Anonyme [1652], LA VERITABLE ET SINCERE VNION DES PRINCES ET DES PEVPLES, pour la cause commune. , français, latinRéférence RIM : M0_3933. Cote locale : B_5_17.
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LA VERITABLE
ET SINCERE
VNION
DES
PRINCES
ET DES PEVPLES,
pour la cause commune.

A PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë Neufve Saincte
Anne, proche le Palais.

M. DC. LII.

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LA VERITABLE VNION
des Princes, & des Peuples
pour la cause commune.

PAR nostre Discours Imprimé depuis peu,
Intitulé, Instructions politiques, presentées à
Nosseigneurs de la Cour de Parlement,
Nous auons fait voir comme la connoissance
de la Politique & de son vsage est necessaire,
soit à ceux qui possedent, ou aspirent aux emplois
publics de qu’elle nature qu’ils soient, pour s’en
acquitter auec la prudence requise & necessaire, &
reüssir auec gloire dans les assemblées & deliberations
Publiques & Politiques, ausquelles leurs charges les
appellent, soit aux particulieres, tant pour leur vsage
particulier pour lire les Histoires vtilement, & auec
contentement d’esprit, paroistre auec honneur dans
les Compagnies & conuersations particulieres sur les
entretiens & raisonnemens des Histoires, & des nouuelles
& affaires du temps, & se conduire & demesler
auec adresse & prudence dans les affaires du monde,
mesme particulieres, à cause de la correspondance
qu’elles ont le plus souuent auec les affaires publiques,

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qu’aussi pour la tranquillité publique, pour aquiescer
auec moins de repugnance aux Edicts & Ordonnances
des Souuerains, en connoissans les raisons & l’vtilité
publique, par la connoissance que la science de la
Politique en suggere : Et ce au moyen de l’explication,
& desduite en general que nous y auons faite
du fondement & connexité de chacune des matieres
d’icelles, par des raisons & authoritez curieuses & remarquables ;
en sorte que ceux qui prendront la peine
de les lire entierement, ne pourront qu’y profiter
beaucoup, mesmes acquerir vne connoissance generale
de toutes les matieres de la Politique, pour s’en
seruir vtilement & auec aduantage dans tous les cas
& rencontres remarquez cy-dessus : Mais la necessité
& importance de cette science & de son vsage, paroistra
encore mieux par la necessité & importance de sa
fin & de son sujet, qui est la conseruation de la Republique,
par la conseruation de l’vnion des peuples
& des Princes entr’eux.

 

Or pour cela il est necessaire de remarquer que l’vnion
& societé qui doit estre entre les hommes, est de
telle necessité pour leur commune subsistance, qu’elle
est à bon droict appellée l’ame du monde, & vne harmonie ;
car comme le corps ne peut subsister sans son
Ame, ny l’harmonie apres la desvnion des sons, ou le
composé apres la dissolution des Elements. Ainsi les
hommes ne sçauroient subsister sans cette vnion, concorde
& societé mutuelle, d’autant qu’ils defaillent

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en eux-mesmes de beaucoup de choses absoluëment necessaires
pour l’entretien & subsistance de leur vie, lesquelles
ils ne peuuent auoir qu’en autruy, & en la societé
& communion de plusieurs : Dieu ayant desnué à dessein
l’homme de toutes ces choses, afin qu’il fust obligé
par sa propre necessité de les rechercher en autruy, &
pour cét effet conseruer l’vnion & societé auec ceux de
qui il les pouuoit retirer ; Tellement qu’vn seul ne
pouuant estre Vigneron, Laboureur, Cordonnier,
& de tout autre mestier, & neantmoins chaqu’vn ayant
besoin de toutes ces choses, & d’ailleurs ne pouuant
seul se defendre contre les iniures & attaques de leurs
ennemis, ils furent contraints de faire vne Congregation
& Societé de plusieurs, en laquelle tous contribuans
de leur trauail, de leur esprit, & de leur industrie,
selon leur portée, vn chacun trouuat en autruy, & tous
en tous ce qui leur estoit necessaire pour l’vsage de la vie :
Voire mesme afin que les principaux membres de cette
Congregation ne vinssent à donner lieu à la desvnion
& dissolution de cette concorde si necessaire pour la
subsistance de tout le corps par le mépris des moindres
parties ; Dieu a fait que celles qui semblent les plus villes,
& les plus abiectes y sont les plus necessaires à la
vie, comme les Laboureurs. De là se sont formez les
Corps & Communautez des Bourgs & Villes, mesmes
anciennement les seules familles composoient des villes,
& des Republiques, ce qui ne doit pas sembler
estrange, d’autant que nos premiers parens viuoient
fort long temps, & estoient grandement seconds, ayans

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plusieurs femmes & concubines, tellement que pendant
leur vie, ils auoient plusieurs enfans, petits fils,
riere fils, & autres descendans, lesquels comme ils
estoient en grand nombre, ils composoient comme
vne espece de Republique : Voire mesme ces familles
comprenoient en elles la semence de toutes les especes
de domination, ainsi que remarque Aristote dans sa Politique,
lors qu’il déduit de l’estat des familles, les diuerses
especes de Republique.

 

Apres comme par l’augmentation des familles vn
seul lieu ne les pouuoit pas contenir, ils furent contrains
de se diuiser en diuers corps, & distinguer leurs possessions,
& ainsi les Provinces, Empires & Royaumes se
sont establis de degré en degré : Ce qui fait dire à Saint
Augustin dans la Cité de Dieu, Que le monde estoit
vne Republique qui comprenoit tous les hommes, qui
auoit pour Prince & Seigneur la raison, dont l’Empire a
autant d’estendue que le monde : Surquoy il est remarquable
qu’afin que ces peuples ainsi diuisez, fussent
pourtant obligez d’entretenir & conseruer cette vnion,
non seulement par la necessité de defense contre leurs
ennemis, mais aussi par la necessité de la vie & du commerce,
Dieu a fait qu’vne mesme terre ne porte pas toute
sorte de fruicts, afin que les Habitans de la Region
qui n’a pas du blé, du vin, des huiles, ou des laines par
exemple, soient obligez de les tirer des habitans de celle
qui en a, & pour cét effet conseruer & maintenir auec
eux cette vnion & societé : En sorte que l’vnion & correspondance
de ces corps est de telle necessité & consequence

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pour la subsistãce mesme des particuliers qui les
composent, que leur diuision & dissolution entraisne
necessairement la destruction du tout & des parties, ne
plus ne moins que la dissolution de l’vnion des Elemens
celle du composé, & en effect, nous ne voyons rien qui
cause plutost la ruyne des familles, des Villes, & des
Estats que la discorde.

 

Concordiæ res paruæ crescunt, discordia vero
maximæ dilabuntur.

La necessité de cette vnion & concorde pour le bien &
vtilité commune de tout le corps, & le deuoir de tous
les membres qui le composent, se peut encore mieux
éclaircir par la mesme comparaison du corps humain,
& de ses membres, de laquelle se seruit jadis vn Citoyen
Romain, pour reconcilier & reünir le peuple de
Rome auec le Senat, lors que le menu peuple se fut
retiré au Mont Auentin pour s’opposer à l’authorité que
le Senat vouloit vsurper sur luy, ainsi que rapporte Tite-Liue
dans l'Histoire Romaine. Car le corps humain
est composé de parties & membres differents, chaqu’vn
desquels contribuë par vne mutuelle concorde & harmonie
à l’entretien & vtilité des autres parties, & du
tout qu’elles composent vne chaqu’vne selon les qualitez
& fonctions differentes qu’elle en a receu de la Nature :
Ainsi la main a sa fonction differente de celle du pied,
l’œil de celle de l’oreille, la bouche de celle de l’estomach,
la raison de celle des sens, & ainsi des autres
parties & facultez du corps, & neantmoins elles ont
toutes vn mesme but, qui est l’entretien & conseruation

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de tout le corps, & d’elles-mesmes en iceluy, cela estant
remarquable, que bien que chaqu’vne de ses parties semble
n’agir que pour l’vtilité d’autruy, la main ne prenant
pas pour soy, l’œil ne voyant pas pour soy, &c.
Neantmoins c’est principalement pour la leur propre,
leur interest & subsistance particuliere estant tellement
liée auec celle des autres parties, & de tout corps, que
l’vne ne peut subsister sans l’autre : Et en effet, si la
main, les pieds, la bouche, l’œil & les autres parties du
corps, ou les principales d’entr’elles seulement viennent
à cesser de faire leurs fonctions naturelles & ordinaires,
& abandonner le ventre, souz pretexte qu’il reçoit &
renferme le fruict de toutes leurs peines, incontinent
on les verta secher, & perir elles-mesmes auec iceluy :
Ainsi les familles, les Villes & les Estats sont composez
de personnes & membres differents doüez de qualitez,
fonctions & mestiers tous diuers, lesquels chaqu’vn
est obligé de faire valoir & exercer pour l’interest de sa
propre subsistance au moyen du commerce, & pour le
bien commun de tout le corps, l’vn ne pouuant se passer
des fonctions & de l’aide de l’autre, en sorte que si
ces parties viennent à rompre leur commerce & vnion
mutuelle des vnes auec les autres, elles ne peuuent que
perir elles-mesmes auec tout le corps, ne pouuans subsister
l’vne sans l’autre.

 

Cela posé, il est aisé de comprendre que cette vnion
& concorde estant si necessaire pour la subsistance &
conseruation de tout le corps en general, & de chaqu’vn
des membres d’iceluy en particulier, il faut necessairement

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que, comme dans le corps humain Dieu a mis la raison
& les regles d’icelle pour la conduite des fonctions de
toutes les parties & membres d’iceluy au bien & vtilité
commune du tout, & de ses parties : qu’ainsi dans les
corps des familles, des Villes, & des Estats, il y ait vn
ordre des regles & des chefs pour regir & conduire les
actions & desseins des particuliers au bien & aduantage
public de tout le corps : Et qu’à iceux à cet effet les particuliers
soient assujettis, & demeurent vnis pour leur
vtilité commune, comme les membres du corps le sont
à la raison, & ce quand mesme l'interest particulier d’iceux
sembleroit s’y opposer, & en receuoir du preiudice,
dautant que les particuliers ne doiuent pas seulement
auoir soin de leur vtilité, mais aussi de celle de la
Communauté, l’interest de laquelle est dautant plus considerable
que la societé est grande : Or cét ordre, & ces
regles sont prescrites & contenuës dans la seule science
& vsage de la Politique, & ceux à qui l’execution en
est commise, sont les Roys & Princes & les Magistrats :
Et ainsi il est certain qu’autant noble, excellente & necessaire
qu’est cette vnion, societé & concorde mutuelle,
qui fait tout le bon heur, & toute la subsistance des
familles, des Villes, & des Estats & Republiques, autant
est noble, importante & necessaire la connoissance
de la Politique, puis qu’elle enseigne l’art & les moyens
de les bien establir, conseruer & regir, & ainsi autant
releuée par dessus les autres sciences, que la raison pardessus
les membres du corps humain, & l’estat & l’interest
public par dessus le particulier : Et autant qu’est
necessaire la raison dans le corps humain, pour la conduitte

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des actions des membres d’iceluy, au bien de tout
le corps, autant sont necessaires les Princes & Magistrats
dans les Estats pour la direction des actions des
particuliers, au bien & repos de tout le corps : Ainsi
donc comme les actions des Chefs, Princes & Magistrats
doiuent tendre à la conseruation de cette vnion &
societé au bien & repos de tout l’Estat, ainsi les Subiets
en ce cas leur doiuent toute soumission & obeyssance,
sans que pour cela les Princes & les Peuples se puissent
estimer moins libres, ainsi qu’il pourra estre particulierement
monstré par vn autre discours, intitulé, La veritable
liberté des Princes & des Subjets.

 

De ce que dessus on peut recueillir combien se trompent
ceux qui s’imaginent que les regles & preceptes
de la Politique ne seruent qu’à regir & conduire les
Royaumes & Empires, ne considerans pas que les corps
des familles, notamment des grandes maisons, sont des
petits Estats, les affaires desquelles par consequent ont
la pluspart du temps beaucoup de correspondance auec
les affaires Publiques des Royaumes & Republiques, qui
a vray dire, sont les familles des Roys & Princes, mesme
les familles particulieres contiennent en elles les semences
de toutes les especes de domination, ainsi que remarque
Aristote dans sa Politique, disant que l’authorité
des Peres sur les enfans, represente l’Estat Monarchique ;
l’authorité du mary sur sa femme ; l’estat Aristocratique ;
& l’authorité du fils aisné sur ses freres l’estat democratique :
Et en effet l’œconomie qui traitte du soin
particulier de la famille d’auec les autres Estats, n’est
qu’vne partie de la Politique parmy tous les Philosophes,

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Témoignage certain que les adresses de conduite
& prudence, qui sont prescrites par les autres parties
de la Politique seruent generalement à regir & conduire
tous les estats des familles des Villes & des Royaumes
& Republiques, sinon tousiours par termes exprés,
du moins par parité de raison, & consequences necessaires.

 

Ceux qui voudront apprendre des doctrines plus curieuses,
plus importantes & plus necessaires, tant sur le
sujet, que dessus, que sur toutes les matieres de la Politique,
en pourront receuoir la satisfaction pendant ce
Caresme par le sieur Alexis Aduocat en Parlement, aux
heures qui seront arrestées auec eux, Soit dans son logu
au faux bourg S. Germain rue de Seine au Roy de Dannemarc,
Soit dans la rue des Roziers au petit Hostel Do, Qu’il a choisy
pour la commodité de ceux de ce quartier-là : donnant
les autres heures du iour à ceux qui à cause de leur
haute dignité & importantes occupations, voudroient
receuoir cet exercice chez eux en particulier : S'obligeant
pour leur commodité de leur fournit les escrits
qu’il en expliquera, soit en Latin, soit en François,
à leur choix, afin que n’ayans qu’a à n’entendre l’explication
verbale, ils puissent auoir acheué dãs vn mois.
Mais il prie tous ceux qui auront cette curiosité de voir
auparauant, & examiner exactement le discours marqué
cy-dessus, intitulé, Instructions Politiques, &c.
pour les causes & raisons y mentionnées.

FIN

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