Anonyme [1652], LE GENEREVX PRINCE AVX PARISIENS, DE MOVRIR POVR LE SERVICE DV ROY, & de ne point souffrir le retour du Cardinal Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1483. Cote locale : B_13_41.
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LE GENEREVX PRINCE
aux Parisiens, de mourir pour le seruice du Roy, &
de ne pas souffrir le retour de Mazarin.

AH François ! Ah Parisiens, qui auez iusques
icy tesmoigné tant de cœur & de generosité
pour secoüer le joug de la Tyrannie d’vn Estranger :
C’en est fait pour iamais si vous ne secourez ces genereux
Princes, vous n’y reuiendrez plus. Faut-il que
l’on vous dupe & que l’on vous iouë si ouuertement ?
Vos Ennemis ne vous pouuans vaincre par la force,
vous vainquent par l’artifice & la trahison. Affin que
le Cardinal Mazarin demeure, apres auoir minuté
le sac de Paris, apres nous auoir mis aux termes de
nous faire perir tous d’vn seul coup. Il pretend y reuenir
plus glorieux & triomphant que iamais. Que
diront les Nations estrangers ? Que dira toute l’Europe :
Il ose bien auoir cette audace apres y auoir
Commis vne si grande infidelité, qui a minuté & minutte
encore à present ton sac & ta ruyne, & qui n’a
n’y Dieu n’y Religion, & tient pour maxime qu’vn
Roy n’est point obligé de tenir parole à ses Sujets ?
Ha ! Parisiens, si vous me voulez croire nous ne souffriront
point le Mazarin reuenir. Il ne triomphera
pas de nous auparauant que nous auoir vaincus, vne

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si grande Victoire ne s’achepte qu’auec le sang, & de
souffrir qu’il rentrast dans Paris. Que diroient nos
Compatriotes & nos Voisins, ausquels nous auons
donné nostre foy, qui se sont saignez pour nous secourir,
sinon que nous les abandonnerions laschement ?
Que diroit toute la France, qui s’est mise sous les
armes à nostre exemple, sinon qu’il ne faut plus se fier
en nous ? Que diroient nos enfans & toute la posterité,
sinon que nous les plongerions plus auant que iamais
dans la seruitude ? Que diroient nos peres & nos majeurs
s’ils estoient viuans, sinon que nous auons honteusement
degeneré de leur vertu ? Que diroient, enfin, ces ames
genereuses, qui expose si librement leurs vies pour nostre
deffense, sinon que nous sommes des lasches & des
effeminez, qui n’oserions les suiure dans le Tombeau.
Ce sang qu’ils ont respandu si constamment, nous demande
vengeance, puis qu’aussi bien nous auons esté
negligens à les secourir. Ah ! ne vaut-il pas mieux mourir
glorieusement comme ils ont fait, que de traisner
vne pauure & languissante vie ? que de souffrir qu’vn
Estranger, mais qu’vn coquin & vn infame nous donne
la Loy, & nous traitte en esclaues ? Verrons-nous donc
tousiours ce postillon d’intrigues, assis sur le Throsne du
Roy : disposer de tous les Gouuernemens, de tous les Benefices,
de toutes les Finances, de toutes les Charges
& Dignitez du Royaume ? Verrons-nous tousiours ses
Emissaires & Satellites, des Corsaires publics, porteurs
de roolles & de contraintes du Conseil, traisner les plus

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honnestes Bourgeois en prison. Verrons-nous tousiours
des Fuseliers, ou plustost des Demons incarnez, picorer
& rauager toute la France ? Non, non, chers Compatriotes,
braues François, genereux Parisiens, vous auez
trop monstré de cœur pour le souffrir, vous aymez mieux
mourir les armes à la main, que de suruiure à tant de honte
& de miseres. Mais pourquoy mourir ? Que n’allez-vous
plustost donner la mort à ce perfide Ministre qui
medite vostre perte ? Qui est ce qui vous en peut empescher ?
N’auez-vous pas vn Duc d’Orleans, vn Prince
du Sang Royale, vn Duc de Beaufort, & tant d’autres
excellens Chefs, auec vne puissante Armée, capable de
faire trembler & de conquerir mesme l’Empire Ottoman ?
A quoy tientil dõc, que vous n’alliez l’immoler à la Iustice
diuine & humaine, que vous n’alliez à vostre tour porter
la terreur chez vos Ennemis, & donner la chasse à tous
ces Mazarins, qui bruslent, qui pillent & saccagent vos
Campagnes ? ils n’oseroient vous attendre de pied ferme.
Ce sont des lasche, gens acheptez par le Mazarin,
que la seule esperance du butin & non l’enuie de combatre,
ny la gloire de vaincre, a attirez dans la France.

 

Pouuez-vous iamais souhaitter vne plus belle occasion
pour releuer l’Estat de sa cheute, pour le deliurer
d’infamie, pour vous tirer & vos enfans d’oppression &
d’esclauage, que celle-cy ? Vos Ennemis ne sçauent où
ils en sont, ils ont toute la Normandie à dos, toutes
les Prouinces sur les bras, qui armes pour nostre
deffense : il nous vient du secours de tous costez. Les
Ennemis mesmes de l’Estat, offrent leurs forces pour

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exterminer ce Perturbateur publie, afin de paruenir
à vne Paix generale qu’il a rompuë & empeschée
tant de fois, par la consideration de ses seuls interests.
Qui est ce donc ; qui nous retient ? Nostre cause n’est-elle
pas iuste ? Et pourquoy combattons-nous, sinon pour
abbatre la Tyramnie d’vn insolent Estranger, pour recourir
nostre Prince qu’il nous dérobe, pour conseruer
sa Couronne qu’il deschire, pour secourir nos Princes &
nostre Patrie qui nous tend les bras, & nous déliurer de
tous les maux qui se peuuent imaginer. Courage donc,
chers Compatriotes, acheuons vn si grand & si glorieux
ouurage. Faisons voir au Cardinal & à tous les Supposts
du Ministere, que nous sommes veritablement François,
que nous n’auons point degeneré de la vertu de nos Ancestres,
& que qui ose attaquer nostre liberté, se doit
asseurer de mourir. C’est en extirpant ce Monstre empourpré
de nostre sang, que nous asseurerons nos vies,
que nous recouurirons nostre liberté, que nous conseruerons
au Roy & Paris & toute la France : Et qu’ayant
osté la cause du mal, esteint le flambeau de la guerre, nous
procurerons à toute la Chrestienté vne parfaite & solide
Paix, qui consolera l’Eglise, resioüira la Noblesse, maintiendra
la Iustice, restablira tous les Arts, & fera reuiure le
Cõmerce : lequel auec le repos de nos familles, nous apportera
l’abondance de toutes choses. Si nous nous diuisons,
quelques belles promesses qu’on nous fasse, quelque
Paix auantageuse qu’on nous propose : C’en est fait,
nous n’allons plus voir qu’vn Siecle de fer & de sang, nous
n’allons plus voir que meurtres, que supplices, que proscriptions,

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que monopoles, que partis, que maltotes :
Enfin, nous n’allons plus voir nostre Prince & nostre
Maistre, nostre ieune Monarque, dont la presence seule
pouuoit dissiper l’amertume de tous nos maux. Ce traistre
qui s’est qualifié Surintendant de son education, pretend
reuenir dans Paris. Voy donc, François ; Voy donc,
Parisiens, ce que tu as à faire, pendant que es le plus fort,
ne differe point à prendre vne bonne resolution qui mette
fin à tous tes maux ; de peur que si tu relasches, tu ne
retombes dans de plus grands. La recheute est plus à
craindre que la maladie.

 

Derechef Messieurs les Parisiens, ie vous exhorte
de ne pas souffrir le retour de Mazarin, car ce nous
seroit vn affront qui ne seroit pas reparable, & cela
tourneroit a nostre confusion qu’vne belle Ville que
Paris, qui se peut Nommer le Soleil de l’Vniuers, se
vid d’auantage gouuernée par vn Estranger, & puis
que tant d’autres Villes l’ont refusé, comme Angers,
& Orleans, qu’à leur imitation nous fassions le semblable,
aymant mieux mourir que de commettre vne
telle lascheté.

FIN.

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