Anonyme [1652], LA VERITÉ DE CE QVI S’EST passé à Paris en trois fascheuses rencontres. CONTRE LES IMPOSTVRES contenuës en la Lettre Mazarine, du Bourgeois desinteressé. AVEC LA RESPONSE A LA LETTRE escrite par le Cardinal Mazarin, sous le nom du Roy, au Parlement de Roüen. , françaisRéférence RIM : M0_3986. Cote locale : B_12_48.
SubSect précédent(e)

LA VERITÉ DE CE QVI
s’est passé à Paris en trois fascheuses
rencontres.

Contre les impostures contenuës en la Lettre
Mazarine du Bourgeois desinteressé.

IE respons à vne Lettre, qui est sans adresse, & partant
commune à tous : Ie la prends pour moy, & dits qu’elle
vient de quelque interessé par le Cardinal Mazarin, qui
estant homme sans aucune bonne qualité, & ayant toutes
les mauuaises, ne peut estre suiuy, ny deffendu que
par des ignorans, ou par des corrompus ; d’où nous tirons
cette consequence ; que la plume du pretendu Bourgeois a esté
achetée par argent deliuré, ou promis, ou par quelqu’autre grace
receuë, ou esperée : Ainsi qu’il ment dans son tiltre lorsqu’il se dit
desinteressé ; ce qui nous donne sujet de conclure, qu’il ne faut pas
trouuer estrange, si tout le bastiment de son Discours est composé
de mensonges ; puisque l’escriteau posé sur la porte est vne imposture.

Les Sages porteront ce iugement d’vn ouurage, qui n’a esté fait
que pour appaiser auec des sortes paroles le Démon qui tourmente le
Cardinal Mazarin, & pour surprendre les plus simples par des faits
supposez. Nous adjousterons, que l’Escriuain fait le Neruese, & manie
son espée au Soleil ; pour donner dans la veuë à celuy qui se repaist
d’vn faux esclat, & amuse la ieunesse de nostre Roy, auquel il fait voir
ces pieces impertinentes : Mais il faut qu’il desespere de pouuoir esbloüyr
les yeux des clairuoyans ; & sur tout des bien instruits en ce
qui s’est passé à Paris dans trois fascheuses iournées.

L’Escriuain du Cardinal ayant desguisé toutes choses par plusieurs
menteries ; nous luy dirons ses veritez particulieres, en declarant les

-- 4 --

publiques. L’autheur de la Lettre a escrit sur la premiere rencontre
Que le Duc de Beaufort assembla dans la place Royale la canaille, les assassins
& les seditieux ; pour leur assigner leur solde, sur le pillage du riche
Bourgeois & du Magistrat : Ainsi cét insolent rend chef des coquins,
des filoux, & des meurtriers à gages, le petit Fils de Henry le
Grand, & veut faire passer pour Capitaine des enfans de la mate, celuy
qui par les attraits de sa bonté, & exploicts de sa valeur a gagné les
cœurs & acquis l’estime de tous les Grands, & des Peuples : Ils sçauent
que ce Prince est si esloigné de vouloir saccager, & massacrer les Parifiens ;
qu’il a employé son bien pour conseruer le leur, & a souuent
exposé sa vie pour les garentir de la mort. Il est donc non seulement
exempt d’infamie, mais remply de gloire, & tant s’en faut qu’il merite
le blasme, qu’on luy doit la loüange : d’où nous tirons cette consequence
contre le faux Bourgeois. Que si la calomnie qui attribuë à
l’innocent ce qui n’est pas, est malicieuse : on tiendra pour execrable
celle qui attache à vn vertueux le vice qui est contraire à la vertu qu’il
possede, & exerce publiquement. L’imposture du Bourgeois est de
cette nature ; estant vray que le Duc de Beaufort arresta dans la place
Royale l’impetuosité de ceux. qui vouloient vanger sur les amis du
Cardinal Mazarin les injures qu’il fait au public.

 

Premiere calomnie
refutée.

Mais celuy qui fit le premier essay de sa tyrannie sur la liberté de
ce Prince, qui ne doit sa deliurance qu’à son industrieuse resolution ;
nous fait connoistre la verité du prouerbe de son pays, Que celuy
qui offense ne pardonne iamais : ayant pris plaisir à faire deschirer
par la Ville la reputation du Duc de Beaufort, lors qu’il ne pouuoit
plus estre maistre de sa personne dans le Bois de Vincennes.

Pour monstrer que l’Escriuain est non seulement malin ; mais mal
informé ; il nous represente le tumulte arriué au Palais ; comme vne
suitte de l’assemblée faite en la place Royale, c’est à dire, il fait produire
vn effect à vne cause qui n’estoit pas encore ; Le bruit du Palais
estant arriué vn iour deuant le concours de la place Royale.

Le desordre du Palais ne peut estre attribué qu’à l’imprudence
d’vn Conseiller tenu pour Mazarin, qui se deffiant d’vn mauuais traitement
à la sortie du Parlement, & estant Colonnel de son Quartier,
auoit mandé sa Compagnie pour le desgager & escorter. Cette troupe
estant conduite par vn Maistre d’Escrime, violent comme vn continuel
batteur de fer, voulut forcer les Gardes posées sur les aduenuës
du Palais, qui repousserent ceux qui entreprenoient depasser sur
leurs armes contre les ordres militaires ; Les autres ayans tenté de
s’ouurir le chemin ; dans cette contestation, la chaleur des esprits mit

-- 5 --

le feu aux mouiquets, & aux fusils, qui tuerent les plus aduancez.

 

Apres ce combat, qui auoit apporté quelque confusion, certains seditieux
perdirent le respect qu’ils deuoient à Messieurs du Parlement.
Mais comme en cette iournée ceux du party Mazarin craignoient vn
Arrest contraire à leur volonté, ou vne insulte, si l’Arrest estoit conforme
à leur desir ; ils auoient remply la salle, les degrez, la court, & les
ruës voisines du Palais de personnes acheptées, qui pour gagner ce
qu’on leur auoit ou donné, ou promis, firent laschement le premier
bruit, qui enexcita vn plus grand, parmy ceux qui estoient zelez pour
le bien public : Ainsi les vns & les autres offenserent en paroles quasi
tous les Iuges. Tant s’en faut donc, que dans cette rencontre on
puisse accuser le Duc de Beaufort de quelque manquement qu’on
doit aduoüer, que sa generosité & sa vigilance le porterent par tout
pour empescher que Messieurs du Parlement ne reçeussent du desplaisir.
Il n’est pas donc vray qu’il eut projetté de faire vn affront aux
Magistrats ; mais plustost qu’il a employé son credit, & hazardé sa vie
pour mettre la leur en seureté. Ils le recogneurent, & l’en remercierent ;
ainsi le pretendu desinteressé est conuaincu d’impostures
par le tesmoignage de ses Iuges, par la notice publique, & par sa
propre temerité, qui a confondu les temps & les choses.

Pour venir à la seconde calomnie ; le Bourgeois fait vn recit impertinent
du voyage du Roy, depuis Melun iusques à S. Denis : Il appelle
traistre vn President qui est homme d’honneur, & de race illustre :
il trouue mauuais d’vne action de prudence, qui luy auoit conseillé de
retirer ses meubles dans vn temps où les gens de guerre mal disciplinez,
& irritez, ne se contentent pas de piller ; mais demolissent les maisons
sons de la campagne. Cependant nostre effronté Bourgeois contre la
notice & experience vniuerselle, ne laisse pas de nous representer le
passage des Soldats enragez, commandez par vn Huguenot, comme vn
procession de Religieux bien reformez. Il asseure qu’ils ne gastent
point les bleds, qu’ils ont mangé en vert, abbatus en fleur, battus en
grain. Il nous reproche vn conuoy d’vne vingtaine de charettes de
pain enuoyé de Gonnesse, comme vn secours dans vne extremité de
famine. Il s’imagine que nous ne sçaurons pas discerner vne charité
d’auec vne finesse : celle-cy n’ayant agy que pour piper les peuples,
en leur faisant perdre la pensée du degast de plus de deux cens mil
escus de grains qu’on ruinoit autour de Gonnesse ; lors qu’on nous
amusoit, par vne assistance non continuée, de trois ou quatre cens
escus de pains, qui estoit consommés dans trois jours par cent Familles ;
lors qu’on en rendoit pour tousjours cent mille miserables.

-- 6 --

Le Bourgeois nous raille grossierement, en nous disant, que nous
auons crû, que le Cardinal Mazarin auoit fait mesler de l’arsenic
dans du pain ; nous croyons plustost qu’il a voulu empoisonner les
esprits, en leur persuadant qu’il estoit capable de quelque compassion
pour nos corps, qu’il a voulu faire perir deux fois, par le
plus cruel de tous les supplices, qui est la faim.

 

Seconde calomnie
refutée.

Il est vray que deuant le Blocus de Paris en l’année 1649. il auoit
eü dessein d’abreger les supplices ausquels il nous destinoit, par le
plus impie, & plus barbare de tous les attentats ; ayant approuué
les propositions detestables d’vn enragé, qui luy suggera ; que pour
mettre Paris dans vne derniere confusion durant le sainct Sacrifice
de la Messe de Mynuict, qui nous represente le plus Auguste, &
le plus agreable des mysteres Chrestiens, il se falloit resoudre de
ietter dans toutes les Eglises des Grenades, qui estropiroient, ou
dissiperoient les assistans, & embrazeroient les Autels ; & qu’au
mesme temps que toutes les Maisons de Dieu seroient en feu,
on le porteroit dans deux ou trois cens Logis de Bourgeois en diuers
quartiers : que dans ce bouleuersement, trois mille hommes
cachez dans l’Arcenal se saisiroient de l’Isle de Nostre-Dame, qu’ils
y conduiroient tous les Canons, qu on les déchargeroit sur la Ville,
sur la Cité, sur l’Vniuersité, & sur les Ponts : Que dans la consternation
generale, & desordre vniuersel, on se saisiroit aisément de
tous ceux qu’on vouloit perdre, & que c’estoit le seul moyen
pour rendre le Roy absolu : ce qui est vray, en la maniere que le
Cardinal Mazarin conçoit la Monarchie ; mais on laisse à iuger, si
c’est la Ciuile, la Françoise, & la Tres-Chrestienne. Cette proposition
diabolique eût esté suiuie, si vne personne que nous ne
nommerons pas, ne l’eût destournée.

Le C. M. qui s’est repenty plusieurs fois, de ne l’auoir point
executée, a tâché depuis d’y reuenir ; & quoy que nous puisse
dire son corrompu discoureur déguisé en Bourgeois desinteressé, ce
qui se passa le second de ce mois, nous plongeoit dans vn pareil
abysme, s’il eût reussi aux entrepreneurs : Vn President qui n’est
pas tenu pour homme bien discret, & qui a quitté sa Compagnie
pour chercher le mépris, qu’il a trouué dans la Cour, descouurit
à plusieurs personnes deux iours deuant le combat arriué dans
le Fanx-bourg saint Antoine : que le C. Mazarin trauailloit pour
ses rendre Maistre de Paris, où il feroit vne cruelle Boucherie de
ses ennemis : qu’il estoit asseuré de trois Portes de la Ville, des postes
du Louure, de l’Arsenal, de sainct Martin, du Temple & de l Isle

-- 7 --

Nostre-Dame : Qu’on auoit enrolé pour luy dans Paris douze mille
hommes ; qu’on leur auoit donné quarante sols à chacun, qu’ils
auoient tous des armes à feu, & dequoy tirer chacun six coups ;
disant qu’auec cent cinquante mille Arquebusades, & quantité de
Grenades, on feroit bien de la besongne : que le feu jouëroit ses jeux
en diuers endroits : que le Roy seroit maistre à ce coup, & entreroit
triomphant dans le Sang & parmy les flammes : que la marque
de salut seroit du Papier sur le Chapeau ; mais par la grace de
Dieu, la Paille fut plus forte que le Papier.

 

L’euenement nous a fait paroistre, que cét homme quoy que
peu aduisé, n’auoit point inuenté ce qu’il aduançoit, estant certain
que le C. M. apres le combat du Faux-bourg sainct Antoine reprochant
au Mareschal de Turenne, qu’il n’auoit pas fait ce qu’il
pouuoit & devoit : ce General qui sçait mieux la Polemicque que
le C. M. n’entend la Politique, repartir qu’il auoit plus de sujet de
se plaindre de son Eminence, qui luy auoit promis trois Portes, à
sçauoir de sainct Denis, de sainct Martin & de sainct Antoine, &
auoit asseuré que les Bourgeois ne laisseroient point passer les troupes
des Princes au trauers de la Ville : que tout cela ayant manqué
il auoit esté obligé de changer les ordres ; ce qui auoit donné le
loisir, & le moyen au Prince de Condé de se mettre en estat de faire
la resistance, qu’il auoit rencontrée.

On laisse à juger ce qui seroit arriué dans Paris, si le dessein du
C. M. eut reussi. Nous sçauons bien, qu’encore que toutes les
Portes eussent esté à sa deuotion, auec les Postes qu’il vouloit
prendre ; que son armée pouuoit estre defaite en forçant deux mille
chaisnes auec autant de barricades, & que le Cardinal Mazarin eust
trouué sans doute, que ceux qui l’asseuroient du bon Bourgeois, & de
douze mille hommes à quarante sols piece, estoient des forgeurs de
chimeres semblables à plusieurs autres qu’il fait tous les jours pour
amuser la Reyne, & se flatter luy-mesme : l’execution d’vne entreprise
sur Paris n’eust pas esté si aysée, comme la proposition dans
vn Cabinet, portée par vn ardent qui eschauffe la passion de celuy
auquel il veut promptement arracher vne grace, sans se mettre en
peine de ce qui arriuera apres qu’on aura emporté & serré ce qui
est demandé. Ainsi en a vsé peut-estre nostre Bourgeois, qui fait
maintenant vn sot escrit, pour maintenir vn pernicieux conseil qu’il
a donné.

Le C. M. qui ne respiroit que la vengeance, croyoit auoir si
bien fait sa partie, qu’il conduisoit le Roy pour en estre spectateur,

-- 8 --

& aussi pour l’accoustumer au Sang : Ne pouuant ce jour là repandre
celuy des Bourgeois de Paris, il se contenta de prodiguer celuy
des gens de guerre. S’estant logé en vn lieu esleué qui découuroit
toute la campagne, il faisoit comtempler à nostre jeune Monarque
vn cruel combat entre ses meilleurs Capitaines & Soldats,
quasi tous François. Cét Estranger impitoyable, repaissoit ses yeux
de ce carnage, lors qu’il vit Paris se declarer, la Bastille tirer, les
Bourgeois sortir en foule, le Passage de la Ville ouuert aux Gens
des Princes, & la plaine auec les ruës du Faux-bourg sainct Antoine
se joncher de corps morts ; le plus grand nombre estant de
ceux qui soustenoient auec regret celuy, qui enuoye les Officiers à
la mort, pour disposer de leur charges en faueur des siens, & qui
se jouë des vies de la Noblesse, pour se maintenir en France en
dépit des Loix, des Declarations, & des Arrests qui l’en chassent,
& contre la raison & Dieu mesme, qui luy conseillent & ordonnent
d’en sortir, pour se donner la Paix, & nous la laisser.

 

Il disoit au Roy que toutes choses fauorisoient ses intentions,
que Paris luy ouuroit les Portes, les fermoit aux Princes, luy tendoit
les bras ; que la Bastille canonnoit ses ennemis, que les Parisiens
les prenoient par derriere, que toute la Ville hormis vne
centaine de Coquins estoit pour luy, que sa Maiesté y entreroit ce
jour là en triomphe sur vn tas de rebelles tuez : Que le Duc d’Orleans
auoit pris la fuite : Que le Prince de Condé estoit prisonnier,
les Ducs de Beaufort & de Nemours assommez.

Le C. M. entassoit toutes ces bourdes, lors qu’on luy rapporta
son Neveu Manciny blessé à mort, auec le Fouilloux chery du Roy :
Les Marquis de saint Maigrin & de Nantoüillet tuez, auec plusieurs
Caualiers, & Officiers : Qu’on ne voyoit venir que des balafrez &
percez : qu’on n’entendoit que des lamentations, & murmures.
Dans ce renuersement d’imaginations, la Folie, & la Furie du C.
M. se produisirent toutes entieres. La Colere, la Peur, & la Tristesse,
qui sont les trois plus basses Passions du Cœur humain, se joüoyent
de celuy de cét Homme.

La premiere luy faisoit vomir mille injures contre le Mareschal
de Turenne : La seconde le portoit à nous menacer de sa retraite
comme d’vn malheur : Et la derniere qui luy representoit son Manciny
mourant poussoit auec ses larmes mille saillies d’vn esprit roturier
rempant.

Dans ce recit veritable de ce qui se passa le second de Iuillet ; on
peut remarquer que l’Autheur de la Lettre du Bourgeois, a affecté

-- 9 --

de mentir quatre fois sur vn seul Article. Premierement lors qu’il
dit que les Bourgeois de Paris refuserent les Portes aux troupes
des Princes, & ne branlerent point.

 

Il est constant que deuant le combat les Princes ne firent aucune
instance, pour faire passer leur Armée au trauers de la Ville,
ayans iugé que cela pouuoit causer plus de bruit que de bien, iusques
à ce qu’ils se trouuerent pressez de demander le passage qui
fut aussi-tost accordé à Mademoiselle,

Qui dans le corps bien fait d’vne fille Royale,
a l’ame d’vn grand Roy.

Elle obtint aussi la retraite des troupes dans les Faux-bourgs, s’il
estoit necessaire.

En second lieu, ou on se trompe, ou on nous veut tromper, lors
qu’on assure, que iamais le Bourgeois ne bransla, estant vray que sans
attendre aucun ordre de la Maison de Ville, ny des Colonels des
quartiers, vne bonne partie des plus courageux Citoyens prirent les
armes pour sortir contre ceux qu’ils appellent Mazarins, & qu’ils
coururent sur le Bouleuart de sainct Antoine, se presentent en foule
à la Porte, & remplirent la Place Royale, où ils attendoient le commandement,
& la conduite du Duc de Beaufort, auquel ils ont toûjours
eu vne entiere confiance.

En troisiéme lieu, il n’est pas vray que ce Prince se soit tourmenté
& debatu, ny qu’il aye couru les ruës sans chapeau, pour
émouuoir les Bourgeois, & les appeller à son secours, ny comme
dit cét impudent Escriuain, qu’il leur fit des reproches, en disant
le Prince perit, Mazarin triomphe, & qu’on luy témoigna beaucoup
de froideur. Le Duc en cette occasion, fit plustost le deuoir
de hardy Soldat, que l’Office d’vn Trompette. Il estoit dans le
Champ de Bataille, non dans les ruës de Paris : Il ne se presenta
qu’vne fois à la Porte, pour faire passer le reste des troupes, & se
mettre à la teste des Bourgeois, qui se pressoient pour le suiure.

4. Le Bourgeois desinteressé deshonore les Parisiens, lors qu’il
les descrit comme des poltrons, disant en vn lieu qu’ils ont plustost
abandonné qu’ouuert leurs Portes : & en vn autre endroit qu’ils ont
tourné le dos au Duc de Beaufort, & ailleurs : qu’hors de leur Ban-lieuë
ils sont tres-mauuais Soldats. Tout cela est si peu veritable, que nous
pouuons dire des bons Bourgeois, qu’ils voyoient passer auec joye
les troupes des Princes ; que si quelqu’vn eust entrepris de si opposer,
ou de leur faire le moindre déplaisir, il eust trouué la fin
de sa vie sous le nom de Mazarin : Que la multitude de ceux qui

-- 10 --

suiuoient le Duc de Beaufort fut si extraordinaire, qu’il fut plustost
en peine d’arrester le grand nombre, qu’obligé de se plaindre du
petit ; Et que les Parisiens forcerent plusieures Barricades : Il est certain,
que si on eût permis à tous ceux qui se vouloient precipiter
dans le peril, de charger ceux qu’ils appelloient Mazarins ; ou si
on eust fait choix dans toutes les Compagnies des Bourgeois, des
Artisans qui ont esté dans les Armées, on eût contraint le Mareschal
de Turenne de faire la retraite, qu’il fist volontairement, &
sagement, apres qu’il eut perdu plus de quinze cens braues hommes,
dignes de perir pour vne guerre plus juste que n’est celle qui
est émeuë & entretenuë par la Fortune cruelle d’vn mal-heureux
Estranger. Il veut demeurer parmy nous, apres auoir corromppu
nos mœurs, renuersé nos Loix, espuisé nos Finances, éloigné la
Paix, seduit nostre Reyne, enleué trois fois nostre Roy, saccagé son
Royaume, exposé au mépris sa Royauté, rendu infortuné le commencement
de son Regne, ruyné son peuple, & s’estre confondu
luy-mesme ; en sorte que depuis l’affront receu deuant Paris, il est
tellement agité, qu’il est semblable à l’Oyson qui a mangé de la
Ciguë, chancelant, vacillant, tombant, se releuant, donnant de la
Teste tantost à droit, tantost à gauche.

 

Ceux qui le voyent en cet estat, & encore en puissance de leur faire
plaisir, taschent par des sales flatteries & fausses esperances, de charmer
ses ennuis, & de diuertir ses apprehensions ; ils luy fournissent
aussi matiere pour entretenir le Roy, & la Reyne de menteries, de peur
que la verité ne les deliure de la captiuité, en laquelle il a mis leurs esprits,
qui sont les prisonniers de ses passions, & de ses impostures.

Troisiesme
imposture
refutée.

La plus noire de toutes celles qu’on a inuẽtées pour le piper, & pour
luy fournir matiere de piperie, a esté le déguisement de ce qui se passa
le quatriéme de ce mois deuant l’Hostel de Ville de Paris. Le Bourgeois
supposé a sur cette rencontre secoüé ses entrailles empestées, &
a vomy tout son venin, voulant empoisonner l’air de France de
sa rage, contre Monseigneur le Duc d’Orleans, & Monsieur le Prince,
qui ont eu plus d’horreur de ce mal, que le Cardinal Mazarin, qui
s’en est resioüy comme d’vn aduantage qui a arresté sa fuite, & par
consequent a reculé nostre de liurance.

Il a tort de nous reprocher les effets de ses cabales, qui presserent
les Chefs de la Maison de Ville, de conuoquer vne assemblée extraordinaire,
laquelle donna vne iuste deffiance à tous les sages d’vne conclusion,
ou désauantageuse au public, ou funeste aux entrepreneurs.
Monseigneur le Duc d’Orleans estant importuné de s’y presenter,
reietta souuent ce conseil : ne voulant pas estre soupçonné d’auoir empesché

-- 11 --

la liberté des suffrages. Enfin son Altesse Royale se laissa persuader
par les remonstrances de ceux qui luy representerent : Que s’il
ne se faisoit voir, il y auoit du dãger, que le Peuple preuenu d’vne mauuaise
opinion, contre vne partie des assemblez, ne fit quelque violence
à tous, sur tout au Gouuerneur & au Prenost des Marchands de
Paris. On adiousta qu’il estoit expedient que Son Altesse Royale &
Monsieur le Prince, fissent entendre pour la troisiéme fois à cette celebre
Compagnie, comme ils ne desiroient autre chose que l’esloignement
du Cardinal Mazarin, sans aucune condition, ny interest particulier :
Que cette protestation, qui n’auoit pour objet que le bien public,
meritoit bien, que la Ville de Paris contribuast de sa part vne bonne
correspondance, pour obliger à la retraite l’ennemy commun. Le
voyage de Monseigneur le Duc d’Orleans n’eut que cette fin, son
discours ne conclud qu’à cela, & à declarer, qu’au cas qu’il suruint
quelque contestation capable de diuiser les esprits, & d’exciter du tumulte,
qu’il seroit à propos de differer la deliberation iusques au retour
des Deputez du Parlement, la Response qui leur seroit faite, debuant
donner lieu à vne certaine & derniere resolution.

 

Ce bon & sage Prince auec l’élegance qui luy est naturelle, & qui
n’employe pas vn mot superflu, ne proposa & ne demanda autre chose,
ayant remarqué dans la plus grande partie des visages la disposition
des cœurs portez au bien public, se retirant auec Monsieur le
Prince, dit hautement & rapeta plusieurs fois à la porte de la Maison
de Ville, & dans la place de Greve, à ceux qui luy demanderent s’il
estoit satisfait, & si l’vnion estoit concluë ; Mes amis tout va bien, &
ie suis tres-content de l’Assemblée : croyant fermement auoir appaisé cette
multitude, qui estoit composée de plusieurs sortes de gens ; à sçauoir
d’Artisans sans ouurage, & par consequent pauures ; de quelques
soldats, qui roulans dans les ruës estoient accourus au bruit, comme
les mouches vont aux playes : les Chefs estoient ceux qu’on appelle
Filoux, méchans Demons, qui se meslent dans toutes les tempestes
de Paris. A ces trois sortes de gens s’estoient ioints les plus hardis entre
ceux qui auoient esté pratiquez par les Emissaires du Cardinal Mazarin,
qui vouloient gagner leurs quarante sols, & auoir pretexte d’exiger
vn plus ample salaire, qu’on leur auoit fait esperer, s’ils pouuoiẽt
esmouuoir vne sedition, quelle quelle fust ; toute cõfusion estant fauorable
aux desseins de celuy qui s’imagine, qu’il ne se peut sauuer que
par vn grand desordre. Nous pouuons adiouster à ces quatre especes
de gens, quelques Soldats, & menus Officiers de l’armée du Mareschal
de Turenne, qui dans la meslée du fauxbourg Saint Antoine,

-- 12 --

& par autres moyens, s’estolent glissez dans Paris, qui est vne forest
où toutes sortes de bestes farouches se peuuent cacher aisément. Se
faut-il estonner, si vne emotion de tant de mauuaises & contraires humeurs,
a causé vn furieux accez de fievre, & vn deplorable sincope,

 

Pour montrer que nos Princes sont accusez faussement par le faux
Bourgeois, d’y auoir contribué quelque chose ; nous sommes obligez
de manifester quatre ou cinq veritez, qui écarteront autant de calomnies.

En premier lieu, que le Gouuerneur, & Preuost des Marchands
de Paris, principaux autheurs de l’Assemblée, auoient choisi tous
seuls les cinq compagnies de Bourgeois qu’ils appellerent pour enuironner
la Maison de Ville, ce que les Princes n’auroient iamais permis,
s’ils eussent eu le moindre dessein de faire quelque violence.

En second lieu, comme les Princes laisserent prendre toutes leurs
precautions à Messieurs de la Ville, & trouuerent bon qu’ils eussent
muny de plus de mille hommes toutes les aduenuës de la Greve, ils
ne peuuent estre soupçonnez d’auoir contribué au peu d’effort que
firent tant de Bourgeois bien armez, qu’on croyoit estre affidez à
ceux qui les auoient fait venir. Donnons vne touche en passant à l’autheur
de la Lettre qui ose dire impudemment, que tous les bons Bourgeois
de Paris estoient portez à receuoir le Cardinal Mazarin. Disons
au contraire qu’on a remarqué clairement, qu’aussi-tost que les Parisiens
voyent qu’on hesite tant soit peu dans le Parlement, ou dans la
Maison de Ville, à conclure tout ce qui peut chasser le Cardinal Mazarin,
on void que le bon Bourgeois, ou veut attaquer, ou ne veut
point defendre les personnes qui n’entrent pas dans ses sentimens, n’estant
pas question de parler de ceux qui sont appellez canaille par les
flatteurs du Cardinal Mazarin, mais des meilleurs Citoyens, qui tesmoignent,
ou dans leurs actions, ou dans leur retenuë, la iuste auersion
qu’ils ont conceuë contre celuy qu’ils tiennent pour le plus dangereux
ennemy du Roy, & de leur païs. Les Officiers sçauent qu’il fait
cesser l’exercice de leurs charges, & en rauale le prix, les Marchands
n’ignorent pas que les pirateries ont ruiné le commerce, & les artisans
sentent que le trafic n’allant plus, ils demeurent sans employ,
& quant & quant sans pain.

3. On ne peut point penser que les Princes soient autheurs de tous
les defauts qui se trouuerent dans la Maison de Ville, qui estoit sans
garde suffisante au dedans, sans armes, sans poudre, sans balles, sans
meche, sans pain, sans vin, sans eau, sans chandelle ; de sorte qu’on
peut dire, que ces manquemens sont les principales causes du massacre

-- 13 --

qui arriua, estant certain que cinquante hommes bien resolus sortis
de l’Hostel de Ville, & secondez par la garde Bourgeoise, pouuoient
en vn instant deffaire, ou dissiper deux ou trois cens hommes ramassez,
qui n’agissoient point par concert, ny sous vn Chef, & ne
se connoissoient pas les vns les autres.

 

4. Il faut estre non seulement meschant, mais insensé pour ne
croire pas ; que si les Princes eussent eu quelque part en cette sedition,
ceux qui y perirent miserablement auroient esté garantis, par
quelque ordre secret, qui eût conserué les amis, pour laisser perit
les ennemis : Or il est certain qu’entre les trois hommes de condition
qui furent tuez, deux ; à sçauoir Messieurs Myron & Ferrand,
estoient des plus affectionnez aux Princes, & que le troisiéme
Monsieur le Gras, n’estoit point dans leur auersion. Que le
premier, outre qu’il estoit digne de respect pour sa naissance illustre,
estoit recommandable pour la profession qu’il faisoit de probité,
& d’honneur. Que le second auoit des qualitez releuées,
& aymables, outre qu’il estoit des mieux intentionnez du Parlement.
Que le troisiéme estoit vn des plus capables, & meilleurs Iuges du
Royaume ; & que tous trois auoient des parentez & alliances dans
Paris, que les Princes estiment, & desirent d’obliger, bien loin de les
vouloir irriter ; en quoy il n’y auroit ny iustice ny prudence. Aussi
pouuons-nous asseurer qu’ils ont supporté cette perte publique, auec
vne extréme impatience, & en ont témoigné leurs déplaisirs, iusques
la, que Monseigneur le Duc d’Orleans en a esté malade, & a dit qu’il
voudroit auoir pû empescher ce mal-heur par la perte d’vn de ses
bras. Nous esperons que le temps qui découure les veritez cachées
par les artifices des hommes, fera connoistre, Que Monsieur Myron
a esté miserablement assassiné par vn Sauetier son voisin, qui en apparence
estoit vn de ces achetez par quarante sols, qui fit gloire de sacrifier
au Cardinal Mazarin, le plus grand anti-Mazarin qui fût en
France. Le second voulant sortir de la maison de Ville, auec quelque
impetuosité, & en habit de Soldat, choqua ceux qui trauersoient son
passage, son ardeur l’ayant precipité dans le peril, duquel il se vouloit
retirer. Nous n’auons rien à dire sur l’assassinat du troisiéme, si ce n’est
qu’il fut plus malheureux que beaucoup d’autres, estant tõbé entre les
mains des plus scelerats de la troupe, ou de quelque ennemy particulier,
ou de ceux qui sans connoistre, ny sa condition, ny le merite de sa
personne, le percerent & assommerẽt de plusieurs coups en l’obscurité
de la nuict, qui fit toutes ces actions de tenebres, dans lesquelles nous
voudrions bien que ces funestes accidens fussent enseuelis, que cette

-- 14 --

maudite iournée ne se trouuast iamais dans nos Annales, & qu’on detestast
ce que la licence du temps ose publier dãs la lettre furieuse de ce
parricide imposteur, qui voudroit sacrifier à la rage d’vn méchant
Estranger, les vies, les familles, & les palais des Princes du Sang
Royal de France, conseillant d’attaquer leurs personnes sacrées, &
leurs demeures, qui nous doiuent estre des Temples augustes, comme
elles sont nos asiles ?

 

Il faut que la furie soit bien enuenimée, lors qu’elle conseille ces
attentats, & presume que les Parisiens seront capables de les entreprendre,
ayans la connoissance & les témoignages des rares perfections
de Monseigneur le Duc d’Orleans, vray heritier de la bonté, de
la clemence, de la sagesse, & de la generosité de Henry le Grand, de
glorieuse memoire. Toutes les vertus de ce Prince incomparable reluisent
en ce fils, auec vn tel éclat, que nous pouuons dire, qu’il surmonte
en quelque façon celuy de son pere, qui fit paroistre les quatre
qualitez que nous auons marquées, pour arracher son Royaume des
mains de ceux qui le vouloient vsurper ; là où son fils ne combat que
pour conseruer au Roy son nepueu la Couronne, qu’vn Estranger
qui l’a entre ses mains, met en pieces ; ne tenant point à ce meschant
fol, que la Monarchie ne se dissipe, par l’abus qu’il fait de l’authorité
Royale, qu’il ne sçait ny appliquer, ny mesnager, ignorant d’où elle
vient, & iusqu’où elle va, croyant qu’elle ne subsiste, qu’en retenant
celuy qui l’a deshonore, & la perd.

Voyons au contraire, & examinons sans passion ce que Monseigneur
le Duc d’Orleans a fait, pour la soustenir durant sa plus grande
foiblesse, qui est tousiours dans la minorité des Roys. N’est ce pas
ce Prince qui est allé au deuant de tout ce qui la pouuoit choquer,
iusques à couurir, à excuser, & reparer les fautes du Cardinal Mazarin :
ce que son Altesse Royale entreprenoit pour maintenir en paix le dedans
du Royaume, pour cacher aux Estrangers nos deffauts, & aussi
pour témoigner le grand respect qu’il auoit pour la Reyne, ne s’estant
iamais opposé à ses inclinations, que lors qu’il a veu que le C. M. en
abusoit, iusques à les faire seruir à la ruïne de l’Estat.

Que n’a fait aussi Monseigneur le Duc d’Orleans, pour la gloire
de la France, ayant executé auec le courage & prudence digne d’vn
homme, ce que le C. M. concluoit auec la precipitation, & temerité
d’vn enfant. A qui deuons-nous qu’à son Altesse Royale toutes ces
belles conquestes, que le retour du C. M. nous a fait perdre en Flandres ?
A quiserions-nous obligez de la paix generale, qu’à son Altesse
Royale, si les interests du C. M. ne l’eût empeschée ? Qui auroit soulagé

-- 15 --

les peuples, restably la Iustice, & mis l’abondance par tout, que
celuy qui est le pere du public, l’amy des Magistrats, & qui est touché
sensiblement par les miseres generales & particulieres des François ?
Qui auroit estouffé les guerres ciuiles, qui sont émeuës pour
maintenir la fortune du C. M. que celuy qui ne demande rien que
l’éloignement de l’Autheur de toutes nos dissentions ? Les fideles protestations
de son Altesse Royale, sont autant de cautions dans plusieurs
registres eternels ; mais nous n’en voulons point d’autres, que
son bon naturel, & ses vertus acquises.

 

Pour ce qui regarde Monsieur le Prince, se peut-on imaginer qu’il
aye intention de renuerser le Royaume, auec ces mesmes mains qui
l’ont si fortement appuyé, qui ont gagné tant de batailles, forcé
beaucoup de Villes, qui ont non seulement soustenu, mais embelly
la Couronne de nos Roys, par plusieurs belles pieces attachées, &
que le C. M. dissipe tous les iours, comme il a fait les joyaux de la
maison Royale, qui n’en a plus ? Trouuera-on vn extrauagant hors
de ce mercenaire, soy disant bon Bourgeois, qui osera contredire ceux
qui asseureront, qu’en la personne du Prince de Condé, la France se
peut vanter d’auoir vn jeune Capitaine, qui a commancé là où les
plus experimentez de l’antiquité ont acheué ? Qui a plus gagné de
batailles, fait de combats, & pris de places, que les plus vieux Mareschaux
de France n’en ont veu ou attaqué ? En vne seule chose ce
Prince est mal-heureux auec nous, que ses lumieres, & ses ardeurs
soient à present employées dans vne guerre ciuile, entreprise par vne
pure contrainte : à sçauoir pour se garentir d’oppression, & chercher son
salut dans celuy de l’Estat, contre vn Estranger qui en veut estre le
Maistre, ce qui est sans exemple. N’est-ce pas vne infortune extréme
que ce Prince, qui auoit triomphé de nos anciens ennemis, en Allemagne,
en Flandres, & en Espagne, soit obligé de se deffendre contre
ses anciens amis, & de nous proteger contre vn homme, auquel
nous auons laissé vsurper la puissance, qu’il employe pour nous faire
perir. N’est-ce pas vne chose déplorable, qu’apres tant de beaux explois
dans les pays estrangers, le Roy aye veu, & Paris contemplé, ce
genereux Prince de Condé forcé par la raison, & par les loix du Royaume,
de soustenir l’espée à la main, les veritables interests de l’Estat,
contre les intentions presentes d’vn Roy de quatorze ans, inspirées
par son plus grand ennemy.

Si l’auis que nous auions, qu’il cherchoit principalement la vie
de celuy, qui nous deffendoit auec tant de vigueur, & de conduite,
nous jettoit dans vne extréme apprehension : Nous dirons aussi,

-- 16 --

qu’en le voyant commander & combatre ; nos esprits estoient dans vn
autre combat ; à sçauoir si nous deuions plus admirer sa Teste, que son
Cœur, celle-là paroissant en cent ordres, qu’il failloit donner en autant
d’endroits, & en la preuoyance de tout ce qui pouuoit arriuer,
au mesme temps qu’il prenoit part à tous les perils, se portant à
toutes les attaques plus violentes, & deffenses plus necessaires ; Dieu
l’ayant miraculeusement preserué, de tous les coups qu’on luy addressoit,
& qui porterent ou sur ses Armes, ou sur ses Cheuaux, ou
sur ses Voisins, tous tuez ou blessez.

 

Apres ces témoignages rendus deuant les Rempars de Paris ;
serons-nous capables d’vne mauuaise pensée, contre celuy qui expose
sa vie, & employe son bien pour nous garantir de la mort, &
du pillage ; & pouuons-nous croire qu’il a contribué quelque chose
à l’assassinat de trois bons Citoyens, lors qu’il a merité la Couronne
ciuile pour les auoir sauués tous.

Detestons donc cét effronté Barboüilleur de Papier du Cardinal
Mazarin ; Cét Infame qui veut triompher de la belle Reputation
de nos Princes ; tâche de nous rendre suspect nostre secours, & pour
authoriser ses vices qui nous font la Guerre, il attaque les vertus
qui nous protegent.

Confions-nous en la Bonté inestimable de Monseigneur le Duc
d’Orleans, qui a protesté qu’il voudroit auoir versé beaucoup de son
Sang Royal, pour racheter celuy de ses Seruiteurs, respandu dans
la Gréve. Ayons en exécration ce frenetique Escriuain, qui a osé
aduancer, qu’il faudroit demolir ce Palais, qui est vn beau monument
de la magnificence d’vne bonne Reyne, & qui est la retraite
de son Fils, que nous pouuons appeller, comme l’Empereur Tite,
les Delices du genre Humain. Respectons cette demeure qui enferme
auec nostre Protecteur, vne Princesse digne d’estre son Espouse :
Vn Fils qui sera bien esleué ; & des Filles qui meritent les premieres
Alliances de la Chrestienté. N’oublions pas que cette maison
est non seulement le refuge de tous les bons Bourgeois de Paris ;
mais que son ample & agreable Iardin est vn pourmenoir, qui n’est
iamais fermé à personne, pour monstrer que le Cœur du Maistre est
ouvert à tous. Secondons par nos Vœux, par nos Voix, & par nos
mains ses sainctes intentions, si nous voulons chasser l’ennemy commun,
c’est le seul moyen, pour auoir au dedans & au dehors la
Paix, qui nous vnira tous pour le seruice du Roy, & nous amenera
toute sorte de biens.

-- 17 --

OBSERVATION SVR LA
Lettre écrite par le Cardinal Mazarin,
sous le nom du Roy, à Messieurs du
Parlement de Roüen.

IL ne se faut pas estonner, si le Cardinal Mazarin couure ses
impostures, sous la qualité d’vn Bourgeois de Paris, puis qu’il
ose emprunter le nom du Roy, pour surprendre la creance de
Messieurs du Parlement de Roüen, & en suitte celle de toute la
France, par la publication de cette Lettre, qui est de son stille rempant,
& malin.

Si on a sujet de trouuer estrange, qu’vn estranger, pour commettre
impunément toute sorte d’injustices, courbe le Sceptre Royal,
appellé dans l’Escriture Saincte, la Droicte Verge, ou la Reigle d’équité ;
ne se seruant de l’authorité Souueraine que pour la destruire,
en la faisant mespriser. Si on est espouuanté lors qu’on voit ce
mesme homme, qui se jouë de la main de Iustice, singuliere à notre
Monarque, pour releuer les Criminels & abattre les Vertueux.

Si les gens bien ont de la douleur, lors qu’ils considerent que le
C : M. n’aplique le Sceau que pour donner grace aux plus scelerats,
& pour faire du mal aux plus innocens : qu’il dissipe les Finances,
pour tâcher de corrompre les bons, & pour entretenir les meschans :
& qu’il perd toutes les forces du Royaume, pour exclure la Paix
du dehors, en entretenant la guerre au dedans.

Certes nous deuons conceuoir encore plus d’horreur, lors que
nous voyons, qu’il se sert de la plume, & signature de sa Maiesté,
pour donner vn plus libre cours aux mensonges, & pour mettre en
danger les vies precieuses des Princes du Sang Royal, ayant dessein
de les exposer à quelque attentat, ou public, ou particulier,
en representant comme effets de leur cruauté, ce qui s’est passé dans
les trois fascheuses rencontres de Paris.

Nous croyons auoir confirmé au contraire, qu’elles ont acquis de
la gloire à ceux ausquels on veut donner du blâme : & croyons l’auoir
prouué dans nos Obseruations faites sur la Lettre du Bourgeois ;
Nous les employons pour réponse à celle qui est addressée à
Messieurs du Parlement de Roüen, parmy lesquels nous sçauons,
que cét écrit n’a point produit d’autre effet, que de faire paroistre

-- 18 --

dauantage le zele que cette Auguste Compagnie a toûjours témoigné
pour le seruice du Roy. Nous sçauons aussi, que cét Imprimé
n’a point fait d’autre impression dans la Capitale de la Normandie,
que d’augmenter son affection fraternelle pour la Ville de
Paris, & d’émouuoir par tout la compassion, qui ne peut voir sans larmes
nostre bon Roy, entre les mains du Cardinal Mazarin, auquel
il le faut arracher par toutes voyes. C’est à quoy tous les bons
François doiuent trauailler, sans espargner ny leurs biens, ny leurs
vies, s’ils veulent sauuer le Roy auec l’Estat, & se garentir eux-mesmes,
& leurs amis d’vne derniere desolation.

 

FIN.

-- 19 --

DE PAR SON ALTESSE
Royalle.

AVIOVRD’HVY deuxiéme du mois de Decembre
1651. Monseigneur Fils de France, Oncle du
Roy, Duc d’Orleans, estant à Paris, voulant fauorablement
traiter la Vefue I. GVILLEMOT ; apres auoir
esté particulierement informé de sa capacité, & des
soins qu’elle prend de faire fidellement & correctement
imprimer les Pieces, Ouurages & Relations qui luy
sont enuoyées pour son seruice. Son Altesse Royalle
luy a permis de porter la qualité de son Imprimeuse ordinaire.
Veut & ordonne qu’elle soit employée dans les
Estats des Officiers de sa Maison, & qu’elle joüisse des
Honneurs, Priuileges, Franchises, Libertez & Droits
que ses autres Domestiques. Faisant Son Altesse Royalle
defenses à tous Imprimeurs & autres, d’imprimer ou
contrefaire, & mettre au jour sous quelque pretexte que
ce puisse estre, les Relations, Pieces & autres Ouurages
d’Imprimerie, qu’elle fait ou pourra faire à l’aduenir
pour le seruice & par l’ordre de Son Altesse Royalle,
qui a pour témoignage de cette sienne volonté signé
le present Breuet, & commandé estre contresigné par
moy son Conseiller & Secretaire de ses Commandemens,
Maison & Finances.

Signé, GASTON.

Et plus bas,
DE FROMONT.

-- 20 --

SubSect précédent(e)


Anonyme [1652], LA VERITÉ DE CE QVI S’EST passé à Paris en trois fascheuses rencontres. CONTRE LES IMPOSTVRES contenuës en la Lettre Mazarine, du Bourgeois desinteressé. AVEC LA RESPONSE A LA LETTRE escrite par le Cardinal Mazarin, sous le nom du Roy, au Parlement de Roüen. , françaisRéférence RIM : M0_3986. Cote locale : B_12_48.