Anonyme [1649], LE MORT DE TERRE OV LE BRAS HORS DE TERRE, EN VERS BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_2493. Cote locale : C_4_61.
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LE
MORT DE TERRE
OV
LE BRAS HORS DE TERRE,
EN VERS BVRLESQVE.

 


IE Chante, non pas en Musique
Vne Chanson bien fantastique
Sur le chant tire la lira
Qui ne pourra chanter lira :
Que penseriez vous que ie chante
Ou que i’escris, que ie ne mente
De grace deuinez le bien
Car par ma foy ie n’en sçay rien.

 

 


On dit & ie le veux bien croire
Et que chacun en ayt memoire,
Car c’est à la posterité
Que l’on chante la verité :
On dit donc, & point ie n’en doute
Et ie le dis quoy qu’il en couste
Sans l’auoir veu n’importe pas,
Qu’vn homme mort montre son Bras
Ne voila pas grande merueille
C’est bien matin qu’il se reueille,
Pour moy ie m’estonne comment
Il n’attend iusqu’au iugement,
Mais qu’il dise ses patenostes

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S’il à plus hastes que les autres,
Et qu’il se leue de ce lieu
Et s’en aille sans dire a dieu,
Le plustost qu’il le pourra faire
C’est bien le mieux qu’il fasse affaire.

 

 


I’ay bien peur que malgre ses dents
Il n’y demeure bien long-temps,
Et toutefois il s’en retire
Ie vous parle par ouy dire
Vous estes tous des innocens
Si vous n’en croyez pas les gens,
Ce sont des gens qui vous en iurent
Ie ne sçay pas s’ils se parjurent,
Ce n’est pas l’ordinaire aux gens
De iurer en se parjurants,
Moy qui vous conte cette histoire
I’en crois tout, ce que i’en dois croire
Vous autres aussi croyez moy
Ie suis garçon digne de Foy.

 

 


Ie vous dis donc qu’on vit par terre
Ie vous parle depuis la guerre,
Vn homme à la voirie à tort
Ie vous parle d’vn homme mort,
Ie croy qu’il n’auoit plus de vie
Ie vous en parle sans enuie,
Qui fit pour tout signe du doit
Qu’on luy donnast à boire vn doit,
Moy deuant que ie vous acheue
I’en dis de mesme, & bon le treuue
Qui le treuue bon qui voudra
Qui fera comme moy boira,
Enfin apres la soif passée

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L’Histoire ainsi recommancée :
Vous dira que maint curieux
Ne demeurerent pas chez eux,
Ils accoururent tous par bande
Sçauoir ce que ce mort demande,
Peu s’en fault que tout alors
Ne reprit armes sur le corps,
Tant la nation Parisienne
Est maintenant guerriere & vaine,
Et n’eust esté qu’il estoit mort
Ie croy qu’il eust tremblé bien fort,
Chacun y court, chascun l’entoure
Mais qui voudra courir y coure,
Pour moy ie suis trop fatiqué
Depuis que Paris fut blocqué,
Et i’ay me bien mieux tout entendre
Que de l’aller voir pour apprendre,
Et ce ne seroit iamais fait
D’aller voir tout ce qui se fait,
Car chacun se mesle de faire
Et foin ie ne me sçaurois taire,
Et si ie voulois dire tout
Ie n’en viendrois iamais à bout,
Il me suffira de vous dire
Et cela ie le dis sans rire,
Que tout Paris à veu ce bras
Que la terre ne couuroit pas.

 

 


Il ioüoit mal à la cachette
S’il eust esté dans sa pochette,
Personne ne l’eust aperçeu
Moy qui le dit n’en eust rien sçeu,
Ce fut quelque badault peut estre

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Qui le premier le vit paroistre,
Et ne pouuant celer cela
A dit aux autres le voila,
Ie ne serois pas à l’Escrire
S’il l’eust recaché sans rien dire,
Mais puis qu’il nous la dit ainsi
I’ay bien voulu l’Escrire aussi,
Chacun en parle & en raisonne
La cloche de Sorbonne en sonne,
Et l’Escole des Medecins
A veu consulter les plus fins,
Et rechercher quelque remede
Pour vn mort qui crioit à l aide,
Car plusieurs l’ont ouy crier
Et pour luy sont venu prier,
Quelqu’vn qui le vit, & qui iure
Que sa main battoit la mesure,
Vn luy soustient, & ie le croys
Qu’il faisoit des signes de Croix,
Tel qui la veu gratter la terre
Dit il fut ioueur de quiterre,
D’autres encor que ie croy mieux
Qui l’ont veu de leurs propres yeux
Et qui sont sortys hors la porte
Disent qu’il faisoit la main Morte,
Enfin quelque deuot Chrestien
Dit qu’il estoit homme de Bien,
Quoy qu’on l’accuse de folie,
Qui passe vn peu la raillerie,
Sçauoir que luy mesme il s’occit
Il fut bien fou quand il le fist,
Et plus fou qui voudroit l’ensuiure

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Et puis qui reuoudroit reuiure,
Et tendant le bras comme luy
Diroit tirez moy hors d’icy,
Si l’on s’accoustumoit à faire
Souuent quelque pareille affaire,
Tous les morts sur terre, & sur mer
Voudroient mettre leur cul à l’air,
Qu’on verroit au clair de la Lune
A la fin la chose importune,
Baste pour ce coup toutefois
Que nul ny retourne deux fois,
Vistement que l’on le renuoye
Et n’aye peur qu’on le reuoye,
Si vous l’enterez comme il faut
Il ne reuiendra plus en haut,
Quoy qu’en veulent dires les mornes
Qui disent qu’il à fait les cornes,
A celuy qui la recogné
Qu’il la de plus egratigné,
Ie n’en sçay rien, mais les habiles
Qui sont pour la plus part bons drilles,
Et fort pieux enuers les morts
Sont d’auis qu’il de meure hors,
D’autant qu’il sert comme l’on pense
D’enseigne à la nouuelle France,
S’il est ainsi comme on le croy,
Beaucoup iront à ce Conuoy,
Où les Dames seront priées
Qui seront bien accompagnées,
Et selon leur condition
Y viendront en deuotion.

 

FIN.

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