Anonyme [1649 [?]], LA VERITÉ SANS MASQVE DE LA MISERE PERSECVTEE, OV LA PLAINTE DES PAVVRES A LA REINE, CONTRE LE CARDINAL Mazarin. In puteo veritas. Neque vrgeat super me puteus os suum, Ps. 68. , français, latinRéférence RIM : M0_4004. Cote locale : C_10_43.
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LA VERITÉ
SANS MASQVE
DE LA MISERE PERSECVTEE,
OV LA PLAINTE
DES PAVVRES
A LA REINE,
CONTRE LE CARDINAL
Mazarin.

In puteo veritas.

Neque vrgeat super me puteus os suum, Ps. 68.

MADAME,

C’est la misere persecutée, qui dans son dernier desespoir
implore vostre clemence, pour trouuer quelque alegemẽt
au mal qui la rend indiscrette, & que le temps ne peut guerir :
mais bien alterer ; La pieté qui fait son ordinaire retraite
dans les cœurs, qui ne sont pas tout à fait de roche, doit seruir
de regle & de frain à la fougue de nos passions dans les affaires
qui nous sont les plus sensibles, c’est la vertu naturelle des
hommes, & qui se trouue inseparablement attachée à la puissance
des Grands : Vostre Majesté, Madame, la possede auec
tant d’auantage, elle en produit des effets si admirables, qu’il
faudroit estre meschant iusques à la rage pour n’esperer dé
vostre bonté le remede de nos maux.

Les Druydes qui sacrifioient les hommes tout vifs à la superstition,
qui faisoient leurs subjets esclaues malheureux de

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leurs cruautez, les faisans viure & mourir dans vne honteuse
seruitude, se sont tousiours neantmoins laissez fleschir à la
priere des pauures, & ont eu en particuliere recommandation
le bien du public. Ie ne mets point de comparaison entre
vne vertu qni donne de l’estonnement aux Anges, & vne
impieté qui faisoit horreur aux hommes. Mais ie supplie V.
M. Madame, considerer que ce n’est pas vn Parlement qui se
prosterne à ses pieds, elle pourroit les soubçonner de leur
propre interest ; Ce n’est pas quelque illustre coupable, elle auroit
loy de consulter vostre politique & vostre raison : mais
c’est la voix de mille & mille ames languissantes dãs l’extréme
necessité d’vn morceau de pain, c’est la voix des pauures, qui
crie, Madame, & ce cry lamentable donne iuqu’aux oreilles
de Dieu, sans se faire entendre de celles des hommes, il est si
pitoyable que les esprits les plus forts se laissent emporter
aux larmes, les plus resolus ne peuuent exprimer leur sentiment
sur ceste matiere que par des parolles entrecouppées de
sanglots. Vrayement, il ne faut estre que raisonnable, pour
estre touché de compassion à la veüe du triste spectacle qui
fait la plus grande partie de nostre misere presente, la rage &
le desespoir, qui force les ames plus resignées de succomber à
la foiblesse, cause vn desorde commun dans toutes les Prouinces,
& vne generalle banqueroutre à la crainte & au respect
qu’on doit à Vostre Majesté : Ce n’est pas vn mouuement
affecté d’Orateur, Madame, qui me fait violer les loix
de la modestie sans offenser celles du deuoir, il s’agit de l’interest
des pauures, il vaut donc mieux paroistre peu prudent, en
cette rencontre que trop timide ; c’est l’oppression des ames
gemissantes sous l’injuste fardẽau de la tyrannie, qui me fait
parler d’vn courage asseuré & d’vne contenance effrontée ;
C’est la misere persecutée qui anime mon discours & me fait
tout hazarder pour tout perdre, c’est la voix des pauures qui
crie vengeance, dans la cruelle necessité qui les desespere,
sont les tristes complaintes d’vn Royaume affligé, qui parle
par ma bouche, & demande indiscretement à vostre Majesté
qui peut auoir causé ce malheureux chãgemẽt en sa personne
& en son esprit : La douceur s’est changée en cholere : la bonté,
en malice : les promesses, en menasses : l’amour, en haine :
& la brebis, en lyonne farouche. Nous en voyons les
effets : mais nous en ignorons la cause, qu’il plaise à V. M.

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Majesté faire reflexion, à quel excez de rage peut deuenir vn
peuple mutiné, qui ne cherche qu’à mourir ne luy restant
plus dequoy-viure : Qu’elle considere dans le calme de ses
passions, que la France est sur le penchant de sa ruine : Que les
villes sont desertes : Le commerce perdu ; Les Prouinces rauagées ;
Toute la cãpagne en friche, & que la liberté indiscrette,
ô Malheur ! que sa Majesté a donnée à des infames Partisans,
qui ont mis au dernier offrant la sueur & le sang du pauure
Laboureur, appuyez sur l’authorité vsurpée d’vn lasche
Fauory, pardonnez à la verité, Madame, c’est la misere, a
chassé du Royaume les Dieux domestiques de nostre bonheur :
Nos richesses & nos tresors ont esté transportez en vn
pays estranger, pour enseuelir dans leur éclat l’ordure & la
vilité d’vne race faquine, qui n’eust iamais d’autre honneur,
que d’en auoir iamais eu, & ne nous a laissé autre chose pour
laisser à nos nepueux qu’vne honteuse misere, accompagnée
de nos regrets & de nos larmes. Madame, les prieres & les
sacrifices font compatir Dieu à la misere des hommes, & par
vn secret ressort de sa bonté, le font condescendre à la floiblesse
de leur nature. S’il vous reste quelque sentiment de
pieté pour les pauures, il nous reste encore quelque goutte de
sang dans les veines, nous les sacrifirons à vostre Majésté : il
nous reste quelque peu de vie, nous voulons l’exposer pour
son seruice, & manger iusques à nos enfans, apres auoir brouté
l’herbe comme les bestes pour la conseruation de l’Estat &
de la Patrie. Mais aussi, Madame, supplions nous tres-humblement
vostre Majesté deuant que nous laisser emporter à
la violence de la rage, & à l’extremité du desespoir, de chasser
loing de nos yeux l’execrable sujet de nos larmes, d’oster
la cause de nos maux, & nous n’en ressentirons plus la douleur
si cuisante, de congedier cét homme, si ce n’est vn Demon,
d’exterminer Iulle Mazarin de vostre Royaume : Il n’a
que trop duré en France, à la confusion des Prince du Sang,
qu’il a fait ses esclaues, au grand scandale de tous les gens de
bien qui l’ont souffert par discretion, & au preiudice mesme
de l’innocence la plus espurée qu’il a renduë criminelle ; Il n’a
que trop regné pour ternir la blancheur de nos lys & introduire
par ses lasches déportemens les plus abominables pechez
que la malice puisse inuenter & la brutalité commettre :
C’est luy, Madame ; C’est Iulle Mazarin, qui au déhonneur

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de tout le Christianisme a authorisé les Sacrileges dans les
lieux les plus saincts ; C’est luy, qui a approuué les Rapts, les
Violemens, les Incestes & les Adulteres faisant passer pour
gallanterie d’esprit les crimes qui ne peuuent s’expier que
par le dernier suplice, ce qui donne loy de soupçonner auec
raison, qu’il a fait vœu solennel à Asmodée, lors qu’il seruoit
d’Estelon à gage dans les lieux les plus infames de Rome,
de consacrer son corps & son ame à l’impudicité ; Pardon,
Madame, si ie blesse la chasteté de vos oreilles pour
amolir la dureté de vostre cœur, obstiné à nostre ruine ; mais
c’est vne verité que tous les gens de bien sçauent, que ie n’ay
pas honte de publier, n’ayant pas crainte de mourir ; Verité,
qui doit faire impression dans l’esprit de V. M. & la desabuser
des charlataneries de ce Bateleur : Et certes, ie ne voy aucune
aparence de raison, à moins que d’estre enchantée, qui puisse
obliger vostre Majesté à retenir plus long-temps ce faquin
deguisé dans le Ministere de l’Estat : Ce n’est pas sa naissance,
il est fils de Pierre Mazarin reuandeur d’oüistres à l’escaille,
(encore n’estoit-il pas paruenu à la dignité de parfumeur)
& le plus signalé banqueroutier de son siecle : Ce n’est pas la
gloire de ses majeurs, vn de ses bizayeux qui estoit palfernier,
fut pendu à l’Isle de Malthe l’an 1572. le 13. de May, pour
auoir esgorgé son maistre, appellé le Senior Paschali, enfoncé
la porte de son cabinet, dérobé son argent & pillé toute
sa maison. L’abomination de cette vie desloyale, n’eust pas
si tost plongé dans vne mer de larmes vne famille, qui ne se
baignoit que dans vn bain de delice, que l’ignominie de sa
mort fit glisser l’enuie & le desordre entre les maistres Chirurgiens
& les fraters : Les vns le voulant pour faire leur premier
essay d’anathomie, & les autres pour le faire seruir d’ornement
& d’esquelette dans leurs boutiques : Ce n’est pas la
connoissance des bonnes lettres, il est ignorant iusques à la
stupidité, mais meschant iusques à la rage ; Tesmoin le commerce
public & le trafic ordinaire qu’il fait des Benefices, tenant
du mestier de son pere & ne le pouuant oublier : Ce ne
sont pas ses conseils, il est incapable de ce talent. Ce n’est pas
sa bonne vie, elle est du tout scandaleuse & abominable ;
Ce n’est pas sa saincteté ny ses bonnes mœurs, il vit en
cheual, & non pas en homme, en Athée, non pas en
Chrestien ; il ne reconnoit autre Dieu que la volupté, ny autre

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religion que le libertinage. C’est sans doute, quelque enchantement,
& quelque noire magie, qui ébloüit les yeux de
Vostre Majesté, & l’aueugle, pour ne voir le desordre & la
condition presente de l’Estat & du Royaume : Ce n’est pas
moy, Madame, c’est sa vie, sont ses actions qui parlent, sont ses
crimes qui l’accusent, c’est tout le mõde qui en demeure scandalizé.
C’est la voix des Pauures & du Ciel qui proteste par
ma bouche, & asseure Vostre Majesté que ce Charlatan est la
tigne qui seiche le Royaume, le dragon qui deuore la France,
le ver qui ronge les Prouinces, & la peste contagieuse qui
fait mourir les hommes. Les vefues sont desolées, les pauures
opprimez, les riches miserables, vostre Royaume diuisé, vos
Estats sont troublez, vostre repos inquieté, la personne du
Roy en peril, la vostre sur le bord du precipice, que Vostre
Majesté preuoit, & ne croit pas, lors qu’elle s’attire la haine
du peuple, la fureur de ses subjets, l’indignation des pauures,
preferant le bien d’vn particulier au bien du public, & le sang
Estranger au sang domestique des François : Madame, Dieu
prend en main la defense des Innocens, & se vange en la personne
des Souuerains de l’iniustice que la tyrannie leur fait ;
Marie de Medicis est morte miserable dans les terres Estrangeres
de ses plus cruels ennemis, la France luy estoit obligée
de ce qu’elle estoit mere de son Roy, & voila tout ; aussi ne se
mist elle pas beaucoup en peine de procurer son retour, ne
pouuant oublier le ressentiment des concussions & des iniustices
qu’elle faisoit souffrir à son peuple. Dieu par vne prouidence
admirable de sa Sagesse infinie, a laissé cét exemple
à la suitte des siecles, pour donner a connoistre aux Puissances
Souueraines, qu’elles se doiuent rendre sensibles à la voix
des peuples, & donner quelque relasche à l’Innocence opprimée.
Les pauures sont les membres de Dieu, il en est le Chef,
& par consequent le deffenseur, les Roys ne regnent que
parce qu’il les fait regner : Saül, Manassez, Balthasar, ont esprouué
en leur personne l’effet de cette verité. Mais sans aller
feüilleter si loin dans les Histoires, certainement, Madame, la
mort tragique du Mareschal d’Ancre, doit-elle point faire apprehender
Mazarin d’vn pareil traitement, n’en estant pas
moins digne ? Et vostre Majesté d’vn honteux reproche d’auoir
si long-temps souffert en vostre Cour le sujet de la misere
commune, le fleau du Peuple, le tyran de nos bourses, &

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l’ennemy cruel de l’Estat, qui a voulu abatre l’autorité du Parlement,
afin que la Iustice ne prit connoissance de l’enormité
de ses crimes, qui promit à Galarety traittant sa paix auec l’Espagnol
de mouuoir vne guerre Ciuile en France, & par ce
moyen donner lieu à ses ennemis de recouurer ses plus glorieuses
& dernieres conquestes. Son auarice insatiable la porté
iusques à ce poinct d’injustice & de cruauté, de prendre toutes
les années huit cens mille chequins du grand Turc : pour
empescher la paix & l’vnion entre les Princes Chrestiens. Vn
tel visage est-il bien capable de gouuerner l’Estat ? & d’auoir
l’administration des affaires de France ? Peut-on bien confier
la personne du Roy entre les mains d’vn déloyal ? Qui n’a
ny Foy, ny Loy, ny Dieu, ny Ame. Pierre Mazarin son
ayeul esgorgea son Maistre : Ne le peut-il pas faire ? est-il plus
homme de bien que luy ? Où a-il moins de malice ? Mais, Paris
a pris les armes, il est vray, mais c’est pour le seruice de
Vostre Majesté, & pour deliurer son Roy d’vne oppression
domestique & d’vne cruelle seruitude qu’il souffre, & ne connoist
pas. Les Bourgeois demandent le Roy, tout le monde
la Personne Royale de Vostre Majesté : Mais la Gréve veut
Mazarin, si Rome le refuse ; Et comme le Scorpion escrazé
sur la piqueure donne la guerison au mal qu’il a fait, de mesme
l’infamie de sa mort essuyera les larmes de nos yeux, & adoucira
la playe que la cruauté de sa vie à causé à tout le monde :
Nos vies seront en seureté, si nous n’auons plus ce Lycantrope
ennemy de nostre sang ; nos familles seront en repos,
nos enfans mangeront du pain dans l’extréme misere qui le
leur a osté, l’Estat sera en bonne intelligence, les Princes bien
vnis, les ennemis ne nous regarderont que pour nous craindre,
& toute la France iouyra de sa premiere tranquilité.
MADAME, que le bien du public, que l’interest du Royaume ;
que la prudence de Vostre Majesté extirpe cette cangrene
de l’Estat, oste l’opprobre de la Maison Royale, qu’elle chasse
cét Impie hors de France, si elle a quelque bonté pour conseruer
vne vie qui n’eut iamais que malice : qu’elle reprenne ses
premiers mouuemens, & se laisse fléchir à la compassion ;
Qu’elle iette les yeux sur vn peuple affligé, & qu’elle auoüe à
la raison ce qu’elle a donné à vn passionné caprice par le conseil
pernicieux de cet esprit malin : Les François sont vos
legitimes subjets, Mazarin est Estranger. C’est assez dire, il

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est de Sicile. Les François employent leur vie, leur sang,
& tout ce qu’ils ont de plus cher pour conseruer l’Estat : Mazarin
employe tout ce que la rage a de plus cruel, & l’inuention
de plus subtil pour le destruire, faisant passer ses sourberies
pour des arrests, ses finesses pour prudence, ses artifices
pour grand genie, & son interest particulier pour le bien du
public. C’est trop enduré, Madame : la patience blessée se
change en fureur : Que Vostre Majesté perde l’ennemy qui la
veut perdre, & non pas vn peuple qui n’a que son extréme foiblesse,
& le malheur de sa misere pour sa defense, Qu’elle
perde le Perturbateur du repos public & celuy qui veut perdre
& ruiner la liberté de l’Estat. L’apparence d’vn bien imaginaire
nous flate, parce qu’elle chatoüille nos sens, & nous
sommes surpris quand nous sentons le mal caché soubs l’écorce
de ce bien : Ce delicieux Phantosme du present nous
pipe par ses charmes, & nous abuse par ses douceurs, qui paroissent
& s’éuanoüyssent comme vn esclair : nous connoissons
bien-tost nostre faute, mais il est trop tard ; Nous la voudrions
reparer, mais il n’est plus temps : On cherche des expediens
pour se mettre à couuert de l’orage qui nous menace,
il ne s’en trouue point ; On a recours aux larmes, elles sont
inutiles : Mais nous ne connoissons iamais mieux le bien que
par la presence du mal, l’amitié de vostre Peuple, le bien de
l’Estat, la gloire de la Couronne, l’interest de la France doit
estre incomparablement plus considerable à V. Maiesté que
les boufonneries & les postures des honnestes d’vn vray Comedien,
ou d’vn homme qui est vn Monstre marin en ses
mœurs, & qui n’a rien d’humain que la figure, comme les
Lamies des fables : Que V. Maiesté prefere le sentiment de
tant d’illustres testes à vn pot plein d’argent vif, mais couuerte
d’vne pourpre rougie du sang des pauures miserables :
Qu’elle suiue le conseil de tant de braues Magistrats qui
font la meilleure partie de cét Auguste Parlement de Paris, &
non pas celuy d’vn Impie qui n’en donna iamais que pour trahir
son Maistre : Il ne demande que la guerre, sans laquelle il
ne sçauroit viure ; il n’est acharné qu’apres nostre sang, aprés
nous auoir despoüillez de nos biens pour enrichir sa misere,
& ébloüir l’ignominie de sa race : Si toutes ces raisons ne
sont pas capables d’amolir vostre cœur, qui seroit plus insensible
que le marbre, de persuader vne verité que les plus grossiers

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n’ignorent pas ; que les cris de nos plaintes, que les larmes
de nos enfans, que la misere & la rage de la faim a faits raisonnables
deuant l’aage de la raison, que les prieres d’vn Peuple tyrannisé,
la Misere persecutée, l’extréme necessité des pauures qui ne demandent
que la mort, ne cognoissant pas la vie, facent condescendre
V. Majesté à l’entermement de nostre Requeste. La demande est
iuste & le refus en seroit cruel ; nous demandons le Roy, rien de si
equitable ; on le refusera peut-estre, hé quoy de plus tyran ? Nous
supplions V. Majesté que Mazarin perisse, & qu’il repare par l’ignominie
d’vne honteuse mort l’affront, l’iniustice & le tort qu’il a fait a
V. Majesté & à toute la France, ayant troublé le repos du public,
ruiné quasi tout l’Estat, iusques à vouloir renuerser la Couronne. Il
dit qu’il subsistera dans le ministere, que V. M. le cherit beaucoup &
qu’elle prefere son bon-heur à celuy du Royaume & de ses enfans,
qu’il possede entierement le cœur de tous les Princes du Sang, qu’il
a assez de magie & d’artifices pour s’acquerir les bonnes graces de
ses ennemis, qu’il a tousiours le pouuoir de nous arracher l’ame du
corps, comme il a eu la liberté d’espuiser les tresors de nos coffres &
toutes les bourses du Royaume : Ouy, Madame, Mazarin nous vent
reduire à la mendicité, il ne nous veut laisser que la bezasse, comme
s’il vouloit faire des Apostres de tous les François, & vn hermitage
de toute la France ; & encore V. Majesté souffrira peut-estre qu’il
viue ; mais qu’il viue pour nous faire mourir, pour estre le fleau du
Royaume, l’infamie de l’Estat, & le deshonneur de la Couronne.
Mais que V. Majesté escoute la raison & non pas ses sens, qu’elle calme
l’orage de sa passion contre des sujets innocens, qu’elle ne laisse
pas cét illustre Coulpable impuny, qu’elle considere que la posterité
pourroit faire vn iuste reproche à sa memoire, d’auoir, nourry la vipere
qui a fait mourir ses enfans : Mais au nom de Dieu qu’elle face vn
acte digne du Sceptre qu’elle porte, qu’elle change cette haine en
amour, & cette indignation en clemence, la Loy de Dieu & la religion
qu’elle professe, outre l’interest de son honneur, la l’y oblige
soubs peine de crime, nous receurons cette grace comme vn present
que le Ciel promet, nos neueux erigeront à sa memoire le trophée
d’vn eternel souuenir, & nous renouuellerons le vœu d’obeyssance &
de soubmission à V. Majesté en qualité de

 

Ses tres-fidelles & tres-obeyssans subiets
& seruiteurs les Pauures, ou
LA MISERE PERSECVTÉE.

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Anonyme [1649 [?]], LA VERITÉ SANS MASQVE DE LA MISERE PERSECVTEE, OV LA PLAINTE DES PAVVRES A LA REINE, CONTRE LE CARDINAL Mazarin. In puteo veritas. Neque vrgeat super me puteus os suum, Ps. 68. , français, latinRéférence RIM : M0_4004. Cote locale : C_10_43.