LA Vie, Mœurs, & Genealogie de
Iules Mazarin, Cardinal.
LA premiere chose que ie demande de toy (amy
Lecteur) est la loüange que tu dois à Dieu, de ce
que tu peux lire maintenant en France ce qui s’ensuit,
& sçauoir comme si tu auois esté sur les lieux de la
naissance du personnage que ie pretends te faire voir
icy vn Abregé.
Pierre Mazarin estoit natif de Sicile, lequel estoit
Marchand, & apres auoir negocié quelque temps, soit
qu’il aye esté ruiné par sa mauuaise conduite, ou par
infortune, il fut contraint de faire banqueroute de
sommes immenses ; & pour la seureté du reste de son
bien, prit la fuite, & se refugia à Rome auec sa famille,
de laquelle il auoit deux fils, dont l’aisné paruint à l’Archeuesché
d’Aix, & au Cardinalat, sous le tiltre de Ste
Secile, & l’autre n’ayant encore aucune charge.
Ce tuy Iules Mazarin commançant à deuenir en aage
competant, se mit à seruir en la maison de Messieurs les
Colonneze dans la ville de Rome & apres en celle de
Sachetty, auec l’argent desquels non de petites sommes,
pour luy en égard à sa condition, par diuerses
voyes & particulierement par celle du jeu : deuint grandement
pecunieux. L’affection que Messieurs de Sachetty
luy portoient luy causerent le commencement
de sa fortune, car l’ayant mis en bonne estime aupres
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au Cardinal Antonio Barbarin, il le prit en sa Cour,
laquel pour monstrer l’affection qu’il portoit en la
maison de Sachetty, il l’auroit fait mettre en dignité
& prelature, solicitant de tout son pouuoir le Pape
Vibain VIII. lors seant en la Chaire sainct Pierre de
l’enuoyer pour Nonce aupres de Charles Emmanuel
Due de Sauoye, ce que sa Saincteté octroya à Antonio.
Mais auparauant cette legation, pour accorder les
differends qui estoient entre l’Empereur, le Roy d’Espagne,
& le Duc de Mantouë, & faire partir les François
de Cazal, il passa au Mont ferrat où il negocia, &
par son intelligence secrette fit sortir les François par
vne porte, & entrer par vne autre : ayant premierement
fait partir les Espagnols & Allemans hors de
Mantouë, laissant les François dans Cazal ; mettant
par ce moyen la conscience & l’honneur d’Vrbain en
conpromis, trompant frauduleusement, non seulement
le Roy d’Espagne, mais encore l’Empereur, d’où
s’en sont ensuiuies les grandes guerres & batailles de
l’Estat de Milan, Flandres, Allemagne, & maintenant
en France.
Par le moyen de cette negociation, il se mit dans la
bien-veillance du Roy tres-Chrestiẽ, puis entra en affection
auec le Cardinal de Richelieu, lequel croyant
l’esprit de Iules, propre aux desseins qu’il auoit pour le
bien de la Couronne, auroit demande à sa Saincteté le
Chappeau de Cardinal, pour Iules Mazarin, desirant
le remmuner & gratifier de la trahison par luy faite au
Roy d’Espagne, duquel il estoit vassal.
Sa Saincteté sçachant l’execrable proceddé de Iules,
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refusa au Roy le Chappeau de Cardinal, disant que
s’il plaisoit à sa Majesté nommer quelqu’vn de ses subjects
ou autre personne, qu’il luy accorderoit volontiers,
mais non pas pour Iules Mazarin, qui estoit seule
cause des sanglantes guerres de toute l’Europe. Neantmoins
sa Majesté pria derechef sa saincteté auec grande
instance. Iules fit si bien en sorte, que le Roy prit cette
affaire si à cœur, que le Pape fut contraint de luy accorder,
& fut appellé au Cardinalat : & pour ne point faire
tort au Roy Catholique, & ne voulant estre en mauuaise
grace auec luy, auquel il auoit refusé la mesme
chose pour Contalco, il luy accorda pareillement, &
fut aussi appellé au Cardinalat, & en excluds le sieur
Visconty, auquel il l’auoit auparauant refusé luy ayant
esté demandée par la Couronne de Pologne.
Tout cecy a succedé la mort du Cardinal de Richelieu,
apres laquelle il l’a commandé en sa place, au
grand detriment du Royaume, ayant esté recommandé
à sa Majesté par le feu Cardinal, elle le fit son Conseiller
d’Estat, dont il y en eut beaucoup qui conceurent
grande haine contre luy : En peu de temps ce Cardinal
est deuenu si riche & si opulant, qu’il s’estime
auoir plus d’or & d’argent qu’aucun Seigneur de l’Europe :
il l’a bien fait voir aux plus grands de Rome,
quand il a acheté le fameux Palais du deffunct Cardinal
Bentiuoglio, scitué au monté Cauallo, pendant
la vie du deffunct Pape Vrbain, & qu’en suitte il a
demandé plusieurs fois permission à sa Majesté, de rerourner
à Rome pour prendre le Chappeau de Cardinal,
ce que le Roy ne luy voulut permettre à cause que
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l’on sçauoit qu’il commençoit deslors de tirer les Finances
à luy.
La mort de sa Majesté estant suruenuë, il a regy
auec grande autorité, & fut declaré l’vn des executeurs
de son testament, & pour dire vray il a pretendu assujettir
les Princes du sang Royal à ses commandemens,
& mesmes par ses pernicieux conseils fait attenter à des
lustres personnes du fameux Parlement de Paris, &
supposant que l’on auoit vonlu attenter à sa personne,
Monsieur de Beaufort a le premier senty les coups de
son indignation, quoy qu’innocent fut enfermé au
bois de Vincennes par sa solicitation, mais c’a esté vn
stratagéme, duquel il s’est seruy pour venir à bout de
ses mauuais desseins, & de voir si la Reyne pouruoiroit
à la seureté de sa personne, & si l’on luy bailleroit des
gardes, ce qui luy a succedé, car ladite Dame Reyne
pour l’affection qu’elle luy porte, la fait changer en son
Palais, afin qu’estant gardé comme le Roy, elle empescheroit
qu’il ne fust offensé.
Ce Cardinal est celuy qui dés long temps a recherché
à trauerser dans le Conclaue la felicité, & ternir la
gloire du Cardinal Pamphilio, & c’est encore luy qui
auiourd’huy cherche sedicieusement à intimider le
Pape par la voye & force des armes à se desister de la
Iustice qu’il a droit de faire contre les Barbarins, que
Dieu luy enuoye le iuste & digne chastiment de ses
fautes.
Dans ce temps arriua à Rome Monsieur de Senneterre,
qui portoit la figure du Roy pour la presenter à
a saincte Chapelle de Lorette, & par Iules Mazarin fut
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enuoyé grande quantité de richesses en intention de
s’en retourner en Italie, crainte de quelque mauuais
succez contre sa personne, sçachant deslors qu’il estoit
coulpable d’vn faict qui ne se pouuoit aucunement lauer :
que si quantité de Sejgneurs ne s’en sont vengez,
Dieu s’en vengera vns iour.
Dans ce mesme temps il courut vn bruit à Rome qui
dura assez long-temps, comme chacun voyoit quantité
de grandes remises de deniers que ledit Mazarin
faisoit faire pour luy, & ayant amassé de grends tresors,
il auoit bonne esperance de retourner à Rome,
mais il n’auance rien, car pendant que le Pape Innocent
X. viura, il est tres asseuré comme article de Foy,
que Iules Mazarin n’entrera iamais dans Rome, estant
d’Innocent mal-affectionné & ennemy d’iceluy, &
auec grande raison.
Le mesme Mazarin cause le mal que souffre le Roy
Catholique en ses Estats, & pour cét effect il l’a declaré
non seulement à luy, mais à tous ses parens traistres
& rebelles à sadite Majesté dans tous ses Estats,
comme il est apresent en France.
Au temps que Iules Mazarin suiuoit la Milice, il
estoit grandement vitieux, grand ioüeur & dissolu,
& en plusieurs occasions & rencontres il a receu,
non de petites, mais de grandes blessures,
& notamment pour le differend des femmes,
mais apresent l’on dit qu’il est plus modeste & qu’il
tient sa grauité, & s’attache fort aux bons benefiees de
France, ne visant pas à la despense pour regaler ceux
qui bon luy semble, sçachant qu’il ny va rien du sien
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Comme il a fait aux Barbarinns, lesquels il a deffendus,
mais le Pape connoissant bien que ce n’est pas le Roy
qui les a protegez, & que c’est Iules Mazarin, sous
l’authorité d’iceluy, ne se desiste nullement de l’aduersion
qu’il a conceu contre luy, enfin ie veux dire
les que dis sainct Paul, Omnes insulani Malt, siculi autem
pessimi.
En la Cour de Rome il y est en tres-mauuaise estime
pour les seditions que son esprit turbulant y a esmuës
contre la Chrestienté il n’est guere bon amy des Fiorenzela
à cause des certains interests particuliers & desgousts
passez interuenus en consideration du pere Mazarin
son frere cy-deuant nommé en la Religion Dominiquaine
du temps qu’il estoit Maistre du sacré Palais,
& encore lors qu’il fut fait general dudit Ordre,
& à Paris institué vn Ordre à sa poste.
Tu sçait, amy Lecteur, qu’il a empesché la conclusion
d’vne paix generale, pour les desseins qu’il a
d’espolier, le Royaume de toutes ses finances, se les appropriant :
au lieu de les emploier aux affaires de la guerre,
pour lesquelles elles sont destinées : & lors que cét
Auguste Senat a voulu prendre connoissance de tant
de millions qui se sont leuez en France, depuis la mort
du feu roi, a par ses pernicieux Conseils, conseillé la
Reine d’attenter, sur les Illustres Personnes de se fameux
Parlement qui a causé la reuolution de Paris, ce
qui a failli de perdre Monsieur le Chancelier, & mesme
le Grand-Maistre de l’Artillerie de France & beaucoup
d’autres Seigneurs, qu’il a subtillement gagné, suscité
de prendre les Armes contre l’Estat du Roi, de sa bonne
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ville de Paris, laquelle est contrainte de prendre les
Armes pour le seruice de Dieu & de son Roi, pour
auoir par sa tres-grande liberté souffert vne execrable
Ministre en ses Estats.
De plus a fait en sorte que le Roy & Monsieur son
frere ayent esté enleué à vne heure apres minuict, &
contraindre la Cour à le suiure par ses ruses, ce qu’auiourd’huy
nos tres magnanime Seigneurs de Parlemẽt
ont esté contraint de n’obseruer n’y Feste ny Dimanche
pour faire Assemblée, comme ont fait aussi Messieurs
de Ville, pour donner ordre aux affaire du royaume,
amasser des gens de guerre, & courre sus les ennemis
du Roy & de l’Estat, qui pretendent affamer cette
bonne ville (la fleur du Royaume, mais la quantité de
braue Noblesse, Bourgeois & autres, proteste deuant
Dieu qu’il espancheront plustost iusque à la derniere
goute de leur sang & celuy de leurs en fans, qu’ils n’aye
raison de l’iniure que l’on fait à Dieu, au Roy & à son
Estat.
Enigme contre Iulle Mazarin.