Anonyme [1649], LE PHILOSOPHE ET CASVISTE DE CE TEMPS. DEDIÉ A NOSSEIGNEVRS DE PARLEMENT. , français, latinRéférence RIM : M0_2753. Cote locale : A_6_63.
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LE
PHILOSOPHE
ET CASVISTE
DE CE TEMPS.

DEDIÉ
A NOSSEIGNEVRS
DE PARLEMENT.

A PARIS,
Chez PIERRE VARIQVET, ruë S. Iean de Latran,
deuant le College Royal.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LE PHILOSOPHE ET CASVISTE
de ce temps.

DIEV tres-bon & tres-grand, que toutes creatures
adorent, à la constitution du monde ; il crea ce bel
Astre, ce flãbeau tres-brillant, auec vn éclat si vif de
sa splendeur, qu’il donne de l’admiration à toute la
nature ; c’est luy qui ramene les saisons, qui fait les feconditez
dignes d’étonnement, & qui par vn ordre tout miraculeux, &
par des qualitez admirables, fait des mutations si prodigieuses,
qu’elles attirent les adorateurs en faueur de ce grand Architecte
de l’Vniuers, qui par vne économie Celeste, fait admirer
les effects de sa grandeur dans cette creature lumineuse,
dans laquelle il a mis son Tabernacle, c’est à dire selon Dauid,
la viue representation de ses beautez eternelles.

Le Ps.
In sole posuit
Tabernaculum
suum.

Vous en portez l’Image, Messieurs, puis que vous estes vn
second Soleil qui brillez de gloire, laquelle est manifestée par
tout le monde, & publiée mesme par les Estrangers. La Iustice
que vous exercez si religieusement est comparée à cette
source de Lumiere, & ainsi que ce bel œil flãboyant est éleué
sur-eminemment par dessus toutes les creatures inferieures,
aussi vous estes éleuez en vn degré si excellent, qu’on ne luy
peut donner d’autre tiltre, sinon vn écoulement de la bonté
supréme, vous ayant constituez dans sa notion & idée, pour
gouuerner dans le temps les peuples & pour les tirer de la tyrannie
Mazarine, par vostre sainct mystere de iudicature.

Dauid,
Sol Christus
Deus
noster.

La Iustice est vne tres-noble qualité, aussi Iesus Christ l’a
prise conuersant auec les hommes, suiuant le dire du Prophete,
il en est le Soleil, qui éclaire les bien-heureux, & vous
communique ses benignes influences, de sorte que par l’éclat
de vos lumieres, vous dissipez les nuages de la France, les troubles
& les orages dont elle estoit menassée.

I’ay consideré attentiuement les effects de la grace qui
abonde en cette heroïque Cõpagnie, luy qui fait recõnoistre,
le motif de tous les maux, & l’origine de tous les malheurs qui

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viennent de la mauuaise conscience d’vne ame Mazarine, qui
ayant attiré tous les biens par vne auidité criminelle, a encore
par vne passion enragée liuré de tres-sanglans assauts, mesme
aux plus innocens, iusqu’à s’estendre sur les enfans du berceau.

 

Ce cœur Barbarin croyoit assujettir toute la France sous
l’esclauage de ses loix, mais cét auguste Senat a rompu tous
ses pernicieux desseins. Or on demande au Casuiste si on peut
consciencieusement se defaire d’vn tel Ministre.

On respond qu’ouy, estant question du salut & de la liberté
du peuple, qui par des voix plaintiues & clameurs aussi sinistres
que lugubres demandent vengeance au Ciel : à ce propos il me
souuient de ce qui est dit dans l’Ecriture, qu’il faut purger le
Monde de ces Tytans. Et en l’Exode, le Seigneur Dieu parlant
à Moyse, dit, Celuy qui m’offensera ie le bifferay du nombre des
viuans.

Exode 32.
vers. 33.

Vn peu apres, il fait voir combien les hommes luy sont chers
& en quel degré il les aime, de sorte qu’apres qu’il eust donné
des loix de la dilection il prohibe l’homicide, & cette defense
estant violée porte pour punition la mort ; cette Loy passa iusqu’aux
animaux les plus brutes, ordonnant que le bœuf ou autre
animal qui offenseroit l’homme, seroit lapidé ; mesme qu’apres
sa mort on ne mangeroit de sa chair, tant il est vray que
Dieu aime l’homme iusqu’à vn excez, qu’il à donné son Fils,
qui est la splendeur de sa gloire.

Si les animaux priuez de raison ont esté traittez de la sorte,
pour des legeres offenses, qui ne doit pas esperer, Mazarin,
apres tant d’homicides dont il est complice, & tant de crimes
dont il est criminel ; on est donc obligé par les Loix diuines, naturelles
& humaine de s’en defaire.

L’Apostre commande de ce soubsmettres aux puissances
créez, qui sont les Rois & Magistrats qui maintiennent les
Peuples par leur sagesse & conduite ; neantmoins Mazarin
s’oppose formellement à ce decret, il n’a que rage & passion
cõtre ce glorieux Senat, qu’il auroit sacrifié à sa rage n’eust esté
les armes du pauure Peuple qu’il a oppressé, qui s’est opposé
à ses pernieux desseins ; & partant il doit estre puny comme vn
execrable, qui veut saccager des illustres personnes consacrées

Rom. 13.
Omnis
anima potestatibus
sublimiori
bus subdita
sit.

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à Dieu par le glorieux ministere qu’elles professent, qui est la
Iustice qu’elles exercent tres-dignement.

 

Il est dit dans l’Euangile, que l’arbre qui ne porte bon fruict
doit estre coupé : ce mauuais Politique figuré par cét arbre ne
produit que des malefices, & ces œuures sont filles de tenebres,
done il doit estre retranché de la societé des hommes.

Le Sage
chap. 21.
vers. 10.

Il semble que le Sage authorise mon dire, disant que l’assemblée
des meschans, c’est vne estoupe entortillée, & sa consommation
la flamme de feu, comme s’il vouloit dire que les deprauez
se conjoignent auec d’autres, & qu’ainsi que le feu consomme
tout, aussi ils rauagent tout, comme se voit és personnes
de Mazarin, & de ses Partisans, qui ont butiné iusques sur
les Autels ; & partant leur procez leur doit estre fait.

Tellement qu’on peut dire que la conscience Mazarine est
plus sordide & puante que tous les sepulchres. Si sa Majesté
Britannique a esté cruellement massacrée, quoy que tres-innocente,
par des Peuples Barbares & inhumains, qui l’accusoient
faussement & malicieusement d’auoir esté la cause du sang
espandu dans son Royaume, quelle Iustice ne doit-on pas faire
de Mazarin, luy qui non content d’auoir enuahy tous les
biẽs, mais encore cause de la mort de plus de dix milliõs d’ames
sans compter plusieurs grandes & illustres personnes, qui ont
rendu à cét Estat de grands seruices, & qui ont fait voir dans
les occurrences des marques signalées de leur valeur, specialement
Messieurs de Chastillon & du Plessis Pralin, qui malheureusement
ont perdu la vie dans le triste village de Charenton,
pour auoir suiuy son malheureux party : il continuë
tous les iours ses malefices, dont on doit couper l’arbre par la
racine, ne faut pas attendre le comble des maux, & le precipice
duquel il menace par vne desolation sans ressource, & vn mal
sans remede, il faut tuer le serpent auant qu’il nous pique à la
mort.

Ouid.
Principiis
obstat, suo
medicina
paratur.

C’est vne question bien discutée dans la Morale, si au defaut
de la Iustice on peut se ietter sur le Tyran & l’opprimer. On
répond qu’ouy, qu’il n’y a point de guerre plus iuste au monde,
qu’il est permis de le tuer, non seulement en general, mais à
chacun en son particulier. L’histoire de Grece est appuyée de
syllogismes & argumens forts touchant les tyrannicides, donc

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Mazarin ne doit point estre exempt de cette Loy.

 

Il est semblable à cette beste que S. Iean vid éleuer de la terre,
armée de sept testes & portãt deux petires cornes, qui auoit
l’accent & la voix d’vn Dragon ; à ces Scorpions aussi de l’Apocalypse,
qui auoient les visages d’Hommes & queuë de Viperes ;
& finalement semblables au Lyon de Samson, qui auoit
la queuë pleine de miel & le cœur d’vne beste sauuage ; cela
s’entend de la tyrannie Mazarine & de ses complices, figurez
par cette varieté de testes ; & le miel represente leur piperie &
l’adresse de laquelle ils se sont seruis pour exercer leur perfidie
& satyriques inuentions. Et le Dragon denote assez leur cruauté,
dont ils sont coulpables & criminels ; & partant ils exigent
tous chastimens.

Apoc. 9.
Iuges 14.

Sainct Ierosme dit, qu’il y a cas de conscience de laisser viure
le meschant, crainte que sa malice n’augmente ; il commande
de le tuer quand il est petit, c’est à dire, qu’il commence à estre
oppresseur & pillard ; donc Mazarin ayant multiplié par longues
années ses crimes & ammoncelé ses injustices, doit reparer
de tels enormitez exemplairement.

Dum paruus
est hostis
interfice, ne
quitia elidatur
in semine.

Mais ie ne puis trop donner de loüanges à cét Auguste & respectueux
Senat dans vn tel excez de bonté, d’auoir suspendu
iusqu’à present à reprimer l’insolence de ce Ministre effrené,
c’est vn effect de la Charité fille du Ciel, que possede eminemment
cette illustre & vertueuse Compagnie, qu’elle croyoit
qu’il corrigeroit ses laschetez ; & ie louë aussi le peuple dans la
constance qu’il a apportée à supporter le ioug de sa calamité,
aussi Dieu fauorise de ses graces & donne des forces suffisantes
pour supporter les indisgraces qu’apporte la faim, il est au milieu
de ceux qui sont dans la souffrance, & qui supporte la tyrannie
Italienne.

Le Ps.
Cum ipso
sum in tribulatione.

Cét insatiable Ministre a porté sa visée par vne auarice indicible
à depoüiller de leurs biens tous les Royaumes, ne se contentant
pas d’auoir butiné sur la terre & sur l’onde plus de quatre
cens millions, son auidité l’a porté au delà du Croissant de
Constantinople ; son esprit a rodé par tout, les Indes Orientales
ont esté dépoüillées de leurs plus precieux ioyaux, pour
embellir ses niepces, qui éclatent dauantage en habits pompeux
& superbes ornemens, que n’ont iamais fait les filles de

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France, ny d’Espagne, ny Imperatrices, au grand scandale
d’vn chacun, veu la vilité & abjection de leur naissance ; ce luxe
& cét excez prouiennẽt du sang de la vefue & de l’orphelin &
du reuenu de la France ; & partant Dieu veut qu’il soit iustifié.

 

Toute la posterité sçaura par l’histoire, la plus noire action
que l’Italie pouuoit s’imaginer, que d’enleuer furtiuement la
nuict Saincte des Rois (consacrée à la memoire de nostre Seigneur)
nostre ieune & innocent Monarque, de Dieu donné ; ce
sacrilege & enorme attentat met du trouble & commotion
dans les ames les mieux reglées, voyant que Mazarin auoit
derobé aux yeux de cette illustre ville son Prince & son Roy,
pour lequel on n’a que des vœux & des souhaits digne d’vne
Majesté souuerainement aimable, pour laquelle les Parisiens
aussi bien que la France sacrifiroient mille vies ; Ce fut vn
scandale public, specialement cette celebre Compagnie, qui
fut bien surprise à l’instant de ces tristes nouuelles, qui firent
reconnoistre bien tost apres que cét amas de crimes & ce furt si
extarordinaire ne buttoit qu’à sa perdition, ainsi qu’on en a eu
des connoissances tres-specifiques, mesme par la Relation de la
personne sacrée d’Espagne, des Princes de son Estat & autres
qui estoient suscitez par ce Sicilien, afin qu’vn corps fortifié
par vn autre qu’il en fut plus robuste & par vne Prouidence
toute speciale de Dieu, ceux qu’il vouloit corrompre par dons
immenses & par prieres pour trouuer vne main auxiliaire &
fauorable par leurs armes, en ont fait offre à cette pieuse Compagnie
pour les tourner contre luy, & sans ces venerables Magistrats
& Senateurs, la France doit sçauoir qu’il l’auroit renduë
aussi deserte que les vastes deserts d’Egypte, & s’il s’est roidit
contre ces brillans Astres, n’estoit qu’à cause qu’ils se sont
opposez à ses tyranniques desseins, autrement il n’auroit iamais
osé leuer les cornes pour les heurter, tellement que ses
forfaits attirent la malediction de tous les Peuples, mesmes
des Estrangers, qu’il a si souuent trahis ; & partant on le doit
haïr comme vn excommunié & comme vn membre pourry,
retranché de toute societé.

Ce ne seroit assez pour faire le comble de ses execrations,
s’il n’auoit adiousté l’inceste, le larcin, l’incendie, le violement,
& le massacre, que les plus barbares & inhumains ne

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voudroient pas exercer, tant il est vray qu’il est ennemy du
Roy & de son Estat, ainsi qu’il a esté equitablement declaré
par Arrest, auec confiscation de ses biens.

 

C’est vn effet de vostre diuine sagesse, tres-Eminente Socieré,
vous serez à iamais loüée d’vne si saincte entreprise, vous
en sortirez à vostre gloire, qui sera eternelle ; les plus grossiers
& impies approuuent vostre procedé, qui est dans l’approbation
& veneration de tous les Estrangers, qui ont des preuues
sensibles de vos vertus heroïques. Vous triomphez des parques,
du temps, & du sort, & acquerez vne eternelle renommée.

Ainsi que les lignes de la circonference visent & se terminent
au poinct du centre, qui est le lieu de leur repos ; de mesme
par analogie, la France, toutes les parties qui la composent,
ne tendent qu’à la perte de son oppresseur, qui est decisif
& de droict, où elle trouuera son salut, la fin de ses maux,
& le commencement de ses ioyes ; c’est où tend son argument
& sa conclusion ; les pieces productiues sont visibles & apparentes,
& les faits connus ; ne reste plus qu’à cette excellente
Compagnie à prononcer, c’est la tres-humble exoration que
fait cette pauure souffrance, ie veux dire France.

L’Oracle de verité, qui fait la gloire des bien-heureux, a
protesté dans son Euangeliste, qu’à telle mesure qu’on aura
mesuré, on le sera de la sorte, & que les immisericordieux ne
trouueront point misericorde. Mazarin s’est seruy de la grande
aulne pour extorquer les biens d’autruy, ses plus forts delices
n’ont tendu qu’à la vengeance & au sang tyranniquement
épandu, sans pitié ny compassion, ny acte de misericorde :
Donc i’ay raison de conclure, qu’elle ne luy doit point
estre faite ; car quiconque viole les Loix, doit perir par icelles.

FIN

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