Anonyme [1651], LE COVP D’ESTAT DE LA GVYENNE presenté à Monseigneur le Prince DE CONDÉ, & à Messieurs de Bordeaux; OV REMONSTRANCE A TOVS LES ORDRES DE LA PROVINCE. , françaisRéférence RIM : M0_799. Cote locale : B_6_39.
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LE COVP D’ESTAT DE LA GVYENNE,
presenté à Monseigneur le prince de Condé, & à
Messieurs de Bordeaux ; ou Remonstrance
à tous les Ordres de la Prouince.

C’EST à ce coup, Prouince infortunée,
qu’il faut que toutes tes parties
fassent effort pour se releuer de cet assoupissement
letargique qui te rend
depuis trois ans tributaire des passions
d’vn petit nombre d’insensez, qui te
fait seruir de theatre à la guerre, & de matiere aux injustes
pretentions de quelques esprits ambitieux. Ie
commenceray par vous, foibles instrumens du repos
public, Ministres impuissans de iustice, Officiers du
Parlement de Bordeaux, qui auez crû vous exempter
de reproche, en vous éloignant des deliberations violentes
& crimineles de ces redoutables confreres que
vous appellez Frondeurs : I’auoüe que vous auez fait
quelque chose pour vostre repos particulier, lors que
vous ne vous estes pas opposez aux debordemens de
ce Torrent impetueux de vos Chambres assemblées,
vous vous estes garentis par ce moyen des injures, des
menaces, mesme des coups de ces jeunes Enfans perdus,
de ces Carabins de robbe longue, qui font depuis

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long-temps parmy vous, la loy à vos plus venerables
Senateurs, à vos Peres conscripts par l’effet de
cette lasche complaisance, qui les a rendus, par vostre
absence, Maistres de vos biens, de vos personnes &
de vostre reputation. Mais n’auez-vous point consideré
le malheureux estat de vostre condition, & combien
vostre silence, vostre retraite, l’abandonnement
de l’exercice de vos charges, & la priuation de la connoissance
des affaires publiques, vous a rendu méprisables
aupres du Roy, parmy les peuples, vos justiciables,
& parmy vos confreres mesmes. C’est vne maxime
auerée de tout temps, & que la corruption des
derniers siecles n’a que trop authorisée, que les hommes
ne sont en consideration, que tout autant qu’ils
peuuent seruir à la cause publique, ou au bien particulier :
Suiuant cette ancienne regle, vous deuez estre
mis au rang des choses inutiles, & dans la cathegorie
des estres indifferens. Vous n’auez osé prendre la defense
de la cause de vostre Souuerain ; vous auez mesme
souffert qu’on aye quelquefois foulé aux pieds sa
sacrée effigie ; vous auez permis qu’on aye couronné
les coupables, & puny les innocens : apres cela, à quel
mestier estes-vous bons, & à quoy pretendez-vous
pouuoir seruir ? Il est temps, ames timides, que vous
vous excitiez à produire quelqu’acte de generosité,
& que vous pensiez aux moyens de reparer les breches
qu’on a faites à vostre honneur & à vostre reputation ?
Vous possedez des charges qui ont esté créez
autant pour conseruer les peuples dans l’obeïssance,

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& tenir la main à l’execution des volontez du Roy,
que pour rendre la justice à ses subjets ; Il y a trop
long-temps que vous ne faites ny l’vn ny l’autre : Reuenez,
troupe desolée, Officiers sans fonction & sans
authorité, reprenez vos places ; le moindre des seruiteurs
du Roy professe hautement que sa Majesté a vn
pouuoir absolu sur sa vie & sur ses biens, le plus petit
fantassin s’expose vingt fois le iour pour la preuue de
ceste verité, & vous cherchés retraite dans les Cloistres,
& vous vous cachez dans les lieux les plus retirez, pendant
qu’on propose & qu’on resout dans vostre Senat
des ligues & des vnions contre le Roy, pendant qu’on
depute des Commissaires pour enleuer les deniers de
ses Receptes, & qu’on ordonne la leuée de diuerses
troupes pour s’opposer à ses armées ? Pretendez vous
pouuoir conseruer à si peu de fraiz cette qualité de Peres
du peuple & de Tuteurs des Rois, qui fait le Paradoxe
du temps, & qui a causé tant de funestes reuolutions
dans l’Estat ? Si la consideration du salut de
vostre Patrie n’a pas esté capable de vous obliger jusques
à present à payer de vos personnes, au moins
prenez la defense de vos Autels, & ne permettez-pas
qu’on éleue des statuës à des fausses diuinitez. Pour
peu que vous témoigniez de resolution à secoüer le
nouueau joug qu’on vous impose, vous serez bien-tost
puissamment secondez, vn Roy majeur marche
à grands pas pour vous secourir, declarez-vous hardiment,
vous verrez bien-tost Cesar & sa fortune.

 

Pour vous genereux guerriers, Atletes incomparables,

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petits neueux de ces anciens Goths, redoutables
Frondeurs du Parlement de Bourdeaux, ie vous
vois trop obstinez & trop attachez à vostre nouuelle
secte, pour entreprendre de vous ramener par
mes exhortations au deuoir des subjets enuers leur
Roy, des Officiers de Iustice enuers leur Souuerain.
Ie ne desespererois pourtant pas de vostre salut,
si ie pouuois insinuer dans vos esprits la confiance
en la bonté du Roy, au poinct que vous la deuez
auoir.

 

Ie sçay que pour auoir desesperé de la misericorde
de sa Majesté, vous estes tombez dans ces horribles
extremitez qui ont defiguré l’estat de vostre
Prouince, & porté le scandale & la confusion dans
tout le reste de la France ; c’est assez, pour en obtenir
le pardon, d’en auoir de la repentance ; prenez
le Mouchoir & quittez la Fronde, le mestier n’en
vaut plus rien, Dame Anne est mal payée de ses
pensions, & l’on est des-abusé dans Paris de tous ces
faux pretextes qui ont seruy de matiere à tant de
mauuais escriuains, & d’exercice à tant d’esprits libertins :
Il est temps que vous reconnoissiez vos fautes,
que vous vous souueniez de vostre estre, Officiers
du Roy, qui deuez vostre élection à son authorité,
qui estes redeuables de vostre institution à l’Estat
Monarchique, pensez à vous ; & s’il vous reste quelque
vsage de raison, ou si vous estes encores capables de
quelque bonne conduite, seruez-vous du temps qui
vous reste pour vous reconcilier auec vostre Souuerain,

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vous n’eûtes iamais si beau, & l’occasion ne fut
iamais si fauorable. Dites que vous auez eu quelque
sujet de vous armer contre le Gouuerneur, que vous
n’auez plus ; que vous auez mesme deu vous opposer
auec violence, aux desseins d’vn Ministre qui a esté
éloigné, mais reconnoissez de bonne foy l’authorité
d’vn Roy Majeur, flechissez le genoüil deuant cette
auguste Majesté, aymez & respectez cet Innocent
couronné, qui vous prepare des graces & des bienfaits,
pour peu que vous vous en rendiez dignes ; il
poursuit la conseruation du patrimoine de son pere,
ne luy refusez-point la justice que vous rendriez au
moindre de ses subiets ; redonnez le repos à vostre
Prouince, à vos Concitoyens, à vos Parens & à Vous-mesme.

 

Pour vous, illustres Officiers de la Maison de Dieu,
Ministres venerables de ce diuin Sacrificateur, qui
s’est luy-mesme donné en sacrifice, à quoy auez-vous
pensé iusques à present, & quelle excuse pouuez-vous
donner à vostre silence ? vostre principale fonction
est d’anoncer la parole de Dieu, la plus importante &
la plus necessaire à la conduite des Estats, qu’il ait proferé
pendant qu’il a daigné conuerser auec nous, a esté
d’obeïr aux Rois, & de leur rendre ce qui leur appartient.
Quelle diligence auez-vous faite pour publier
cette verité, & pour l’imprimer dans le cœur des peuples
qui sont soûmis à vostre iurisdiction ? Quand est-ce
que vous vous estes esmeus contre ces libertins du
temps, contre ces schismatiques d’Estat, * qui ont

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fait seruir vos Autels de pretexte à la fausse Religion
de leurs sermens criminels ? Vous l’aués veu, vous l’aués
souffert, & vous y aués assisté. De quoy est deuenu
cette vigueur & ce courage que vous aués autrefois
témoigné à repousser quelques legeres iniures que
vous pretẽdiez auoir esté faites à vôtre dignité ? Croyés
vous qu’il y ait moins d’offense de se saisir des deniers
du Roy, de faire curée de son bien, de piller ses receptes,
que d’arrester le carrosse d’vn de vos Prelats ?

 

* L’vnion
du Parlement
de
Bordeaux
& de la
Bourgeoisie,
auec
Messieurs
les Princes,
a esté
jurée dans
l’Eglise S.
André.

* On a veu dans vne pareille occasion tout vostre
Clergé en fougue prononcer des anathemes, & fulminer
des excommunications ; Et vous ne dites mot à
present qu’on s’en prend au Roy mesme, qu’on déchire
son authorité ; & que pour deformer, ou changer
l’Estat d’vne legitime domination, on ne pense
pas moins qu’à renuerser les loix diuines & humaines :
ne vous excusés point sur vostre impuissance, & ne
prenés point à garend de vostre tiedeur, cette éloquence
desarmée, qui ne frappe bien souuent que
l’oreille, ce clama ne cesses, d’vn des Princes des Apostres,
n’eût pas esté sans effet, si vous l’eussiés poussé
auec quelque mouuement de cette charité Chrestienne,
qui portoit les anciens Prestres à publier la verité
aux despens de leur liberté, & quelquefois de leur
vie, quoy que les Canons & les sacrées Constitutions
de l’Eglise vous defendent l’vsage & le port des armes ;
vous n’en estes pas pourtant si Religieux obseruateurs,
que vous ne vous en dispensiés quelquefois en
faueur de la chasse. Si la Politique Romaine a autrefois

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censenty qu’on ait pris iusques aux Reliques &
aux despoüilles des Temples, & qu’on les ait exposées
en vente pour fournir aux frais de la guerre que
cette Republique a esté obligée de soustenir contre
les François, pourquoy la Politique Chrestienne ne
permettra t’elle point en France d’armer les Prestres
pour la defense de l’Estat, & peut-estre de la Religion ?
Ce n’est point sans raison que l’Eglise a mis l’épée
dans les mains d’vn de ses Chefs ; voicy le temps
auquel il doit estre loisible aux priuilegiés de s’en seruir
ou iamais. S’il m’estoit permis de dire tout ce que
ie sçay sur ce suiet, Prelats, Curés, Prestres, Vicaires,
vous ne feriés plus tant de scrupule d’endosser le harnois
pour penser à vostre defense.

 

* Le Clergé
de Bordeaux
excommunia
feu Monsieur
d’Espernon,
pour auoir
fait arrester
par ses
gardes le
carrosse de
feu Monsieur
l’Archeuesque
de Bordeaux.

Ie ne puis m’empescher de plaindre vostre sort, genereuse
noblesse de Guyenne ? faut-il qu’on vous reproche
ou de manquer de zele pour le seruice du Roy, ou
d’auoir pris vn party contraire à son authorité ; pour le
moins on n’a pas vû iusques icy de grandes preuues de
vostre fidelité, & les declarations que vous auez fait
de vos intentions, si elles sont bonnes elles nous sont
peu cognuës, faut-il que vous attendiez que le Roy
vous aille sommer en personne de luy tenir la foy que
vous luy auez iurée ? faut-il qu’il se presente aux portes
de vos maisons pour vous obliger à vous mettre
en campagne ? que vostre procedé est differend de
celuy de vos ancestres, & que vous traittez mollement
ces primeurs d’honneur & de gloire qui ont obligé
vos peres à faire tant de chemin pour assister nos Roys

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à conseruer & à estendre les limites de leur Royaume.
Vne querelle particuliere seroit capable de vous faire
faire des assemblées aussi nombreuses que pour vn
iour de bataille, & celle de vostre Roy ne vous esmeut
point ? vne petite delicatesse, vn leger soubçon,
vne parole à double entente vous donne mille inquietudes,
vous ne trouuez de satisfaction que dans les
éclaircissemens ; & cependant vous souffrez impunément
qu’on demande le, qui viue, à vos portes, qu’on
batte la caysse dans vos terres, qu’on leue des hommes
dans vostre voisinage, est-ce que le sujet vous en
est incognu ? où faites vous les ignorans à dessein ? ce
n’est pas vostre mestier d’obseruer les vents ; n’y d’attendre
auec tranquillité le cours & l’influance des
Astres, il faut parler ; cette sanglante tragedie pour
laquelle on fait depuis si long-temps des preparatifs
dans la Guyenne ne se joüera point sans vous ; il faut
s’expliquer, on ne peut seruir à deux maistres, la
Guyenne n’est plus vn païs où l’on puisse obseruer la
neutralité, les motifs de ces derniers troubles sont
trop éleuez, & les desseins de ceux qui les ont excitez
sont trop ambitieux pour laisser en suspension l’estat
de vos fortunes & de vostre qualité, apres tout ce
seroit faire vn acte dérogeant à noblesse que de tenir
en ce temps l’espée dans le fourreau, & de mettre
dans l’indiference l’éuenement des combats & le
sort des batailles ; N’est-ce point que vous auez attendu
des Lettres de cachet du Roy ou des Lettres patentes
pour vostre conuocation ; si vous n’agissez que

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par ces puissans ressors auoüez que vous auez bien relâché
de cette ancienne ardeur qui a tousiours porté
la Noblesse de France dans les occasions sans attendre
d’y estre inuitée, mais il n’est plus question de rechercher
ces primeurs & de s’en tenir à cette seremonie,
vostre Roy vous inuite en personne à vostre deuoir,
il marche sans cesse pour se trouuer à la teste de son
armée, vous n’en douterez plus quand vous verrez ses
liurées, les Officiers les plus considerables de sa Couronne,
& son grand Escuyer, auec cette espée Royale
en main qui ne paroist qu’aux grandes iournées &
pour des signalez coups d’Estat, il n’y a point de difficulté
qu’elle n’abatte les ennemis du repos de la France,
& qu’elle ne perce les escadrons entiers de ces infidelles
reuoltez, estant porté par ce genereux Prince,
cet illustre Comte d’Arcourt, cet Heros incomparable,
qui fait autant d’effet par sa haute reputation &
par le recit de ses illustres triomphes que d’autres auec
des armées entieres, il a dompté l’orgueil de l’Espagnol
deuant Cazal & auec des troupes inégales & fatiguées,
il a passé sur le ventre de la plus florissante armée
que cette superbe nation ait iamais mis sur pied ;
il a mis en suite le siege deuant vne Ville plus nombreuse
en soldats qu’il n’en auoit dans son Camp, il
a souffert & repoussé en mesme temps dans des foibles
retranchemens, les attaques de Leganez ce General
si renommé, ce valeureux assiegent est deuenu
l’assiegé, il a pourtant battu, il a vaincu, & il a pris cette
puissante Ville de Turin que l’Espagne auoit destiné

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pour seruir de bornes à nos conquestes : Ce sont
bien là des actions d’vn demy-Dieu, mais ce ne sont
pas tous les miracles qu’il a produit, ie me sers de ce
terme, par ce que les Espagnols qui croyent ne pouuoir
estre vaincus que par miracles, ont pris pour des
prodiges toutes les actions militaire de cette illustre
Conquerant, tesmoin les Isles Dieres dans lesquelles
il a paru en pourpoin à la teste d’vne petite poignée
de combattans & ou en dépit de mille coups de Canons,
de ie ne sçay combien d’hommes couuerts de
terre & de fer, retranchez à la mode de leur nation ;
il a renuersé autant d’ennemis qu’il s’en est presenté
deuant luy, où il a forcé dans vn moment autant de
baricades, de demy-lunes & de bastions, que ces
grands remueurs de terre en auoient esleué pendant
des années entieres, & où il a pris en moins d’vne iournée
autant de forts que ces Rodomons en auoient basty
pour nous tenir occupez pendant tout vn siecle.
Ie ne mets point en compte cette glorieuse Campagne
qu’il fit en Flandres il y a quelques années, où il fit
d’autant de braues dont l’armée ennemie estoit composée,
autant de Bourgeois faineans ; non plus que
plusieurs autres Campagnes où il a esleué son nom &
sa reputation au dessus des plus grands hommes ; ie ne
parle point aussi de tant de rencontres & de combats
particuliers où cet Heros tousiours victorieux a fait
rendre les armes aux plus adroits Caualiers de France,
parce que ce seroit faire tort à celuy qui est né pour les
actions publiques & pour des coups d’Estat, que de le

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rendre recommandable par des euenemens singuliers.
Enfin genereuse Noblesse de Guyenne, c’est tout vous
dire que de vous anoncer que vous serez commandez
par ce preneur de Villes, par ce gagneur de battailles,
qui est-ce de vous, qui ne s’estimera infiniment heureux
& honoré de combattre sous les Ordres & les enseignes
d’vn tel General ; accourez donc auec empressement
à cette feste, venez deffendre le patrimoine
& l’authorité de vostre Roy, vostre honneur & vos
priuileges.

 

Enfin Prelats, Abbez, Chanoines, Prestres & curez,
Officiers du Parlement de Bordeaux pacifiques
ou Frondeurs, Noblesse fidelle ou subornée, Iurats,
Consuls, Sindics, ou Administrateurs des Communautez,
Bourgeois, Manans & habitans des villes ou
de la campagne de Guyenne, vous ne le pouuez pas
porter plus loin : Vous voila engagez par vostre foiblesse,
ou par vostre consentement à voir decider chez
vous cette importante querelle, dans laquelle il ne s’agit
pas moins que de vous conseruer au pouuoir &
sous la domination naturelle & legitime des heritiers
de sainct Louys, ou de tomber sous la loy d’vn nouueau
Maistre, d’vn injuste vsurpateur, Roy ou Duc,
Philippes ou Louys, ce n’est plus qu’vn mesme interest,
ou mes memoires me trompent : Il n’est plus
qu’estion du gouuernement de Prouence ou du changement
des Ministres : On n’auroit point passé le
Loyre dans cette rigoureuse saison, si on eut pû satisfaire
le monde des choses raisonnables & possibles,

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si vous n’entendez pas la langue de ces deux mille Espagnols
naturels qui se sont saisis de l’ambouchure de
vos riuieres, seruez-vous de quelque fidelle truchement,
il vous découurira le pot aux rozes, & vous rendra
sçauans des traictez de Bruxelles & de Madrid. On
dit que l’Estat est malade, vrayment l’on prepare de
beaux remedes pour le guerir : Vous connoissez ceux
qui luy portent le coup mortel, ô que la maladie est
dangereuse, & qu’elle laisse de mauuais restes quand
pour la chasser on se sert du poison, & l’on employe
le venin le plus exquis ; C’est vous abuser que de vous
promettre qu’on portera la guerre bien loin de vostre
voisinage, six ou sept mille hommes dispersez
dans des troupes nouuellement leuées, sont bien en
estat de tenir la campagne deuant soixante ou quatre-vingts
regimens des vieilles bandes remplis de Caualiers
agueris, & de soldats experimentez, il y en reste
encore pour le moins autant sur les frontieres de
Champagne & de Picardie tout prests à marcher, estes
vous resolus d’attendre leur arriuée ? Et vous estes vous
bien preparez à les receuoir ? Auez vous fait grãde prouision
de bleds ? & estes vous d’humeur de souffrir que
des foibles garnisons les consomment ; Courage bons
François, genereux Gascons, faites vn effort considerable
pour vostre derniere conseruation, faites connoistre
que vous voulez estre maistres de vos Villes,
on vous en donnera les moyens, faites le moindre signal,
on sera bien-tost à vous, témoignez-vous vouloir
décharger de ces mauuais hostes, & de ces garnisons

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importunes, il n’y en aura que pour vn déjeuner :
N’attendez point l’éuenement des premiers combats,
vostre condition en seroit moins aduantageuse, choisissez
de bonne-heure la paix ou la guerre, la recompense
ou les chastimens, l’amour ou la hayne de vostre
Roy, il vous tend les mesmes bras dont il vous
menace, doutez-vous que son âge innocent, son naturel
benin & debonnaire, ne le porte plustost à l’indulgence
qu’à la seuerité. C’est icy son premier coup
d’espée depuis sa Majorité ; croyés-vous qu’il aymast
mieux signaler son triomphe par l’effusion du sang,
que par la distribution des graces ? Ne trompés point
ses esperances, il se promet autant de vostre fidelité,
que de la iustice de ses armes : Couppés chemin à vos
malheurs, aydés vostre Souuerain qui vous vient secourir ;
fermés vos portes aux Rebelles & aux Estrangers,
& ouurés les à vostre Prince legitime ; il n’y entrera
que pour vous y ramener la paix, l’ordre & la
discipline ; pour vous conseruer dans vos priuileges
& dans vos franchises, & pour attacher plus fortement
que iamais à sa Couronne, ce beau fleuron,
cette importante Prouince de Guyenne, qu’on s’efforce
de luy rauir : Sinon, apprehendés sa iuste colere,
& souuenés-vous que vous courtés la risque d’estre
de tous costés la proye du soldat, François ou Espagnol,
& la victime des Rois ou des Princes.

 

FIN.

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