Anonyme [1649], LE BON SVCCEZ DE TOVTE LA FRANCE, PROVVÉ PAR LA NATVRE DES ASTRES. , françaisRéférence RIM : M0_591. Cote locale : A_3_11.
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LE BON SVCCEZ
DE TOVTE LA
FRANCE,
PROVVÉ PAR LA
NATVRE DES ASTRES.

A PARIS,
Chez PIERRE SEVESTRE, au mont sainct
Hilaire, dans la Cour d’Albret.

M. DC. XLIX.

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LE BON SVCCEZ
DE TOVTE LA
FRANCE,
PROVVÉ PAR
LA NATVRE DES ASTRES.

Dialogue,
L’Astrologue. Le François.

L’Astrologue.

I’AY desia pensé serieusement à ce
que tu m’auois prié de te dire, &
bien qu’il ne me soit pas trop loisible
de te prononcer hardiment la
verité de ce que tu desires apprendre
de moy, ie feray si bien neantmoins
que ie contenteray ton esprit,
faisant auparauant protestation dedire la verité

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de ce que ie sçay. Mais comme il est difficile dans
cette matiere que quelqu’vn ne prenne pour soy ce
que ie diray, ie proteste auparauant que de commencer
que ie n’ay point le dessein d’offencer personne,
mais que ie veux seulement jetter les yeux sur les Astres,
& t’aprendre ce qu’ils nous predisent.

 

Le François.

Ce n’a iamais esté mon dessein de sçauoir de vous
quelque chose qui pûst porter preiudice aux particuliers,
& moins au public, ma curiosité procede du zele
que i’ay de voir fleurir mon pays, & s’il luy doit arriuer
quelque mauuaise fortune de m’en attrister, &
de la destourner si ie puis ; au contraire s’il luy doit
venir du bonheur de pousser à la rouë tant que ie
pourray, & d’en auancer le succez.

L’Astrologue.

Ta bonne volonté m’oblige plus particulierement
à te contenter : Escoute donc ce que ie vay
dire.

Sçaches que les Astres ont vn grand pouuoir sur
nos actions, toutesfois Dieu s’est rendu si bon pour
les hommes, qu’il ne les a point creez absolus sur
nous, nous pouuons forcer leur pouuoir par nos bonnes
inclinations, ou par nos malices, ce qu’ils nous
font n’est qu’vne certaine propension au bien ou au
mal, que nous auons pouuoir de conduire par tous
les endroits où nous voudrons cheminer. Ne t’épouuentes
donc point par la malignité des Planettes
qui domineront dessus toy, mais tasche à les diuertir,
soit par ta prudence, ou par tes prieres que tu
adresseras à Dieu, qui demeure tousiours le maistre de
ses creatures. I’auois à t’auertir de cela auparauant

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que de commencer mon discours, que ie poursuiuray
selon le rang des Planettes, & des signes qui
sont dans le Zodiaque. Pour les autres constellations
ie les laisse à part, comme faisans moins à nostre
suiet.

 

I.

Le Soleil donc est le plus bel Astre des Cieux,
aussi ne nous predit-il rien que de bon ; car il me fait
voir que si la Reyne & les autres Seigneurs de la Cour
se sont laissé porter à quelque rigueur pour soustenir
vn vsurpateur de nos biens, quand cet Astre viendra
à les éclairer & à dominer dessus eux, il changera leur
humeur, pour nous les rendre bons & propices. Nous
en voyons des ja le chemin tracé, & des apparences
si belles, qu’à moins que de nous porter contre nostre
bonne fortune, nous ne sçaurions douter d’vn heureux
succez.

II.

La Lune à la verité a quelque puissance de nous
refroidir par son humidité naturelle, mais elle sera
corrigée par la bonne temperature de son frere qui va
deuant elle : joint que si les pilleurs de la pauure France
ont emporté tout l’or du Royaume, & que Phœbus
qui le produit dans la terre, n’a peu les en empescher,
la Lune se rendra si forte qu’elle nous donnera
de l’argent, pour suppleer au defaut de l’autre metal.

III.

Mars est le Dieu de la guerre, & c’est luy veritablement
qui a forcé nos courages à suiure le trouble :
Mais tu dois croire qu’il ne laisse pas parmy l’effroy
de ses armes de porter dans le cœur quelque effection
douce & molle, tesmoin celle qu’il a portée autrefois
à la Deesse Venus. Et puis, quand il voudroit faire le

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mauuais, ne sçais-tu pas bien que, Astra inclinant, sed
non necessitant.

 

IIII.

Ie sçay que Mercure est extremement sujet au
larcin, & qu’il a tellement dominé sur les Partisans, &
sur Mazarin, que tous les autres Astres du Ciel luy
ont porté cet honneur de le laisser regner dessus eux ;
c’est ce qui leur a fait apprendre si bien le mestier de
voler par tout. Mais il s’est à la fin courroucé contre
eux voyant qu’ils le surpassoient en ce bon mestier,
en leur ostant doresnauant l’occasion de nous
nuire plus.

V.

Iupiter est le pere des Dieux & des hommes, sa
planette est assez gaillarde & plaisante, elle nuit fort
peu, si ce n’est alors qu’on l’oblige à prendre les foudres,
par des actions criminelles. Ie crois que nous
l’auons offencé beaucoup, mais la penitence pourra
bien r’amender la faute que nous auons faite. Tournes-toy
donc vers le Ciel ; & luy demandes pardon.

VI.

Venus est celle qui forme en nos cœurs les affections,
& les mariages se font par son entremise. Cupidon
qui la seconde tousiours, ne te fait-il pas voir
clairement qu’il a dessein de former quelque excellente
amitié dans le cœur d’vne de nos plus cheres
Princesses, qui respond volontiers aux vœux de celuy
qui fait gloire de la rechercher. N’est ce pas vn
commencement agreable pour nous causer vne bonne
paix ?

VII.

Saturne est le plus lent de tous les autres planettes,
mais n’esperes-tu pas qu’il se haste, pour donner
quelque meilleure influance dessus nos fortunes,

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voyant que les autres nous fauorisent si bien ? Et sçaches
que sa froideur se reschaufera, par ce mouuemẽt
extraordinaire, & qu’il ne nous tiendra plus si lents à
la paix comme il l’a faite autrefois auec son fils Iupiter,
qui le chassa par force hors du Ciel.

 

VIII.

Pour venir aux signes du Zodiaque, le Belier nous
à ouuert desia le Printemps, qui est vne saison la plus
belle & la plus agreable de toute l’année. Il ne demande
que la serenité dans les elements, fondant
toutes les glaces & toutes les neiges que le fascheux
hyuer nous auoit causées. Espere qu’il fera de mesme
pour nous, & qu’il dissipera les malheurs qui commencent
de nous menacer, nous redonnant la bonace,
& chassant auec ses cornes les maux qui nous
pourroient arriuer.

IX.

Le Taureau ne demande rien que l’amour quand
il n’est point offensé, & courant apres la genisse, il
en joüist paisiblement, & la traite auec douceur ;
Mais si quelque riual le vient offenser, il n’y a point
de doute qu’il se deffend hardiment, & qu’autant
qu’il est amoureux, autant trouue-t’il de force pour
resister à son ennemy. Il te presage donc bien asseurement
qu’il est necessaire de rechercher vn accord
paisible pour ramener au mieux les affaires, ce que
Dieu nous vueille donner par sa grace.

X.

Les Gemeaux sont les vrayes marques de nostre
naissance, & sous leur aspect le hommes sont plus
propres à conceuoir qu’en vn autre temps. L’apparence
donc que cét Astre nous vueille conduire à la
destruction de nos corps, dont la guerre est cause sans
doute ; ils ne depeupleront donc point nos Prouinces,
puis qu’ils sont plus enclins à engendrer, qu’à
destruire.

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XI.

Ie sçay bien que le Cancre marche à reculons, &
que cette façon de conduite nous pourroit faire apprehender
quelque succez de trauers ; mais il ne faut
point que tu craignes, il a d’autres proprietez naturelles ;
car il nous encline à voyager dans les estranges
pays, & crois par ce moyen qu’il pourra porter
autre part nos armes, comme en Angleterre, afin de
punir ces impudens assassins qui ont mis les mains
sur leur Roy, violant en cette action tout le droit des
gens, & meritant d’estre iustement punis d’vne action
si noire & malicieuse : Et par ce moyen l’orage se
trouuera destourné de dessus ta teste.

XII.

Le Lyon est estime proprement le Roy des autres
animaux de la terre, à cause de sa force & de sa puissance ;
mais si tu veux considerer les actions de ce souuerain,
tu trouueras qu’il n’y a rien de plus doux
quand on se sousmet deuant luy. Il ne deschire iamais
celuy qui se prosterne à ses pieds, & s’il arriue
qu’il fasse outrage à quelque homme, il ne manque
iamais de pleurer, tesmoignant assez par cette action
qu’il a du ressentiment quand on ne le reconnoist
pas tel qu’il est.

XIII.

Il n’y a rien plus doux qu’vne Vierge, son humeur
est tousiours affable, la vergongne qu’elle a sur le
front empesche qu’elle n’ait point de fierté, & n’osant
regarder personne entre les deux yeux, elle fait
paroistre tousiours vne posture qui n’est nuisible à
personne. Quel dommage donc penserois-tu de receuoir
d’vn tel Astre, qui n’a que la simplicité pour
objet.

XIV.

La Balance est le signe qui nous represente naïuement

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la Iustice, considere si tu l’as suiuie, car auec
elle tu ne periras point, ie t’asseure.

 

XV.

Le Scorpion est veritablement effroyable, tant
pour sa figure, que pour le venin qu’il porte ; mais
ne te vas point frotter à sa queuë, & tu pourras facilement
euiter sa picqueure, tournes-toy tousiours
vers la teste, ie veux dire soustiens la cause de ton
Souuerain, & tasche à le tirer de la tyrannie de ceux
qui l’oppressent, & tu n’auras rien à craindre.

XVI.

Le Sagittaire est content de te prester sa flesche &
son arc, pour t’en seruir contre ceux qui te voudront
assaillir, pourueu que tu l’employes contre des sangsuës,
& que tu vueilles soustenir la liberté du peuple
François. Tu entens assez bien ce que ie veux te
dire par là.

XVII.

Le Capricorne, ou le bouc cornu se deffend fort
bien de la teste, & ie vois que tu le peux auoir quelquefois
veu battre à la presence d’vn troupeau de
cheures, ne doute point qu’il ne te deffende ; car encore
qu’il iette de son corps vne odeur puante, les
partisans neantmoins le surpassent en cette nature,
& il hait tellement leur haleine, qu’au lieu de demeurer
sur leur bouche, il monte bien souuent sur leur
front, bien que leurs femmes d’ordinaire ne le confessent
qu’à leur grand regret.

XVIII.

Ce deluge d’eau qui sort d’vne cruche, & qui semble
s’espancher par tout, n’ondoye pas neantmoins
tous les endroits de la terre, il se reserue pour submerger
les traistres à leur pays & à leur Seigneur, tels
que sont ceux qui abusent de la minorité d’vn Prince,
comme fait vn Estranger dans la France, qui se

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couure du manteau du Roy pour commettre mille
perfidies ; mais toy qui suis vn meilleur chemin, tu ne
dois pas craindre cela.

 

XIX.

Tu scais que les poissons sont muets, & qu’ils
n’ont rien qui puisse nuire à personne. Leurs dents
ne sont point capables de faire vne grande playe, &
moins aussi leurs nageoires qui ne seruent que pour
les soustenir dedans l’eau. Tu ne dois donc pas apprehender
de ce costé là, non plus que des autres.

Le François.

I’auouë que tout ce que vous auez dit est tres-veritable,
mais ie voudrois sçauoir vne chose, pourquoy
l’on a donné le nom des Animaux à ces Astres ?

L’Astrologue.

C’est vn mystere caché aux yeux de beaucoup
de monde, car nos Peres qui estoient extremement
sages, ont inuenté ces noms là pour deux raisons que
ie te diray. La premiere, c’est qu’ils ont descouuert
dans le Ciel certaines figures qui approchoient de
celles de ces animaux, par la disposition des Estoiles
dont ces signes estoient composez. Et l’autre est,
que ces mesmes signes imitoient extremement la
nature des animaux qu’ils representoient. Voila ce
que ie t’en puis dire à cette heure, en t’auertissant,
qu’il n’y a plus qu’vne seule chose à resoudre, qu’il ne
m’est pas permis de te dire, & que tu scauras auec le
temps si tu te veux donner patience, chose qui t’aportera
veritablement le repos. Ce sera quand le
Ciel voudra te deliurer de tes peines, ie le prie d’affection
que ce soit bien tost.

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