Anonyme [1652], LE FRANÇOIS DES-ABVSÉ, MONSTRANT LES MOYENS infaillibles pour establir & affermir la veritable paix dans l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1410. Cote locale : B_16_55.
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LE
FRANÇOIS
DES-ABVSÉ,
MONSTRANT LES MOYENS
infaillibles pour establir & affermir
la veritable paix dans l’Estat.

A. PARIS,

M. DC. LII.

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LE
FRANÇOIS DES-ABVSÉ,
Monstrant les moyens infaillibles pour establir & affermir
la veritable paix dans l’Estat.

DE tous les maux qui peuuent troubler &
affoiblir la France, il n’y en a point de sa
dangereux que le déreglement des mœurs,
& la diuersité des Religions : car ses vices &
les débauches y ruinent les meilleures maisõs
tant parla braueries & magnificences, qui épuisent les
meilleures bourses, que par delices & voluptez, qui corrompent
les plus excellentes natures, si bien que châcun
ayant besoin de trop de bien pour fournir aux superfluitez
de sa dépense, on n’y void plus que rapines & exactions,
faueurs & iniustices, & les ieunes gens s’y gastent
& effeminent à tel poinct, que souuent ils sont perdus de
corps & de mœurs auant qu’ils ayent atteint l’âge de
vingt ans ; d’où vient qu’on ne void plus en eux cette
vigueur & dexterité qui les rendoit capables de
tous exercices & trauaux, ny cette fermeté de cœur, qui
pouuoit les faire reüssir aux plus difficiles entreprises ; Et
quant au menu peuple, ce mesme desordre le rend paresseux
& faineant, & par consequent pauure, bas de
cœur, & sujet à se porter à des actions honteuses & criminelles.

La diuersité en la Religion n’y apporte pas moins d’inconueniens,
y ayant excité vne secrette haine, qui rompt
toutes communications, priue les voisins & les proches
du secours, & des bons offices qu’il s’entredoiuent, les
met en soupçon & défiance les vns des autres, & qui pis

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est, les porte à vn perpetuel dessein de s’entrenuire & opprimer.

 

Si donc on pouuoit remedier à l’vn & à l’autre de ces
deux inconueniens, il n’y a point de doute que la France
se rendroit vn des plus heureux & des plus florissans
Estats de la terre, ayant en soy toutes les qualitez necessaires
à rendre ses habitans puissans, tranquilles, & accommodez
de tout ce qu’il faut pour viure doucement :
Car elle est naturellement munie contre les attaques
Estrangeres, estant presque toute entourée, ou de mers,
ou de profondes riuieres, ou de montagnes tres-hautes :
Elle produit en assez d’abondance les choses necessaires
à l’homme, pour pouuoir sans incommodité se passer de
tous autres pays : Elle est toute cultiuée & habitée, & tres
ouuerte aux voyages & aux voitures pour la facilité du
commerce & de la communication, (perfection non
moins vtile à vn Estat, qu’à vn corps viuant d’estre transpirable :)
& d’autre part, les hommes y sont presque infinis
en nombre, gens robustes, genereux, nez à la guerre,
francs & disciplinables.

Or on ne peut autrement faire cesser le déreglement
des mœurs, que si chacun s’applique dés sa ieunesse selon
sa portée & condition à des occupations legitimes ; les
petits aux arts & mestiers, les mediocres aux sciences, ou
au negoce, & les Gentils hommes aux professions qui leur
sont conuenables, comme sont les charges & offices de
l’vne & de l’autre robe ; l’estude des belles lettres, de la
Politique, & des Morales ; l’art militaire ; les fortifications ;
l’escrime ; l’art de monter à cheual, de faire le coup de
pistolet ; la fabrique des monnoyes ; de l’artillerie ; des
poudres & salpestres, & des verres ; la peinture, &
l’agriculture : Mais sur toutes vacations cette derniere
leur est la plus propre : Car quoy qu’elle soit à present
mesprisée, elle peut donner le moyen mieux que
toute autre industrie, à quiconque s’y attache dans son
propre heritage, d’entretenir à peu de frais des seruiteurs
& cheuaux en grand nombre, pour estre toûsiours

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en estat de monter à cheual, & d’aller seruir le Roy en
quelque part que ce soit : Elle enduroit le corps contre toutes
iniures de l’air : elle recrée l’esprit, & le maintient dans
vne pureté & candeur bien-seante à Noblesse : Ioint qu’estant
vne occupation absoluë & independante, elle est sans doute
aussi la plus releuée de toutes les conditions priuées.

 

Et afin qu’on s’adonnast de meilleur cœur, & auec plus
d’effet à quelqu’vne de ces fonctions, il faudroit que les Peres
& administrateurs de la ieunesse l’eleuassent auec grande
sobrieté sous la crainte, & en exacte discipline, tant pour la
mieux ployer à l’obeïssance & à la vertu, que pour la maintenir
plus saine & plus robuste, & aussi pour l’accoustumer à
fuïr les excez de bouche, qui produisent tous les autres ;
estant tout euident que le gourmand est voluptueux pour la
liaison naturelle qu’il y a entre ces deux vices ; mol, pource
quil ayme trop ses aises, dizeteux, pource qu’il fait trop de
dépense, & enfin trompeur & rauisseur, pource qu’il luy
saut plus de bien pour fournir à ses delices & desbauches,
qu’il n’en peut acquerir legitimement, & que d’ailleurs
estant paresseux & faineant, il ne peut s’appliquer à en gagner
par les bonnes voyes. Il faudroit aussi que les plus
Grands, dont les exemples ont plus de poids & de force que
ceux des petits eussent eux mesmes des maisons dans la
campagne, dont ils fissent en personne cultiuer les terres, &
qu’ils missent quelquefois les mains à l’œuure, témoignassent
en toute leur conuersation faire beaucoup de cas de cet excellent
art, & des autres desia touchez, ne dédaignassent
pas le soin de leurs bestiaux, & tinssent pour gens de neant
& infames, tous ceux qui viuroient sans occupation ; lesquels
aussi il faudroit que le Magistrat contraignit par peines &
amendes à trauailler : Par ce moyen on verroit bien-tost la
campagne decorée de belles maisons bien cultiuée & abondante
en toutes choses, & les Gentils hommes seroient accommodez
de toutes facultez, adroits en toutes fonctions
& exercices, diligens, vigoureux, bien équipez, & tousiours
en estat de faire la guerre. Par ce moyen, aussi chacun s’accoustumant
à tiret sons entretien de sa propre industrie, ou

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se passeroit facilement du bien d’autruy, les presents ne corromproient
plus les mœurs, les delices s’affoibliroient plus
les corps, ny les courages ; On ne verroit plus de mandiens,
ny de dizetteux, pource que les occasions de despenser, où
on se voit à present, seroient heureusement changées en
voyes d’acquerir.

 

Et afin qu’on ne pense pas qu’vne vie laborieuse soit déplaisante
& difficile à supporter, il faut considerer que nul
ne peut éuiter le trauail, & que si on s’affranchit du manuel,
on tombe dans celuy de l’esprit, qui est encore plus penible :
Que si quelqu’vn des plus heureux peut se deffendre des
chagrins & inquietudes, dont la plus grande partie des personnes
plus reglées est agitée, il trouuera la peine & le soucy
dans ses delices mesmes, & dans son plus profond repos,
les aises & les voluptez ayans leurs fatigues & leurs maux
aussi bien que les exercices legitimes : Mais de plus, il est
tres certain que le trauail à ses plaisirs & ses diuertissements
beaucoup plus réels & plus agreables que l’oisiueté ; il deuient
facile à qui s’y habituë, & se change enfin en esbattement ;
l’experience nous faisant voir que plusieurs font
par ieu & par recreation, ce qu’ils faisoient au commencement
auec effort & repugnance, & qu’ils auroient plus de
peine à se resoudre de s’abstenir de ce à quoy ils ont appliqué
leur industrie, qu’ils n’en ont eu d’abord à s’y attacher :
Car quoy que le trauail soit imposé aux hommes par forme
de peine, il s’adoucit à la longue, & se rend si aisé, que d’où
nous venoit le mal, nous procede le bien, & le fiel produit
la douceur.

Ainsi donc à ne considerer le trauail qu’en luy-mesme,
l’homme prudent n’y verra rien capable de luy en donner
auersion, & y trouuera pour le moins autant de roses que
d’espines ; Mais à en examiner les effets, il le trouuera si excellent,
& si desirable, qu’il ne hesitera du tout point à le
choisir pour son partage : Il verra qu’il en reuient deux
singuliers aduantages, l’vn d’euiter la corruption (estant
euident que qui oste l’oisiueté, romp la pointe des voluptez,
& ruine l’empire du vice) & l’autre de deuenir vertueux

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& riche : Par le trauail on gage du pain ; on euite les
embuches de la volupté : on s’acquiert l’honneur & la gloire :
Par luy le corps se maintient en haleine, la santé se conserue,
les forces redoublent, l’esprit se nourrit & s’épure : Par
luy les Sciences & les Arts se perfectionnent, la campagne
s’embellit, les villes s’enrichissent, le païs abonde en tous
biens : Enfin par luy l’auariue & la rapine cessent, puis que le
gain legitime suffisant au besoin de chacun, nul n’a plus sujet
de rechercher les grands biens par mauuaises voyes ; la seureté
publique s’affermit, puis qu’il donne moyen de ne manquer
d’aucunes munitions, & qu’il fait aussi qu’il ne se trouue
plus de traistres : Et le Prince deuient inuincible, puisque le
Peuple estant riche, lui fournit plus volontiers de grandes
finances, que les jeune gens estans sobres, soigneux &
adroits, il s’en fait d’excellents Soldats ; & que la Noblesse
est toute équipée, & par consequent tousiours en estat de
faire la guerre.

 

Pour pouruoir aux inconueniens que donne la diuersité
des Religions, il ne faut pas que ceux qui en professent
l’vne, violentent ceux qui suiuent l’autre, veu qu’il est impossible
qu’on reduise par force les hommes à vne mesme
creance, les esprits estans indomptables, & s’affermissans
par les difficultez à aimer les choses deffenduës : Les siecles
passez ne nous en ont fourny que trop d’experience, les
rigueurs qu’on a pratiquées afin d’emmener les peuples à
l’vnité de la foy, ayans si fort irrité le mal, qu’il a produit des
troubles plus pernicieux à la France, que touts les rauages
des ennemis Estrangers : Toutes ses Prouinces sont deuenuë
frontiéres par les actes d’hostilité qui s’y sont exercez entre
elles : Ses villes se sont partagées en contraires partis, la diuision
s’est iettée iusques dans les familles, les freres ont
renoncé aux mouuements du Sang, les enfans au respect de
la Nature, l’homme est deuenu loup à l’homme, on a violé
les lieux Saincts, pillé les Eglises, demoly les Autels ; & on
a enfin esté reduit à la necessité d’asseurer l’exercice de la
Religion Catholique, par la tolerance de celuy de la nouuelle.

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Certains Politiques modernes ont proposé d’autres expediens
poui destruire la nouuelle opinion ; à sçauoir, de lasser
ceux qui la professent, & les contraindre par trauerses &
durtez à se ranger peu à peu, & comme d’eux-mesmes à la
creance de leurs Peres ; en les excluant de tous offices & dignitez,
mesmes de tous mestiers, professions & emplois,
En leur mettant en contestation leurs lieux d’exercice, &
les en priuant sous diuers pretextes, quoy que contre l’Edict ;
& en trauaillant leur menu peuple par sur impositions
aux Tailles ; par logements de gens de guerre ; par troubles
en leurs demeures, par procez & rigoureuses condemnations
en toutes rencontres ; par vn abandon aux insultes &
iniures de quiconque leur voudra nuire ; Et de leur oster peu
à peu leurs priuileges & leur liberté de conscience. Mais
(outre que ce seroit ternir la gloire du Roy, rendre sa parole
douteuse, & le faire infracteur de ses propres Edits, contre
la franchise & l’equité, par lesquelles de tout temps nos Monarques
ont si bien soustenu leur dignité & leur puissance,)
il n’est pas mal-aisé de iuger que tout cela ne se peut faire
sans hazaider l’Estat : Car en refusant protection & iustice à
ce peuple, qui est ce que le Roy doit à ses Sujets, on luy apprendra
à ne point aussi estre fidelle & obeissant au Roy, qui
est le deuoir des Sujets enuers leur Souuerain, & comme
c’est vn Peuple vny & concordãt qui ne verroit point d’autre
voye de se tirer de la souffrance, que celle d’vne extreme resolution
à la resistance, il seroit sans doute capable de nuire
en toutes occasions, soit qu’il entreprist de se cantonner,
comme autrefois, soit qu’il voulust appeller les Estrangers,
ou adherer aux esprits inquiets & mécontents : En quoy
faisant il formeroit sans doute vn party plus d’angereux à
l’Estat que tout autre.

D’autre part aussi cette maniere d’agir corromproit toutes
les personnes d’authorité accoustumant les Puissans à
tyrannyser les foibles ; & (comme l’auidité est vn feu de
uorant, qui prend nouuel accroissement, en agissant) la
leur s’augmenteroit sans doute à tel point, qu’apres auoir
pillé & denué ceux du party contaire, ils ne pourroient sa

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retenir d’entreprendre sur ceux du leur ; Sur tout les Magistrats
y perdroient leur integrité, ne se pouuant faire qu’ils
fussent assez moderez, pour ne point prendre part au profit
iniuste qu’ils authoriseroient contre ces pauures disgraciez :
Et ainsi les vrais Sujets du Roy & ses propres Officiers deuiendroient
iniques, trompeurs, rauisseurs & inhumains
pendant que les obiets de la heine publique, s’accoustumans
par leurs maux à la sobrieté au trauail, & à la souffrance,
seroient beaucoup plus fermes, plus vnis & plus prompts
à toutes resolutions extremes, iusques à mespriser leur vie
& les perils, & seroient endurcis à toutes fatigues : Tellement
que s’ils entreprenoient de resister à ceux qui les oprimeroient,
ils feroient des rauages tres-grands, & se rendroient
formidables : Et si quelqu’vn d’entr’eux quittoit sa
Religion, ce ne seroit que par considerations humaines, &
par feinte, en sorte que nul n’en seroit edifié.

 

Cela mesme apporteroit à la Religion Catholique vn
grand preiudice, tant à cause de la fermeté & perseuerance
de ceux qui la rejetteroient qu’a raison des mauuais moyens
qu’on employeroit pour la soustenir, qui feroient sans doute
penser qu’elle ne pourroit estre deffenduë par vrayes & solides
maisons, puis qu’on y employeroit la supercherie & la
tyrannie. Car qui se porte aux iniures & aux violences, témoigne
n’auoir point de droit.

Ainsi donc, tout l’Estat seroit en desordre & mal-asseuré,
veu que d’vne part les iniustices & oppressions rendroient
ceux qui les commettroient dépensiers desordonnez, faineans
& sactieux, & que de l’autre, ruinans ceux qui les souffriroient,
elles leur suggeroient l’infidelité & la rebellion,
n’y ayant rien de plus naturel, que d’employer toutes voyes
pour se tirer de seruitude & de misere : Et dans ce dessein,
ils profiteroient de toutes les mutations de la Cour, & seroient
autant d’ennemis intestins, tousiours prests à se ietter
sur nous ; Ioinct aussi que ce mal diminueroit beaucoup les
Sujets du Roy qui sont sa vraye force, & le plus solide de sa
Couronne, & les reduiroit tous en dizette, estant certain
que si les vns pillent impunément les autres, nuline voudra

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plus trauailler : Non ceux la, à cause de la facilité & douceur
qu’ils trouueront à vsurper le bien d’autruy : Non aussi ceux-cy,
pource que le fruict de leur trauail ne leur sera pas asseuré,
estant exposé à des rauisseurs : Et peu de personnes se marieront
à faute de voir vn establissement asseuré pour l’entretien
de leurs familles.

 

On peut cõnoistre l’extreme consequence de cet inconuenient,
& quel domage il produiroit, si on considere le malheur
des Espagnes : Car bien qu’il y ait des contrées arides
& infertiles, il y en a tant d’autres graces & de bon rapport,
qu’il y peut croistre dix fois autant de bleds qu’on sçauroit y
en consumer : Et toutesfois elles ne peuuent nourrir leurs
peuples, sans le secours des pays estrangers, & leur Roy est
contraint de chercher iusques dans les Indes l’argent qu’il
deuroit leuer sur ses Sujets desquels aussi il ne peut faire que
des armées tres-mediocres, ny empescher les Estrangers
d’entrer sur ses terres les plus forts. Or si on recherche bien
soigneusemẽt la cause de cette foiblesse, on trouuera qu’elle
vient principalement d’auoir imposé ioug aux consciences,
captiuité les esprits, & fait regner l’inquisition, par laquelle
on y a proscrit & exterminé tant de personnes, & desolé tant
de maisons & familles qu’auec ce que plusieurs en sont sortis
pour chercher autre part le repos & la liberté, le peuple en
a diminué d’vn tiers : Et d’ailleurs aussi les Ecclesiastiques s’y
sont par trop authorisez, ce qui a fait que trop de gens se
sont faits de cet Ordre, ne trouuans point de condition plus
douce, n’y si respectée & ainsi le marige a esté negligé, qui
est la pepiniere de l’Estat, & le trauail méprisé, qui est la
source de l’abondance : Encor auec tout cela, n’y a t’on peu
entierement extirper la nouuelle Religion, ains l’exercice
s’y vn fait encor en secret dans leurs meilleures villes.

Aussi l’Empereur & les autres Princes de la Maison d’Austriche
ont tres-bien reconnu le manquement de cette Politique :
Car quoy qu’ils visent à mesme but que ce Roy qui
est leur Chef, ils se sont accommodez auec les Protestans,
& les fouffrent en plusieurs de leurs pays sous des cõditions
douces & bien reglées, & en dernier lieu, ils les ont faits

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presque égaux en toutes choses, aux Catholiques par la Paix
d’Osnabruk ; Ce qui sans doute fera si bien prosperer leurs
Peuples & leurs Estats, qu’en peu de temps ne se sentans plus
des rauages & ruines de leurs longues guerres, ils seront en
pouuoir de nous courre sus, si nous n’auons la prudence de
composer aussi nos differents intestins, pour donner moyen
à nos peuples de s’augmenter, comme feront les leurs, & se
fortifier sous le benefice d’vne liberté publique, & d’vne
Iustice bien reglée.

 

Que si bien l’Empereur a depuis peu chassé de Boheme
les Protestans, afin d’appaiser ceux qui s’efforçoient de cette
Paix ; Il l’a fait par vn dessein contraire, mais fondé pourtant
sur la mesme consideration : Car voulant se rendre ce
Royaume là hereditaire, au lieu qu’il est electif, il a iugé necessaire
de l’affoiblir, & n’a point trouué pour cela de moyen
plus propre que d’en oster la liberté de conscience, afin
de delibiliter ceux d’vne Religion par ceux de l’autre : Tellement
qu’en cela mesme il confirme la maxime desia posée,
à sçauoir qu’vn Estat meslé de deux Religions ne peut estre
tranquile ny puissant, que par vne raisonnable liberté de
l’vne & de l’autre.

Il y a encor vne raison tres importante, qui doit faire condamner
le dessein de trauerser en leurs libertez ceux de la
nouuelle Religion de France : C’est qu’on ne le peut faire
sans agrandir par trop les Ecclesiastiques, & vnir sous eux
les Catholiques auec tant de dependance, que quand il
plaira aux Predicateurs & Confesseurs de blâmer le gouuernement,
& d’appuyer quelque Prince mécontent & ambitieux,
non seulement ils gesneront le Roy en toutes ses entreprises :
mais entraisneront dans leurs interets, & sentiments
les Compagnies Souueraines, & les Assemblées des
Estats, iusques à faire des ligues, & exciter la guerre, ce
qui est si dangereux au Roy, & si contraire à grandeur de
l’Empire François, qu’à peine luy peut-il aduenir vn plus
grand inconuenient, à moins que d’estre deschiré & du tour
destruit.

Mais pour ce que l’vtilité de l’Estat, & l’exemple des autres

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Princes ne seroient pas des bonnes raisons pour inciter
le Roy tres Chrestien à permettre cette liberté, si elle estoit
contraire au deuoir & à la pieté ; Il faut montrer qu’elle n’y
repugne point, & qu’vn Prince ne fait rien contre sa conscience,
quand il souffre les Lutheriens ou les Caluinistes
dans ses terres.

 

Quelques mauuais Legislateurs ne voulans imposer aucune
peine à l’adultere, n’y au pariure, ont allegué pour excuse
qu’il suffisoit que Dieu en fust le vangeur : Mais ce qu’ils
ont dit par abus, & par conniuence, touchant des crimes
qu’ils auoient honte de punir en autruy, s’en sentans eux-mesmes
coulpables, se peut auec beaucoup de raison dire de
certaines erreurs en la Religion, à sçauoir, qu’elles sont reseruées
au iugement de Dieu seul : Car bien que le plus souuent
elles soient mortelles & damnables, si est ce que pourueu
qu’elles ne soient fondamentales, ny directement contre
la Saincte Trinité, ou contre la totalité de l’Euangile,
elles ne sont point sujettes au glaiue ny à l’animaduersion du
Magistrat, ains aux seules censeures de l’Eglise qui doit les
combatre par armes purement spirituelles, à sçauoir, par
exhortations, enseignements, reprehensions, penitences,
excommunications, & choses semblables, sans interposition
de l’authorité du Prince : Ce qui se prouue par deux
raisons.

La premiere est que l’authorité politique n’a pour but
que l’vnion, la tranquillité & la seureté temporelle du peuple,
tant en general qu’en particulier : C’est pourquoy les
premiers Gouuerneurs des lsraëlites estoiẽt appellez Iuges,
& quand ce peuple demanda vn Roy, il donna cette seule
raison de son desir, afin, dit-il, qu’il aille deuant nous, &
nous conduise : Or les Iuges & les Conducteurs n’ont autre
charge que de pouruoir à la tranquilité du dedans, en reprimant
les vicieux, & soustenant les bons par exacte iustice, &
à la seureté du dehors, en repoussant par armes les attaques
estrangeres, gardant auec grand soin la frontiére, & s’abstenant
de toute iniure & violence à l’endroict des voisins :
Comme donques leur but n’est que la societé ciuile, leur deuoir

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se termine & s’applique entierement à la procurer, & ils
considerent les hommes non pas entant qu’ils composent
l’Eglise de IESVS-CHRIST, qui est vne Compagnie spirituelle
mais entant qu’ils font corps politique & ciuil, lequel ne doit
estre animé, ny auoir pour ainsi dire, d’appetit irascible, que
contre ce qui luy peut nuire ; à sçauoir, contre ceux qui par
leurs vices & corruptions troublent sa tranquilité ou son ordre,
& qui pechent contre ses Loix, soit au preiudice de
quelque particulier, soit au desauantage du public : Car il y
a deux puissances dans l’Estat, à sçauoir, celle de l’Eglise, &
celle du Prince, elles sont toutes deux independantes, & ce
n’est ny du soin de l’Eglise de pouruoir à ce qui peche contre
les maximes de l’Estat politique, ny du fait du Roy de corriger
ce qui est discordant à l’Eglise, non plus que de iuger des
poincts de la Foy, autrement il tomberoit dans des grands
inconueniens, puis que s’il contraignoit par peines & supplices
ses Sujets à suiure tous vne mesme Religion, il seroit
simple executeur de ce dont il ne pourroit iuger, Veu que
ny luy, ny ses Officiers ne peuuent connoistre d’heresie : Et
qui plus est, puniroit des personnes non condemnées, veu
qu’elles ne pourroient estre iugées que par authorité Ecclesiastique :
Or l’Eglise Gallicane ne procede contre qui que
ce soit par aucunes condemnations de peines temporelles,
& n’agit que par exhortations & censures, sans aucunement
exercer la puissance du glaiue.

 

Que si on replique que c’est à l’Egllse à luy indiquer & declarer
les heretiques, & à luy à les punir, cela n’oteroit point
l’inconuenient ja marqué, ains ce seroit tousiours le faire
simple executeur des volontez d’autruy, & qui plus est,
mettre les biens, l’honneur & la vie de ses Sujets en la main
des Ecclesiastiques, qui pour perdre quelqu’vn n’auroient
qu’a le declarer heretique, & ainsi ces personnes sacrées perdroient
leur candeur & pureté, portans la main au sang : Car
ce seroit eux proprement qui condamneroient & tueroient
par le moyen du Roy & de ses Officiers, puis que selon le
iugement de Dieu Dauid est reputé auoir tué Vrie, quoy
qu’il fust mort en guerre, & de la main des ennemis, pource

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seulement qu’il l’auoit fait loger en vn poste dangereux pour
le faire perir, & où par effet, il fut mis à mort ; & mesme
comme ils ne sont pas exempts des passions qui dominent sur
les autres hommes, il pourroit arriuer que l’auarice, & le desir
de vengeance agiroient en eux à la ruine & desolation de
plusieurs personnes de probité.

 

Et en cét endroict, il faut bien soigneusement distinguer
la vraye authorité de l’Eglise, d’auec celle que quelques-vns
luy veulent attribuer par interest, ou zele inconsideré ;
veu que celle-là est toute spirituelle & benigne, au
lieu que celle-cy est vn peu terriene & affectée : Comme
de dire qu’elle ait inspection sur les Roys, quant au temporel,
que le Pape ait droit de les déposer, de dispenser leurs
Sujets du serment de fidelité, & de donner leurs Royaumes à
d’autres ; veu que nul n’est obligé de croire ces choses comme
vrais articles de foy, ains l’Eglise Gallicane y a tousiours
fermement contredit, & a introduit pour cela les appellations
comme d’abus, à sçauoir, pour le maintien de la liberté
publique à l’encontre de telles vsurpations : De mesme bien
qu’elle n’ait en rien refusé, quant au spirituel, de s’assuiettir
au Pape, elle a estimé qu’elle ne deuoit pas vser de contrainte
& violence, comme fait l’Eglise Italique à l’encontre de
ceux qui errent en la foy, & lors qu’ils estoient punis en France,
tout ce qu’elle faisoit de plus seuere estoit de les declarer
heretiques, ou de les degrader, si c’estoient des Prestres ; qui
plus est, elle auoit accoustumé en les liurant au bras seculier,
apres les auoir reduits dans la simple condition Laïque de
prier le Magistrat de leur estre doux & fauorable, signe certain
qu’elle e’entendoit aucunement employer son authorité
à les supplier, ains les remettoit purement & simplement à
la puissance politique par vne espece de delaissement, comme
en declarant n’auoir plus sur eux l’authorité qu’elle exerce
sur les Clercs, & n’entendre de les faire iouïr plus auant de
leurs priuileges : Et quant aux Laycs accusez d’heresie, ils
estoient directement citez deuant les Officiers Royaux, qui
mandoient des Docteurs pour s’informer d’eux s’ils estoient
heretiques, & les ramener, si faire se pouuoit à vne meilleure

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croyance, lesquels en suite les interrogeoient, les enseignoient
& les exhortoient pour les faire changer d’opinion,
puis enfin s’ils persistoient, les laissoient, declarans simplement
au Iuge leur obstination : Tellement que le iugement
de mort qui s’en ensuiuoit, estoit purement d’authorité seculiere :
En quoy certainement l’Eglise sauuoit bien les apparences
de sa premiere douceur & integrité, mais elle ne laissoit
au fond de se soüiller de sang, & le Roy & ses Officiers
apparemment autheurs de telles condemnations de mort,
n’en estoient à vray dire que les executeurs : C’est pour quoy
aussi cette politique a este corrigée, mais cependant elle fait
voir que l’Eglise Gallicane a tousiours fait profession de demeurer
aux purs termes du spirituel, & qu’elle a laissé au Roy
l’entier vsage & la distribution des peines temporelles ; en
quoy faisant, elle les a suffisamment reprouuées, puis que si
elles deuoient estre infligées pour crimes d’heresie, c’eust
esté sans doute à elle seulle d’en ordonner, aussi bien cõme
il lui apartient de cõnoistre desdits crimes, & n’y employant
que les excõmunications & les penitences, elle montre assez
que tels crimes ne sont sujets à autres peines que spirituelles.

 

La seconde raison est, tirée de la nature de la Religion
Chrestienne qui est trop debonnaire, pour infliger aucunes
semblables peines, elle n’en connoist la pratique, que passiuement,
Iesus Christ est vn Roy spirituel, lequel a bien vn
glaiue pour destruire ses ennemis, mais il le porte à la bouche
pour monstrer que c’est sa seule parolle qui les combat &
subiugue, soit qu’il conuertisse, ou qu’il conuainque les contredisans,
ce n’est que par euidence de doctrine ; Quand il
menace ce n’est pas comme Iuge (quoy qu’il le soit veritablement)
mais comme Docteur & Prophete qui aduertist charitablement
les pauures pecheurs & déuoyez des maux qu’ils
s’attirent sur la teste, afin que par leur propre interest, il s’en
retirent par frayeur, comme qui se sauueroit du feu, ou du
bord d’vn precipice ; Tous ses diciples le suiuent volontairement,
il veut auoir leur cœur, il les appelle peuple de franc-vouloir,
les attire à soy par cordages d’humanité, & est si
esloigné d’vser de contrainte & de violence, que mesmes il

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rejette ceux qui viennent à luy par interest charnel, & qui le
suiuent pour du pain. La derniere raison des Roys terriens
est la force, mais au rebours, la force de ce Roy celeste est la
raison : Aussi toute son expedition de guerre, lors qu’il enuoya
ses gens pour couqnester le monde, ne fut que des langues
de feu qu’il fit descendre des Cieux sur ses Apostres le
iour de la Pentecoste : Il appelle son Euangile vn témoignage
c’est à dire endoctrinemẽt, & remonstrance, non vne Loy :
Il declare expressement que Dieu ne l’a point enuoyé pour
iuger le monde, mais afin que le monde soit sauué par luy,
& ailleurs qu’il ne iuge point ceux qui reiettent sa parole,
mais que ce sera cette mesme parole qui les iugera, à sçauoir
au dernier iour. Aussi est-il certain & euident que comme
toute la force des hommes & des Anges ne sçauroit contraindre
la volonté, elle ne sçauroit non plus acquerir vn
homme à Dieu, elle peut bien faire des hypocrites, & faux
Chrestiẽs, mais non iamais des vrais Catholiques & Fidelles.

 

Ce n’est pas que la persuasion & lumiere diuine de l’Euangile
ne soit accompagnée d’vne puissance tres-efficacieuse,
& que mesmes elles ne porte les hommes à vne maniere de
violence, mais c’est vne violence de pur zele & d’amour, à
raison de quoy ils sont dits forcer & rauir le Royaume des
Cieux, à sçauoir, par charité ardente, par perseuerance, &
par vne resistance inuincible à l’encontre des tentations : En
quoy l’hõme ne fait pas force à l’homme, ains à soy-mesme,
renonçant par l’amour de Dieu à ses propres appetits, & à sa
volonté charnelle, sans laisser pour cela d’estre libre, puisque
cete force vient de sa propre Ame, & de la lumiere de
son entendement, qui réprime les inclinations de sa chair, &
corriger sa vie.

Soit donc conclu, que l’Eglise. Gallicane n’vse aucunement
de peines temporelles pour ranger les hommes à leur
deuoir, que le Magistrat François n’en doit non plus vser, &
que cette maniere & façon d’agir est non seulement indigne
de l’excellence de l’Euangile ; mais incapable d’en aduancer
le cours, les consciences n’estans point de la jurisdiction
les Princes de la terre, ny les esprits sousmis à leur Empire :

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Qui es tu toy, dit Saint Paul, qui iuge le seruiteur d’autruy ?
s’il se soustient, ou s’il trebusche, c’est à son propre Seigneur
& Dieu qui l’a pris à soy est puissant pour l’affermir : Or
quant à la foy, nul n’ignore que nous ne dépendions de Dieu
seul, & de son Eglise, & qu’elle seulle n’ait droit d’inspection
sur nous par moyens spirituels ; le Roy donques qui en
dépend auec nous, & qui n’est à cét égard que nostre Concitoyen
& nostre Frere, n’y doit exercer aucune force : Et
c’est pour cela que Dieu donnant des Loix Politiques aux
Israëlites, & declarant quel est le deuoir des Gounerneurs &
des Magistrats ne leur ordonne pas de punir ceux qui errent
en l’explication de sa parole, ains seulement les violateurs de
la totalité de la Religion, Suiuant quoy, ce peuple a toleré
des heresies fort pernicieuses, sans que le Magistrat ait iamais
interposé son authorité pour les reprimer ; entr’autres
celle des Saduciens qui nyoïent la Resurrection, & la seconde
vie, & qui n’ayans aucune apprehension du dernier iugement,
pouuoient se porter à tout abandon de dissolution :
Les choses cachées & obscures sont reseruées à Dieu, dit
Moyse, mais les reuelées sont pour nous & pour nos enfans :
Or les poincts qui sont en controuerse entre les Chrestiens
ont de l’obscurité, au moins à l’égard de ceux qui ne
les entendent point, ainsi le iugement en doit estre laissé à
Dieu.

 

C’est à cette moderation que Gamaliel exhortoit les Iuifs
de son temps au sujet d’vne doctrine, qui estoit pour lors
toute nouuelle, ils en estoient en grand émoy, & auoient
peine à se resoudre sur ce qui estoit de faire, pour en empescher
le progrez, leurs aduis estoient differents, mais il les fit
tous tomber dans son sentiment, qui fut de se déporter du
dessein qu’ils prenoient d’vser de violence, leur disant, que
si cette doctrine estoit des hommes, elle seroit dissipée, comme
l’auoient esté plusieurs autres, dont il leur alleguoit les
exemples : Mais que si elle estoit de Dieu, ils ne la pourroient
destruire : Que s’il y a quelque doctrine diuerse à la Catholique
qui doiue estre tollerée, c’est sans doute celle de la Reiolign.
P. Reff.

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Que doncques le glaiue & l’authorité du Roy, ne soient
point employez contre les desuoyez, qu’ils ne soient non
plus attirez à nous par faueurs ny par recompenses sensuelles :
Quelles ne soient pas mesmes proposées aux vrays Chrestiens,
pour les obliger à perseuerance, puis qu’elles sont non
seulement inutiles, mais tres nuisibles & ruineuses de part
& d’autre : Que le Magistrat renferme desormais toute son
authorité, & ses soins dans son vray & legitime objet qui est
la tranquillité publique, & le bien temporel de l’Estat ; qu’il
reserue toutes ses recompenses pour la vertu Politique &
terriene, tous ses supplices pour la punition des crimes, qui
interessent la societé ciuile, & corrompent les mœurs : Que
si l’exemple du Pape luy donne des mouuemens pour l’inquisition,
qu’il considere qu’en cela le Pape agit non comme
Pere spirituel, mais comme Prince temporel dans le Domaine
de Sainct Pierre, qui luy est commis : Cette Politique a
ses raisons pour luy qui ne sont nullement bonnes pour nous,
chaqu’vn gouuerne ses Peuples comme il iuge pour le mieux,
& comme les promesses que Dieu a faites à son Eglise de la
conduire par son Saint Esprit, ne s’estendent pas necessairement
au Gouuernement politique de l’Estat, dans lequel elle
habite, il n’est pas impossible que quant au regime temporel,
le Pape ne soit suiet à faillir, & qu’il ne tienne vn peu des infirmitez
de tous les autres Princes, & hommes de la terre :
Et quant aux Princes qui tiennent les mesmes maximes, ils le
font sans doute par des considerations Politiques, & les mesmes
raisons qui les portent à se monstrer seueres, & inflexibles
contre toutes opinions nouuelles en faict de Religion
dans des Estats, où elles n’ont pas encor pris pied, nous
doiuent faire supporter celle que nos Edicts permettent, &
qui a desia prins de fortes racines. Ostons seulement par bonté
& iustice toutes occasions de haine entre nous & ceux de
la nouuelle Religion, & nous aurons oste tout le venin de
cette diuision, elle ne sera plus nuisible à l’Estat Politique, &
n’alterera non plus l’amitié entre Concitoyens, que si c’estoit
vne simple discordance sur des points de Philosophie.

Iene dis pas pourtant qu’il faille admettre indifferemment

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aux hautes charges les Religionnaires auec les Catholiques,
il suffira de les occuper aux mediocres, & de leur permettre
d’exercer les fonctions mechaniques, en les maintenant au
surplus dans toutes les libertez & seuretez publiques. Car il
est raisonnable que les principales charges & dignitez soient
exercées par ceux qui sont de la Religion du Prince, & que
les autres soient dans quelque abaissement : Sur tout qu’ils
s’abstiennent de dogmatiser en public hors les lieux de leurs
exercices. Moyennant ces précautions leur frequentation
auec nous sera sans danger, puis que leurs erreurs demeureront
secrettes, si nous contestons auec eux, ce ne sera que de
choses du Siecle, sur lesquelles la Iustice nous reglera : Et i’ose
dire que leur conuersation nous seruira quant aux mœurs,
pource que nous sentans au double obligez à leur donner
bon exemple pour les attirer à nous, nous prendrons garde
de ne leur causer aucun achopement, & de les gagner par
vne vie douce & vertueuse. Nos Ecclesiastiques s’aquiteront
mieux de leur deuoir, considerans que la licence de plusieurs
de leurs deuanciers, a esté l’vn des premiers scandales qui ont
déchiré l’Eglise : Et eux de leur costé pour se iustifier de ce
dont nous les accusons, qui est d’aimer le libertinage auront
soin de nous fermer la bouche par sobrieté & modestie ? Et
dans ce concours de vertus nous nous préuiendrons les vns
les autres par ciuilité & honneur, nous adonnerons auec liberté
& seureté à la profession que nous aurons choisie, l’Estat
sera tranquille & remply de toutes choses, les Citoyens
seront bien reglez en tous leurs deportemens, infinis en nombre ;
bien vnis entr’eux, soumis à leur Prince & aux Magistrats,
vigoureux en guerre, accommodez de toutes facultez,
bien disciplinez, Et par consequent victorieux sur tous autres
Peuples.

 

FIN.

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Anonyme [1652], LE FRANÇOIS DES-ABVSÉ, MONSTRANT LES MOYENS infaillibles pour establir & affermir la veritable paix dans l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1410. Cote locale : B_16_55.