Anonyme [1652], LE IVGEMENT DE MINOS, Contre tous les Mazarins qui pillent la France. , français, latinRéférence RIM : M0_1768. Cote locale : B_12_20.
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LE
IVGEMENT
DE MINOS,
Contre tous les Mazarins qui pillent
la France.

A PARIS,

M. DC. LII.

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LE IVCEMENT DE MINOS,
Contre tous les Mazarins qui pillent la France.

CE grand Agesilaus Roy de Sparthe,
estant vn iour auec certains de ses Fauoris,
& que chacun proposoit quelque
gentille question sur les affaires de l’Estat, &
Gouuernement d’vn Royaume, Republique
ou Monarchie, vn d’entreux luy demanda,
SIRE, quelle chose est la plus requise & necessaire
pour le gouuernement & conduite de
vostre Royaume de Sparthe ? luy qui estoit
tres-sage & magnanime Prince, respondit
promptement, c’est Iustice : car dit-il, que sert
la force, la prudence & autres vertus, si Iustice
ne marche en teste, n’accompagne & ne suit
de pres le Roy, aux affaires de son Estat : ô
responce digne d’vn tel Roy ! lors que le loup
vient attaquer le parc des Brebis, il ne suffit pas
de crier au le loup, au le loup, mais sans tarder
il faut haller les chiens dessus, & auec leuires
& bastons le mettre a bas, pour deliurer les
pauures Brebis des pattes & dents sanglantes
de ce loup affamé. Ha ! pauures François vous
estes des craintiues Brebis qui laissez tondre vostre

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laine aux Estrangers : qui donnez vostre
chair a manger aux loups, & vous vous mettez
comme en seruitude sous le ioug insolent du
Mazarin, & de ces cruelle harpyes mal-heureuses,
qui se mocquent du Roy, le trahissent,
le pipent, & emportent tous les iours par subtils
moyens ses richesses & les vostres : Vous
voyez vostre ruyne & n’en osez parler, vous
voyez vostre honte, & vostre naufrage prochain
& vous ne dites mot ? quoy estes-vous
enchantez ? estes-vous perclus de sens & entendement ?
mais estes-vous lethargique ? ou
est la fidelité que vous monstrez au Roy, qui
pour sa ieunesse ne peut encor penetrer dans
l’ambigu des malins & dissimulez courages de
ceux qui le flatans le trahissent : vous voyez
son domage & le vostre, & vous dormez ? Ha!
dormir mortel, qui sera si n’y prenez grade
semblable à celuy de Palinure conducteur de
la Nef d’Ænée qui cheut endormy dans la Mer,
lors qu’il faloit veiller pour conduire le Nauire
a port, que pleust a Dieu qu’en cecy, vous fissiez
comme les anciens Cauniens, qui pour la
jalousie de leurs Dieux propres & tutelaire,
prenoient les Armes en dos le iour de leur deuotion
& Feste, & couroient par toute leur
Banlieuë, frappans l’air de tous costez auec
glaiues, pour chassoient ainsi a outrance & bannissoient

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les Dieux Estrangers de leur territoire :
vous voyez Mazarin qui est vn homme Estranger,
qui auec les siens se sont establis par
des moyens pernicieux & illicites en des hautes
Charges, & occupent les plus belles & fortes
Places de son Royaume : Se sont fourrez cauteleusement
dans les plus illustres familles &
prins leur alliance, encor qu’ils en soient du
tout indignes pour leur basse & du tout obscure
extraction, ils peuuent dire aussi vn chacun
à part-soy.

 

Quod Prothei vultus, tot sunt mihi nomina
& artes.

Les Mazarins sont plus dissimulez & trompeurs
qu’vn Prothée deceuable, qui se transformoit
en toutes manieres pour tromper &
deceuoir : & pour se mieux establir ont attiré
& attrappé hors des coffres du Roy des sõmes
de deniers excessiues, & qui affoiblissent du
tout ce pauure Empire. Il a esté dit de toy
autrefois ô France, qu’il n’y auoit point de
Monstres dans ton beau & plantureux terroir :
oüy cela a esté, mais helas ! aujourd’huy tu y
vois à ta grande honte & ruyne des Monstres
horrible & hideux. Le miserable Orestes pour
le crime execrable par luy commis en la personne
de sa mere fut agité, & tourmenté par

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trois cruelles furies : de mesmes nous voyons
qué ces infernales Harpyes charmẽt nostre bon
ieune Roy, & luy font accroire tout ce qu’ils
veulent, l’endorment & l’enchantent, & nous
le voyons & n’en disons mot : Les trois fatales
Parques Clotho, Lachesis, & Atropos tirent, &
conduisent le fil & le cours de nos ans : & des
Estrangers tiennent le Roy & l’Estat en leurs
mains, en disposent comme ils veulent : & nous
les voyons, & l’endurons.

 

Le pipeur vse de tours secrets pour attraper
en ses filets ceux qui n’y prennent garde : ne
faut s’endormir comme l’animal. Oryx qui au
lieu de se mettre en fuitte ayant apperceu les
chasseurs & les chiens, s’amuse a broüter, &
estant pris s’endort dans les filets : ne nous endormons
point, nous voyons ces rusez chasseurs,
qui sont iour & nuict à la proye : ils emportent
tout, ils ioüent à la rafle de nos restes :
& chargez de nos despoüilles & nous font la
guerre : car quelle fiance y a-il à gens incognus
& Estrangers, qui n’ayans respect à la personne
& authorité du Roy, à l’honneur & reuerence
des Princes & des Grands, ne cherchent qu’à
s’agrandir (per fas & ne fas) d’estoc & de taille,
comme qu’il en soit : voire estans si impudents
de dire que la France ressemble vn Oyson,

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plus on luy arrache de plume : plus il en
recroist à foison : ha, trompeurs vous auez
raison, diroit-on, mais ordinairement les
plumeurs de tel Oyson, en rendent la plume
cent ans apres, & n’eschappent iamais la
vengeance de Dieu, & des hommes qu’ils
offencent auec si grande impudence & licence
desbordée, car comme a dit vn Ancien.

 

Ducit numen malos ad pœnas.

Le meschant n’eschappe point la peine,
qui le suit à pas & l’atrape finalement luy
facent cherement & auec grosse vsure payer
l’amende de sa persidie, tromperie desloyauté :
& n’a ja besoing de s’enfuyr : car vengeance
armée courant apres crie.

 


Quò fugis ; ah demens :
Nulla est fuga, tu licet vsque
Ad Tanaym fugias :
In stat pena tibi supra caput, instat vbique.

 

Ha, Mazarin, ou penses-tu fuyr ? il n’y a
pas moyen : tu seras ó hideux Monstre a trois
Testes attrape, car la iuste vengeance te fuit,
n’auez vous point appris, hardis attrapeurs,
comme Sepio, Sernilius, Cosul Romain,
mourut miserablement pour auoir desrobé
l’Or du Temple de Tholose, & tous ceux
qui en toucherent auec luy.

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Brennus, tres-valeureux Capitaine des Anciens
Gaulois, pour auoir rauagé & pillé le
Temple de Delphes fut foudroyé du Ciel &
accablé de la gresle auec toute son armée,
comme le recitent Tite Liue liure 5. Iustiniam
liure 22. Aule Gelle liure 3. chap. 9. & Strabon
liure 4. & vous ayans volé le Roy, succé les
biens de la France par meschantes & frauduleuses
practiques, & fait mille enormes actes
pour vous hauser, ne pensez vous d’en receuoir
le salaire à vos peines ? Les vrays François
Zelateurs au seruice de leur Roy, cependant
que Minos, Æacus & Rhadamante,
Iuges infernaux font vostre procez, prient
Tantale, qu’estans arriuez en ces basses fosses
plutoniques qu’ils vous refuse de son onde à
boire : que Pluton relasche Yzion de sa rouë &
qu’il vous y attache : que Mercure deslie Promethée
& qu’il vous mette en sa place les plus
haut du Cancase en peine tousiours renaissante
& nouuelle, & que rouliez à iamais le rocher
de Sisyphe puis que voulez ruiner nostre France,
& que le Cynique ne cesse d’abbayer apres
vous, estans victiennes execrables arriuez en
nostre terroir pour abuser le Roy, vous mocquer
des Princes & des grands, & mettre à sac
la France : allez allez, Estrangers ennemis, aux

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cannibales auec ceux qui vous tiennent le menton,
se seruant de vous finement comme de
marottes pour vous donner le sault quand ils
auront estably leurs affaires : ils sont trop cognus
par tout, il n’est besoing de les qualifier
autrement, ne voulans recognoistre personne
plus braue qu’eux, & ne receuoir comparaison
que d’eux mesme, tant ils sont impudents :
Venise & autres lieux : ayans cogneu leurs ruses
& hypocrisie, ne veulent plus oüyr leurs comedies
de peur qu’elles ne se changent en tristes
Tragedies. L’emblesme du feu est plein de
grande signification, qui dit, nec prope, nec
longe, ny trop pres, ny trop loing, celuy qui se
veut chaufer commodement, ne doit s’approcher
trop pres du feu : car il se brusleroit, si trop
loing, il ne se chaufera point, de mesmes en est
il du Roy : il s’en faut aprocher auec modestie,
crainte, honneur, & reuerence, tousiours preste
de receuoir ses commandemens & les executer
fidellement.

 

Le flatteur deceuant & dissimulé est la mortelle
peste des Roys & Princes, car il faict perdre
le iuste & l’innocent, voila pourquoy le
sage Philosophe Antithenes disoit tres-bien
qu’il estoit beaucoup meilleur de tomber entre

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les Corbeaux affamez, qu’entre les flatteurs :
car les corbeaux ne deuorent que les corps qui
sont morts, ne s’osant attaquer aux viuants :
mais les flatteurs deuorent les corps des hommes
viuants, emportent leur substance & les
ruynent totalement.

 

Conchin, comme l’on dit, leur a escrit vne
bonne ratelee, ils oyent de tous costez crier
auiourd’huy, au Diable soyent donnez ces
Mazarins, ces canailles, ces affamez Estrangers,
tous leur en veulent & à bon droict :
quand ils entendent cela, ils deuroient auoir
peur & trousser bagage, demander pardon
au Roy & aux Princes & vn passeport
pour sortir en asseurance, il a de la diablerie
pour eux, ie m’en rapporte, tout le monde
est tellement anime contre eux, que ie
ne sçay s’ils en pourront iamais sortir brayes
nettes.

Et Mazarin ne pourra échapper quelque
mal heur, car nous ne pouuons plus souffrir
de luy parce qu’il cause vn si grand dommage
à la France, abuse le Roy par ses fraudes,
le tient captif l’empesche de venir dans sa
dans sa bonne Ville, le faict aller ou il luy
plaist, met les Princes en mauuaise odeur

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auprés de luy fait faire la guerre au Peuple
auec grande iniustice, faisant entendre au
Roy qu’il est rebelle : mais c’est son seul interest
qu’il prend, car il en veut mortellemẽt
aux François, d’autant qu’ils ne veulent plus
de luy, car ils sont trop lassez de gemir sous
sa Tirannye : mais bien qu’il se voye esleué
sur la cime des grandeurs, il n’euitera iamais
la Iustice vangeresse de Dieu, car qu’il prenne
garde à ce Quatrain qui dit.

 

 


Tant plus au Ciel les choses sont poussées,
Plus de fortune elles sont menacées
Et de l’enuie, à qui rien n’est plus cher
Que voir d’enhaut tels pipeurs renuerser.

 

Fortune est de mauuais cognoistre, elle
rid lors quelle veut mordre. Mazarin la
porte encadenassée de chaines d’Or, pensans
par ce moyen la tenir par force & la soumettre
à ces extrauagantes volontez, mais
luy-mesmes romp ces chaisnes par sa follie,
& sa fortune aussi se trouuera de verre, laquelle
plus est reluisante, plus aussi va deceuant,
(vitera est quum splendet frangitur.)
L’amitie des grands est bonne & honorable
quand on la sçait bien mesnager : mais elle
est fort dangereuse, quand on en abuse : car

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lors changeant de visage, adieu bon-temps,
la voiture est perduë, le miserable & outrecuidé,
Ixion chez les Poëtes, ayant receu
quelque coup d’œil de faueur & bonne grace
de Venus, en deuint si orgueilleux qu’il
print l’ardiesse de s’en aprocher vn peu trop
temerairement, mesprisant des-ja les inferieures
Deitez, (comme Mazarin qui mesprisent
tout le monde, ayans la bonne grace
du Roy) mais pour telle temerité il fut condamné
aux Enfers d’estre attaché a vne rouë
par des Serpens qui le pinçoient & mordoient
incessamment, car comme a dit le
Poëte de luy.

 

 


Ixion qui n’auoit ambrassé qu’vne nue
Disoit auoir ioüy de Iunon toute nuë.

 

Faire entreprises qui tiennent du tout de
l’impossible, c’est proprement pescher des
escreuisses sur les Pyramides d’Ægypte : faire
les grands & n’auoir eu des moyens que
par meschantes pratiques. Sapor Roy des
Perses, issu de fort pauure lieu deuint si insolent,
qu’il se nommoit Roy des Roys,
compagnon des estoilles, frere du Soleil &
de la Lune ; mais finalement auec c’est orgueil
insuportable, ayant perdu la Bataille

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contre son ennemy fut par le Preuost Orondates
pendu au haut d’vne montaigne, & estant
ainsi en l’air, il fut voisin, non compagnon
du Soleil, des Estoilles & de la Lune,
Les amys de ce monde selon qu’on les gouuerne
& entretient, sont souuent semblables
aux iettons des compteurs, qui valent quelques
fois cent mille escus, dix mille escus,
vn escu, & quelque-fois seulement vn double
ou vn denier : prenez garde, vous estes
trop haut montez & en peu de temps, la
cheute en sera lourde, (car cõme dit Boëce
l. I. de consol. Philoso,) se mocquant de
vous autres & de vos semblables, qui de tãt
haut tant bas, les bras croisez tant tristes de
se voir par terre dient :

 

 


Quid me fœlicem toties iactatis amici ?
Qui cecidit, stabili non erat ille loco.

 

Il est dit qu’Absalon fils de Dauid nourrissoit,
pour parade sa pesante perruque, mais
il fut par icelle pendu comme à vn cordeau
en la forest d’Ephraim, & fut tiré en ceste
façon : ainsi l’orgueilleux & ambitieux nourrit
si long-temps son orgueil & ambition
qu’elle le perd finalement, & lors Mazarin &
ces bonnes gens, ces glorieux superbes a

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leur honte chanteront ce dernier motet,
mais mal contens & faisant bonne mine.

 

 


Las ce qu’on voit de mondain,
Iamais ferme ne se fondé,
Ains faict & refaict soudain
Comme le bransle d’vn onde.

 

Nostre sage Roy Louys que Dieu conserue
heureusement cognoissant quelque iour,
que telles gens & autres qui veulent aller à
costé de luy au lieu de le suiure sont pernicieux
en son Royaume, suiura comme i’espere
en sa iustice & misericorde, le sage conseil que
Periander vn des sept sages de Grece donna à
Trasibulus grand Prince & chef-d’Armée des
Atheniens : il coupa en sa presence au milieu
d’vn grand champ plein de bleds meurs, tous
les espics qui surpassoient les autres, sans luy
dire autre chose : dont depuis il fit son prosit,
& reduisit son Royaume a esgalité chastiant
les orgueilleux & temeraires qui abusoient de
sa dignité & reuerence.

De façon que le Roy verra quelque iour le
prejudice que le C. Mazarin lui apporte, il congnoistra
dis je, enfin que fait son Alt. Royalle,
les Princes & le Parlement, ce n’est que pour le
bien de sa Majesté, joints auec le Peuple qui est

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poussé d’vn mesme desir, ne respirant que le
zelle de son seruice, & que tous ce qu ils en
font ce n’est que pour le retirer d’entre les
mains de son cruel ennemy, & le bannir pour
iamais de son Royaume, ce procedé est-il pas
iuste, n’est ce pas vne chose insupportable de
voir que Mazarin fasse la loy aux Princes, retienne
le Roy, le tourne à sa poste, & que luy
& les siens se mettent en si grand credit auprés
de sa Majesté, & en fasse retirer les plus proches
de sa Couronne, l’on ne peut penser à celà
qu’auec des estonnemens estranges, ne faut
donc plus differer François à faire le chastiment
de ce temeraire.

 

C’est icy le point & le pont qui tremble cõme
l’on dit, ou ces hardis entrepreneurs trouuerõt
la mauuaise chance de leur ieu, ils ont affaire à
de rude & inexorables luges qui iugent difinitiuement
& sans appel, & puis qu’ils n’ont iamais
rien fait qui vaille, qu’elle grace veulent-ils
pretendre ? nous ne les auons iamais cognus
ny aymez, & n’en voulons plus, on les declarẽt
coulpables & criminels d’vne infinité de crimes,
maluersations & fautes insignes, tant contre
le Roy leur bon Maistre, que contre tous les
Princes & Seigneurs, & toute la France en general,

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suiuant laquelle deposition, & tous d’vn
consentement, nous Iuges infernaux, par le cõmandement
du grand Pluton : Le tout veu &
consideré au noir Palais, infernal auons iugé
le C. Mazarin & harpyes a tenir prison perpetuelle
aux cachots de Pluton, les faisant en cecy
grace, & ce pour exemple à tous autres orgueileux
& pipeurs. Donné & prononcé en nostre
enfumé m’auoir, l’an de repentãce perpetuelle.
Allez donc descendez & garder d’en sortir : Et
Mazarin cõme le principal de tous les harpyes,
tiendra vne place Eminente dans cette sombre
demeure. Ainsi soit-il.

 

FIN.

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