I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.
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IMPORTANTES
VERITEZ
POVR LES PARLEMENS.

CONSERVATEVRS DES LOIX.

PREMIERE PARTIE.

EXTRAICT DES REGISTRES
de Parlement.

VEV par la Cour les grand’Chambre,
Tournelle & de l’Edit assemblées, les
Lettres Patentes du Roy du troisiesme
Octobre 1643. par lesquelles ledit Seigneur
auroit commis les sieurs de Montescot &
le Nain Maistres des Requestes ordinaires de son
Hostel, pour proceder extraordinairement contre

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le sieur de Beaufort & ses Complices ; sur le fait
de la conspiration & attentat à la personne de son
tres-cher & tres-amé Cousin le Cardinal Mazarin,
circonstances & dependances : Interrogatoires
& auditions par eux faits des nommez François
Dupont sieur Dauencourt, Florimond, de Monsures
sieur de Brassy, Toussaint Rouault, Nicolas
Thibouuille, Iean Greuet, Claude Maupassant,
Thomas Varin, Pierre Gaillart, Claude
Regnauldot, Iean Vautier, François Dandelle
sieur de Gausseuille, & René Chenu sieur de Saint
Philbert, les 13. 14. 16. 17. 19. 20. 22. dudit mois
d’Octobre 1643. 25. 26. 29. Ianvier, 19. 20. &
23. Fevrier 1644. Information faite par ledit
Commissaire les quatre & six Nouembre audit
an 1643. Autres interrogatoires faits par ledit
le Nain, en vertu de la Commission du 20. Mars
audit an 1644. aux nommez Ioannet, la Ralde,
Bertrand de Combaut, & Henry le Musnier, les
30. Avril, 1. & 12. May ensuyuant ; & par ledit
de Montescot à iceux Musnier, la Radde & Combault,
comme aussi aux nommez Pierre Vigier &
Pierre Durand, les 8. 12. 14. 16. 25. 26. & 27.
Nouembre audit an 1644. Confrontation faites
par lesdits Commissaires ausdits Dupont & de
Monsures, du 27. dudit mois d’Octobre 1643.
Autres confrontations faites audit de Gausseuille

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le 28. dudit mois de Fevrier 1644. & ausdits
Musnier, Viger, la Ralde & de Combault, les 22.
23. 26. & 27. dudit mois de Nouembre suiuant.
Autre Arrest de ladite Cour du 30. Aoust 1645.
par lequel Commission d’icelle auroit esté octroyée
audit Procureur General pour faire informer des
faits mentionnez esdites Lettres, circonstances &
dependances, & à cette fin obtenir monition en forme
de droit ; ordonné que les tesmoins ouys esdites
informations seroient repetez sur leurs depositions :
comme aussi iceux Dandelle, Dupont, de Monsure,
Roüault, Thibouuille, Chenu, la Ralde, de Combault,
Musnier, Viger, Greuet, Maupassant,
Gaillard, Thomasse, Varin, Regnauldot, Vaultier
& Durant, repetez sur leurs interrogatoires
pardeuant Messieurs Iean Scarron & Michel
Ferrand Conseillers Rapporteurs, pour le tout veu
communiqué audit Procureur General faire droit,
ainsi qu’il appartiendroit. Procez verbaux de repetition
faite par lesdits Commissaires en execution
dudit Arrest d’iceux Dandelle, Dupont, de
Monsures, Rouhaut, Thibouuille, la Ralde, de
Combaut, Musnier, Viger, Greuet, Maupassant,
Gaillard, Thomasse, Varin, Regnauldot, Vaultier
& Durand lors prisonniers au Chasteau de
la Bastille, sur tous leurs interrogatoires, les 18. 19.
22. 23. & 25. Septembre audit an 1645. Autre

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procés verbal de repetition par eux faite les 17.
dudit mois, & 6. Octobre suiuant, de Simeon Lauenet,
Anthoine Fricquet, Anthoine Maruc, dit
Largentier, & de Gaspard du Quesnoy, tesmoins
ouys en l’information desdits 4. & 6. Nouembre
1643. sur leurs depositions information faite par
lesdits Commissaires en execution dudit Arrest,
le 28. dudit mois Septembre. Autre procés verbal
desdits Commissaires du 11. Decembre audit
an 1645. contenant l’audition dudit Combault
sur sa requisition & missiue par luy representée,
parafféene varietur. Procés verbaux d’eslargissement
desdits de Combault, Brassy, Ganseuille,
A autres cy-dessus nommez. Requeste presentée
à la Cour par ledit sieur de Vendosine Duc de
Beaufort, le 14. du present mois, à ce que pour les
causes y contenuës, il fut, entant que besoin seroit,
receu appellant, tant comme de Iuge incompetant
qu’autrement, de toutes les procedures faites par
lesdits Maistres des Requestes : Comme aussi de la
procedure faite en execution de l’Arrest dudit 30.
Aoust, & mesmes opposant à l’execution d’iceluy
& faisant droit, tant sur lesdites appellations
qu’oppositions, casser les procedures faites par lesdits
Maistres des Requestes, & infirmant celle
faite en execution dudit Arrest, renuoyer ledit
Suppliant absous de l’accusation contre luy intentée,

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sans preiudice de ses droits & actions à l’encontre
dudit Cardinal Mazarin & autres, aux
fins de reparation, despens, dommages & interests.
Conclusions du Procureur General du Roy, Tout
consideré dit a esté, Que la Cour a enuoyé ledit de
Vendosme Duc de Beaufort, absous de l’accusation
contre luy intentée. Sauf à se pouruoir afin de
reparation, despens, dommages & interests, contre
qui & ainsi qu’il verra estre à faire deffenses
au contraire. Fait en Parlement le quinziesme
Ianvier mil six cens quarente-neuf.

 

Signé, GVYET.

APRES le glorieux tesmoignage que vient
de rendre le premier Parlement de France,
à la vertu & au merite de Monsieur le
Duc de Beaufort ; ie puis bien à l’imitation
d’Homere, qui a meslé le langage des hommes
auec les Oracles des Dieux, orner de quelques fleurs
de paroles, & faire reluire à la posterité par des considerations
toutes publiques, l’innocence & la iustification
d’vn Prince, qui nous fait gouster chaque
iour les fruits delicieux des seruices importans qu’il
rend à nostre Estat en tant d’occasions memorables,
ou plustost desployer en sa faueur tous les Eloges
d’honneur & de loüanges, puis qu’il ne s’espargne
point à produire tant d’actions loüables, & qu’il signale

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tous les iours de sa vie, d’autant d’actes fameux
& dignes de memoire.

 

Encore qu’il semble que la vertu toute pleine
d’elle-mesme, remplie de ses propres biens, & riche
de ses ornemens particuliers, n’ait point besoin de
gloire exterieure pour se recommander, qu’elle soit
son plus ample theatre, son triomphe, sa victoire
& son prix tres-digne, & qu’elle n’ait point de plus
belle Couronne que celle qui est tissuë de ses branches,
& esmaillée de ses propres fleurs ; neantmoins
il faut aduoüer que c’est vn beau lustre aux actions
vertueuses, que la splendeur & la celebrité publique :
Car comme les couleurs qui sont les plus rares ornemens
de la nature, si viues & esclattantes qu’elles
soient, demeureroient neantmoins comme esteintes,
& ne donneroient aucun plaisir aux yeux, si la
lumiere, ce present admirable de la Diuinité, ne nous
en descouuroit les perfections & singularitez : Ainsi
les plus beaux exploits, les plus hautes & heroïques
actions, demeureroient enseuelies dans les tenebres,
si elles n’estoient esclairées de la lumiere publique, &
particulierement de celle qui reluit dans le Temple
auguste de la Majesté sacrée de nos Rois, ce grand
Senat de la France qui est le plus bel ornement de
l’Vniuers. C’est là où l’on donne le poids à la vertu &
au merite, non point ce poids profane & vulgaire,
mais celuy du Sanctuaire auquel Dieu vouloit qu’on
mesurast le s choses qui luy estoient offertes en sacrifice.
C’est dans ce lieu proprement, que la verité &
l’innocence a le thrône de sa gloire ; les labeurs honorables,

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& les sueurs pretieuses des hommes vertueux
y reçoiuent leurs Couronnes. Mais comme
la rosée que l’on void sur les fleurs, n’est de soy qu’vne
goutte d’eau vile & mesprisable, si le Soleil jettant
ses rayons ne luy fait prendre l’esclat des perles
& des plus riches pierreries : Ainsi l’innocence & sans lustre,
si cét Astre brillant de nostre Monarchie n’y jette
ses rayons, & qu’elle ne soit esclairée, ou pour mieux
dire, animée de la splendeur d’vne reception & approbation
publique.

 

C’est sous ces heureux auspices que i’entreprend
en cette seconde Partie de consacrer à tous les siecles,
la deffense d’vn ieune Prince qu’vn PERNICIEVX
CONSEIL a voulu perdre en naissant, le soustraire à
la France, & luy susciter de faux accusateurs pour le
tenir caché dans l’ombre & dans l’obscurité, l’enseuelir
tout viuant en la premiere saison de sa vie, & luy
donner des Commissaires interessez & partisans de sa
ruine pour le sacrifier, comme si la fortune enuieuse
de sa grandeur eust pris ses aduantages, & l’eust
voulu attaquer en vn temps que sa vertu ne pouuoit
faire aucune resistence, à l’empire absolu du Cardinal
qui regnoit trop insolemment.

Ceux qui ont desploré la naissance & la condition
miserable de l’homme, ont dit qu’ayant violé
son estat d’innocence, il auoit fait de la vie la porte
de la mort ; c’est pourquoy la premiere ouuerture
qu’il fait de la bouche & des yeux, c’est pour donner
yssuë & aux cris & aux larmes. Et quant aux Anciens

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qui n’ont pas esté esclairez de la lumiere de la Religion,
n’ayans marché que dans la sombre clairté de
la nature, ils se sont indignez contre elle sur ce sujet.
Pline entr’autres en sa Preface du Liure septiesme ;
N’est-il pas estrange, disoit-il, que l’homme commence
sa vie par les supplices, sans auoir commis autre
crime sinon qu’il est né. Iacet pedibus manibusque
deuinctis flens animal cæteris imperaturum, & in ipso lucis
rudimento torquetur, hanc solum ob culpam, quòd natum est.
Le Cardinal a esté assez ingenieux, & a eu assez d’artifice
& d’adresse, mais assez de malice pour encherir
sur toutes les peines & les supplices ausquels l’homme
est exposé en naissant, & inuenter vn nouueau
genre de misere, qui est de conspirer contre la liberté
que Dieu luy adonné dans sa naissance, & luy faire
traisner pendant cinq ou six ans vne vie miserable &
languissante.

 

Quand le Promethée des Poëtes a destrempé dedans
ses larmes la terre & le limon, duquel on dit
qu’il vouloit former l’homme, pleurant en sa naissance
les miseres qui le suiuent iusques à la mort ; il
n’a point pensé à vn accident si funeste & lamentable,
que de tomber entre les mains d’vn Ministre
cruel & barbare, alteré d’vn desir execrable d’estouffer
tous ceux qui pourroient s’opposer à ses efforts, luy
disputer la puissance & l’authorité. Et au lieu que les
Anciens auoient accoustumé, si tost qu’vn Prince
estoit né, de l’estendre par terre, Vt terræ contactu laboris
& duræ conditionis primordia libarent, comme dit Censorinus
de die natali, mais ils le reueloient aussi-tost.

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Tellure cadentem
Excepi fouique sinu. Y ayant vne Deesse destinée à cét office, qu’ils appelloient
pour cela Leuana : mais celuy-cy a voulu escraser
ce ieune Prince contre la terre, au lieu de le releuer
l’enfoncer encore plus auant dedans les tenebres,
dedans l’obscurité, pour en faire perdre, s’il eust
esté possible, à iamais la memoire, l’arracher de la
face de la terre, en sorte qu’il n’en fut iamais parlé.

 

 


Et primo in limine vitæ
Principis heu miseri nascentia rumpere fata. Voila le Tiltre & l’Eloge de l’accusation capitale :
contre ce lasche vsurpateur de l’authorité Royale,
Titulus criminis : Et comme on dit en Droict, actio inscripti
maleficij. C’est le sujet graue & important de ce
second Discours, dans lequel ie ne m’arresteray point
à releuer par des considerations particulieres, le merite
d’vn Prince dont les Peuples aujourd’huy consacrent
la vertu : Comme les statuës de ces grands Heros
esleuées à la veuë d’vn chacun, n’auoient point
besoin d’inscription pour estre reconnuës : Mais tout
mon dessein est de faire voir, quoy que dans la bassesse
d’vn langage peu conuenable à la dignité des
matieres que ie traitte, que.

 

Si on reçoit en France les accusations secretes, les
delations mystiques & cachée ; si l’on permet les emprisonnemens
sans formes, & que l’on arrache le glaiue
des mains des Cours Souueraines, pour le confier à
des Commissaires & des Iuges deleguez, qui n’ont ny
tiltre ny caractere ; c’est establir dans l’Estat politique,

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vne inquisition aussi pernicieuse que celle que
l’on a introduit dans l’Ecclesiastique. Et pour disposer
toutes mes raisons à l’exemple de ces bataillons
d’Homere, qui ont tousiours en teste ce qu’il y a de
plus fort, ie les reduits à monstrer.

 

Qu’il y a bien vne espece de Iustice, laquelle nous
estant donnée d’enhaut, peut estre exercée icy bas
par tous les hommes ; mais que la puissance du glaiue
accordée priuatiuement aux Princes & aux Monarques,
& deposée par vn ordre inuiolable de tous les
Estats, entre les mains des Compagnies Souueraines,
ne peut estre communiquée par les Rois à des Iuges
bottez, Que pour faire des meurtres & des assassinats.

Quant à la premiere proposition, les Poëtes ont
feint que la Iustice estoit fille de Iupiter & d’vne
Deesse, pour nous faire entendre par leurs fictions
fabuleuses, que ce n’est pas vne chose humaine, qui
se trouue en la nature de l’homme, introduite par
l’ordonnance des peuples : Elle prend son origine du
Ciel, & est grauée dans nos cœurs de la propre main
de Dieu ; les opinions & les iugemens dont nous nous
seruons, estans vne autre espece de Iustice aussi, ils sont
non seulement differens, mais souuent contraires ;
parce que les loix des hommes, les mœurs & les coustumes,
varient selon la diuersité des païs.

 


Sic alias aliud terras sibi vindicat astrum,
Idcirco varias in leges atque figuras
Dispositum est genus humanum. Ces loix diuerses selon la diuersité des peuples, ne
sont point la vraye Iustice, elle est d’enhaut, c’est du

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Ciel & de l’inspiration de Dieu qu’elle procede. Aussi
Proclus disoit, qu’elle auoit son thrône & son siege
au milieu du Soleil. Et les anciens Commentaires
d’Aratus la faisoient fille du pere des Estoiles, luy assignant
sa place sur la porte du Ciel ; & bien qu’il
semble qu’elle reside en terre en la personne des Rois,
& que par leurs Magistrats & Officiers, comme par
des canaux sacrez, elle s’espande par tous leurs Estats,
neantmoins son origine est toute celeste, & ce beau
rayon de Iustice, comme ceux du Soleil, encore qu’il
touche la terre, demeure tousiours au lieu d’où il est
enuoyé. C’est pourquoy les Lyciens representoient
& figuroient la Iustice par vne fille assise sur vne
pierre carrée, & qui auoit la teste dans le Ciel. Mais
laissons-la ces profanes pour escouter la Sapience
Diuine, qui dit elle-mesme par la bouche de l’Autheur
de ce Liure sacré, auquel elle a donné son nom,
que c’est elle qui a produit la Iustice ; Ie suis, dit-elle,
la viue source de l’equité, la rectitude est mon propre
ouurage, & ie me plais d’estre appellée principalement
du nom de Iustice, comme du plus necessaire
& du plus noble organe dont ie me sers en l’administration
du monde. La Iustice a esté le principal
instrument qui a formé cette admirable machine,
car apres la creation de la premiere matiere, rude &
confuse, toutes choses estans errantes & desordonnées,
les Elemens informes dedans ce vaste abysme,
la terre pleine d’obscurité, tout estant remply de desordre,
de trouble & de confusion ; Dieu par l’egalité
de sa Iustice, ordonna toutes choses conformément

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à leur naturel, distingua la lumiere des tenebres, assembla
tous les Elemens par des proportions de similitude
& d’harmonie, faisant compatir ensemble
tant de qualitez diuerses & contraires ; de sorte que
quand il a plu à Dieu sortir de son Eternel sejour, &
de ce repos incomprehensible à nos sens, pour faire
paroistre sa puissance infinie en la creation de l’Vniuers,
nous voyons que cette Iustice a esté l’instrument
precieux dont il s’est seruy pour la construction
du monde ; c’est le beau discours que fait la
Sagesse à cét Ouurier Eternel, descriuant elle mesme
l’Histoire de ses ouurages, lors qu’elle luy dit, Qu’il
tenoit la balance en main, quand il crea le Ciel & la
Terre. Il pesa, dit-elle, les Elemens, il pesa la Terre,
la balançant auec ses trois doigts sacrez, sa Puissance,
sa Iustice & sa Prouidence ; Ce qui a sans doute fait
dire à Platon, lequel Clement Alexandrin nous asseure
auoir puisé les plus beaux secrets de sa Philosophie,
des Hebreux & des Liures Saints ; que Dieu
auoit estably toutes choses en leur estre, par certains
nombres & proportions harmoniques, luy ayant
fait prattiquer en la Creation du monde, l’Arithmetique
& la Geometrie ; & puis expliquant cela, il adjouste,
que Dieu assis & colloqué en la nature sur de
saints fondemens, a parfait toutes choses selon le
droit & la iustice : tellement que les Oeuures de Dieu
en la Creation du monde, n’ont esté qu’vne Iustice
continuelle qu’il a exercée ; & comme elle est le
vray principe du monde elementaire, aussi le monde
ciuil & politique, qui consiste en l’establissement

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& gouuernement des Citez, Prouinces, Republiques
& Monarchies, n’a esté formé que par la Iustice, &
ne se regit & gouuerne que par elle ; car apres la structure
& composition admirable de l’homme, qui est
l’image de ce grand monde, le recueil & l’abbregé
de tout l’Vniuers ; elle s’est encore fait paroistre comme
la principale ouuriere en cette symmetrie si iuste
& si exacte de toutes les parties du corps, & de tous
ces membres diuers, mais si bien proportionnez
qu’ils s’entr’aydent mutuellement, & conspirent ensemble
en vn si bel accord & vne proportion si conuenable,
tant des parties entr’elles, que de chacune à
leur tout, qu’Hippocrate a dit, qu’il n’y auoit point
de Iustice pareille à celle de la nature [illisible], &
c’est celle-la que i’entend que tous les hommes peuuent
exercer entr’eux, & à laquelle ils doiuent composer
toutes leurs actions, se rendans des assistances
mutuelles, & des seruices reciproques. Mais nous distinguons
vne autre Iustice, à qui Dieu a donné la
conduite & direction des peuples ; c’est elle qui esleue
les Royaumes à leur plus haut degré d’honneur, qui
les rend glorieux & triomphans, & sousmet à leur
Empire les nations de la terre : Ce qui a fait dire à
vn graue Autheur de l’Antiquité, que les Romains
auoient plus conquis de Prouinces par le bras de leur
Iustice, que par la terreur de leurs armes ; C’est cette
Iustice qui fait regner les Rois, qui affermit leurs
Sceptres & leurs Couronnes, maintient les peuples
en leur obeïssance ; c’est la Patrone tutelaire de nostre
Ville, l’heureux Genie de nostre Estat ; sans elle

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le Royaume ne seroit que brigandage, les Prouinces
que forests, les maisons que cauernes ; elle guarentist
les peuples de l’outrage, de l’oppression & de la tyrannie,
& comme le monde ne pourroit pas subsister,
si le Soleil, qui est quasi la seule cause de toutes
les productions naturelles, ne tournoit à l’entour
pour espandre par tout la splendeur de sa viue lumiere ;
Aussi si ce bel astre des polices humaines,
Lux immensi publica mundi. ne roulloit continuellement dedans ce Zodiaque
anime de la societé ciuile, viuifiant toutes choses par
sa diuine chaleur, nous ne pourrions pas viure. Et
quand vne autre main que celle du Parlement en a
pris la conduite, nous auons veu tout le Royaume
en feu, & les Villes reduites en cendres.

 

 


Neque enim igni fero quisquam consistere, in axe
Te valet excepto. C’est vous qui estes seul depositaire de ce feu sacré,
Gardien fidele du repos commun, & de la tranquillité
publique. Vous, dis-je, le plus illustre corps de
nostre Empire, estably par les Loix de la Monarchie
pour temperer la puissance & l’authorité Souueraine
des Rois, puissance inseparable de la Iustice, car c’est
la Iustice mesme, laquelle par consequent est vne &
indiuisible, & ne se peut produire au dehors que par
les organes qui luy sont propres & naturels : I’entend
le Parlement & les Compagnies Souueraines, en sorte
que les Commissaires & les Iuges deleguez, soient
plustost les instrumens de la vengeance & de la cholere,
les organes de l’iniquité, que les dispensateurs

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d’vne puissance legitime, laquelle les Loix de l’Estat
ne leur permettent pas d’exercer : car s’il est vray que
la punition des crimes est le principal fondement
des polices humaines, l’entretien salutaire de la societé
des hommes, & qu’on ne punit mesme dans
l’Estat, que les actions qui tendent à le destruire, &
entant que la Republique seule en est offensée ; parce
que le glaiue, disoit vn Ancien, n’a pas esté donné
aux Magistrats pour vanger la querelle des Dieux,
mais pour procurer la paix entre les Citoyens ; & de
verité quand nous punissons vn crime, bien souuent
il ne l’est plus deuant Dieu, nos peines & nos supplices
ne vont qu’à l’exemple, & la condemnation fait
seule le criminel parmy les hommes, & deuant Dieu
c’est l’action : ce que l’on peut remarquer en passant
pour dire, que si les iugemens des hommes dans l’establissement
des Estats, font les coupables & les innocens ;
si les supplices & les condemnations, les recompenses
& les absolutions, ne partent que de leurs
bouches ; combien nous est-il important de ne pas
commettre la vie, l’honneur & les biens des Princes
& des grands du Royaume, non pas mesme des moindres
Subjets, à la passion d’vn luge qu’vn ennemy
aura pratiqué, & qu’vne Commission extraordinaire
ne rendra tousiours que trop odieux & suspect,
puis qu’il n’y en a pas vn qui ait pû dire iusqu’icy
auec Seneque, Procedam in tribunali non infestus, sed
vultu legis, Loy qui est sans passion & sans affection,
[illisible], dit Aristote ; mais plustost comme nous
lisons dans Tertullien, de ceux dont la haine & l’animosité

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formoient les iugemens, Cæcitate odij in suffragium
impingunt. Ce n’est pas que ie veüille pretendre
qu’on ne puisse agir & poursuiure criminellement,
que dans les Cours Souueraines, ou deuant les
Iuges ordinaires. Ie sçay que les Commissions &
les Delegations sont aussi anciennes que les Iurisdictions,
mais nous y apportons ce temperament
qu’elles ne peuuent estre considerées, & qu’on les
doit rejetter comme pernicieuses & tyranniques, si
elles ne sont emanées des Parlemens. Nous remarquons
dans Tite Liue en la troisiesme de ses Decades,
que Licinius ayant esté fait Preteur, eust Commission
du Senat pour connoistre de l’accusation de
Popilius : Et le mesme Autheur rapporte, que deux
Senateurs furent deleguez pour faire le procés à ceux
qui auoient esté preuenus de l’impieté des Pacchanales,
entre lesquels ils renuoyerent au Senat le President
de la Prouince qui s’y trouua engagé. Tacite au
sixiesme de ses Annales dit, que Neron fut subrogé
de l’Ordonnance du mesme Senat, au lieu de Minutius
Preteur Peregrin, pour faire le procés aux empoisonneurs
dedans la Ville de Rome & aux enuirons,
& que Terentius constitué en pareille charge
& dignité que Neron, fut commis pour proceder
extraordinairement contre Scipion accusé de peculat.
Ces Iuges choisis de la main des Sages, lecti iudices,
bien differens de ceux que les Tyrans enuoyoient
auec pleine puissance, estoient autant de rayons de
ces Soleils animez, & leurs iugemens portoient cette
necessité de ne tomber iamais en tenebres, les Commissions

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du Senat faisoient partie de son authorité ;
Ce qui a fait dire à vn ancien Iurisconsulte, qu’il est
des Iuges deleguez, c’est vne comparaison assez propre,
comme des pieces d’vn crystal & d’vn miroüer
diuisé, chaque petit esclat resserre en soy la mesme
espece, la mesme image & impression que le corps
entier de la glace ; Les Commissaires comme tous les
Magistrats, representent la personne du Prince, ce
sont des miroüers de la Majesté Royale ; mais auec
cette difference que les vns rendent tousiours fidellement
sa veritable espece, & les autres l’alterent &
la corrompent. Glaces perfides & menteuses, qui ne
representent point la naiueté de son visage, & ne descouurent
à nos yeux que sa cholere, sa vengeance &
sa fureur. La France qui a seule entre tous les Estats
le priuilege d’estre miserable, car c’est ainsi qu’Eumenius
en parle à l’Empereur Constantin, Sola Gallia habet
priuilegium miseriarum, alibi cœpit illud priuilegium,
alibi destitit, in sola Gallia stetit, s’est veuë de temps en
temps le theatre des plus sanglantes tragedies, & n’a
pas encore beu le sang que les derniers Commissaires
establis par le feu Cardinal, ont si largement respandu :
L’on me permettra bien d’interrompre icy
son repos, puis qu’il a si bonne part dans nostre Histoire,
comme ayant esté Chef principal de cette
troupe sacrilege, laquelle violoit impunément sous
son authorité les Ordonnances les plus saintes, & les
Loix capitales de nostre Royaume, de n’admettre à
la poursuite des crimes que Monsieur le Procureur
General ou ses Substituts, & ne donner pour Iuges

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aux accusez, que les Officiers des Iurisdictions ordinaires,
& des Cours Souueraines. C’est l’vsage vulguaire,
& le droit le plus commun de la France, estably
par les anciennes Ordonnances, & renouuellé
de temps en temps par nos Rois ; l’Ordonnance de
l’an 1539. article 145. est notoire, qui dit, que si tost
que la plainte d’vn crime aura esté faite, il en sera
informé, pour l’information faite & communiquée
à nostre Procureur, c’est le Roy qui parle, & veu les
conclusions, qu’il sera tenu de mettre au bas de l’information,
estre ordonné ce que l’on verra estre à
faire, selon l’exigence des cas.

 

Que l’on voye tous les Arrests de reglement, rendus
entre les Officiers des Presidiaux, ils portent tous
qu’il ne pourra estre de cerné aucun decret, d’adiournement
personnel, ou de prise de corps, sans qu’au
prealable les Substituts de Monsieur le Procureur
General, n’ayent eu communication des informations,
& donné leurs conclusions sur icelles.

Nous auons dans le vieux stile de proceder du pays
de Normandie, vne Ordonnance transcrite du Roy
Louys XII. de l’an 1498. en ces termes : Que les Baillifs
& Vicomtes procederont diligemment à voir les
informations, & pour donner Commissions sur icelles,
appelleront nos Aduocats & Procureur pour les
leur communiquer ; & ce fait, apres deliberation par
eux prise sur lesdites informations, sera fait vn dictum
par escrit, contenant les prouisions tant d’adjournemens
personnels, que de prise de corps.

Et pour les Parlemens, il y a vne Ordonnance du

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Roy François I. de l’an 1535. chapitre 13. article 8. qui
porte, auant les informations rapportées, elles seront
veuës par nostre Procureur General pour y bailler
ses conclusions.

 

Toutes matieres criminelles doiuent estre communiquées
à Monsieur le Procureur General, c’est
luy qui a la poursuite des crimes, à qui appartient
l’accusation & la vindicte publique.

Par la Loy de Solon il estoit permis à vn chacun
de prendre & espouser la querelle de celuy qui auoit
esté offensé dans la Ville d’Athenes, & si le moindre
Citoyen auoit esté outragé en son corps, en son honneur,
en ses biens, chacun pouuoit faire appeller en
Iustice celuy qui auoit commis l’iniure, & le poursuiure
aussi asprement comme s’il l’auoit receuë luy-mesme,
afin d’accoustumer les Citoyens à se ressentir
du mal les vns des autres, comme d’vn membre
commun de leur corps qui auoit esté blessé. Ainsi à
Rome, les actions publiques estoient permises à vn
chacun, & pour cela on les appelloit populaires.

En France toutes ces actions publiques appartiennent
à Monsieur le Procureur General, tout ce qui
concerne le public reside en sa personne, il est subrogé
au lieu de ceux lesquels en l’estat populaire des
Romains, accusoient les autres sans interest particulier :
de sorte que parmy nous Monsieur le Procureur
General est le seul & vray accusateur des crimes,
c’est pourquoy en la poursuite extraordinaire des delits,
les parties ne pouuans conclure que ciuilement,
la vengeance & la punition publique est laissée à

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Monsieur le Procureur General, & l’on ne peut faire
aucun decret d’adjournement personnel, ou de prise
de corps, sans que les informations luy ayent esté
communiquées, & qu’il ait donné ses conclusions,
n’y ayant en France ny Censeurs ny Tribuns, le Procureur
General fait toutes ses fonctions, il a l’esgard
& l’inspection sur tout ce qui concerne le public. Et
d’autant que les affaires criminelles sont publiques,
[illisible], dit Balsamon sur le
Canon 6. du Concile de Constantinople 7 Oecumenique,
il est tousiours partie, & au lieu qu à Rome
les Arrests & les Decrets du Senat, ausquels le peuple
auoit interest, estoient marquées d’vn T, pour
monstrer que les Tribuns y auoient consenty, Senatusconsultis,
disoit Asconius, littera T, adscribi solebat,
eaque nota significabatur Tribunos consensisse. En France
aux affaires publiques, aux causes criminelles, on ne
se contente pas de marquer les Arrests d’vn P, pour
dire qu’elles ont esté communiquées à Monsieur le
Procureur General, mais on fait mention expresse
de ses conclusions, & l’on ne peut agir autrement
sans enfraindre & violer les Ordonnances, renuerser
toutes les regles, & peruertir tout ordre legitime &
iudiciaire. Apres cela souffrirons-nous des Commissaires
qui ne distinguent, ny la qualité des actions,
ny les formes prescrites par les Ordonnances, n’ayans
autre but de leurs iugemens, que de venger ceux qui
leurs mettent en main la puissance, puis que par les
Loix du Royaume ils se reconnoissent eux-mesme
suspects & incompetens. S’il est vray ce que dit Aristote,

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que la Loy inique ne doiue point estre appellée
Loy, mais iniquité ; des iugemens comme ceux-là
rendus contre les formes ordinaires, par des Iuges
interessez d’affection, & portez de passion ; ce ne
sont point iugemens, [illisible], ce
sont plustost iniures & iniustices.

 

Mais ie passe bien plus auant, & soustiens que des
gens de cette qualité, lesquels sans Commissions
deuëment verifiées, entreprennent de faire actes de
Magistrats, & exercer la puissance Souueraine, sont
criminels de Leze Majesté, que toutes leurs poursuites
ne sont que voyes de fait, des excés & des attentats,
& qu’on les doit punir de mort. La Loy 3. ff.
ad leg. Iul. maiest. est expresse & diserte : Qui priuatus pro
magistratu, potestate ne se gessit lege Iulia maiestatis tenetur.
Aussi la premiere Loy qui fut publiée dans l’inter-regne
des Romains, que Plutarque a remarquée en
la vie de Publicola, estoit de n’entreprendre d’exercer
aucun Office sans concession particuliere du peuple,
à peine de la vie. Il est vray que la pluspart de
ceux que l’on employe à faire ces massacres, estans
personnes peu connuës, qui agissent secretement, &
frappent sans paroistre, on ne peut s’adresser à eux
que difficilement. Mais il faut demeurer d’accord,
que si la voix du sang de tant de gens qu’ils ont assassinez,
a penetré, comme l’Escriture Sainte nous asseure,
iusques au Tribunal de Dieu mesme, & attiré
sur nous tous les orages & les tempestes que nous
auons iusqu icy essuyez : Il est sans doute, de la pieté
& de la religion des Parlemens, de reuoir les procez

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& vanger leur memoire, s’attaquer aux iugemens
qu’ils ont rendus, iuger leur iustice, puis que c’est tout
ce qui nous reste d’abolir des actes si cruels & si sanglans.

 

Il y auoit vn sacrifice que l’on faisoit en la Grece à
Iupiter [illisible.] dont la forme estoit telle, que le peuple
estant assemblé dans le Temple, la Victime posée
au deuant de l’Autel pour estre immolée & sacrifiée,
des gens inconnus sortoient de la presse, lesquels se
coulans subtilement, & se meslans parmy les Prestres
& Sacrificateurs, frappoient la Victime auec tant d’adresse
& de subtilité, que la blessure estant plustost
apperceuë que le coup n’en auoit esté preueu ; & eux
se retirans habilement, & laissant le cousteau sur la
place, l’on accusoit le fer & le glaiue, suiuant la Loy
du païs, qui permettoit la peine & la punition des
choses inanimées, on appelloit le cousteau en iugement,
& on luy faisoit son procés, pour auoir troublé
l’assemblée & empesché la ceremonie du sacrifice,
[illisible].
Ainsi que Pausanias rapporte
en la description de l’ancienne Grece. Voila les couleurs
les plus naïues dont on puisse depeindre l’ordre
& la façon de proceder, que tiennent nos Commissaires,
lesquels se meslent subtilement parmy les
Iuges Souuerains, nous frappent & se retirent, & laissans
là les armes dont ils nous ont blessez ; i’entends
ces actes iniurieux, ces condamnations barbares dont
ils ont troublé toute la societé ciuile ; C’est contre
ces instrumens inanimez, mais qui ne sont que trop

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sensibles, que les Iuges Souuerains doiuent conspirer
& faire le procés ; ce sont ces iugemens, ennemis de
la Iustice, laquelle le Sage disoit estre tousiours accompagnée
d’humanité : [illisible],
que les Magistrats doiuent immoler à la vengeance
publique.

 

Les Romains auoient accoustumé, dans la rencontre
d’vn accident funeste, & de quelque mal-heur
arriué à ceux qui se presentoient deuant les Iuges
pour imprimer plus sensiblement l’image de leur
misere, de faire des tableaux où leur infortune estoit
depeinte, qu’ils exposoient en iugement ; Vidi depictas
in foro tabulas supra Iouem, c’estoit le lieu où ils
les attachoient, in imaginem rei cuius atrocitate iudex erat
commouendus, afin que par de secrets mouuemens d’indignation
que pouuoit exciter en leur cœur vn si
triste spectacle, ils fussent mieux persuadez de l’estat
deplorable de leur condition. Ie n’aurois qu’à representer
icy ces supplices nocturnes, que les emissaires
du feu Cardinal tenans la Chambre de Iustice, car
c’est ainsi qu’ils l’appelloient, ont prattiqué les premiers
dans le Royaume, à la honte & au mespris des
Loix, Quid tam inauditum, disoit Seneque au 3. de ira
quam nocturnum supplicium sola tenebris abscondi debent
latrocinia, & animaduersiones innotescere ad exempla. La
France l’a souffert dans vn temps que tous ses Magistrats
accablez sous le poids de la plus haute tyrannie
que iamais Ministre ait exercé dans l’Estat, n’auoient
pas mesme la voix libre pour luy dire auec ce Declamateur,
Age prætor interdiu, occide in foro, erubescunt

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leges ad lucernam agere : Mais si le sang de tant de miserables
pour auoir coulé dessus les eschaffauts, n’est
pas moins pur & innocent, ne le rendons point coupable
par le silence, & ne luy refusons pas le remede
qu’il peut attendre de l’authorité de la principale
Cour Souueraine ; la reuision des procés en matiere
criminelle, est vn remede de droit que les Grecs ont
prattiqué les premiers, & l’appelloient [illisible], Iudiciorum
retractatio, terme dont se sert Herodiam, in
maximino, parlant des reuisions que le Senat accordoit
à ceux que l’on auoit iniustement condamnez,
lors que c’estoient des Iuges recusables & incompetens,
car en ce cas il n’estoit pas besoin de lettres du
Prince ; & Hesychius sur le mot [illisible] dit que cela
auoit lieu particulierement dans les causes publiques
qui regardoient l’Estat : [illisible],
dont il n’y auoit que le Senat qui pût connoistre,
pour monstrer que c’estoit vn moyen legitime, de
reprimer les attentats faits à son authorité. Moyen
que les Romains, lesquels ont puisé les maximes les
plus pures de leur politique chez les Grecs, ont depuis
employé contre les iugemens de ceux que l’on
pouuoit valablement recuser : Si conspiratione aduersariorum,
& falsis testimoniis oppressum te probaueris, c’est
en la Loy Diuus Adrianus, ff de re Iudicata, res seuere vindicetur,
facta in integrum restitutione, c’estoit assez de dire ;
Vous estes establis de la main de mes parties, & conspirez
ensemble ma ruine, elles vous ont armé pour
me destruire ; vous n’estes point des Iuges, mais des
meurtriers. Aussi auons nous nos exemples particuliers

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& domestiques de la seuerité, auec laquelle le
Parlement a tousiours vangé la memoire de ceux que
l’on auoit iniustement suppliciez. Les anciens Registres
de la Cour font mention d’vn Arrest rendu en
1408. contre le Preuost de Paris ou son Lieutenant,
pour auoir condamné à mort, & fait executer deux
ieunes hommes, nonobstant les causes de recusation
par eux proposées, les parents en ayans poursuiuy l’apel
au Parlement, & les causes de recusation declarées
bonnes & valables. Arrest interuint, par lequel
il fut dit, qu’il auoit esté en tout & par tout mal &
nullement procedé, iugé & sententié : le Preuost de
Paris condemné à dependre les corps en personne,
& en les dependant les baiser à la bouche, & assister à
leur Conuoy. Digne Oracle d’vn Parlement, lequel
seul entre tous les autres, n’a iamais esté susceptible
de reproches, non pas mesme pour les parentez, il a
tousiours deposé toutes affections, iusques à celles
du sang. Ces viues Images, qui font des impressions
si douces & si agreables, qu’elles peuuent quelquesfois
nous diuertir insensiblement du droit chemin
de la verité ; neantmoins ce Senat Auguste s’est tousjours
maintenu en cette reputation, de ne deferer iamais
dans ses iugemens à aucune consideration particuliere,
& n’estre porté d’autre passion que de l’amour
de la Iustice. C’est ce qui fust representé au feu
Roy en l’année 1628. lors que Monsieur le Garde des
Seaux de Marillac, voulust faire difficulté d’expedier
des Lettres de prouision, à ceux qui auoient dans le
Parlement leurs peres, leurs freres, & autres parents,

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La Lettre qui fut escrite au Roy de la part du Parlement,
qui est aux Registres & en la main de plusieurs,
porte, que soit qu’on attribuë cela au temperament
de l’air & du lieu, ou plustost à l’ancienne discipline ;
il se contracte dedans cette Compagnie celebre, ce
corps le plus florissant de la Iustice du Royaume, vne
certaine habitude à cette indifference vertueuse, qui
est le temperament le plus propre pour rendre la
Iustice ; tellement qu’en ce qui est de leur fonction,
(car ce n’est pas qu’on manque d’humanité pour cela)
mais dedans l’exercice de leurs charges ils ne sont iamais
portez d’aucun respect particulier.

 

Cette Cour estant la capitale de la Iustice de la
France, esleuée au dessus des autres, est comme cette
Region superieure du monde, la plus voisine du
Ciel & des Estoiles, qui n’est iamais troublée ny offusquée
de nuages, aussi les vapeurs & les fumées de
tant de passions & affections diuerses, ne montent
point iusques à eux.

Il y auoit vn Temple de Iupiter en la Grece, dont
parle Polybe au 16. de son Histoire, qui estoit disposé
de telle sorte, que ceux qui y entroient ne rendoient
iamais d’ombre, [illisible], &
ceux qui entrent dedans ce Temple sacré de la Iustice,
deuiennent si clairs & si brillants, qu’ils ne rendent
point d’ombres, & ne peuuent souffrir les iugemens
qui se ressentent des tenebres & de l’obscurité.
C’est en ce lieu proprement que la Iustice reluit, de
ce bel or dont vn ancien Poëte dans Athenée luy a
composé le visage, sans estre neantmoins suspecte

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de corruption, [illisible] & bien
qu’il semble à plusieurs, que ce Poëte pour la loüer
a voulu representer son contraire : Comme ce sage
Legislateur pour recommander dauantage la sobrieté
à ses Citoyens, leur voulut faire voir vn infame
object d’vn banquet dissolu. Il est certain qu’on
ne peut mieux representer la Iustice que par l’or,
d’où Platon au troisiesme de sa Republique, ayant
dit que Dieu sur le poinct de la naissance des grands
personnages, & sur tout des hommes iustes & vertueux,
leur mesle de l’or pur dedans l’ame, ce qui fait
qu’ils n’ont point besoin de le porter au dehors & à
l’exterieur, puis qu’il est né auec eux, & qu’ils en sont
ornez & parez interieurement. Olympiodore expliquant
ce beau lieu de Platon a dit, que l’or que Dieu
mesle dans la generation des hommes, c’est la Iustice,
& comme il est le plus pur & le plus accomply des
corps elementaires, & la substance la mieux trauaillée
qui soit en la nature, laquelle se forme icy bas
dans le sein de la terre, par la force & la vigueur de
ce bel Astre du Ciel, & est appellé pour cela le Fils du
Soleil. Aussi la Iustice esclatte dans les Magistrats
comme vn ray on sacré de la Diuinité, & certes faut
bien qu’il y ait quelque chose de diuin, de voir que
les puissances se viennent aujourd’huy humilier deuant
eux, que les plus grands Princes apportent volontairement
à leurs pieds, leurs biens, leur honneur
& leurs vies, pour en disposer selon qu’ils iugent raisonnable.
Apres cela nous pouuons dire, que le plus
pretieux ornement des Estats, & dont ils puissent

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estre plus richement parez, c’est celuy de la Iustice,
elle fait seule toute leur beauté : Tesmoins ce fameux
Epigramme Grec escrit au Temple d’Apollon en
l’Isle de Delos, dont le premier vers commençoit,
[illisible], pulcherrimum quod iustum ; Car s’il
est vray que de toutes les choses, les vnes sont plus
excellentes que les autres, personne ne doutant que
l’homme ne soit l’excellence de la nature mortelle,
l’ame l’excellence de l’homme, & la vertu l’excellence
de l’ame ; la Iustice aussi est l’excellence de la
vertu, toutes les vertus la reconnoissent pour leur
Reyne & leur Souueraine. Et pour ne rien obmettre
de tout ce qui s’en peut dire, adjoustons, aussi
bien ne peut-on pas mettre fin à vne chose de soy
infinie ; nous esprouuons sensiblement, que ce qui
est l’air au monde elementaire, le Soleil au celeste,
l’ame en l’intelligible ; la Iustice est le mesme au
monde Politique, c’est l’air qu’vn chacun de nous
demande à respirer, le Soleil dont les perçants
rayons commencent à dissiper nos troubles & nos
nuages, c’est l’ame qui doit donner la vie à tout le
peuple ; Et comme ce diuin Philosophe dit au second
Liure, [illisible], en vain la terre se donneroit
si liberalement aux hommes, en vain abandonneroit-elle
tous ses biens & ses richesses, & permettroit
qu’on luy ouurist si hardiment le sein pour en
tirer ses thresors, si la IVSTICE ne deuoit distribuer
à chacun ce qui luy appartient. Ainsi la France
s’abandonneroit en vain à son Liberateur, en
vain les peuples luy sacrifiroient & leur sang & leur

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vie, si ce grand Parlement, l’ame de la Iustice, ne trauailloit
pour asseurer nos biens & nos fortunes, nous
donner la paix & la tranquillité pour en ioüir auec
contentement, qui est le suprême bien & la parfaite
felicité de l’Estat François.

 

Fin de la seconde Partie.

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I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.