn
grand honneur en vous, & si vous fussiez parvenu comme
ceux que ie vous viens de nommer, lesquels tant s’en faut
qu’ils degenerent, qu’au contraire, ils aspirent toujours à
chose plus grande. C’est ainsi qu’il faloit faire, Mr. Cohon,
gouverner vostre fortune, non pas d’avoir caché le [6 lettres ill.]
que Dieu vous avoit donné. Prenez garde que ces Messieurs
les gens de Chicane, ne vous envoyent au giber, que vous
avez merite il y a de ja long-temps ; la perfidie est odieuse à
Dieu & aux hommes : Iudas appelle à l’Apostolat comme
vous, pour avoir trahy son bon Maistre & son Bien-facteur,
se pendit par desespoir ; Vous en deviez faire de mesme apres
avoir commis vne action si lâche, d’avoir trahy vostre Patrie,
le Roy, le Parlement, & ceux qui ont contribué à vostre fortune.
Nous vous donnons encor vne fois, cet Avis salutaire,
de vous amander. Diogenes disoit à Demosthenes, qui se
cachoit dans le coin d’vn cabinet, honteux d’y avoir esté
trouvé, la honte est à l’entrée & au dedans, non au sortir: Si
vous voulez prendre le chemin de la Vertu, à quoy vostre
condition vous oblige, & les Cuistres vous exhortent, soiez
toujours dans l’humilité, quittez les mauvaises compagnies,
vostre vie scandaleuse, & vos debauches, crainte d’acordent,
qui rejalliroit sur vous : Ne prenez plus conseil des sols, ny
de ceux qui en sont issus ; Le sieur de Laune, quoyque Conseiller
au Chastelet de Paris, & qui depuis l’enlevement dernier
du Roy hors de Paris, n’a point esté au Chastelet comme
les autres Conseillers les Confreres, mais seulement de

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puis environ quinze jours s’y est porté avec grand empressement
d’esprit pour donner son avis contre certain Avocat du
Conseil, afin de témoigner aux Mazarinistes le zele ardant
qui l’enflamme à vanger leur party, n’est pas des plus sages,
il chasse de race, aussi son pere est mort comme vn fol furieux ;
c’est vostre confidant pour les avis, il alloit comme vn escroc,
de table en table debiter & aprendre des nouvelles tous les
jours, pendant l’oppression de Paris, lesquelles il vous debitoit
suivant son caprice, pour les envoyer à Saint Germain,
y adjoutant tous deux des impostures, qui vous rendent
confus. Faites vostre profit de ce que nous vous ecrivons.

 

Vos tres-humbles serviteurs,
LES CVISTRES DE
l’Vniversité de Paris.

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Anonyme [1649], ADVERTISSEMENT A COHON, EVESQVE DE DOL ET DE FRAVDE: PAR LES CVISTRES de l’Vniversité de Paris. , français, latinRéférence RIM : M0_444. Cote locale : A_2_17.