Anonyme [1652], CREATION DE DIX CONSEILLERS NOVVEAVX AV PARLEMENT du Mazarin seant à Pontoise ; Et des dix Asnes Rouges qui se trouuerent à l’Ouuerture d’iceluy, le Mercredy 7. Aoust 1652. , françaisRéférence RIM : M0_841. Cote locale : B_15_6.
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CREATION DE DIX CONSEILLERS
nouueaux au Parlement du Mazarin
seant à Pontoise ; Et des dix Asnes Rouges
qui se trouuerent à l’ouuerture d’iceluy, le
Mercredy 7. Aoust 1652.

LA sagesse des hommes, qui est folie deuant Dieu,
& cét Esprit eternel qui ne peut errer, & qui nous
laisse tous les iours des marques nouuelles de sa
Prouidence inconceuable, & des preuues de sa conduite
miraculeuse, découurent de plus en plus que ce
qui se fait pour les interests de la terre, n’a rien que de
grossier & de corruptible, & que ceux qui mettent toute
leur fortune dedans la felicité des hommes, ne font
rien que de lâche & de bas, puis que l’effet suit sa cause,
qu’vn mauuais arbre ne sçauroit produire de bons fruits.

Le Parlement de Paris, qui est si venerable, & qui porte
sa gloire parmy les Nations mesmes qui ne releuent
point de luy, se trouue auiourd’huy [1 mot ill.], non pas
dedans son corps qui est incorruptible, mais dans
quelques-vnes de ses parties, qui se laissans gaster &
corrompre, se sont retranchées comme des membres
pourris & contagieux, & se sont retirées d’vn lieu qui ne
souffre rien d’impur, ny de déreglé. Quand la prudence
humaine se represente que trois Presidens au mortier,
vn Procureur General, & neuf Conseillers du Parlement
de Paris, ont quitté le Palais de nos Roys, & le lieu de

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leurs Ancestres, soüillé le Lict de Iustice dont ils sont
les Depositaires, & se separes de deux cent Senateurs
dont ils estoient du nombre, pour se rendre dans vne
Grange à Pontoise, pour coucher de dans des Cabarets,
& s’vnir auec vn Criminel qu eux-mesmes ont cõdamné
par vne infinité d’Arrests ; Il n’y a qui que ce soit qui ne
die & qui ne croye qu’il faut, où qu’il y ait beaucoup de
crime, ou beaucoup de folie en cela.

 

On remarque beaucoup de l’vn, & trop de l’autre, dedans
sa suite de cett’action ; La sottise y est évidente, en
ce que quatorze fugitifs, & desaduoüez, se font Parlement
d’eux-mesmes, se donnent des patentes, les verifient,
les enregistrent dedans le Gref de leurs valets, &
prononcent vn seul Arrest les Chambres assemblées à
Pontoise, le 7. iour d’Aoust 1652. qu’ils font imprimer
& publier, afin que toute l’Europe sçache, qu’il y en a
bien de vuides & à loüer dedans ce Parlement imaginaire,
& qu’il faut auoir la ceruelle bien creuse pour se
persuader qu’vn Cõseiller faussaire au coin d’vne Grange,
vn autre en vn autre, & trois Presidens attachez au
Ratelier de ce Palais en chanté, puissent donner vn Arrest
les Chambres assemblées, où il n’y en a qu’vne bien-vilaine,
& de peu de durée.

Si les fols se contentoient de faire rire les Sages, ou
qu’ils causassent seulement de la compassion auprés des
plus Chrestiens, on plaindroit les vns, & on se iouëroit
des autres ; Mais quand la rage ou la fureur les portent
à mordre ou à violenter ceux qui regrettent leur desastre,
& qui compatissent à leur infortune, il faut s’en defendre
& leur lier les mains, crainte qu’aprés auoir défait
ceux qui veulent les guerir, ils ne s’entreprennent &
ne se détruisent eux-mesmes. Ce petit nombre de faux
Freres qui se sont vendus au Mazarin, & qui ont fait banqueroute
à l’honneur pour fauoriser les iniustices & les

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Tyrannies de ce proscript, pouuoiẽt reuerer I’Idole qu’ils
adorent, sans entreprendre, comme ils ont fait, d’interdire
& de casser le Senat dont ils font les parties honteuses,
& sur lequel ils ont moins d’empire absens, qu’ils
n’auroient presens, ou leurs quatorze voix n’en emporteroient
pas deux cent plus saines qui les blâment, & qui
les condamnent ; & c’est en cette entreprise ridicule
qu’ils ont commis vn crime qui ne se peut, & ne se doit
pardonner parmy les hommes, puis qu’il est sans exemple,
& que les siecles à venir s’estonneront qu’vne poignée
de rebelles, & les excremens du corps le plus Auguste
& le plus considerable de la terre, ayent eu assez
d’impudence & de temerité pour tâcher de détruire ce
qui les maintient ; & que ces Protecteurs & ces Conseruateurs
de la Iustice ainsi sensiblement offencez se puissent
tellement oublier de leur honneur & de leur deuoir,
qu’ils ne laissent à la posterité vne marque eternelle de
leur indignation contre les traistres & les perfides qui
les deshonorent, & qui font honte à vne Compagnie
qui est le Trosne de la Gloire, aussi bien que celuy de la
Vertu.

 

Pour venir à la Creation des Dix Nouueaux Conseillers
que l’on a fait pour augmenter le nombre de ceux
qui composent le Parlement Ambulatoire du Mazarin :
Les Musniers de Pontoise (maintenant pont aux Oisons)
voyans que ces Messieurs estoient trop peu de
Gens, & qu’ils ne pouuoient pas remplir les Chambres
qui sont nommées dans leur premier & leur dernier Arrest,
& mesmes qu’ils estoient sans Robbes Rouges, qui
est la marque principale de leur Magistrature aux actiõs
de cette Nature ; Ordonnerent à quelques Plastriers de
cette mesme Ville de choisir dix Asnes Rouges des plus
nobles & des mieux coëffez qu’ils ayent, pour estre
conduits & presentez à ce Parlement en dueil au iour
de son ouuerture & de sa naissance ; Ce qui fut fait & executé

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le 7. du present mois d’Aoust, où ils entrerent seuls
en Robbes Rouges, y furent reçeus sans examen, y
prirent les premiers places, & opinerent en mesme
temps brayans fortement comme les anciens de cette
Grange d’où ces derniers venus pretendoient les chasser ;
& sçachans bien que ces Officiers égarez estoient
sans sacs, mais non sans cordes, & qu’ils entreprenoient
des choses qu’ils auroient bien de la peine de plastrer &
de déguiser, ils en porterent chacun trois sur leurs dos,
& les offrirent au premier President pour s’en décharger,
& les redistribuer à qui bon luy sembleroit. Aprés beaucoup
d’étonnement, il en retient douze pour luy, afin de
pouuoir fournir aux emplastres dont il a besoin pour
couurir & cacher deuant le Roy, la Reyne, les Princes du
Sang, le Parlement, & le Mazarin, ce qu’il a fait pour les
tromper, estant tantost pour, & tantost contre.

 

Le President Potier de Nouuion, dit qu’il n’en vouloit
que deux, l’vn pour plastrer ce qu’il dit en opinant le 20.
Aoust, 1648. toutes les Chambres Assemblées en bonne
forme, sçauoir que le Cardinal Mazarin méchant &
ignorant Politique, estoit la cause de tous nos maux, &
de tous nos desordres, pour n’auoir auprés de luy que
des scelerats sans foy, sans Dieu, & sans Religion, comme
des Bautru, des Nogent, des Senneterre, & autres
ausquels il faudroit faire le procez, & qui de notorieté
publique meritoient la corde ; l’autre pour barboüiller
le marché qu’il a fait auec le Mazarin touchant l’Euêché
de Beauuais.

Le President le Coigneux en prist vn pour assurer le
Mazarin qu’il en vouloit couurir & effacer tour ce que
defunct son pere auoit fait contre luy en seruant les
Princes & le Roy.

Le sieur Baradas Euesque de Noyon, declara qu’il
vouloit bien deuenir d’Euesqué Musnier, pourueu qu’il
pût prendre d’vn sac double mouture.

Le Marêchal de l’Hospital dit qu’il auoit plus besoin

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de sacs que de plastre pour enfermer ce qu’il auoit de
trop, & que si Messieurs auoient oubliez leurs cornes à
Paris, aussi bien que leurs Robbes, il offroit de leur en
fournir autant qu’il en faudroit, en ayant suffisamment
pour tous.

 

Le Marêchal de Villeroy n’en voulut point, parce
qu’il veut estre neutre.

Molé Champlastreux remonstra que si son pere se
perd & hazarde tout pour luy, il est bien iuste qu’il
prist la part qu’il luy fera.

D’Orgeual, la Berchere, Balthasard, & Vertamont,
tous quatre Maistres des Requestes en prirent autant
qu’ils purent, disans que les Maistres des Requestes ne
laissent rien échapper, & que toutes sortes de Commissions
leur sont honorables, pourueu qu’elles soient vtiles
& profitables.

Le reste fut distribué aux neuf Conseillers en robbes
noirs, ceux qui estoient en robbes rouges protestant
hautement qu’ils estoient si las & de plastre & de sacs,
qu’ils voudroient de bon cœur n’en iamais porter, aimans
mieux le repos, & vne vie tranquile, que tant de
tracas & tant d’embaras pour les biens de ce monde.

Le Procureur General Fouquet requist que le Mazarin
le Maistre des Azes, des Asnes, & des Asnesses, air à
dõner prõptement, & sans delay, l’Euêché qu’il a promis
à l’Abbé Fouquet son frere, & à le décharger du cautionnement
de cent mille liures qu’il a fait pour luy, afin de
paruenir plus facilemẽt à la charge qu’il fait si mal, aprés
quoy il conclura definitiuement à ce qu’on le chasse du
Royaume, & qu’on execute la Declaration & les Arrests
qui sont donnez contre luy ; n’empêchant point que la
Reyne face dix Parlemens pour vn, si bon luy semble,
pourueu qu’il soit payé de ses pensions, & de ses appointemens.

FIN.

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