Anonyme [1652], LA VERITÉ RECONNVE, PAR MONSEIGNEVR LE CARDINAL DE RETZ, Sur les Resolution de la Reyne contre le Cardinal Mazarin. Enuoyée à Son Altesse Royale. , françaisRéférence RIM : M0_4001. Cote locale : B_20_29.
Section précédent(e)

LA
VERITÉ
RECONNVE,
PAR MONSEIGNEVR
LE CARDINAL
DE RETZ,
Sur les Resolution de la Reyne
contre le Cardinal Mazarin.

Enuoyée à Son Altesse Royale.

A PARIS,
Chez LOVIS POSTEL, au Mont Saint Hilaire.

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

LA VERITE RECONNVE PAR MONSEIGNEUR
le Cardinal de Retz sur les Resolution de la
Reyne contre le Cardinal Mazrin,
Enuoyée à son Altesse Royale.

MONSIEVR

Si vos yeux m’esconoissent le caractere de ma
verité, comme vostre ame ingratte a effacé ceux
que mon amour vous auoit graué dedans le cœur.
refusez-les à la lecture d’vne feüille qui ne se
noircit pas si tost d’ancre, quelle vous noircit d’vne
iniure, de laquelle vous ne pouuez eschapper le
iuste chastiment que merite vostre perfidie, & la
plus lasche déloyauté qu’homme soubs le Ciel ait
osé commettre à l’endroit d’vn Roy qui tient le
Sceptre le plus glorieux qui soit en ce monde ; Endurez
iustement que ie vous nomme perfide, ingrat,
desloyal, & pariure. Pour mon particulier je
vous confesse auec verité. que ie regrette le temps
auquel il m’estoit permis de vous entretenir auec
les plus douce parolles, dont mes desirs & mon
amour pour l’agrandissement de vostre personne,
pouuoient emmieler ma langue, car i’estois tellement
esblouye, qu’il me sembloit que vostre affection

-- 4 --

pour la grandeur, la prosperité de ce Royaume,
& mesme pour le soulagement d’vn chacun,
meritoit quelque recompense condigne à l’éclat
de la Pourpre dont vous estes indignement reuestu :
Ie vous aduouë que les souuenirs des felicitez
que vous promettiez à cét Estat estoient bien doux
à ma pensés mais maintenant que par vos pernicieux,
conseils vous l’auez si vilainement outragé,
ie ne veux plus qu’ils repassent dans ma memoire,
que pour me faire conceuoir de l’aigreur & de l’amertume
contre l’infidelité que vous auez commise,
c’est vne chose bien veritable, que pour mon
contentement, il eut bien mieuvxallu estre exposée
à la rage d’vne maladie furieuse, que d’auoir
esté halenés par vostre caquet d’vne cõtagion qui si
subtilement s’est coulée dans mon esprit : Ce fut l’amour
que i’auois pour le repos & le soulagement
des Subjets de mon fils que tant de fois vous disiés
souhaitter plus que vostre propre vie, qui me voulut
troubler par les plus rudes attaques dont il ait
iamais veu assailly le cœur d’vne pauure Reyne desolée,
Tous vos déportemens & toutes vos pratiques
iointes à celles de vos supposts, me monstrent
bien à present que vous n’auez eu autre soing qu’à
bastir la misere d’vn peuple si outrageusement persecuté,
au lieu de la felicité que vous feigniez luy
vouloir procurer : La France n’auoit pas besoing d’ornements
estrangers, elle paroist assez de son propre
lustre, sans en emprunter d’ailleurs, aussi n’a elle faict

-- 5 --

rougir l’escarlatte dessus vos espaules que pour vous
faire rougir de honte & de vergongne. Aduoit le
maintenant auec moy que vostre mauuais conseil
vous empesche bien de iouyr d’vn bon-heur, &
de gouster les plaisirs d’vne vie paisible & contente,
reconnoissez vostre faute, & preparez
vous à souffrir des liens & des chaisnes dont on
vous chargera le corps comme à vn insensé, &
à vn furieux, & le tout pour vos Tasches démerites.
Que si ie seme mes paroles en l’air, à tout
le moins ie vous inuoque tres sage Parlement,
vengez vostre iniure sur cette teste infidelle, que
celuy là meure qui a rompu sa foy, que celuy-là
meure qui a voulu tromper vne innocente Reyne,
que celuy là meure qui est des-ja mort au
monde d’vne mort ciuille, & si vous cognoissez
cet execrable. escoutez mes deuotes prieres,
où ie vous appelle pour vangeurs, & si vous l’auez
veu prophaner vos Autels, il ne faut pas que
vous tardiez à les lauer du sang de ce prophane.

 

Grand Dieu ne permettez point que l’impieté
triomphante iniustement de l’innocence me fasse
long temps doubter si vous auez soing des affaires
de ce monde, ou si tout se regit par la conduitte
aueugle du hazard & de la fortune C’est

-- 6 --

l’endroit où ie finis cette verité, par la priere que
ie fais à Dieu de vouloir d’oresnauant combler
de benediction ce pauure & desastré Royaume,
donner son saint Paradis aux bons & fidels Ministres,
& de punir rigoureusement dans les enfers
ceux qui par leurs mauuais conseils, sont
cause à present de tant de miseres & de calamitez.
Ho tres-illustre Cardinal ! Voicy donc
ce qui me semble que le Roy mon fils doit
faire, tant pour la conseruation que pour la
tranquillité de son peuple. Il doit commencer à ietter
l’œil sur ceux qui luy peuuent donner bon
conseil, qui est l’ame de la monarchie : il faut tant
que faire se peut que chacun ait part aux honneurs
& aux trauaux, & que tous en general contribuënt
à releuer les fleurs de Lys. Mon iugement est pour
obuier aux desordres continuels qui ont agité la
France depuis quelques temps, que le Roy mon
Fils, compose vn Conseil, non de Fauoris : mais
de ceux qui de consanguinité & d’affection ont interest
particulier à la conseruation de sa personne
& de son Estat : qu’il face part du maniment des
affaires à Monseigneur le Duc d’Orleans son Oncle :
afin de le rendre capable de le seruir vn iour,
qu’il appelle pres de luy Messieurs le Prince de
Condé, & le Duc de Beaufort : qu’il manie toutes

-- 7 --

choses par l’ordre du Conseil & à la pluralité des voix
qu’il donne le maniment de sa conscience à quelque
bon. Docteur : non à ces Cordeliers, qu’il embrasse
l’antique Sorbonne & esloigne ces nouueaux
Theologiens transmontains : qu’il protege ceux de
son sang qu’il ne neglige ses Parlemens.

 

FIN.

-- 8 --

Section précédent(e)


Anonyme [1652], LA VERITÉ RECONNVE, PAR MONSEIGNEVR LE CARDINAL DE RETZ, Sur les Resolution de la Reyne contre le Cardinal Mazarin. Enuoyée à Son Altesse Royale. , françaisRéférence RIM : M0_4001. Cote locale : B_20_29.