Anonyme [[s. d.]], LE PARADIS ET FELICITÉ DE MAZARIN, OV LE PVRGATOIRE DE LA FRANCE. , français, latinRéférence RIM : M0_2676. Cote locale : C_6_51.
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LE
PARADIS
ET
FELICITÉ
DE MAZARIN,
OV LE
PVRGATOIRE
DE LA
FRANCE.

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Le Paradis & la felicité de Mazarin.

MESSIEVRS,

I’ose vous presenter vne chose que la posterité
aura pour remarque, que ce grand Philosophe
Hippomache, maistre des exercices à Athenes,
respondit à ceux qui louoient vn homme
de belle taille, grand, puissant, & qui auoit les
mains longues, comme fort propres à l’escrime
des poings, vous auriez raison, leur dit-il, si le
prix des vainqueurs estoit pendu en quelque
endroit esleué, ou les petits ne peuuent atteindre,
aussi confesserois-ie que l’auarice seroit
bonne, si les contentemens d’vne vraye felicité
se pouuoient achepter à beaux deniers contens,
nous en pouuons dire autant de ce traistre, auec
verité, qu’il est fort grand & puissant, & qu’il
a les mains fort longues, car il a si bien gaigné le
cœur de la femme la plus genereuse du monde,
qu’vd iour il montera sur le Trosne, & enuasira
la Couronne comme il a fait l’Estat, & qu’il
a mis la France à vne telle extremité, que la plus
part sont contraints de mandier, mesmes les personnes

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qui auoient des beaux Palais en la campagne,
sont reduits au mesme rang que les autres,
cest arpie disie qui cause tous les iours les
gemissemens de tant de pauure miserables, allés
de quel costé que vous voudrez, vous ne voyez
que desertes, que maisons fumantes, & le reste
de ce traistre, l’on ne parle plus que de viols, de
carnage, de sang, de meurtres, enfin la France
est maintenant appellée, totius mundi falicisssima,
ouy disie, la plus malheureuse & la plus infortunée
de tout le monde, il faut comme dit
cette sangsuë du peuple, reduire ses Subiets à
vne telle extremité, qu’ils ne nous puissent nuire
dans toutes nos entreprises, quoy banqueroutier,
est-ce ainsi que tu sert la France comme
tu l’auois promis, ouy c’est maintenant qu’il
se faut mettre à genoux deuant toy idole, les
moins ioincte, la corde au col ; pour lors tu verras
ce que tu auras affaire, escoute enchanteur,
ie sçay fort bien que tu n’as rien de si frequent
dans la bouche que ce vers.

 

 


Hoc volo, sie iubeo fit pro ratione voluntas.
Escoute ces quatre vers.
Ce n’est le faict d’homme d’Estat,
Ny mesmo à vn grand Prelat,
De rechercher tous ses delices :
Et s’addonner à tant de vices.

 

Le Poëte n’entend autre chose par ces vers,

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que tu ne dois point t’adonner à tant de lubricitez,
tu en fais ton Paradis ? toy qui deuroit auiourd’huy
estre le Soleil de tant de peuples, qui
t’ont si tendrement cheris ; en vn mot ton Paradis
n’est que les femmes, les volleries, les larcins
ne sont que tes petits contentemens, tu ayme
bien mieux voir la ruine de si bons Citoyens
que de les voir t’honorer, i’attribuë plustost
toutes ses meschancetez à ce peuple qu’à toy,
non non ie me trompe, c’est la bonté de ce peuple
si illustre, si doux, si benin & si affable qui
t’a souffert à vne charge qui ne se doit iamais
donner à vn estranger, selon les Loix de France,
tu en sçais si mal vser scelerat perfide, l’Eglise
se plaint, on foule aux pieds les choses les
plus sacrées, aussi le Poëte peut dire auec raison.

 

 


Le Paradis de cet infame,
N’est que la Cour & que les Dames
Les tresors, les charnalitez,
Les plaisirs, les brutalitez.

 

Cheres compatriotes, dites auec moy de ce
superbe, ambitieux, & second Neron.

 


Si fortuna volet fies de rhetore consul
Si volet hæc eadem fies de consule rhetor.

 

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C’est â dire que la mesme fortune qui la rendu
si puissant, le rendra vn iour le plus malheureux
du monde, cruel ton Paradis est en ce
monde, & tu dis comme les Epicuriens, bibamus
& edamus post mortem nulla voluptas, pourceau
ta ieunesse n’a esté remplie que de meschancetez,
comment serois tu bon à present,
puis que les bordels, les cabarets, les ieux & la
trahison estoient tes plus grands contentemens :
ce n’est pas ton merite qui ta fait monter à des
charges si honorables, mais ta trahison, tu est
estimé maintenant parmy les Athées, & les
sangsuë du peuple demy dieu, l’Escriture dit, il
y à vne main du Ciel qui nous apprend que les
appetits de vengeance succedent comme on les
approiette, & que lors que l’on delibere de la
fortune d’autruy, comme tu fait impie, il faut
appeller à la sienne au conseil, songe donc à ta
conscience, & ne sois plus adonné à tes plaisirs,
grenouille d’Egypte, qui faict du bruit à demy
tirée des bourbiers, de ta naissance fils de banqueroutier,
fourmis de ces vieux chesnes, qui
deuient homme en vn moment, & qui est auiourd’huy
si ambitieux & si superbe que tu ose
mesme attaquer la diuinité, puis que tes actions
combattent les Loix du Ciel.

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Aduertissement aux Partisans.

 


Prenez garde grands Financiers
Qui auez pris tous les deniers,
Et qui volez encore la France
Pour auoir grande cheuance
Bien tost en gréue l’on verra
potence à quatre bras,
Pendus par le col serez
Pour les peines qu’auez meritées,
En chantant, Salue Regina.

 

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