I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.
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TROISIESME PARTIE.

Du Dimanche vingt-huictiesme Février
mil six cens quarante-neuf.

CE iour la Cour, toutes les Chambres
assemblées, Ayant deliberé sur
le recit fait le iour d’hier par Monsieur
le premier President, de ce qui
s’est passé à S. Germain en Laye, en la Deputation
faite vers le Roy & la Reyne Regente,
en execution de l’Arresté du 19. de ce mois &
an, & de la Proposition faite de tenir vne Conference,

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pour aduiser à ce qui est necessaire
pour le bien de la Paix generale & soulagement
des Peuples. Et oüy sur ce les Gens du
Roy ; A ARRESTÉ ET ORDONNÉ, que
ladite Conference sera tenuë en lieu seur, tel
qu’il plaira au Roy & à la Reyne Regente.
Qu’à cette fin y assisteront quatre Presidens
de ladite Cour. Vn ou deux des Generaux.
Deux Conseillers de la Grand’Chambre. Vn
Conseiller de chacune Chambre des Enquestes,
& vn des Requestes, comme aussi vn
Maistre des Requestes. Deux de chacune des
Compagnies Souueraines de cette Ville. Et le
Preuost des Marchands, ou en son absence l’vn
des Escheuins ; Lesquels auront plein pouuoir
de traitter & resoudre ce qu’ils iugeront par
leur prudence, & qui sera trouué plus propre,
vtile & conuenable pour le bien de l’Estat,
soulagement des Peuples, & particulierement
de la Ville de Paris, authorité des Compagnies,
& conseruation des interests de ceux qui ont
tesmoigné fidelité & affection en cette occasion
si importante, dont sera donné aduis au
sieur Duc de Longueuille, ausdites Compagnies
Souueraines de Paris, aux Deputez des
Parlemens de Roüen & d’Aix en Prouence, &
ausdits Preuost des Marchands & Escheuins.

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Et seront les Gens du Roy deputez pour aller
vers ledit Seigneur Roy & ladite Dame Reyne
Regente, pour leur faire entendre le present
Arresté, & les supplier de la part de ladite Cour,
Que suiuant la parole donnée, les passages
soient ouuerts pour la liberté des choses necessaires
en cette Ville : Et ont esté deputez Messieurs
les premier President, de Mesmes second
President, le Cogneux & de Nemon aussi Presidens :
De Longueüil & Menardeau Conseillers
de la Grand’Chambre : De la Nauve, le Cocq,
Bitault, P. Viole & Palluau des Enquestes : Et le
Févre des Requestes.

 

Du Lundy premier iour de Mars 1649.

CE iour la Cour, toutes les Chambres assemblées,
Maistre Guillaume Brissonnet Conseiller
& Maistre des Requestes, a esté deputé
pour l’execution de l’Arresté du iour d’hier.

Signé, DV TILLET.

CEVX qui ont penetré dans les mysteres plus
secrets de la Theologie des Egyptiens, &
qui ont remarqué les ceremonies particuculieres
dont ils honoroient leurs Deïtez menteuses
& fabuleuses, rapportent que lors que le fleuue du
Nil commençoit à croistre & à inonder en Egypte,

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aux plus fortes chaleurs de l’Esté, arrousant toute la
surface de leur terre, ils celebroient vne Feste solemnelle
appellée [illisible], comme qui diroit les Niliaques,
la Feste du Nil, en laquelle ils faisoient des
sacrifices, consacroient des Hymnes & des chants de
loüange à son honneur, esclairans auec des feux de
ioye, & toutes les ceremonies d’vne resioüissance publique,
le iour auquel ce fleuue admirable, cét Ocean
de l’Egypte, en vn temps que les autres fleuues se
desseichent & tarissent, & lors que cette Region
estoit sur le point d’estre reduite en cendres, venoit
ouurir son sein, & baigner leur terre d’vn de luge si
fecond : Que ce païs d’ailleurs sterile & infructueux,
combattoit de profit auec les terres les plus abondantes
& steriles. Ie ne voudrois pas restablir icy des
sacrifices si superstitieux & profanes, pour celebrer
auec pompe & solemnité cét heureux iour de Paix,
que le Parlement nous va procurer auec aduantage,
lors que la France au milieu des braziers d’vne guerre
sanglante & funeste, voyant ses villes bruslées & desolées.
Il semble que la Iustice ait quitté son lict naturel
pour s’escouler auec plus d’effort, & s’espandre
par tout en abondance, Decurrens velut aqua iudicium,
& iustitia sicut torrens fortis. De sorte que si la sainteté
& la pureté de nostre Religion ne nous permet pas
de luy dedier vne Feste particuliere, comme à la
Deesse tutelaire de la Monarchie, au moins ne pouuons
nous luy refuser l’offrande de quelques paroles
choisies, pour exprimer ses merueilleux effets &
ses diuines puissances, & l’on souffrira bien que nous

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espandions sur ses Autels quelques Esloges d’honneur
& de loüange, comme autant de fleurs exquises
& triées, qui nous attirent par vne agreable odeur
en son amour. S’il est beau de concilier la paix & l’vnion
entre les Citoyens, disoit le Sophiste Libanius,
il est beau aussi d’en estre loüé.

 

Et parce que nos actions ne sont pas considerées,
& ne s’estiment point selon ce qu’elles sont en elles-mesmes,
mais plustost par la fin où elles tendent : on
ne peut à mon sens conclure plus proprement ces veritez
importantes, qu’en iustifiant par les voyes les
plus communes & populaires, puis que nous traittons
vn sujet où le Peuple & la Iustice partagent esgalement
leurs interrests.

 


Qui me cumque manent hoc in certamine casus,
Et te turne manent. Que la paix & le bon-heur des Estats despend absolument
de l’obseruation des Loix, & de la parole des
Monarques, qui se lient & obligent à leurs Subjets
par des Edits & Declarations salutaires, des reglemens
aduantageux & profitables. En sorte que la
derniere Declaration verifiée, auec toutes les connoissances
de causes, & apres les deliberations de plus
de deux cens seances, doit estre sans doute religieusement
executée, veu que tout le repos & la tranquilité
du Royaume y est inseparablement attachée.

 

Et bien qu’il semble qu’vne proposition de cette
qualité si iuste & fauorable, n’ait pas besoin d’vn
fort grand discours, [illisible], disoit Pindare
en ses Neomeniques, Ode 7. en vne cause de bon

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nom & bonne odeur, [illisible], il ne faut
que trois paroles, mesme disoit vn ancien Philosophe
dans Libanius en sa Declamation premiere ; en
toutes causes on doit estre succint & sommaire ; ce
qu’il entendoit autrement & vouloit dire, qu’en celles
qui estoient mauuaises & iniustes, l’on ne deuoit
pas seulement ouurir la bouche pour parler, [illisible]
aux bonnes, il ne faut point
tant de langage, qui ne sert le plus souuent qu’à esgarer
les choses ; neantmoins ie donneray au sujet
toute l’estenduë qu’il me sera possible, ayant à combatre
contre ceux qui osent bien dans les Chaires
enseigner les Princes à violer leur foy, au lieu de leur
apprendre à obseruer fidellement leurs promesses,
faire voir qu’ils ont vn notable interest d’estre tenus
pour Princes de parole, sans rechercher de faux pretextes
pour y manquer, & que c’est le propre des Tyrans
& vsurpateurs, qui n’ont ny pieté ny iustice, de
n’en tenir compte ; mais non des Princes legitimes,
qui doiuent craindre vn Dieu vangeur de l’infidelité.
Aussi ce n’est point en France où les Princes sont au
dessus des Loix, où leurs volontez Souueraines, &
leurs commandemens absolus font les regles de leurs
actions ; eux qui ont en horreur tous les noms d’espouuente,
qui seruoient d’inscriptions aux anciens
marbres des premiers Empereurs, de foudroyans &
assiegeurs de Ville, ont tousiours preferé le tiltre de
Iustes à tant de qualitez tyranniques, imitans celuy
de la main duquel ils tiennent leur Empire, qui dit
dans l’Escriture, Assemblez tous les peuples de la

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terre, afin qu’ils iugent entre mon peuple & moy,
s’il y a chose que i’ay deu faire, & que ie n’ay pas fait.
les Rois doiuent auoir encore plus de constance &
de fermeté en leurs conuentions que les particuliers,
parce qu’ils sont autheurs de la iustice, & que la foy
publique reside proprement en leurs personnes.
D’où nous voyons dans les Constitutions des Empereurs,
qu’on met entre les cas fortuits, & les accidens
inesperez, quand les Princes contreuiennent à leurs
promesses, comme n’estant pas à presumer que iamais
ils le fassent, l’obligation en ce rencontre estant
double ; l’vne pour l’equité naturelle, qui veut que
les pactions & conuentions soient entretenuës ; lautre
pour la foy & la parole du Roy, qui passe pour
vne verité constante & irreuocable. I’obserue & ie
prends garde sur tout, disoit le Sage à la parole du
Roy, os regis custodio & verbum iuramenti eius, parce
qu’elle doit tousiours demeurer ferme & immuable,
comme celle de Dieu mesme, lors principalement
qu’il s’agist du bien & du soulagement des Subjets.

 

Verum age do quoduis volensque remitto. Dit Iupiter à Iunon au 12. de l’Eneide, surquoy Seruius
Autheur excellent, do quoduis, bene in præsenti, nam
promissio numinis pro facto est, tout ce qu’il promet est
reputé desia executé. Dieu dés le commencement du
monde, des douze noms qu’on luy attribuë, prend
celuy d’Helin qui vient d’vn mot Hebreu, signifiant
lier & obliger ; se faisant premierement connoistre à
l’homme sous le nom d’obligeant, pour monstrer
que s’estant engagé à luy, & l ayant sait naistre dans

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les bienfaits, la reconnoissance aussi luy doit passer
en nature, c’est à dire, la fidelité & l’obeïssance ; & de
verité, rien ne concilie dauantage l’esprit & la bienveillance
d’vn peuple, que d’executer ponctuellement
ce qu’on luy a vne fois accordé : Comme a
bien reconnu Xenophon, quand pour faire entendre
à Cyrus le moyen d’auoir de ses Subjets tout ce
qu’il desiroit, il l’aduertit sur toutes choses, de garder
& entretenir sa foy & ce qu’il leur promettoit ;
disant ce sage Precepteur des Rois, que la parole d’vn
Prince fait plus enuers son peuple que les violences
& les contraintes, qui ne traisne le plus souuent
que des chaisnes incomprehensibles de tragiques
euenemens. Nous n’auons que trop d’exemples regrettables
de Rois, d’Empereurs & de Souuerains,
lesquels n’auoient en la bouche que la foy & la pieté,
& leur cœur n’estoit remply que d’hypocrisie, de
feinte & de duplicité : Ils ne sont que trop connus
par les Histoires, mais il importe d’en esteindre le
souuenir, & charger leurs tombeaux de ces infames
statuës, que les Grecs esleuoient à ceux qu’ils desvoüoient
au mesme temps aux ombres & à l’oubly.

 

Les François entre les peuples les plus libres, s’estans
sousmis d’eux-mesmes à leurs Rois, ils n’ont
pas seulement l’honneur d’estre leurs Subjets, mais
la faueur d’estre leurs Enfans ; Subjets par obeïssance,
Enfans par affection : Aussi nos Rois ont moins tiré
de gloire de commender auec Souueraine puissance,
que de seruir de Peres à leurs peuples pour compâtir
à leur misere. Nous lisons dans les ceremonies qui

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s’obseruent aux Sacres & aux Couronnemens, que les
peuples sont tenus de declarer tout haut, qu’ils trouuent
le Roy digne de les gouuerner, & tenir en main
les rhenes de l’Empire, Scitis illum esse dignum, c’est la
demande que l’on fait, vtilemque Ecclesiæ & ad huius
regni regimen, nouimus & credimus eum dignum esse : Mais
le serment qu’il preste ensuite, de maintenir & conseruer
vn chacun en ses biens, obseruer les Loix, & se
sousmettre à la Iustice, Profiteor & promitto legem &
iustitiam, & populo deinceps mihi subiecto pacem, comme
si on ne commençoit à le reconnoistre Roy, deinceps,
que lors qu’il s’est obligé par serment, de procurer la
Paix à son peuple ; ce n’est point vne vaine ceremonie,
mais vn contract solemnel qui lie estroitement
les Rois à Dieu & aux hommes, & dont les Parlemens
sont tenus par le droit de leurs charges de poursuiure
l’execution, estans seuls constituez guarands par les
Loix du Royaume, des promesses & de la volonté
des Rois enuers leurs peuples. Volonté qui ne peut
estre changée pour quelque cause ou pretexte que ce
soit : Semel iu[2 lettres ill.]ui in sancto, si Dauid mentiar, dit ce Roy
Prophete ; quod egressum est de labiis meis non mutabo. Les
Egyptiens qui auoient l’art d’exprimer les secrets de
la nature par des sculptures & des caracteres, que les
Grecs appellent Hieroglyphiques, sous le voile desquels
ils couuroient les mysteres de leur Philosophie,
voulant representer vn certain fleuue qui engraissoit
merueilleusement, & faisoit profiter leurs terres :
depeignoient vn cœur, & à ce cœur ils donnoient
vne langue, [illisible]. Comme Orus

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Apollo le remarque, Autheur Grec tres ancien, peut-estre
pour dire, que comme le cœur est le principe
& l’autheur de la vie, le siege principal de l’ame, &
celuy qui distribuë les esprits à toutes les parties du
corps ; aussi que ce fleuue estant l’origine & la source
d’vne grande fertilité, leur donnoit la vie, c’est à
dire, les fruicts de la terre qui l’entretiennent & la
conseruent ; car nous n’auons point ce Hieroglyphe
autrement bien expliqué, mais nous pouuons dire,
que quand on leur eust demandé vn caractere propre
pour exprimer parfaitement ce qui est de l’office
& du deuoir d’vn bon Prince, ils n’en pouuoient pas
donner vn qui le representa plus naïuement que le
cœur, & la langue sur le cœur, pour dire qu’il doit
estre veritable, n’auoir point d’autre langage que celuy
du cœur ; & que comme la langue est la messagere
& l’interprete des conceptions de l’ame, il faut
aussi qu’elle soit fidele, qu’elle les rende toutes entieres,
& ne se demente iamais. Disons dauantage, &
mettons sur ce cœur la loy au lieu de la langue : Lex
eius in corde ipsius, & ideo non supplantabuntur gressus eius :
Le Prince doit communiquer abondamment sa loy
& sa liberalité à tout son peuple, comme le cœur
enuoye auec affluence les esprits qui nous animent.
C’est ce qui fait mouuoir les Monarchies, qui establit
la paix dans les Villes, maintient les Subjets dans
le respect & l’obeïssance ; & au contraire, s’il vient à
retrancher & alterer les Ordonnances & les Loix les
plus salutaires ; si les Declarations qui tendent principalement
à soulager le peuple, n’ont pas leur estenduë

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naturelle, & souffrent quelque diminution, c’est
lors que les troubles & les desordres publics trauaillent
les Estats, que les sterilitez & les miseres en ternissent
l’esclat & le lustre. Il y auoit des Prestres en
Egypte qui auoient charge d’annoncer & publier au
peuple, la cruë & le rabaissement du Nil, & quand on
vouloit sçauoir à quel poinct il estoit paruenu, parce
que delà dependoit tout le bon-heur de l’Egypte, on
alloit en vne Isle, au milieu de laquelle estoit vne
Colomne marquée & diuisée en plusieurs toises, &
lors qu’il commençoit à croistre, les Prestres auec
leur mesure qu’ils appelloient Cubitus, marquans de
combien ce fleuue estoit haussé, le faisoient sçauoir
au peuple, & quand il alloit iusques à seize coudées
& au dessus, il y auoit affluence & abondance de tous
biens ; s’il demeuroit à douze, on estoit asseuré d’vne
tres mauuaise année. Les Ordonnances de nos Rois
sont les Colomnes qui tiennent le pied des Estats,
des Villes & des Republiques, ferme & solide : Les
Parlemens ont en depost la regle & la mesure, pour
connoistre iusques à quel point peut croistre le torrent
de la puissance Souueraine, [illisible], virgam
æquitatis, virgam regni, au Psalme 44. Et lors qu’elle
demeure aux termes des anciens reglemens & statuts
du Royaume, l’on ne doit attendre que des prosperitez ;
si elle deroge aux Loix & diminuë la liberté publique,
c’est vne source de mal-heurs & de calamitez.

 

Voyons dans le particulier, combien aduantageuse
est la derniere Declaration pour le bien de
l’Estat, le repos & le soulagement des peuples.

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[illisible]
Cape ipsa oracula & lege.

 

LOVIS PAR LA GRACE DE DIEV
ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE :
A tous presens & aduenir, Salut : L’amour que
nous portons à nos Peuples, nous a obligé de rechercher
tous moyens pour arrester le cours des
desordres, qui croissoient à tel degré qu’il eust esté
impossible d’y apporter par apres le remede ; &
ayant commencé d’y donner les reglemens necessaires
sur la distribution de la Iustice, & l’ordre
de nos Finances, & remis le surplus à vn conseil
que nous voulions assembler, dautant que differant
plus long-temps, les maux augmentoient de
iour en iour, pour asseurer le repos de l’Estat, &
le bon-heur de nos Subjets ; Nous de l’aduis de
nos Princes, & autres Grands & notables personnages
de nostre Conseil, & de nostre certaine
science, plaine puissance & authorité Royale :
Auons statué & ordonné, statuons & ordonnons
ce qui ensuit, c’est à sçauoir, Que voulant tesmoigner
de plus en plus, combien nous desirons
apporter de soulagement à nosdits Subjets, Declarons
qu’au lieu du demy quart des Tailles remis
pour la presente année six cens quarente-huit,
il leur sera deduit le cinquiesme, sur le pied de
cinquante millions à quoy montent toutes Tailles,

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Taillon, Subsistances, Estapes, & autres droits
generalement quelconques : lequel cinquiesme montant
à dix millions, sera esgalé sur toutes les Generalitez
des païs d’Election, à proportion de la
somme laquelle chacune Generalité doit porter, &
que chacun particulier est cottise, en telle sorte
qu’il sera deduit à chacun particulier, vn cinquiesme
de sa part & cottisation.

 

CELVY qui a trauaillé au Panegyrique de l’Empereur
Constantin, fait mention d’vne remise tres-considerable,
faite par ce Prince à ses Subjets sur les
reuenus de l’Empire, qui surpassoit le quart des tributs
& impositions ordinaires. Quartam amplius partem
nostrorum censuum remisisti, ô lustrum omnibus lustris
Fœlicius. Et nous auons vne remarque tres singuliere
que fait Spartian in Adriani vita, que les Romains
auoient vn soin particulier, de faire de temps en
temps des remises & descharges à nos anciens Gaulois,
peuples jaloux de leur liberté, ennemis de l’oppression
& de la seruitude. Gallias omnes causariis liberalitatibus
subleuabant : parce que ces liberalitez n’estoient
causées, & n’auoient pour pretexte, que la
bien veillance & l’inclination naturelle des Princes
à leur bien faire, comme estant le seul moyen de tenir
la franchise d’vne Nation si libre, captiue & asseruie
sous leur pouuoir souuerain. Il est vray que la
necessité, qui est la loy du temps, peut quelquesfois
iustifier les plus dures impositions, & les taxes les
plus frequentes. Que les peuples doiuent contribuer

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aux pressantes necessitez de l’Estat, ce qui est de leur
puissance, comme nous voyons que les membres
contribuent de leurs facultez à la nourriture de tout
le corps : mais il faut que les Princes soignent tousjours
plus diligemment le simple peuple, & veillent
de temps en temps à son repos & à son soulagement.
Les influences des Astres passent bien à trauers les autres
Elemens, mais elles s’arrestent principalement à
la terre : Aussi est-ce à la partie populaire de l’Estat
que les Rois doiuent faire aboutir les effets de leur
bienveillance & leurs bons traittemens : D’où nous
lisons dans Cedrenus au premier de ses Annales, vn
Edict de l’Empereur Nicephore en faueur du menu
peuple, que les taxes extraordinaires se feroient sur
les plus nobles, à raison de ceux qui se trouueroient
dans l’estenduë de son Empire, ne pouuoir supporter
qu’à peine les tributs & les charges ordinaires : Et
d’effet, c’est vne consideration que doiuent auoir
tous les Princes, veu que les surcharges sont le plus
souuent les marques de leur dereglement, que comme
en vn corps malade les parties plus foibles ont
plus de ressentiment des accidens qui luy arriuent ;
aussi que le plus foible de tous les ordres ne peut iamais
souffrir sans esclat, & mesme sans preiudice de
l’authorité Royale, les effets principaux des desordres
d’vn Estat.

 

[illisible]

NOVS n’entendons que les particuliers puissent
estre contraints pour les debtes de la

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Communauté, ne que l’on puisse exercer aucunes
soliditez à l’encontre d’eux, sinon és cas des Ordonnances ;
& afin de faire connoistre à nos Subjets
par des effets presens, nostre passion pour leur
soulagement, nous leur auons remis des impositions
dont nous ioüissions, vne somme tres-notable
sur nostre reuenu par chacun an, tant sur la ferme
des entrées de nostre bonne Ville de Paris, Aydes,
cinq grosses Fermes, que Gabelles, à commencer
du iour de la publication des presentes, sçauoir
la suppression du petit Tarif estably par nostre
Edict de six cens quarente-six, reseruant l’ancien
barrage qui demeure pour quatre-vingts mille
liures, ce qui faisoit deux cens quatre-vingts dix
mille liures, à quoy montoit ledit petit Tarif mentionné
en l’Arrest de nostre Parlement du septiesme
Septembre 1647. ce faisant sera par les Tresoriers
de France, procedé à nouueau bail de ladite Ferme
de l’ancien barrage.

 

PLINE en son Histoire Naturelle, faisant reflexion
sur les remedes ineptes & superstitieux que
prattiquoient les Anciens dans les maladies contagieuses
& populaires, dit qu’ils auoient coustume
d’imprimer leur figure sur de la cire, laquelle ils attachoient
dés la pointe du iour à la porte du premier
de leurs voisins, & là dessus s’escrie, ô quanta vanitate
si falsum est, sed quanto scelere, si morbos transferant ad innocentiores.
Les violences & les contraintes qui s’exercent

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pour l’exaction des taxes & impositions, qu’Aristote
appelle en ses Politiques la maladie des peuples,
[illisible]. Sont des remedes dont les effets
pleins de cruauté & de barbarie, ne se font que trop
redouter, lors que des Receueurs inhumains despoüillans
la figure d’hommes, pour parler selon la
doctrine des Stoïques, qui tiennent que toutes les
actions cruelles sont autant d’animaux, transferent
sur les premiers qu’ils rencontrent, & font essuyer le
plus souuent à vn seul homme, tous les mal-heurs &
les miseres d’vne Communauté. C’est ce qui a fait
dire à Theodoric dans Cassiodore, voyant que ces
excés & voyes de fait, prenoient cours en son regne,
Fœdum est inter iura publica, priuatis odiis licentiam dare,
& alterum pro altero quod dictu nefas pignorare. Comme
à la verité, rien ne peut rendre les Princes odieux à
leurs peuples, que d’amasser des thresors ensanglantez,
& enrichir leur Espargne de biens qui distillent
leurs sueurs, leur sang & leurs larmes, Impium, dit Rupert,
stillans cruorem, lachrymasque patrimonium. L’Ordonnance
du Roy François I. verifiée en 1543. deffend
aux Receueurs, pour le payement des Tailles,
d’vser de contraintes solidaires, & emprisonner les
particuliers pour le commun de leurs Parroisses ; car
encore que les tributs soient les anciens propres des
Empires, & les biens patrimoniaux des Princes &
des Souuerains ; Tesmoins la response que Dieu fist
par la bouche de Samuël, à son peuple qui demandoit
vn Roy, Hoc erit ius regis qui imperaturus est, segetes
vestras & vinearum reditus addecimabit vosque eritis

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serui eius. Neantmoins nos Rois n’ont iamais authorisé
les rigueurs & les seueritez dont on se porte, à
exiger les subsides & les droits de leur Couronne,
iugeans bien que les impositions aigrissent assez les
esprits d’vn peuple, qui de sa nature est auare, & semble
n’estre sensible que pour satisfaire auec regret
aux obligations mesmes où sa naissance l’engage, &
ausquelles il demeure sousmis par sa condition : Ce
n’est pas que les Souuerains, qui donnent à leurs Sujets
le pouuoir & la faculté d’vser entr’eux des contraintes
& de la seuerité des Loix, en ce qui les concerne,
ne se trouuent encore mieux fondez à ioüir
pour leurs interests particuliers, des priuileges qu’ils
ont faits ; mais ils veulent que ce soit le dernier remede,
& comme l’anchre sacrée, qui ne se doit jetter
que quand tous, les autres moyens pour la conseruation
du vaisseau ont esté consommez ; c’est lors que
pour sauuer le reuenu de l’Empire, que la clemence
du Prince, & trop de facilité, feroit decheoir & diminuer.
L’on permet d’exercer les emprisonnemens
solidaires, & toutes les rigueurs establies en ces rencontres
par les Ordonnances ; ce qui se trouue mesme
fondé dans le Droict des Digestes, en la Loy I. §.
quod si nemo ff. quod cuius. vniuers où tous nos Docteurs
s’accordent en ce poinct, qu’on peut contraindre
les particuliers, en haine de la contumace
& de l’opiniastreté de tous les habitans d’vn lieu, qui
refuseroient de payer, auec cette distinction neantmoins
qu’ils ont perpetuellement faite, que cela n’a
lieu que pour les taxes & impositions anciennes &

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domaniales, introduites par le temps & l’vsage dedans
l’Empire ; estant certain que les nouuelles charges,
qui n’ont pour fondement que le luxe, où l’auarice
des Souuerains ne peuuent iamais souffrir d’executions
violentes : Encore moins dans ce rencontre,
qu’on puisse sacrifier des personnes priuées pour se
vanger d’vne Communauté, c’est ce que disoit le
Comique :

 


Me ne ob stultitias fieri piacularem oportet,
Vt meum tergum auaritiæ tuæ subdas succedaneum. Au contraire, il est permis à vn chacun de resister, &
l’on doit repousser la violence, c’est la doctrine de
Saint Augustin en son Liure sixiesme, question dixiesme,
& de saint Thomas en sa 2. q. 40. fondée sur
l’authorité & la puissance du glaiue, que Dieu n’a
point mis en la main des Roys pour ruiner leurs Estats
& destruire leurs subjets. Nos histoires estants remplies
d’exemples qui deuroient porter la terreur dans
l’esprit des Princes & des Ministres, & qui marquent
la protection d’vne main superieure qui prend la conduite
des peuples, & par de secrets mouuemens les deliure
de l’oppression. Ce fauory du Roy Theodebert
pour auoir esté l’autheur d’vne nouuelle imposition
& donné lieu à des surcharges & des taxes extraordinaires,
fut lapidé en la ville de Treues. Et l’on a veu
en France vn Theodoric à son aduenement à la Couronne,
pour les exactions violentes que les Maires du
Palais qui gouuernoient l’Estat faisoient sous son
nom, chassé hors le Royaume, & declaré par le peuple
indigne du sceptre François ; aussi le plus bel eloge

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à mon gré que iamais Demosthene ait donné aux
Ephores & Gouuerneurs d’Athenes, c’est quand il
leur disoit, qu’ils estoient vaillants à la guerre, mais
doux & moderez en leurs impositions. Ie finis toutes
ces considerations par vn lieu de Polydore au 26. de
son Histoire, lequel rapporte qu’Edouard IV. Roy
d’Angleterre ne donnoit autre nom aux taxes extraordinaires
qu’on leuoit sur le peuple, sinon de liberté
& de bien-veillance, chacun contribuant à son
gré. D’où conclud ce graue Historien que les surcharges
& nouueaux subsides, estants les presages d’vn
Estat languissant, on doit surseoir aux violences.

 

[illisible]

NOVS auons aussi esteint & supprimé le droit
de Maubouge, consistant en vingt sols sur
chacun muid de vin entrant en toutes les Villes &
Bourgs de nostre Royaume, & pour nostre bonne
Ville de Paris dix sols seulement creez par Declaration
du mois de Fevrier 1643. & compris dans
le bail des Aydes, & encore des vingt sols de subuention
creez par la Declaration du mois de Nouemb.
1644 reglé par Arrest du Conseil du 26. Ianuier
1641. d’autres vingt sols de sedan creez par Arrest
du Conseil du 13. Iuillet 1641. & compris en la Declaration
du mois de Septembre 1644. du sol pour
liure, tant desdits vingt sols de subuention & vingt
sols de sedan, que des dix sols du droit de Maubouge
pour l’entrée de Paris. Des six deniers pour

-- 95 --

liure, sur les trois sols restans du nouueau Tarif
à prendre sur le muid de vin, dont l’entrée est deschargée
par le moyen de la suppression dudit nouueau
Tarif, faisans tres-expresses inhibitions &
deffenses à nos Fermiers, leurs Commis & autres,
de leuer à l’aduenir lesdits droits & impositions à
peine de concussion ; & pour cét effet voulons qu’à
l’aduenir nos fermes soient baillées en nostre Conseil
au plus offrant & dernier encherisseur, & procedé
à l’adjudication, à la lumiere esteinte, apres
publications sur les lieux, encheres & remises, sans
aucuns deniers d’entrée ny d’aduances, & les Fermes
du barrage, & autres Domaniales faites par
les Thresoriers generaux de France en la maniere
accoustumée.

 

Toutes les histoires anciennes & modernes ont remarqué,
que les nations les plus souples ont tousiours
mesuré le droict des Imposts à leurs puissances & facultez,
& ont cru ne les deuoir souffrir, quand ils excedoient
les fruicts qu’ils recueilloient en toute l’année,
surquoy le plus veritable de nos Historiens François
auoit escrit que lors que Chilperic chargea premierement
le vin, le Ciel prit ouuertement la querelle
du peuple, & se declara de son party contre les autheurs
d’vn conseil si pernicieux, en sorte qu’il permit
que la vigne portast des raisins deux fois en vne
mesme année, & que les Conseillers & les Ministres
qui auoient trempé dans ce mauuais dessein, fussent

-- 96 --

affligez de maladies continuelles, & d’vne grande
mortalité. Il est vray que les anciens ont tousiours
estimé que les imposts & les taxes n’estoient que les
effets des maladies de ceux qui ne sçauent pas gouuerner.
Car comme au monde elementaire Platon
disoit que l’accord des diuerses parties dont il est
composé, & l’harmonie des qualitez contraires & ennemies
des quatre premiers corps est la santé du monde,
parce que de là dépend sa conseruation, & en effet
si Dieu n’auoit proportionné les qualitez des elements
en certains degrez pour les accorder les vns
aux autres, tout iroit en desordre & confusion ; aussi
au monde politique, c’est la prudence & le conseil de
ceux qui regissent, qui donne la santé, la force & la
vigueur aux Estats, c’est elle seule qui met la paix &
la concorde parmy les peuples & les range à leur deuoir,
empeschant qu’on n’entreprenne trop licentieusement
sur eux, comme au contraire l’imprudence
& le mauuais conseil en fait la maladie, lors
que par des surcharges elle vient rompre & diuiser ce
bel accord de tant d’humeurs & de passions differentes
d’vn peuple semblable aux elements, dont les quatre
qualitez bien temperées conseruent ce grand Vniuers
en son estre, & le doiuent destruire par leur desreglement ;
ainsi nous deuons apprehender pour nostre
Monarchie, où nous voyons que la froideur des
miserables ne peut plus resister à l’ardeur de la vangeance
des plus grands aduersaires. La vie coulante &
humide, comme parle saint Iean Chrysostome sur
saint Paul des pauures & indigents, [illisible],

-- 97 --

à la seiche & insatiable cupidité des plus
auares, & la legereté d’vn peuple affoibly & espuisé, à
la pesanteur d’vn Ministre si fort & si puissant, tout
cela ne presage que d’estranges reuolutions.

 

Hippocrate rapporte en l’vne de ses Epistres, qu’il
fust vn iour appellé par la Republique des Abderites,
pour la guerison de Democrite, & qu’ils luy manderent
qu’auec Democrite il trouueroit aussi LE
CONSEIL MALADE & tres-indisposé, [illisible].
Et quelle estoit l’indisposition de ce Conseil, sinon
qu’il n’auoit laissé à ces miserables, que l’ame & la
voix libre de continuelles charges & impositions ;
ceux qui ont escrit de l’estat de ce peuple, remarquent
que le vice & la corruption auoit tellement
gaigné parmy les Gouuerneurs & les principaux Officiers,
que le cours & la violence du mal, forçoit tous
les remedes qu’on y pouuoit opposer. Leurs mains,
lesquelles, selon le dire de Galien, sont la iuste regle
de tout le temperament du corps, qui se reconnoist
par le toucher, n’estoient pas bien innocentes, ils ne
manioient pas LES FINANCES auec la pureté &
netteté qui estoit necessaire ; les vns auoient les yeux
esbloüis de leurs interests particuliers, & offusquez
des fumées de l’ambition ; les autres estoient entierement
aueuglez de passion, ce qui leur desroboit le
vray visage des objets, & leur faisoit paroistre les
choses comme au trauers d’vne nuée toute autres
qu’elles n’estoient, semblables à ces Icteriques, ausquels
tout ce qu’on oppose paroist jaune, & à ceux
qui sont trauaillez de la suffusion du sang, sous la

-- 98 --

peau des yeux, lesquels ne se plaisent qu’à des objets
rouges & sanglants. Leur bouche qui prononçoit
des Edits si peu conformes aux Statuts & anciennes
Loix de leur Republique, n’estoit ny iuste ny droite,
leur langue estoit chargée & imbuë d’vne autre saveur
que de celle de la Iustice, tellement qu’vn corps
si mal affecté, auoit besoin d’vn Archiatre aussi excellent
qu’Hippocrate pour le remedier. Et dautant
que nostre CONSEIL D’ENHAVT, apres toutes les
conuulsions les plus violentes, se trouue aujourd’huy
dans la crise d’vne maladie aussi dangereuse que celle
du Conseil des Abderites ; il n’est que trop constant
qu’il a perdu l’esperance de nous pouuoir reduire,
voyant que la prudence d’vn Parlement sçait
mieux conseruer vn peuple, que la generosité & la
vaillance de leurs Chefs ne le sçait combattre. C’est
ce que l’Oracle fist vn iour entendre aux Grecs, lors
que pour leur monstrer combien les forces de l’esprit
estoient plus puissantes & plus à craindre que
celles du corps, il leur dit : ENFANS genereux de
la Grece, encore que vous soyez tous braues, &
resolus de vaincre, neantmoins vous assiegez vne
Ville depuis tant de temps, & n’y auez rien fait :
Achille n’y a rien aduancé poursuiuant les ennemis ;
c’est en vain qu’Aiax a lancé tous ses dards, ny Agamemnon
auec son Conseil, ny Nestor auec ses Harangues,
Chalcas auec ses Predictions, Vlisse auec ses
ruses, ny feront iamais rien ; vous y consommez le
temps inutilement, car vous manquez d’vn homme,
& qui est-il, vn homme dont l’ame se porte bien,

-- 99 --

[illisible], c’est en vn mot, que la Iustice n’est
pas de vostre party. La Iustice & la santé de l’esprit
ont vn rapport tres-conforme & conuenable ; car
s’il est vray que l’iniustice, au dire d’Iamblique, en
soit la maladie, [illisible], l’on peut bien
dire que la Iustice en est la guerison, puis que le
contraire se guerist par son contraire ; & cette pensée
n’est point de moy, elle est deuë à Proclus successeur
de Platon, qui a dit que la Iustice estoit la
guerison des maladies de l’ame, [illisible].
Ce qui establit vne paix bien ordonnée
dans nous, qui accorde les puissances corporelles &
intellectuelles l’vne à l’autre, qui appaise tous les
mouuemens desreglez, & fait aux troubles de l’ame
ce que la correction des humeurs superfluës & corrompuës
pour la restitution de la santé ; c’est elle
qui reprime les appetits de vengeances, reduit les
passions à vne esgalité bien reglée : I’entend cette
Iustice qui rectifie toutes nos actions, & entretient
nos puissances dedans les deuoirs. Enfin c’est elle
que Salomon, le premier de tous les Sages, & le plus
grand de tous les Rois, duquel les iugemens ont esté
admirez iusques aux extremitez de la terre, ayant
demandé à Dieu si ardemment & si instamment,
comme l’vne de ses plus pretieuses graces. Ioseph
Autheur Hebreu, qui a rapporté cette priere, dit
qu’il luy demanda cette Iustice sous le nom de la
santé de l’esprit, [illisible]. Voyons pour mettre
fin à tant de veritez importantes, si elle reside
ailleurs que dans les Parlemens, & si nos Rois n’ont

-- 100 --

pas reconnu qu’elle soustient seule leur Couronne,
& que la paix de leur Estat despend absolument de sa
conduite & de son gouuernement.

 

[illisible]


Accerse mihi harum rerum testes.

 

POVR faire connoistre à la Posterité l’estime
que nous faisons de nos Parlemens, & afin
que la Iustice soit administrée dans nostre Royaume
auec l’honneur & l’integrité requise, Nous
voulons qu’à l’aduenir les articles quatre vingts
vnze, quatre vingts douze, quatre vingts dix-huict,
& quatre vingts dix-neuf, de l’Ordonnance
de Blois de l’année cinq cens soixante &
dix-neuf, soient inuiolablement gardez & executez :
Ce faisant que toutes affaires qui gisent
en matiere contentieuse, dont les instances sont
de present, ou pourront estre cy-apres, indecises
& introduites en nostre Conseil, tant par euocation
qu’autrement, soient renuoyées & les renuoyons
à nostre Parlement, sans que nostre dit
Conseil prenne connoissance de telles & semblables
affaires, & ce suiuant les Edits & Ordonnances,
sans que les Arrests de nostredit Parlement
puissent estre cassez ny retractez, sinon par
les voyes de droict, qui sont Requestes ciuiles &
propositions d’erreur, & par les formes portées
par lesdites Ordonnances, ny l’execution desdits

-- 101 --

Arrests suspenduë ou retardée sur simple Requeste
presentée à nostredit Conseil. Et pour faire cesser
les plaintes à nous faites par nos Subjets, à l’occasion
des Commissions extraordinaires par nous
cy-deuant decernées, auons reuoqué & reuoquons
toutes lesdites Commissions extraordinaires ; Voulons
poursuite estre faite de toute matiere, pardeuant
les Iuges ausquels la connoissance appartient,
& ne pourront lesdits Maistres des Requestes,
instruire & iuger en leur Auditoire, autres
matieres que celle dont la connoissance leur
appartient par nos Edits & Ordonnances, ny iuger
en dernier ressort ny souuerainement aucun
procés, quelques lettres attributiues de iurisdiction
& renuoy qui leur puisse estre fait, le tout à peine
de nullité.

 

LES Anciens qui ont rapporté l’inuention de la
Medecine aux Dieux, pour attribuer l’Art de conseruer
les hommes à la mesme puissance qui les auoit
produits, ont dit qu’Apollon le Pere & l’Autheur
de cette science Celeste, auoit engendré deux Enfans,
Esculape pour la Medecine des particuliers, &
Platon pour celle des Estats & des Republiques, parce
que ce diuin Philosophe estoit grandement versé
dans la Politique, qu’il auoit apprise de Socrate
ce grand Maistre de l’ancienne sagesse, luy duquel
on disoit, qu’ayant trouué la Philosophie voyageant
par les Cieux & par les Elemens, il l’auoit attiré

-- 102 --

le premier dans les Villes pour la faire conuerser
auec les hommes ; tellement que par ses beaux
preceptes, dont la fin estoit de bien gouuerner, corrigeant
toutes les vicieuses habitudes & mauuaises
inclinations des Princes & des Grands, leurs passions
& affections desreglées. Il faisoit que les Estats
recouuroient leur premiere force, & leur vigueur
toute entiere ; c’est pour quoy les Atheniens ont obserué,
que Platon estoit né le mesme iour qu’on celebroit
parmy eux la Feste de la naissance d’Apollon,
& pretendoient ne faire point d’iniure à cette
Diuinité, de ioindre la naissance du plus grand Politique,
auec celle du Pere de la Medecine, parce que
tous les beaux discours de sa Philosophie ne tendoient
qu’à conseruer & maintenir les Royaumes,
les Prouinces & les Citez. Aussi ayant remarqué dés
l’entrée que le Parlement est né auec la Monarchie,
ie ne crois point faire iniure à la Pourpre de nos
Rois, d’associer auec eux vn corps qu’on ne peut separer
sans la ternir & la destruire, & qui ne reconnoist
autre cause de son institution, que de se ioindre
auec les Rois, & conspirer ensemble pour le salut
du peuple, & pour sa conseruation ; c’est ce qui a
fait qu’il a opposé auec tant de succés, la prudence
& le conseil, aux armes & à la violence ; que ses victoires
sont tousiours innocentes, & ses triomphes
iamais sanglants. Ce grand Capitaine Romain, qui
fut appellé à la charge de Dictateur pour appaiser
quelques mouuemens qui s’estoient esleuez dedans
la Republique, ne demanda pas aux Dieux de vaincre

-- 103 --

en combattant, mais seulement l’honneur de
concilier l’vnion & la concorde entre les Citoyens,
& qu’il pourroit trouuer ailleurs vn champ plus honorable
pour la gloire des armes. Le Parlement n’a
iamais eu autre souhait, que de pouuoir reünir les
esprits des Princes auec leur peuple, reioindre leurs
affections diuisées, & ne seruir entr’eux que d’instrument
de paix & de concorde.

 

 


Hic quoque seruati contingit gloria ciuis
Altaque victrices, intexent limina palmæ. Mais on a rejetté leurs soumissions, mesprisé leurs
vœux & leurs obeïssances, & les Princes se sont liez
d’interest, à proteger vn faux Ministre contre les veritables
& plus fideles seruiteurs de nos Rois. Que
diront les Histoires d’auoir veu la plus grande Princesse
deschirer ses entrailles pour conseruer vn object
d’execration & d’anatheme, & bien qu’il soit
odieux à tous les peuples, vouloir que la fumée de
leur sang le puisse seule desrober à leurs yeux. Car
pour ce qui est du Mars de nos armées, qui s’en est
declaré partisan, on luy dira ce que Dieu fist à ce
fameux fratricide, puis qu’il ne poursuit pas, moins
viuement son frere, ecquid fecisti, c’estoit à dire selon
l’interpretation de Philon Iuif, nihil fecisti. Les
autres ont creu qu’estans saisis de la personne du
Roy, ils pouuoient donner quelque voile à la temerité
de leur faction ; mais ils ont enfin reconnu,
qu’il y auoit plus d’aduantage de retourner sur leurs
pas, & executer entierement les dernieres Declarations.
C’estoit vne course que l’on faisoit dans les

-- 104 --

ieux publics de la Grece, lors qu’on auoit atteint le
bout de la carriere, de retourner tout court & rebrousser
chemin, & ceux qui s’exerçoient ainsi s’appelloient
[illisible], parce que reflectebant eandem
viam, dit Pausanias. Et quoy que Philon nous
asseure, que ceux qui en vsent de la sorte sont semblables
à la Lune, laquelle il represente retournant
par la mesme voye apres auoir esté plaine ; neantmoins
il est tousiours honorable par quelque chemin
que ce soit de se rendre à la IVSTICE : Lebon
sang qui s’eschauffe se remet aussi-tost en son temperament,
& quand on reconnoist le mal qu’on a
commis, c’est la condition plus approchante de la
probité de ceux qui ne le commettent point. Il ne
faut pas estre bien versé dans la science Ciuile & Politique,
pour dire qu’on n’a iamais tiré de beaux
triomphes de ses propres ruines, & que les puissances
qui s’emportent sont semblables à ces tours superbes
de ces grands Palais démolis, qui se brisent
sur les testes de ceux mesmes qu’elles escrasent, &
dont on ne marque le poids, que par l’ouuerture
d’vn gouffre où elles se vont enseuelir. Quel dessein
& quelle entreprise plus cruelle, que d’amasser des
gents de tous les endroits du monde, & des païs les
plus estranges, & vouloir porter comme en vn
champ de bataille, la capitale du Royaume, le Domicile
de nos Rois, le Thrône de la Iustice de l’Estat,
& le Temple commun de tous les Peuples, pour
estre deschirée & mise en pieces par toutes les Nations
de la terre. Semble il pas que les Monarchies,

-- 105 --

lors qu’elles sont montées à vn certain degré de perfection,
tirent insensiblement de leur matiere, ie ne
sçay quelle inclination secrette à empirer ; comme
nous voyons aussi que la nature ne peut demeurer en
mesme estat, & se trouuant oysiue agist contre elle
mesme, & tasche à se destruire. Les peuples sans
doute ont grand sujet de renouueller en ces rencontres,
la priere que les Tenediens faisoient à Iupiter
dans Pindare, de leur conseruer le cœur inuulnerable
parlans de leurs Magistrats, [illisible],
c’est à dire qu’ils fussent impenetrables aux
traits de toutes les passions, & particulierement de
la haine & de la vengeance, qui ont causé la ruine
des plus fleurissantes Republiques. Car comme l’œil
de l’homme ne void pas bien ce qui est trop esloigné
de luy, & qu’il a besoin d’vne distance proportionnée
pour exercer sa fonction, aussi les Gouuerneurs
& les Ministres, ausquels tout vn peuple est
commis, ne voyent iamais clairement en ses interests
lors qu’il est trop esloigné de leur affection ;
& s’il ne se conserue ce cœur pur & inaccessible à
tant de noires vapeurs, dont on s’efforce de l’estouffer,
il faut que tout l’Estat perisse lors que ce principe
de la vie ciuile, i’entend les Magistrats & la Iustice,
se trouue blessé & offensé.

 

Nous voyons qu’entre les armes des Soldats Romains,
Polybe recommande particulierement vn
certain bouclier qu’ils tenoient sur l’estomac, &
l’appelloient la garde du cœur, [illisible]. Mais
les François doiuent plus estimer les fermes & constantes

-- 106 --

resolutions dont leurs Magistrats sont armez,
& repoussent tous ceux qui s’opposent à leurs
vertueuses entreprises : C’est à present que le peuple
doit esprouuer qu’il a vn cœur inuulnerable &
inuincible, qui ne sçauroit fleschir sous aucune consideration
de grandeur ny de puissance, & qui se
monstre plus vigoureux, & redouble son courage
lors qu’il est plus fortement attaqué. Ainsi le Soleil
augmente sa chaleur quand il est paruenu au signe
du Lion ; & comme les miroüers d’Archimede, lors
qu’ils estoient directement opposez à ses rayons
produisoient vn feu plus ardent, dont il brusla les
vaisseaux des ennemis qui tenoient sa Ville assiegée.
Aussi à l’esclat des rayons des plus grands & redoutables
Princes du Royaume, il a rassemblé toutes
ses forces, s’est encore enflammé d’vne plus grande
ardeur pour le bien public, & s’est opposé aux
efforts les plus violens, pour monstrer que les Platoniciens
ont erré, qui vouloient que toutes les vertus
eussent le nom & la figure de femme, & que la
Iustice (comme disoit Eustathe au premier de l’Iliade)
doit auoir vn visage d’homme, [illisible]
parce qu’il n’appartient qu’aux hommes de gouuerner
vn Estat auec Iustice, & qu’elle ne peut compâtir
auec les passions desreglées des femmes : C’est
pour cela que Iesus fils de Syrach, que l’on peut iustement
nommer, le second Sage de l’Escriture
Sainte, disoit, ou il faut despoüiller le tiltre de Magistrat,
ou se disposer à faire teste à l’iniustice & à
l’iniquité, & non seulement luy resister, mais luy

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faire effort & la vaincre. Enfin c’est par ces sentimens
de generosité que se doit verifier dans les Estats, le
dire du Prophete,

 

ET ERIT PAX OPVS IVSTITIÆ.

Fin de la Troisiesme Partie.

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I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.