Anonyme [1649], LE DESLOGEMENT DE LA DISCORDE SANS TROMPETTE. Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_995. Cote locale : C_2_49.
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LE
DESLOGEMENT
DE
LA DISCORDE
SANS TROMPETTE.

Vers Burlesques.

M. DC. XLIX.

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LE DESLOGEMENT
DE LA DISCORDE
SANS TROMPETTE.

Vers Burlesques.

 


Vien t’en Diuine exhalaison
Habiter dedans ma maison,
Vien ma belle Muse falotte
Que iamais plus tu ne grelotte :
Or çà dy moy la verité
Auec grande fidelité,
Car si tu faits l’acariastre
Ie te battray comme du plastre,
Ie rompray baston sur ton dos,
Ie te fracasseray les os,
Ie te casseray la maschoire,
Ie t’empescheray de plus boire,
Dy ce qui s’est fait franchement,
Et auoüe tout ingenuëment :
Mais vous mes rimes ridicules,
Cachez icy bien vos macules ;
Mais ayez des macules ou non
Ie vay commencer tout de bon,
Et pour icy garder vn ordre
Finissons viste cet exorde.
Or çà Muse seconde moy,
Et ne faits point du quant à toy,

 

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Vn Mardy donc bon iour bonnë œuurẽ,
La discorde fit son chef-d’œuure
Auec ses habits mal bastis
Nous desiroit aneantis,
Qu’elle enfile donc la colline
Encor qu’elle face la fine,
Elle ne fera iamais rien,
Car nous la connoissons trop bien,
Et ne veut que bosse à la teste,
Elle trouble souuent la feste,
Ie le dis sans estre deuint,
La Veille des Roys elle y vint,
Elle pensoit nous faire outrage,
Et nous apporter grand dommage
Nous croyant tous en desaroy,
Disant ; Ils crient le Roy-boy :
Vrayment nous luy auons fait nicque,
Nous luy auons donné du picque,
Et peu (ma foy) s’en est fallu
Que nous ne l’ayons bien battu,
Cette Dame à la haute teste,
Cette existense de tempeste,
Ses mains ne sont en son pouuoir,
Mais elle sçait bien les mouuoir,
Elle a le nez sal’comme boüe,
Des larmes tombent sur sa ioüe
De deux yeux tous rouges sortans,
Qui son pasle tein arrousans
Faisoient voir deux noires fontaines
Qui descouloient sur ses veines.
Elle auoit les pieds tout tortus,
Et les iambes & le col crochus,
Et les levres noires & ternies,
Et les entrailles mal fournies,
Elle auoit dans son sein caché

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Vn grand cousteau bien amanché.
Cette femme qui tousiours braye
Auoit en guise de grand daye,
Non d velours brodé, ny d’or,
Non, non, cela n’est pas encor,
Mais c’est vn tenebreux nuage
Qui enuironnoit son visage,
Vn voile qui paroissoit noir,
Car la pluspart le pouuoit voir
Tout ainsi quand le sieur tonnerre
Veut foudroyer Dame la terre,
Ou quand l’air paroit pluuieux,
Quand Iupin, ce Dieu glorieux,
Leue aux pluyes & au vent la bonde,
Qui tout par tout ou il va gronde,
Et qu’ils font tous deux les mutins
Comme feroient des lutins.
Muse, courant la bretantaine
Ie te frotteray la bedaine,
Est-ce ainsi qu’on se rit de moy ?
Ah ! si ie te prens par ma foy,
Ie te feray faire ton affaire,
Et que diable vas-tu faire
Dans cette haute voûte des Cieux ?
Quoy, n’as-tu point peur des Dieux ?
Mais reuenons à la discorde,
Digne de potence & de corde,
Croyant nous faire desplaisir
Ayant dessein de nous rauir
Madame sa belle eminence
Se persuadant que son absence
Et estant esloignés de luy
Nous apporteroit grand ennuy,
Nous causeroit grande tristesse,
Nous accableroit de detresse,

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Mais elle a menti par sa dent :
Car l’aymons mieux loin que present,
Ce soleil trop ardant nous brûle,
Cet esprit nous rend ridicule,
Luy qui par ses subtilitez
Rend les plus habils hebetez,
Cet aualeur de limonade,
Ce faiseur de rodomontades :
Ah ! peste qu’il est degousté,
Ce qu’il en fait c’est pour tasté :
Enfin cette maudite Deesse
Qui veut faire de la Maistresse,
Et cette gaubeuse de corps,
Non pas de viuans, mais de morts,
Elle quitta Dame frontiere,
Affin de mieux remplir nos bieres
Des carcasses de nos badots.
Vrayment ils ne sont pas si sots,
Ils luy ont sait des saluades,
Non de bonnet, mais de gourmades,
Non pas en ostant le chapeau,
Ny en faisant le pied de veau,
Mais de bastons quelque volée,
Estant pris elle est detalée.
Et fit bien de tirer de lon
On luy promettoit rien de bon,
Nous ne luy gardions poires molles
A toutes ses actions si folles,
Maudite peste de nos iours,
Perturbatrice des amours,
Fracasseuse de nos marmitte,
Cette rompeuse de lichefrites,
Cette contagion de nos ans,
Gaubeuse de petits enfans,
La femme à la longue mammelle,

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La teste tousiours sans ceruelle,
Mais vn doute dans mon cerueau
Me rend quasi plus sot qu’vn veau.
Ie ne sçay quelle religion
Professe cette contagion,
Cette Nymphe de boucherie,
Et cette infernale Furie,
Ceux qui entendent ses pechez
Sont que ie croy bien empeschez.
Dy moy viste, est-tu Catholique,
Ou n’est tu point Apostolique ?
Quoy, auec ton graue maintien
Tu ne me respondras donc rien ?
Or çà ne fais point de la vaine,
Dis sans mentir, est-tu Romaine ?
Tu te tais. Comme l’on peut voit
Ayant le visage vn peu noir
Tu es donc quelque Egyptienne,
Ou bien tu fus Italienne,
Quelle mangeuse de poix gris,
Comme tu faits de petits sousris,
Tu ne gagne pas trop pour rire,
Ie vois bien ce que tu veux dire,
L’Italie fut ta nation,
Et tu n’as point de Religion.
Fay gille donc en Italie
Tu auras bonne compagnie,
Va, tu ne payras point d’escot,
Ton compagnon n’est pas trop sot
Il n’a pas la bedaine creuse,
Ny aussi la maschoire oyseuse,
Ny la bourse pleine de vent,
La mal bosse, il a de l’argent,
Mais laissons l’argent & le boire,
Ie te veux faire admonitoire,

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Aga tu t’enfuis comme vn loup,
Vien, vien, boire encore vn coup :
Ha ! ne t’en va donc pas si viste,
Tu seras assez tost au giste.
Ce qui me fait donc grand despit,
Et que me chifonne l’esprit,
Qui grandement aussi me touche,
C’est que bien souuent tu te couche
Sans auoir fait ton examen,
Tu fuis, ne reuiens plus, Amen.

 

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