Anonyme [1652], LA VERITÉ DV TEMPS, Reconnuë de tous. , françaisRéférence RIM : M0_3993. Cote locale : B_17_26.
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LA
VERITÉ
DV
TEMPS,
Reconnuë de tous.

A PARIS.

M. DC. LII.

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La Verité du Temps,
reconnuë de tous.

 


AVJOVRD’HVY le monde tresbuche,
Le plus aduisé deuient busche,
Et celuy que l’on tient butor
Vaut quelquesfois son pesant d’or :
Ce ne sont plus que des falourdes
Emmanchées auec des bourdes,
Et celuy qui endit le plus
Ne vaut le prix d’vn carolus.

 

 


C’à ce fait l’vn, Monsieur le Prince
Mettra en Paix nostre Prouince ;
Car s’il peut auoir Mazarin
La guerre prendra bien-tost fin,
Et ces pauures ceruelles vertes
Auec leurs pensées desertes,
Croyent auoir fait en grand fruit
Apres qu’ils on mené du bruit
Sur vn Pont-neuf, dans vne place :
Où le plus chaud, comme la glace,
Ressemble à Maistre Iean Iacquet,

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Qui n’a que babil & caquet ;
Se rengent en forme commune
Comme chiens qui iappent la Lune.

 

 


Le Roy, ne sera le plus fort,
Car voila Monsieur de Beaufort
Qui a vne armée en campagne ;
Enfin le pays de cocagne
Se forge en cet inuention,
De chaque folle intention.
Tantost c’est le Duc de Loraine,
Qui vne grande armée ameine
Pour empescher ce qui n’est pas,
Depuis le plus haut iusqu’au bas,
Bref, auec toute raillerie,
On assiege la Tricherie,
Pour faire prendre maure-pas,
Car pour Dourdan, l’on n’y va pas,
Tout cela n’est qu’vne toupie
Comme le caquet d’vne pie,
Car tous ces bons Seigneurs enfin
Ne tendent point à Mazarin.
Ainsi la simple populace
Exerce sa pauure carcasse,
Cependant que plusieurs filoux
Glanent à la faueur des foux ;
Parmy ce piteux desarroy
On n’est pour Prince, ne pour Roy,
Et cependant ce battelage,

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L’on volle, l’on tüe, on saccage,
Sous pretexte de quelque bien,
Le meilleur de tous n’en vaut rien ;
Les Marchands ne font leur commerce,
Parmy tout ce mal qui s’exerce ;
Et l’on void de toutes couleurs
Larrons, brigands, pilleurs, volleurs,
Cela est si commun en France
Que ce n’est plus rien que souffrance,
Et si l’on n’y met bien-tost fin,
Il n’y aura aucun chemin
Que ce ne soit vn coupe-gorge,
Toute la campagne degorge
De ces endiablez, sans raison,
Qui ne pourroient plumer l’oyson,
Sinon du couuert de la guerre,
Aussi bien par mer que par terre :
Car sous fausse commission,
Ils se donnent permission,
De toutes sortes d’entreprises,
Qui ne sont pas du tout permises.
C’est vne grande cruauté,
Que souffrir la desloyauté
Qui se fait, sans y donner ordre,
Et empescher vn tel desordre.
L’art millitaire n’est pas fait
Pour exercer aucun forfait :
Mais pour conseruer sa Prouince,

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Employant pour Dieu pour son Prince
Ses armes, sa vie, son sang,
Ne se laisser tomber au rang
Des Pirates, ny des Corsaires,
D’amis, deuenir aduersaires,
Cela ne sent que son faquin ;
Mestier, de belistre, ou coquin,
A qui on doit faire la moüe
Quant on le voit sur vne roüe.
Du temps du Roy Henry le Grand.
Il n’y auoit petit ne grand
Qui ne vesquit en honneste homme,
L’on alloit de Paris à Rome
Sa bource attaché au bourdon ;
L’on mettoit tout à l’abandon,
Sans peur, sans crainte, en asseurance ;
L’on n’entendoit parler en France
D’aucun esprit mal composé,
Tout estoit si bien disposé
Depuis le Coq, iusques à l’Aigle,
Que l’on ne manquoit point de reigle.
La terre estoit vn Paradis :
Mais depuis que l’on a permis
Tant de mauuais libertinage,
Faire du mal & tant d’outrage,
Elle est deuenuë vn Enfer,
Gouuernée, de feu, de fer,
Vn cloaque tout plein de vice,

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Où ne regne aucune police :
Car, les Ministres, Magistrats,
Ne seruent presque que de rats,
Pour mettre le peuple en ruine,
Et souffrir mettre la famine,
On laisse faire le plus fort,
Soit qu’il ait droit, ou qu’il ait tort,
Tout se va glissant, pesle-mesle,
Comme le bled parmy la nesle,
L’on souffre cent mille indigens,
Pendant que ces meschantes gens
Se font traisner dans des carrosses,
Cela feroit deuenir rosses,
Ceux qui ont tant soit peu d’esprit,
Il le faut dire par escrit :
Car cela n’appartient qu’aux Princes,
Non pas à des personnes minces,
Qui auoient esté autresfois
Reduits dans les mesmes abbois,
Que les pauures gens miserables,
Qui aujourd’huy tiennent les tables
Au detriment du sang humain :
Cela est par trop inhumain,
De voir l’vn faire grande chere,
Et l’autre mourir de misere.

 

FIN.

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