Saint-Amant, Marc-Antoine Girard (sieur de) [[s. d.]], LA ROME RIDICVLE, CAPRICE. , français, latin, italienRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_18_36.
LA ROME RIDICVLE, CAPRICE. I.
IL vous sied bien, Monsieur le Tibre, De faire ainsi tant de façon, Vous dans qui le moindre Poisson A peine a le mouuement libre : Il vous sied bien de vous vanter D’auoir dequoy le disputer A tous les fleuues de la terre ; Vous, qui comblé de trois moulins, N’ozeriez deffier en guerre La riuiere des Gobelins.
II.
Vrayment, ce Monstre qu’on habille D’oreilles, de langues & d’yeux, Cet oyseau qui vole en tous lieux, Et de tout à son gré babille, Le Renom qui se paist de vent, M’en a voit donné bien souuent, Chantant l’estat de vostre Empire : Ie vous tenois plus grand cent fois, Et croyois qu’en vous vn Nauire Ne fust qu’vne coque de Noix.
III.
Ie m’estois figuré le Gange Plus gueux qu’vn rat aupres de vous, Diamans m’estoient vos caillous, Et pur gravier d’or votre fange. Le sucre emplissoit vos roseaux, Le Saumon brilloit dans vos eaux Auec des escailles de nacre : L’Ambre se trouuoit en vos bors : Et tout ce qu’à Flore on consacre, Vous couronnoit de ses Tresors.
IV.
Vous aviez deux Cornes superbes Comme le Mouton precieux, Dans vn beau giste spacieux Vous fouliez les plus moles herbes ; Vostre long poil estoit ondé, Vous me sembliez accoudé Sur vn vaze de Porcelaine : Et ce qui de son creux natal Sortoit pour arroser la plaine. Etoit pour le moins de Crystal.
V.
Rien que Nymphes ieunes & belles N’en fendoit l’agreable cours, Sinon par fois quand les Amours S’y venoient baigner auec elles : Vostre gloire au Ciel s’esleuoit, Amphitrite vous receuoit Moins dans son sein que dans son Ame : Bref imbu de maint faux plaisir, Vostre onde estoit toute ma flame, Et vostre aspect tout mon desir.
VI.
Cependant, rien de plus sauuage Ne se monstra iamais à moy, Iamais mortel n’eut plus d’effroy, Que m’en donna vostre riuage : En venant à vous aborder, Ie fus tout prest de demander Où vous estiez, voire à vous mesme : Ie crois qu’au lict, couché sans dras Vous languissiez malade & blesme, Et pris votre corps pour vn bras.
VII.
Mais maintenant à vostre honte Trop instruict de la verité, Ie veux que la posterité Sçache les graces que i’en conte : Bain de crapaux, Ruisseau bourbeus, Torrent fait de pissat de bœufs, Canal fluide en pourriture, Degobillis de quelque mont, Pus d’vn poulain de la Nature, C’est bien à vous d’avoir vn Pont !
VIII.
A vous ! qu’avecque ma bedaine A cloche-pied je sauterois, A vous ! qu’en vn trait je boirois, Si ie prenois la vie en haine : A vous ! qui sur notre Element Representez tant seulement Vn ver liquide en vne Pome : A vous enfin, qui ne sçauriez Barboüiller deux Bordels à Rome, Quand d’huile & d’encre vous seriés.
IX.
Ha ! Dieu vous gard, labelle Ville, Vous voicy donques sur les rangs, Il vous faut chatoüiller les flancs D’vne main adroite & civile : Comme le Chef de l’Vnivers, Vous pouvez bien dedans ces vers Esperer quelque coup de peigne, Vous en tâterez, je le veux : Mais aussi qu’aucun ne se plaigne, Si j’en arrache des Cheveux.
X.
Mole fait pour mettre la cendre D’vn fol Prince, & de son Mignon, Prince, qui trop chaud du roignon, Brûla des flames d’Alexandre : Forteresse, autrefois Tombeau, Qu’avez-vous aujourd’hui de beau Pour être si fameuse au monde ? Ha ! n’en soyons plus ébahis, C’est que votre figure est ronde, Et qu’on l’estime en tout pais.
XI.
L’Aleman à cause des tonnes, Qui logent la sainte liqueur, La loge au milieu de son cœur, Et non pour l’amour des Couronnes ; Le François la cherit aux plas ; L’Espagnol ne fut jamais las De l’aymer à cause du globe ; Et l’Italien clos & coy Soit de courte ou de longue robe, L’idolatre, Dieu sçait pourquoy.
XII.
Colomnes en vain magnifiques Sots prodiges des Anciens, Poinctus fastes Egyptiens Tous griffonnez d’Hieroglyfiques ; Amusoirs de foux curieux ; Trauaux qu’on tient victorieux D’vn si puissant nombre de lustres ; Faut-il que nous voyons par tout Tresbucher tant d’hommes Illustres, Et que vous demeuriez debout ?
XIII.
Pietre & Barbare Colisée Execrable reste des Goths, Nid de Lezards & d’Escargots Digne d’vne amere risée : Pourquoy ne vous raze-t’on pas ? Peut-on trouver quelques appas En vos ruïnes criminelles ? Et veut-on à l’Eternité Laisser des marques solennelles, D’horreur & d’inhumanité ?
XIV.
Parbieu ? Ce n’est plus raillerie, Ie m’estomacque tout à bon : Mes doigts conduisons le charbon Auec vn peu moins de furie, Il m’est permis de lanterner, Il m’est permis de badiner, Iusqu’à faire peter de rire, Mais ie serois pis que Boucquin De desgainer l’aigre Satyre A la barbe du grand Pasquin.
XV.
Ma Muse, rendons quelque hõmage A ce bon museau vermoulu, Hurlons sur l’air de Lanturlu Vn Hymne aux pieds de son Image He ! Comment, elle n’en a point : Le Goinfre est reduit à tel point, Qu’il ne sçauroit dancer ny courre ; Et que son bras creu si puissant, Ne peut ny joüer à la Mourre, Ny faire la figue au passant.
XVI.
Il est bien vray qu’en recompense Il ne manque point de caquet : Il cause comme vn Perroquet, Et dit sans peur tout ce qu’il pense : Aussi, quoy qu’il fut brave & fort, On conte que depuis sa mort, Habile en matiere de bayes, Sa langue qu’en poivre il confit, A fait de plus cuisantes playes, Que iamais son glaive ne fit.
XVII.
Cher Brocardeur, piquant Monarq ; Des muets qui sçavent parler, Marbre, à qui ie dois immoler, Pour le voyage où ie m’embarque, Gentil Mome petrifié, En toy ie me suis confié Dés le debut de ces sornettes : Remets-moy dans leur beau chemin, Et fay que pour des Chansonnettes On les revende en parchemin.
XVIII.
Thermes où la voit sa Carcasse, Riche de gratelle & de cloux, Ce vieux Fat qui pour quatre choux Laissa le Trone & la Cuirasse : Qui n’enrageroit dans sa peau, De veoir du fond iusqu’au coupeau Vos voutes entieres & saines, Tandis que peut-être en maints lieux Celles des caves toutes pleines Font le plongeon devant les yeux ?
XIX.
Pantheon, jadis l’habitacle De tous les Marmousets sacrez, Où cent pauvres veaux massacrez Etoient tous les jours en spectacle : Sous ombre que par vn seul trou Vous guignez ce Dieu du Perou, Qui luit en ses carrieres amples : Et pour ce beau nom pretendu D’vn Polypheme entre les Temples, Faut-il tant faire l’Entendu ?
XX.
Mote, qui tranchez de l’Olympe, Et n’avez pas six pieds de haut, Bute, où ie croy voir à l’assaut Encore le Gaulois qui grimpe : Capitole, où le faux Iupin Se faisoit baiser l’Escarpin, Et dedier la fleur des proyes, Vous ne devez pour cent raisons, Si vous futes chery des oyes, Estre loüé que des Oysons.
XXI.
Mais encor, ô Cité de neffles, Si faut il chanter votre Autheur, Votre celebre Fondateur Ajusté comme vn Roy de treffles : Si faut il, dy ie, mettre au iour, En mots triez, quelque bon tour De ce Galand bouffi d’audace, Qui la dague hors de l’étuy. Ietta roide mort sur la place Son Cadet aussi vieux que luy.
XXII.
Dé-ia plus fier qu’vn pet en coque, Ce cœur de Chien, cet œil de Chat, Avoit de bouë & de crachat Fagoté vos murs de Bicoque : Dé-ia dans les proches Hameaux, Ses gens au son des chalumeaux Avoient esté chercher des Fames, Et dé-ia ces culs embrasez, Comme des visages infames, En avoient esté refusez.
XXIII.
Quand ce rusé tetteur de Louve, Afin d’en avoir à choisir, Pour souler le paillard desir Qui dans leur sein velu se couve, Se met à faire le dolent, Feint que d’vn accez violent La migraine lui fend la teste, Se plaint du ventre & du coté, Et fait à certain iour de feste Voüer des jeux pour sa santé.
XXIV.
Enfin l’Aurore safranée Qui pleure ie ne sçay quel fils, Ayant de ce terme prefis Ou vert la fresche matinée : L’on voit fondre de toutes parts, Où sont à present vos remparts, Gens de tout sexe, & de tout âge, Et ceux qui vouloient s’abstenir D’entrer en vostre parantage, Sont si benets que d’y venir.
XXV.
Demon des Passe-temps rustiques, Plaisant lutain, Diable ragot, Apporte moy ton larigot, Pour fluter ces contes antiques : Broüillaçe en rime par mes mains Les exercices des Romains Au grotesque rapt des Sabines, Et d’y comme ces chauds Teigneux Torcherent leurs ordes babines Contre ces Mufles dedaigneux.
XXVI.
Icy dans la Palestre vnie, Debr[illisible]s, de jambes, & de corps, Les lutteurs font tous les efforts Que peut suggerer la Manie : Tantost on les entend souffler, Tantost, d’ahanon voit s’enfler Leurs muscles leurs nerfs, & leurs vaines, Ils bavent, ils grincent les dents, Et plus leurs secousses sont vaines, Plus à la prise ils sont ardents.
XXVII.
L’addresse à la vigueur meslée, Les nouë & pousse à se presser, Mais leurs mains ne font que glisser Sur leur peau qui luit d’estre huilée : Flanc contre flanc, sein contre sein Ils tentent dessein sur dessein Pour culbuter la resistance ; Leurs os sont contraints d’enfremir, Et malgré leur roide prestance L’oppression les fait gemir.
XXVIII.
Iamais les Arenes de Pise N’en virent de plus obstinez, Ils font du moins cent pieds de nez A tous-ceux dont l’Isthme se prise ; Morlais, ny Quinpercorentin N’ont rien connu de si mutin Dans le mestier de Croc en-jambe : Et depuis qu’en l’azur des Cieux Le Roy des falots trote & flambe, Nuls Athletes ne firent mieux.
XXIX.
Leur sueur humecte la sable, Le peuple beant à l’entour Fait icy la gueule de four, Et là, se contourne le rable, Il lutte comme eux en son cœur, Il en souhaitte l’vn vainqueur, Engagé dans la sympathie, Et quand l’vn vient à succumber, Selon qu’il est de la [1 mot ill.] Il triomphe, ou se sent tomber.
XXX.
I’en voy d’autres qui s’entr’abordẽt L’œil bigle d’ire & plein de feu : Mais enfin s’acharmans au ieu Ils s’egratignent & se mordent : Là, les vns à beaux coups de poin S’escachent le nez & le groin, Ou se pochent les luminaires ; Et là, les autres escartez De ces horions sanguinaires, Sautent comme singes foëtez.
XXXI.
Icy, l’vn fait rouler la boule, Et la suit à pas de balet, Là, l’autre iette le palet, Que de loin on regarde en foule : Là les vns pour quelque ruban, Mettant bas roupille & caban, Font vne course entretaillée ; Là, ceux-cy tirent au baston ; Et dessous la verte fuëillée Ceux la s’escriment du menton.
XXXII.
Icy, pour instrument de dance, L’on oit la Cimbale tinter, Les Ossets drus à cliqueter En accompagnent la cadance, Vn aveugle, expert vielleur, Ioint sa symphonie à la leur Sous l’orme droit comme vne gaule Il grimasse en mille façons, Il tord son minois sur l’espaule Et fait peur aux petits garçons.
XXXIII.
A ce beau son, vingt Dodelues Serrent la patte à vingt lourdauts, Qui meslent cent gestes badauts A cent postures dissoluës : L’vn va sottement de trauers, L’autre étourdy tombe à l’envers, Quilles à mont sur la pelouze, Celle qu’il traisne en fait autant, On luy voit iusqu’à la belouze, Et l’on en rit en s’éclattant.
XXXIV.
Proche de là, bien que l’histoire N’en fasse point de mention, Par songe ou par tradition, Ie sçay qu’il se tint vne foire : O ! que de nippes à Porchers, Que de fatras aux filles chers, Que d’enfantines bagatelles : Ie n’auray pas finy demain ; Il ne s’en vit iamais de telles A la foire de S. Germain.
XXXV.
Là s’apperçoit vne Nourrice Donner pour mets, & pour jouët A son magot tendre & flouët, Vn joly Dieu de pain d’épice : Là, maints sifflets aux tons aigus, Bastards de celuy qui d’Argus Ferma les paupieres trompées, Penetrans oreille & cerveau, Animent les grosses poupées Qui là s’étalent au ni veau.
XXXVI.
Là, d’vn costé les asnes brayent, De l’autre grondent les cochons, Icy, l’on oit sous les bouchons Les cris des beuveurs qui s’égayent : Mainte mazette en hannissant Répond au bouveau mugissant, Aupres de l’oüaille qui besle ; Et de ces bruits il s’en fait vn, Dans qui se confond pesle-mesle L’Echo plaisamment importun.
XXXVII.
Là, mille robustes Carites Folâtrent sur l’émail d’vn pré Agreablement diapré De Iaunets & de Marguerites, L’vne en amasse vn gros paquet, Puis assise, en forme vn boucquet, Degoisant vn vieil air champestre : Et l’autre en son cœur prie aux Cieus Que quand ses vaches iront paitre, Tel herbage s’offre à leurs yeus.
XXXVIII.
La-dessus arrive Romule, Qui se quarrant en Iaquemart, Le front orné d’vn hàut plumart, Affourche vne quinteuse Mule : Lors à certain signal donné, Des plus ribaus environné, Chacun empoigne sa chacune ; Ils font vn diable de sabat, L’vn pousse en courant, sa fortune, Et l’autre l’étreint & l’abat.
XXXIX.
A celles-cy, mes bons Apotres Disent, a quoy verser des pleurs, Si vous avez, cueilly nos fleurs, Devons nous pas cueillir les votres ? A celles-la, sans cacqueter, Ils tâchent d’en faire gouter, Malgré leur resistance feinte ; En ce beau jeu tout est confus, Le plaisir git en la contrainte, Et l’accueil est dans le refus.
XL.
En vain s’oppose là le frere Au honnissement de la sœur, En vain, par force, ou par douceur, Pour la fille intervient le pere, En vain l’Amoureux tout surpris, De sa pitaude oyant les cris, Se rend la trogne furibonde, Tout secours y perd son Latin, La brune, la rousse, & la blonde Passent par vn mesme destin.
XLI.
Les Meres seules forcenées De voir embrocher leurs enfans, Comme Tigresses pour leurs Fans, Au choc se montrent obstinées : Coups de pié, lons éclats de vois, Ongles & dens tout à la fois Sont employez à leur defence : Mais la colere n’y fait rien, Il faut ceder, puisque l’offence En tel cas se prend pour vn bien.
XLII.
Les Sabins voyans sans lunettes Qu’il y faisoit mauvais pour eux, S’estimérent assez heureux D’en estre sortis gregues nettes : Ils furent fins, de s’esquiver, Il auroit pû leur arriver Quelque accident en ce grabuge, On perce tout dans la roideur, En la faim, de tous mets on gruge, Et toute eau se trinque en l’ardeur.
XLIII.
Nombre de vaisselle de terre, Qui dans la Foire se trouva, Parmy ce desordre éprouva Quels sont les malheurs de la guerre : Au lieu d’armes on s’en servit, Si bien qu’enfin elle se vit Reduite à l’extrême disgrace, Et de ses morceaux entassez Est provenu le Mont Testace, Id est le Mont des Pots-cassez.
XLIV.
Villace qui dans chaque ruë Avez des niches à Hiboux, Il se voit des choses en vous, Dont l’origine est bien bourruë ; Tesmoin cette Isle au bord mangé, Que l’ire du Peuple outragé Fit naistre dans votre Riviere Du blé de ce rogue Tarquin, Qui meritoit qu’vne etriviere Passementât son marroquin.
XLV.
Quelques ordures échouées, Qu’il n’est pas seant de nommer, Ayderent bien à la former Dessus ces Ondes tant loüées : On la prendroit pour vn batteau, Où s’embarqueroit vn Château Sous les magiques loix d’Vrgande, Qui pour visiter Amadis, Voudroit vers Albion la grande Voguer ainsi qu’au temps jadis.
XLVI.
Quelle Pyramide funeste ? Quel sepulcre en ce mur douteux, Contrefait la bas le honteux ? Ha ! c’est celuy du pauvre Ceste : Qu’il se declare aux regardans, Est-il dehors, est-il dedans, Ce goulu, digne de l’histoire ? Et veut-il en matois accort, Pipant les yeux, jouer sans boire, Des gobelets apres sa mort ?
XLVII.
Son Monument de voit s’élire Sur ce mont noble & reculé Où de vin rouge congelé Brille vn tombeau cru de Porphyre : Ce Cocq des beuveurs invaincus De voit aussi bien que Bacchus Tirer ses guestres d’vne ville, Où par tant de secrets conduits, Cent ruisseaux, l’obiet de ma bile, En traitres s’estoient introduits.
XLVIII.
Le ces ruisseaux, mille fontaines Regnent encore dans ce lieu, Leur seul aspect à ce bon Dieu Donneroit les fiévres quartaines : Vous les voyez d’vn saut bruiant, Se poursuivant, & se fuyant, Sortir de quelque laide trogne, Ou de quelque horrible museau, Qui se boursouffle, ou se refrogne Sous le caprice du ciseau.
XLIX.
Là, des Animaux les vomissent, Icy, les cornes des Tritons, Icy, nichez par les cantons D’autres les pleurent, ou les pissent : Là, d’vn gosier audacieux, Les Dragons les crachent aux Cieux Avec vne roideur extrême ; Mais aussi-tot se reprenant, Cette eau retombe sur soy-même, Et fume presque en bruïnant.
L.
Quand ie contemple ces Mysteres, Ie m’imagine en leur dessein, Que l’air de Rome etant mal-sain, On luy donne aussi des clysteres : Ou voyant tris au travers Piaffer d’vn lustre divers, Composé de rayons humides, Ie croy que l’arc vert rouge & bleu Decoche des fleches liquides, Pour blesser l’element du feu.
LI.
Mais drapons vn peu les Statuës Qui parent ce large bassin, Il semble à veoir que le farcin Les ait de gales revêtuës : N’en déplaise aux Restaurateurs, Leurs bras nouveaux leurs pieds menteurs Meritent bien vn coup de berne, Ils l’auront & sans nul repit, En deut la Sculpture moderne Crever de honte & de dépit.
LII.
Ie sçay bien ce que pour sa gloire Ses Partisans m’allegueront ; Ie sçay bien, qu’ils se targueront D’vne infame & nouvelle Histoire : Ils voudront ramener au jour, De l’Espagnol outré d’amour, La bizarre & lubrique flame, Qui par de violens efforts N’en brûla seulement pas l’ame, Mais en fit consumer le corps.
LIII.
Toutesfois pour vne Figure, Elle ne s’en sauvera pas, Encore que par ses appas L’Art ait suborné la Nature : Et puis avec sa nudité, Ce Marbre etoit trop affetté, Pour le remettre en evidence ; Il fut aux regards trop fatal, C’est pourquoy l’honneste prudence L’a fait enfroquer de metal.
LIV.
Employons donc la Castelogne, Sans épargner Latin ny Grec, Et les ayant bernez du bec, Mettons les griffes en besogne, Qu’ils s’apprêtent à gambader, Ces miracles du Bel veder, Qui font les Dieux entre les marbres ; Et que ces malotrus badins, Qui font les hommes sous ces arbres, Passent comme eux, pour baladins.
LV.
Que si leur pesanteur les garde Du saut-en-l’air à cette fois, Me deussay-je rompre les doigts, St faut-il que je les nazarde : Vieux simulacres effacez, Pauvres haires repetacez, O que votre morgue est flêtrie ! Et qu’à bon droit on peut encor Taxer Rome d’Idolatrie, De vous priser au poids de l’or.
LVI.
Ie huë aussi tous vos semblables, Bien que principaux ornemens De ces monstrueux Batimens, Dont on raconte tant de fables : Ie foitte sans compassion, Ces dourdiers d’emulation, Où l’œil expert trouve à redire ; Le hagard Taureau me deplait, Et je tiens, quiconque l’admire, Plus grosse bête qu’il ne l’est.
LVII.
Vestiges d’orgueilleux trofées, Sous qui les sanglantes fureurs De tant de cruels Empereurs Ne sont pas encor étouffées : Murs démolis, Arcs triomfaux, Theatres, Cirques, Echaffaux Monumens de Pompes funestes, Ma Muse à la fin du souper Fait vn ragout de tous vos restes, Qu’elle baille au temps à friper.
LVIII.
C’est trop parlé de choses mortes, Clion, pren des objets vivans, Et fay voir aux âges suivans. Quelle est la verve où tu t’emportes, Ce Cours [1 mot ill.] bien le chapitrer, Tu ne pouvois mieux rencontrer Dans ton humeur de pesterie, Ny faire de plus digne choix, Pour dresser vne batterie De Serbatanes & de pois.
LIX.
Que voy je là dans ce Carrosse ? Quoy, Moine, vous venez icy ? Et quoy, vous saluez aussi Ces Chiennes qu’il faut que je rosse ? Ha ! c’est trop, vous en abusez, Nous sommes tout scandalisez De vos œillades libertines : Retirez vous, Peres en Dieu, Ny les Vespres, ny les Matines Ne se chantent point en ce lieu.
LX.
O que ces Guenuches coiffées, Avec leur poil fauve par art, Leur taille de vache, & leur fart Sont à mes yeux d’étranges Fées ! Qu’apres ce plat de Iacobins, Le sot garbe de ces Zerbins A ma ratte donne joye ! Et qu’ils se font bien remarquer, Ces faux Galands en bas de soye, Dessus des selles à piquer !
LXI.
D’vn, serviteur, & moy le votre, Qu’ils se dardent en grimaçant, Ils sembent vouloir en passant Ietter leur tête l’vn à l’autre : Le bord flotant & rabatu Du feutre mince, & sans vertu, Qui couvre leur vaine cervelle, Pour être ainsi qu’eux lâche & mol, On doye au trot, & bat de l’aile, Comme vn Choucas qui prend son vol.
LXII.
Ferme, Cocher, de peur du crime Qui provient d’incivilité ; Nous devons toute humilité A la pourpre Eminen issime : O quel Regiment d’Estafiers ! Que ces chevaux sont gais & fiers D’avoir des houpes cramoisies ! Rome étincelle sous leurs pas, Et devant eux les jalousies Font éclater tous leurs appas.
LXIII.
Maint trait d’œil glissant en fusée De bas en haut est décoché, Afin de couvrir vn peché, Dont l’humeur noire est accusée : Mais en vain, par cette action A l’orde reputation Veut-on apporter des remedes ; Les sens par les sens sont trahis ; Et l’on sçait que les Ganimedes Supplantent icy les Laïs.
LXIV.
La preuve n’en est que trop claire, On a beau le dissimuler, L’effet ne cesse d’en parler, Lors que la bouche le veut taire : Même je puis dire à ce coup, Qu’on ne s’en cache pas beaucoup Du voisin, ny de la voisine, Tout y vise au sale guichet, Témoin la Chaize Borghézine. Qui prend les culs au trébuchet.
LXV.
Que ces soutanes de Castille, Dans qui s’engoncent ces Magots, Plus mal-bâtis que des fagots, Bouffent d’vne audace gentille : Qu’il fait bon veoir ces Capelans Trencher à pié des Fiolans Sous vne gueuserie enorme, Et qu’on dit bien à leur façon, Que de Lazarille de Torme Ils ont autrefois pris leçon.
LXVI.
Retournons à l’hostellerie, Ou dans l’Enfer, pour dire mieux, Enfer dont vn Ours grand & vieux Est le Cerbere en sa furie : Il est temps de se retirer, Il est plutot temps de pleurer, Puisque la nuit est revenuë : Ie crains & la table & le lit, Et dans vne horreur continuë Ma volupté s’en se velit.
LXVII.
Moy, qui me plais, sur toute chose, A briffer bien & promptement, Moy, qui suis dans mon Element, Quand ie chiffle, ou quand ie repose : Faut il me veoir icy reduit, A n’avoir rien, ny cru, ny cuit, Que la menestre & la salade, Et qui pis est, que du vin noir, Ou du vin jaune, doux & fade, Qui fait rechigner l’entonnoir ?
LXVIII.
Faut-il apres, que pour litiére, A boyau vuide & piteux train, Ie m’en aille ronger mon frein Dans vn vray Grabat de l’hostiére ? Les Matelas en sont pourris ; Maints Grisons secs, & malnourris M’y font la guerre à toute outrance, I’en gronde comme vn vieux limier ; Bref, je gite en melon de France, Sur vne couche de fumier.
LXIX.
Quels tyrans de leurs propres aises, Quels assez rudes Champions Y soutiendroient les Scorpions, Les fiers Cousins & les Punaises ? Qui pourroit s’y parer des maux Causez par certains animaux, Qui font vrayment mourir de rire ? Ie meurs de peur en y pensant : Mais je ressuscite, pour dire, Que l’on en guérit en dançant.
LXX.
A tel Chanfreneau, telle Emplâtre : Si tot que vous êtes mordu, Et qu’on voit qu’à groin pour fendu Vous riez en Verrat qu’on châtre : On fait dancer avecques vous Des gens qui trepignent en fous, Pour chasser ce tourment risible : Si qu’à veoir & remede & mal, On diroit d’vn Sabat visible, Où le Diable donne le bal.
LXXI.
Portiere à bas, voicy la Grange Où le bon Destin m’abutté, Bon soir, Patron bonne santé : C’est à dire, vn Cancre vous mange : Laquay, le souper est-il prest ? Apporte vite, tel qu’il est, Soit Caujal, Boutarque, ou Sardine : Courage, Enfans, nous voyla bien, Donnons dessus à la sourdine, Grand appetit n’épargne rien.
LXXII.
Oüay, l’hoste se met en dépence ! Vne fritate d’œufs couvez, Et d’huile puante abbreuvez, Se vient offrir à notre pance : Vn morce au de serpent roty, De menthe & d’hyssope assorty, L’accompagne avec vne rave ; Et barrette sur le genoüil, Battiste, d’vn pas lent & grave, Fait marcher trois brins de fenoüil.
LXXIII.
Quels jolis racleurs de Guiterre Enten je passer la-dehors ? Sans mentir, voila des accords A mener la Musique en terre : Aux lamentables hurlemens, Aux syncopes, aux roulemens, Dont leur gorge est si bien munie, Sauf l’honneur de G[1 lettre ill.]re-sol-vt Ie me figure l’harmonie D’en Concert de Matous en rut.
LXXIV.
Allons faire vne promenade, Thyrsis, des Cieux le Favory, Et laissons ce Charivary, Qui contrefait la serenade : Nous verrons des plus haut hupez, Travestis & mal equipez, En tapinois gagner la poste ; Et rirons d’oüir en voix d’ours, Les Rhymeurs prompts à la risposte, Improviser aux carrefours.
LXXV.
Quant à des Lesbins miserables, Nous n’en découurirons que trop : Ces maraux vont le grand galop A l’Hopital des Incurables : C’est du gibier à ladres verts, On les voit marcher entr’ouverts, Sans qu’en rien leur jeu se pallie : O creve cœur ! ô marisson ! Priape greffe en Italie Moins en fente, qu’en écusson.
LXXVI.
Nous rencontrerons quelque garce En équipage masculin, Qui suivant quelque Prestolin, Nous donnera sujet de farce : Ils seront possible attrapez Faisans les chevaux échappez, Par les Sbirres de la Patroüille ; Et la Iument, & l’Etalon Verront si c’est à la Citroüille A vouloir faire le Melon.
LXXVII.
Nous ferons vn tour chez la Grecque, Qui nous dira quelqu’vn des siens ; A son hotel vont les Ruffiens, Comme les Turcs vont à la Mecque Nous passerons de mieux en mieux, Chez la Dorathée aux beaux yeux, Qui fut revendeuse de trippes : Et sçaurons en jaugeant le muy, S’il est vray que dessous ses nippes Elle en vende encor aujourd’huy.
LXXVIII.
De-là, nous nous en irons boire (Ayans pris Nicandre en chemin) L’aigre de Cedre & de Iasmin, Où la fraicheur est en sa gloire : Ha ! que dira le Roy des Pots, Quand il entendra ces propos ? Et moy de même, que diray-je ? Ma raison a bien vn bandeau, De suivre des plaisirs de neige, Et d’aimer vn breuvage d’eau.
LXXIX.
Qu’y feroit-on ? c’est la coutume : On est forcé de vivre ainsi : Le plus sain se corromt icy, Et tout s’y change en apostume : Mais sortons, sans tant deviser, Si je voulois moraliser, Ie n’aurois pas besogne faite : Iamais l’objet ne manqueroit, Et dans vne si longue traite Pegaze enfin se lasseroit.
LXXX.
Toutefois, puisqu’il a des ailes, Il peut bien aller plus avant, Et de ses plumes écrivant, I’en puis bien conter de plus belles : Mettons en donc vne à la main : Adieu, Thyrsis, iusqu’à demain, Il faut obeïr au Caprice : Il faut qu’à ce Demon folet, Clion faite en grosse Nourrice, Donne de l’encre au lieu de lait.
LXXXI.
Ces gens cy n’ont point l’humeur franche, A tout gain leur arc est bandé : Souvent pour m’avoir regardé, I’ay vü me demander la manche : L’Honneur qui fait le Quant-à-moy, Ny la bonne femme de Foy, N’ont point de siege en leurs Boutiques, Et leurs sordides actions Les font nommer des moins Critiques, La Chiace des Nations.
LXXXII.
Encore ne seroit-ce guéres, Si cet avide soin d’argent, Qui riche est toujours indigent, N’obsedoit que les Cœurs vulgaires : Mais chez les plus Grands il fait voir De tels effets de son pouvoir, Que les Iuïfs mêmes en ont honte : Et la dessus ma liberté Veut versifier vn bon conte, Qu’autrefois on m’a debité.
LXXXIII.
Lubin venant icy de Bresse, Fut prié par Frere Zenon, D’en apporter grace en son nom, Pour avoir senglé son Anesse : Lubin l’obtient, & de retour, Et bien dit l’autre, en mon amour As tu fait quelque tripotage ? Oüy, dit Lubin, & sans gloser, Pour peu de Iules davantage On t’eut permis de l’épouser.
LXXXIV.
D’impertinentes simagrées Ils fardent la Devotion ; Par leur gauche inclination Les bonnes mœurs sont dénigrées, Pour veu qu’vn Autel soit orné De maint, ex voto, griffonné, Vn Saint leur en doit bien de reste ; Et ce pendant, à ces Tableaux La pieté la plus modeste Rit sous cappe, & dit mots nouveaux.
LXXXV.
Ils donnent tout aux apparences : Et l’amitié qui regne entr’eux, N’est qu’vn fantôme vain & creux, Que l’on repait de reverences : Leur courtoisie à l’Etranger Ne git qu’en l’éclat mensonger De quelque grimace bouffonne : Et leurs discours faits au compas Montrent qu’en la place Navonne Tous les Charlatans ne sont pas.
LXXXVI.
L’Assassin de glaive ou de bale Icy se louë à peu de frais : Le Bouccon traitre en ses apprets, S’y vend comme herbe en plaine hale, Le Iaque-de-maille fringant, Avec la secrette & le gant, Y sont haut étalez sans crime : Le masque de fer s’y produit, Et l’on n’y pratique l’escrime, Que pour quelque bon coup de nuit.
LXXXVII.
Toutefois hors de leurs querelles, Qui durent à l’Eternité, L’on y peut vivre en seureté, Et voir putains & maquerelles : Car l’entretien chaste & benin Du gentil sexe feminin Ne s’y permet en nulle sorte, Et les hommes sots & jaloux, Sous l’avertin qui les transporte, Y sont autant de loups garoux.
LXXXVIII.
D’vn Brayer que Martel-en tête De ses propres mains a forgé, Leurs femmes ont le bas chargé, De peur qu’il ne fasse la Bête : Au moins on sçait qu’en la pluspart Leurs Maris vsent de cet art, Tant l’âpre soupçon les devore : Mais ce fer à deux fins servant, Les fait voir plus jaloux encore Du derriere, que du devant.
LXXXIX.
En cette contrainte inhumaine Du Penil & du Croupion, Vn pauvre chetif Morpion Ne sçauroit respirer qu’à peine : Toutes les raisons furetant, Ie ne m’étonne pas pourtant, Dônes aux demarches si graves, Qu’en ces lieux qui sont vos Enfers, Puisqu’on vous y tient comme esclaves, On vous fasse porter des fers.
XC.
Mais jusques aux dernieres bornes Ie m’ébahy, lorsque je voy Ces Signors qui vous font la loy, Avoir tant de crainte des Cornes : Votre gros visage platré, Votre corps si mal accoutré, Votre esprit sot & miserable, Bref en trois mots, & sans mentir, Votre laideur incomparable Les en devroit bien garentir.
XCI.
Et d’ailleurs, pour ce qui regarde Votre ardante lâciveté, La peur du morceau redouté Leur est vne assez seure garde : Ce n’est pas qu’en dépit de tout, Vous ne veniez par fois à bout De vos secrettes entreprises, Et que vous ne montriez fort bien, Qu’à femelles d’amour éprises Les hanicroches ne sont rien.
XCII.
Changeons de note & de langage, C’est être sur vous trop long temps ; L’heure veut qu’au havre où je tens, I’aille finir mon navigage : Mais avant que d’entrer au port, Où je me voy rire du bord La Palme de la moquerie, Ie chanteray qu’en cette Cour La maudite chiquanerie Fait son plus éminent sejour.
XCIII.
Ie diray, que hors de la Banque, Et d’autres moyens d’en avoir, Qu’on cherche icy quelque sçavoir, On rencontrera toujours blanque : Ie gronderay, qu’en ce Pourpris Par l’ignorance & le mépris La Doctrine est si ravalée, Que ces deux Miracles divers, Et Campanelle & Galilée, N’y sont lorgnez que de travers.
XCIV.
Dans vne plaisante Maxime. Que nul Autheur ne nous apprend, Pour éviter vn mal plus grand, Le Bordel s’y croit legitime : On l’y souffre en tous les Quartiers, Il a rang parmy les Métiers, De qui l’vtilité s’approuve ; Et pour les communs Braguemars, Le vray Champ de Venus se trouve Où fut jadis le Champ de Mars.
XCV.
Peuple, l’excrement de la terre, Romains, qu’aujourd’huy nous voions Si vicieux, & si coyons, Vous diffamez ce lieu de Guerre : Aussi le Prince des combats, Trouvant chez vous son Sceptre à bas, L’emporta-t’il en nos Armées, Où dans les tragiques emplois, Nos lames, de gloire animées, Ont fait mille fameux Exploits,
XCVI.
Les Goitres & les Ecroüelles, Apres que des Anglois quoüez Nos Corbe aux furent engoüez Ont eté mises par roüelles : Ces Buffles d’yvrognes du Nort Ont connu que sous notre sort Il faut que l’Europe se reigle : La France est sans rebellion, Et ses Coqs ayans bourré l’Aigle, Redoublent la fiévre au Lion.
XCVII.
Les Triquebilles d’Austrasie, Dont les trois faisoient le Boisseau, Se mettroient toutes dans vn seau, En l’effroy dont elle est saisie : Bref notre Tonnerre enflamé, D’vn seul éclair a consumé Le tiers de l’orgueil de Bysance : Et l’ardeur qu’en tant de beaux faits A temoigné notre vaillance, Glace de crainte Alger & Fez.
XCVIII.
D’entonner toutes nos Victoires, Ce seroit vn trop haut projet ; Elles fourniront de sujet A de plus sages Ecritoires : De jaser davantage aussi Sur toutes ces Fadézes-cy, Ma langue en seroit êrenée : Que si quelque Esprit curieux Veut voir cette Matiere ornée D’vn vêtement plus serieux.
XCIX.
Ie le renvoye aux Doctes veilles Du Toscan & de l’Angevin ; Leur Enthouziasme divin A la-dessus prôné merveilles : Et bien que de deux grans Sonnets L’Amant de Laure aux Vers si nets Ait été châtre dans son Livre, De rien cela ne peut guérir, C’est doublement les faire vivre, Que de les faire ainsi mourir.
DESIDERII ERASMI ROMA, vale vidi : satis est vidisse : revertat FINIS. Voicy les Sonnets Italiens de l’Amant de
De l’empia Babilonia, ond’è fuggita Ogni vergogni ond’ogni ben è fori, Albergo di dolor, madre d’errori, Son fuggit’io per allungar la vita. Qui mi sto solo : e com’Amor m’inuita, Hor rime, e versi, hor colgo, herbette, e fiori Seco parlando, & a tempi migliori Semp[1 lettre ill.]e pensando ; e questo sol m’aita : Ne del vulgo mi cal, ne di fortuna, Ne di me molto, ne di cosa vile ; Ne dentro sento, ne di for gran caldo : Sol due persone cheggio ; evorrei l’vna Col cor ver me pacificato, chumile ; L’altro col pie, si come maisu, saldo,
Fiamma dal Ciel su le tue treccie pioua Maluagia ; che dal fiume, e dalle ghiande Per l’altru’mpouerir s’è ricca, e grande ; Foi che di mal oprar tanto ti gioua : Nido di tradimenti ; in cui si coua, Quanto mal per lo mondo hoggi si spande Di vin serua, di letti, edi viuande ; In cui lussuria fa l’vltima proua. Per le camere tue fanciulle, e vecchi Vanno trescando, e Belzebub in mezzo Co mantici, e col foco, e con gli specchi. Gia non fostu nudrita in piume al rezzo, Ma nuda al vento, e scalza fra li stecchi : Hor viui si, ch’a Dio ne venga il lezzo.
Fontana di dolore, albergo d’ira, Scola d’errori, e tempio d’heresia, Gia Roma, hor Babilonia falsa, ecria ; Per cui tanto si piagne, e si sospira. O fucina d’inganni, ô pregion d’ira ; Ouel ben more, el mal si nutre, e cria ; Di viui inferno, vn gran miracol fia, Se Christo reco al fine non s’adira. Fondata in casta, & humil pouertate Contra tuoi fundatori alzi le corna ; Putta sfacciata ; e dou’hai posto spene ? Ne gli adulterij tuoi, ne le mal nate Ricchezze tante ; hor Constantin non torna : Ma tolga il mondo tristo, che’l sostene.
C.
En marbre, en airain on les grave, Quand on les efface en papier ; Et jusqu’au Merle d’vn Fripier, Il les siffle alors, & s’en brave. Qu’on me defende, on me lira, Par cœur vn chacun me sçaura, Si le Conclave me censure : Le Ieûne est vn jour de Banquet : La Chasteté fait la Luxure, Et le Silence le Caquet.
CI.
Pour achever en galand homme, Ie dy, que je fay plus d’etat Des Vignes de la Cioutat, Que de toutes celles de Rome : Et d’ailleurs, je ne pense point, Qu’elle s’échauffe en son pourpoint Sur ce titre de, Ridicule, Puisqu’on voit encor en ce lieu, Qu’au pair d’vn Mars ou d’vn Hercule, Elle en fit autrefois vn Dieu.
FIN.
IN ROMAM, IOSEPHI SCALIGERI SCAZON.
Spurcum Cadaver pristinæ Venustatis, Imago turpis Puritatis antiquæ : Nec Roma Romæ compos, & tamen Roma, Sed Roma, quæ præstare non potes Romam ; Sed quæ fovêris fraude, quæ foves fraudem : Vrbs, prurienti quæ exoletior Scorto, Et exoleti more pruriens Scorti : Quæ penè victa fęce prostitutarum, Te prostïtuta vincis, & tuum facta es Tibi Lupanar in tuo Lupanari : Vale, pudoris Vrbs inanis, & recti, Tui Pudoris, Nominisque decoctrix, Turpis litura non merentium rerum : Ocelle quondam, nunc Lacuna Fortunæ Negotiosa Mater Otiosorum, Incesta cælibum Qui titium manceps : Vale, nefanda, constuprata, corrupta, Contaminata, quippe quid tuos mirer Putêre mores, quando vita computret ?
FINIS. |
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Saint-Amant, Marc-Antoine Girard (sieur de) [[s. d.]], LA ROME RIDICVLE, CAPRICE. , français, latin, italienRéférence RIM : Mx. Cote locale : B_18_36.