Anonyme [1652], LE PAQVET DV MAZARIN , français, latinRéférence RIM : M0_2672. Cote locale : B_12_26.
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LE PACQVET
du Mazarin.

C’EST à ce coup qu’il faut que le Mazarin
bande, puis qu’il a troussé son pacquet, il se
retire ses bagues sauues, trop aise d’emporter le
moule du pourpoint ; Et nous aussi ne sommes
pas marris d’estre déliurez de sa peau. Quelque
desir de gloire qui puisse animer nos deux partis :
neantmoins le sujet de leur different estoit indigne
de leur colere : Ces desordres n’ont esté que
trop grands pour vne cause si legere : il s’agissoit
de retenir ou d’éloigner vn Estranger, falloit-il
que la France se portast dans des extremitez si
grandes, & qu’elle seruit à toute l’Europe de
Theatre, où l’on a veu tant de sanglantes tragedies?
Mais ce qui est fait est fait : & comme dit
Aristote, la puissance diuine mesme ne peut faire
que les choses passées n’ayent pas esté. Enfin le
calme va succeder à la tempeste, le [1 lettre ill.]onas va estre
precipité dãs la mer: le Frelon a les aisles coupées,

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vn peu de poussiere doit pacifier toutes nos Abeilles.
les. Hi motus animorum atque hæc certamina tanta.

 

Pulueris exigui iactu compressa quiescunt.

Si quelqu’vn veut reuoquer en doubte le parlement
du Cardinal Mazarin, qu’il sçache que
pour le salut de cét Estat, Dieu se plaist à faire des
miracles, & qu’il fait paroistre vne singuliere protection
enuers la Monarchie Françoise, la releuãt
dans son plus haut lustre, lors qu’elle sembloit
estre à deux doigts de sa ruïne.

Tant y a que le Roy a donné congé au Cardinal
Mazarin, apres que son Conseil luy a donné
à entendre qu’il estoit absolumẽt necessaire pour
la conseruation de sa Couronne, que le Cardinal
Mazarin fut esloigné de sa Cour. La necessité est
vne puissante Maistresse pour changer les volontez ;
aussi ce depart ne peut estre attribué qu’à vn
faire le faut, les retardemens, les remises, les Conferences,
les batailles sanglantes qui l’ont precedé,
tesmoignent assez que le Cardinal s’en va,
parce qu’il ne peut estre dauantage retenu que
par la ruïne entiere de tour le Royaume.

Il a esté conclud par le Conseil du Roy, & sa
Maiesté enfin a acquiescé que le Cardinal Mazarin
se retireroit, & pour la seureté de sa personne
& de son equipage, luy seroit donné deux mil
cheuaux pour l’escorter iusques à Nancy, ou en

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Auignon, selon que son Eminence Mazarine
choisiroit. Les regrets que cét esloignement a déja
causé sont inconceuables, & neantmoins dans
cette rencontre auoir beaucoup de force sur son
Esprit. La jeunesse du Roy pouuoit excuser ses
larmes qui ne pouuoit proceder que d’vn bon naturel,
neantmoins cette ame Royale n’a fait paroistre
qu’vne resolution genereuse. Elle a tesmoigné
que s’estoit à la seule priere de son E. quelle
consentoit à son esloignement qu’ayant arresté
sa pensée sur l’explication de quelques Propheties
de Nostra-Damus, il auoit trouué que le souuerain
Pontificat estoit promis à son Parrin, que pour y
paruenir il estoit necessaire que son E. s’approchast
de l’Italie, & quelle ne doutoit aucunement que
lors que ledit C. seroit Pape que sa future saincteté
ne le couronast Empereur. Le Roy a donné au
C. Mazarin, vne rose de Diamants estimée plus
de cent mil escus, laquelle le dit C. a mis pour la
premiere piece de son pacquet auec ce Libelle
continuant l’explication des Propheties de Nostra-Damus,
ayant renouuellé ses protestations
de fidelité enuers le Roy & de luy tenir promesse
deslors qu’il luy pourra dõner l’Empire. La Reine
a eu plus de peine à cacher ses regrets & quoy que
cette ame soit trop haute pour tesmoigner quelque
basesses, neantmoins elle n’a peu consentir à

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ce despart sans charmer son ennuy de l’esperance
du retour. Apres la resolution de c’est esloignement
le C. l’etant allé voir demeura long temps
sans parler, alors toutes les douleurs qu’il auoit resenty
en son premier esloignement se renouuelerent,
& s’il eust sçeu Virgile il eust dit.

 

Infandum regina iubes renouare dolorem.

La Roine luy a fait present d’vne Monstre d’vne
valeur inestimable qu’il a mis auec vne branche
de Corail, & quoy que le vulgaire ne se puisse persuader
que deux personnes se puissent parler estãt
esloignés l’vn de l’autre, neantmoins par le moyen
de l’aymant cela se peut faire en frottant deux
eguilles & prenant garde à leurs mouuements.
Prenant congé de Monseigneur le Duc d’Anjou,
le C. luy a promis de le faire vn iour Roy de Naples,
& de Sicile, & le dit Duc luy a fait present de
quelque bouëtte de Confitures que le C. amis
auec ses Sauonettes, ses Pomades, ses Essences, &
son Diasatyrion, sortant du Cabinet de la Reine,
S. E. a eu vne longue Conference auec monsieur
le Marquis de la Vieville le Surjntendant, le resultat
de laquelle a esté qu’els se souuien droient eternellement
l’vn de l’autre, que monsieur le C. en
partant obtiendroit du Roy la continuation de ladite
Charge, & moyennant quoy ledit Marquis a
mis entre les mains dudit Cardinal vn papier qui

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luy asseure cent mille Louys d’or tous les ans que
le surjntendant faire tenir à Rome, oû en quelque
autre lieu que son E voudra. Ce billet a esté
mis auec ses Lettres de Cardinal & autres prouisions
de Benefices qui se montent à plus de huict
cens mille liures de reuenu.

 

Monsieur le C. de Rets, eust bien voulu luy
changer son Breuiaire auec les Memoires du C.
croyaant de succeder à son ministere, neantmoins
S. E. les a serrées auec l’abbregé de Malchiauel, &
en a faict vn Pacquet qu’il a serré dans vn Armoire
de Cabinet d’Alemaigne. Tous les Partisans,
Monopoleurs, donneurs d’auis luy ont fait des
presents pour obtenir des asseurances de la continuation
de leurs Charges, & des assignations de
quelques fons pour estre payez des auances qu’ils
ont faict pour les frais de la guerre qu’il a receus
fort courtoisement & enuoyez satisfaits par l’esperance
de son retour & restablissement du Monopole.

25. Mulets d’Auuergne, sont chargez de ces
meubles comme Vaiselles dargent, Tapisserie,
Lits de toile d’or &c. le tout surmontant la valeur
de quatre cent mille escus.

Pour conduire tout son Bagage, il luy a falu
auoir des Passeports des Princes, des Parlements,
& des peuples qui luy ont esté accordez pour s’en

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aller où bon luy semblera, mais tost ou tard il faudra
qu’il s’en aille au diable apres nostre argent.

 

FIN.

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