P. B. E. [1650], DISCOVRS PROPHETIQVE sur la naissance de Monseigneur le Prince. , françaisRéférence RIM : M0_1141. Cote locale : D_1_31bis.
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DISCOVRS PROPHETIQVE
sur la naissance de Monseigneur le Prince.

LA Prophetie n’a pas esté conferée aux hommes par aucune
volonté humaine à ce que S. Pierre nous apprend
dans sa seconde Epistre. Mais les Saincts hommes de
Dieu ont parlé par le mouuement du S. Esprit, afin que
leur parole esclairât comme vne chandelle, iusques à
ce que le iour commence à luire, & que l’Estoille du matin se puisse
leuer en nos cœurs pour nous instruire. Platon nous asseure que la
faculté de prophetiser est au dessus de nous, & qu’il est impossible à
tout l’entendement humain d’y pouuoir atteindre, s’il n’est esleué
de sa place par quelque rauissement celeste. Il est vray que c’est vn
don de l’Esprit de Dieu, conferé à qui bon luy semble, sans consideration,
ny de parenté, ny de consanguinité charnelle. Cette façon
d’agir n’est pas subjette aux declarations particulieres, n’estant
qu’vne volonté diuine : Et certes quiconque n’adioustera pas foy aux
esclaircissemens de ces mysteres, n’entrera iamais en la vie eternelle
par vne voye plus certaine & moins infaillible. Mais il y a des certains
Prophetes, qui par leur doctrine mensongere presument d’annoncer
au nom des faux Dieux mille paroles d’iniquité, pour satisfaire
à leur gloire & à leur auarice : Neantmoins ce n’est pas des
authoritez de ceux-là que nous pretendons nous seruir : leur reprobation
est trop manifeste, & leur confusion trop euidente. Le
plus excellent, & le plus parfait de tous ceux qui furent iamais, ny
en la Loy naturelle, ny en la Loy escrite, nous apprend bien à distinguer
quels sont ceux de l’esprit veritable, & quels sont ceux de l’esprit
trompeur, qui nous voudroit destourner de la vraye confiance
que nous auons en sa Maiesté infinie. Quand le Prophete dit, La Sagesse
eternelle vous fera entendre quelque chose au nom du Seigneur,
& que sa prediction n’arriuera pas de la sorte qu’il l’aura faite ;
Asseurez-vous que c’est vne pure inuention de l’esprit trompeur,
qui ne butte qu’à plonger les ames dans l’idolatrie la plus abominable
qui soit au monde. Il faut donc inferer de là, que tous ceux qui

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predisent les choses de la mesme sorte qu’elles doiuent arriuer sont
vrais Prophetes, & que c’est seulement l’esprit de Dieu qui parle
par leur bouche, cõme nous venõs de dire. Il est certain que luy seul
peut deuiner ce qui est de plus mysterieux, & mesme ce qui n’est pas,
en la mesme façon qu’il peut estre, par le moyen d’vne intelligence
anticipée. Parlant à Cyrus, ce Seigneur dit en Isaye, Ie te feray connoistre
ce qui est de plus caché, long-temps auant qu’il arriue, afin
que tu sçaches que ie suis l’Autheur du Ciel & de la Terre. C’est
bien nous faire entendre, que les objets seulement en puissance, ne
luy sont pas moins presens, que ceux qui sont reellement au nombre
des estres, & que ces denonciateurs sacrez ne sont que les organes
de sa verité permanente. Salomon fut donné au Prophete Nathan
pour y estre instruit. Elisée prophetisa que l’armée de Ioran & de Iosaphat
auroit la victoire sur les Moabites. S. Paul prophetisa la resuerrection
de Iesus-Christ en sa I. Ep. écrite aux habiãns de Thessalonie.
Les anciens que Dieu auoit ordonnez pour gouuerner les peuples
d’Israel, prophetierẽt bion auec Moïse. Eldad & Medad prophetizerent
bien aussi en l’ost du Seigneur, au recit de celuy qui a fait le liure
des Nombres. Moïse, tous les Prophetes, & les Sibylles mesmes ont
bien predit la venuë du Sauueur de nos ames. Les signes de son ambassade
sur l’asnesse sont en Zacharie : Le nom qu’il deuoit auoir est
nettement d’escrit par Esaïe : Ses parens sont mentionnez dans tous
les sacrez cahiers de l’Escriture : Sa naissance est predite par Ieremie :
son Inuaraation le fut de Baruch : & le Prophete Esaye publioit hautement
qu’il deuoit naistre d’vne Vierge. Les consequences de sa
mission sont expliquées dans Amos & dans la Genese : L’vn faisoit
voir qu’il destruiroit le Temple de Ierusalem, & l’autre nous apprenoit
qu’il deliureroit les pescheurs qui croiroient en luy de la puissance
infernale. Ioseph, apres estre sorty de prison fut bien offert à
Pharaon pour luy interpreter ses songes : Non seulement otus les
Theologiens ; mais encore tous les Philosophes demeurẽt d’accord
que tous les corps celestes ont quelque gouuernement & quelque
domination sur toutes les choses sublunaires. Il est vray que l’hõme
par le moyen de son franc-arbitre, peut resister à l’inclination des
Astres & des Planettes, ainsi que Ptolomée nous l’apprend en son
Careparty : car si cela n’estoit il ny auroit point de franc-arbitre en
l’homme, & sa volonté ne seroit pas libre de faire son salut, & de
suiure le bien & le mal, comme bon luy semble. C’est ce qui a fait

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dire au Prince de la secte peripathetique Aristote, que Sapiens dominabiturastus ;
Ce qui est encore confirmé par S. Pierte I. chef de la
saincte Eglise Catholique Apostolique & Romaine, en sa premiere
Epistre, lors qu’il dit, Ne donnons point en occasion de chair, la liberté
par laquelle nous sommes appellez de la seruitude de la Loy,
en la seruitude de la Grace, en sorte que la chair ait occasion de faire
ses desirs, & que cette liberté ne soit vne couuerture de malice. C’est
pourquoy tout homme deuroit faire son possible à resister aux iniustes
desirs qui le portent à se rebeller contre ce qu’il doit, & à Dieu
& aux hommes, puis que le Sage au recit du maistre de l’Escholle, se
peut librement garder de suiure la mauuaise constellation des astres,
veu que le liberal arbitre n’est pas moins immortel à l’homme, que
l’ame en qui il est attaché, que c’est la perfection de tous les biens
que Dieu luy a faits, & qu’il est d’vne nature intellectuelle, spirituelle,
& inuisible comme elle. C’est ce qui fait que nos actions sont
punissables ou recompensées selon leur merite : & que ce n’est pas
vne chose impossible de resister aux influences du Ciel & aux mauuaises
volontez de nostre nature. Plusieurs personnes se sont veus
maistres de leur volõté : Mais parce que le monde se gouuerne plus
selon ce qu’il veut, que selon ce qu’il deuroit faire, & qu’il vient par
ce moyen là à suiure plustost les influences celestes que les inspirations
de la grace, on ne sçauroit faillir à deuiner la plus grande partie
de ce qui leur arriuera, & dont ils seront mesmes la cause en partie,
que si cela n’estoit pas l’on ne pourroit iamais determiner rien de
certain sur les choses futures & contingentes. Il y a certaines deuinations
qui sont dignes d’estre chastiées, cõme sont la Negromantie,
la Geomantie l’Idromantie, la Piromantie, l’Aromantie, & la Ruspine,
parce qu’elles n’ont aucun fondement desolidité en leur principe ;
& si elles sont de peu de valeur & de debile science, & pour cette
raison elles sõt refutées de l’Eglise Catholique Apostolique & Romaine.
Voila pourquoy ie ne fais pas difficulté de dire que ceux qui
naissent sous la domination des Estoilles fixes, qui sont connuës de
tous les Astrologues, & qui sont au nombre de mil cent vingt-deux,
& pareillement des sept Planettes, & qui suiuent comme nous auons
desia dit, leur inclination naturelle, ne sçauroient gueres faillir à
tomber dans les accidens qu’on a preueus, à cause qu’ils ne font
pas comme le Sage : ce qu’ils deuroient pourtant bien faire, s’ils
estoient tant soit peu raisonnables, puis qu’il y va de la vie eternelle :

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Mais nostre Prince n’aura pas la peine de combattre, ny de resister
aux inclinations de ses constellations celestes, puis qu’il est né
souz les meilleurs signes qui soient en toute la voute celeste, qui
sont Aries pour le iour de la Lune, & la Vierge pour le mois comme
nous esperons de faire voir plus amplement, si Dieu nous en fait la
grace. Ce qui fera qu’il sera grandement courageux, qu’il aymera
les sciences, que la vertu luy sera en plus grande recommendation
que toutes les choses de la terre, qu’il sera fort deuot & fort craignant
Dieu, & qu’il aura mesme grãde inclination à se faire d’Eglise :
Cela n’empeschera pourtant pas qu’il n’ait des grandes inclinations
pour les femmes vertueuses : En suitte il sera fort misericordieux,
grãd iusticier, & tres consciencieux par dessus le reste des hõmes. Il
n’aura iamais aucun different auec ses ennemis, dont il ne soit asseuré
d’emporter la victoire, quand ce seroit mesme contre l’vn de ses
plus proches. Les traistres luy donneront bien de la peine : mais à la
fin il en sera tousiours le maistre : & si Dieu luy donne ce que ie desire
il aura sujet de le loüer, & de croire que ie suis & veux estre
eternellement

 

Pier. I

Rom. 12 I. Sam.
10.
2. Pier,
I.

Ierem. 8
Deuter.
18.

De son ALTESSE

Le tres-humble, tres-obeïssant, &
tres-fidelle sujet, & seruiteur.
P. B. E.

A PARIS,
Chez DENYS PELLÉ, ruë de la vieille Bouclerie
au gros Tournois.

M. DC. L.

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