I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.
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PREMIERE PARTIE.

EXTRAICT DES REGISTRES
de Parlement.

CE iour la Cour, toutes les Chambres
assemblées, deliberant sur le Recit
fait par les Gens du Roy, de ce qu’ils
se sont transportez à Saint Germain
en Laye pardeuers ledit Seigneur Roy & la
Reyne Regente en France, en execution de

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l’Arrest du iour d’hier, & du refus de les entendre,
& qu’ils ont dit que la Ville estoit bloquée :
A ARRESTÉ ET ORDONNÉ, Que tres-humbles
Remonstrances par escrit seront faites
audit Seigneur Roy & ladite Dame Reyne
Regente. Et attendu que le Cardinal Mazarin
est notoirement l’autheur de tous les desordres
de l’Estat & du mal present, L’a declaré & declare
Perturbateur du repos public, Ennemy
du Roy & de son Estat : Luy enjoint se retirer
de la Cour dans ce iour, & dans huictaine hors
du Royaume : Et ledit temps passé, Enjoint à
tous les Subjets de luy courre sus. FAIT deffenses
à toutes personnes de le receuoir, ORDONNE
en outre qu’il sera fait leuée de gens
de guerre en cette Ville en nombre suffisant : A
cette fin Commissions deliurées pour la seureté
de la Ville, tant au dedans que dehors, & escorter
ceux qui ameneront les viures, & faire en
sorte qu’elles soient amenées & apportées en
toute seureté & liberté. Et sera le present Arrest
leu, publié & affiché par tout où il appartiendra,
à ce qu’aucun n’en pretende cause d’ignorance
Enjoint aux Preuost des Marchands
& Escheuins, tenir la main à l’execution.

 

Signé, GVYET.

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AESCHYLE Poëte Grec, descriuant le
siege de la Ville de Thebes par Polynicés
fils d’Ædipe, & representant ses sept Chefs
qu’il auoit choisis les plus vaillants de toute
son armée, & qui ont donné le nom à cette celebre
Tragedie, l’vne des plus belles pieces de l’Antiquité
Grecque, [illisible], dit, Que tous les Capitaines
qu’il auoit disposez pour attaquer la Ville par
diuers endroits, auoient leurs Boucliers superbement
enrichis & grauez de diuerses figures, qu’en l’vn estoit
empraint vn Promethée enuironné de feu, auec cette
inscription, IE REDVIRAY LA VILLE EN CENDRES ;
En l’autre il y auoit vn Geant representé, qui emportoit
sur ses espaules vne Ville toute entiere, laquelle
il auoit arrachée auec des pinces de fer, & au
tour estoit escrit, MALGRÉ LES DIEVX IE L’EMPORTERAY
DE FORCE ; Mais le General de toute l’armée
auoit vn Bouclier plus grand & plus ample que les
autres, & pour deuise, on voyoit vn ieune Prince que
la Iustice tenoit par la main, auec ces paroles qu’elle
luy adressoit : C’EST MOY QVI VOVS REMENERAY
EN VOSTRE VILLE, reducam te in ciuitatem, [illisible],
ET VOVS CONSERVERAY LE TRÔNE QVE VOS
PERES VOVS ONT ACQVIS, [illisible]

Cette derniere Figure est la representation naïve,
& la viue expression des troubles & des desordres, où
nous a plongé l’absence de nostre ieune Monarque,

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ou plustost l’enleuement commis en sa personne par
vn complot & vne conspiration detestable, vn attentat
abominable. Qu’aux yeux de toute la France,
& de ce corps auguste de la Iustice suprême du
Royaume, ce Parlement celebre, Dieu tutelaire de
l’Estat, où les premiers Princes du monde ont tenu à
honneur de faire leurs principaux sacrifices, & voüer
leur fidelité à la deffense de cette florissante Monarchie.
Qu’on ait veu, dis-je, vne troupe de coniurez
s’armer pour la ruine & l’embrazement de ces sacrez
Autels, apres en auoir rauy ce ieune Prince, que le
Ciel a formé de sa main pour estre le miracle de nos
iours, lors que tous ces grands Genies n’estoient occupez
qu’à le faire triompher en naissant, & agrandir
son authorité ; N’est-ce pas LE CONSEIL de ces
fameux Incendiaires qui embrazerent le Temple de
Diane en Ephese, pendant que cette Deesse estoit attentiue
à la naissance d’Alexandre, & preparoit aux
hommes le Conquerant de l’Vniuers.

 

On dit que l’Eclipse du Soleil n’arriue iamais, que
ce monde inferieur ne se ressente de la perte qu’il fait
pour vn temps de la lumiere de ce bel Astre, toute la
nature tombe en defaillance, la terre est obscurcie,
& n’est menacée que de sinistres accidens. Mais nous
pouuons dire que l’absence de nostre ROY, comme
l’Eclipse du Soleil naissant de cette Monarchie, fera
ressentir à l’Estat de perilleux effects. La terre cache
quelquefois le Soleil à nos yeux, mais ne le rauit pas
aux hommes : Et ce ieune Prince a esté arraché des
bras de ses Subjets, il est demeuré la proye de ses

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Rauisseurs, & son Royaume exposé par de mauuais
Ministres, aux seditions & aux reuoltes, qui est vn
crime, du nombre de ceux que Lactance appelloit,
Cothurnata flagitia, digne du Cothurne tragique. Car
ie ne crois pas que iamais le Theatre ait raisonné &
retenty de plus funestes euenemens, crime non seulement
remply d’enormité, mais d’horreur & d’impieté ;
puis qu’il est estrange, disoit Firmicus, qu’vn
Roy commence à regner par le massacre & le carnage
des siens, sans qu’on leur puisse imputer autre chose,
sinon qu’ils sont nez ses Subjets, Cædibus suorum surgit
Rex imperaturus, & à suppliciis regnum, auspicatur, eam
tantum ob causam, quia sui sunt.

 

Voyons pour espargner vne plus longue Preface,
& ne m’engager point en des preambules fugitifs, si
ce grand Senat n’estoit pas obligé de prendre les armes
en main pour conseruer l’authorité du Roy,
maintenir l’honneur de son Sceptre, & reprimer l’insolence
de ces nouueaux Geants, lesquels ne menacent
pas seulement comme à Thebes, d’emporter de
force les Villes les plus puissantes, mais s’imaginent
auec temerité, qu’ils peuuent seuls atteindre & s’esleuer
dans le Ciel de la Royauté, qu’ils ont droit de
s’opposer aux Cours Souueraines, porter le feu de la
diuision en toutes les parties du Royaume, respandre
le sang des Subjets du Roy, declarer les Parlemens
rebelles, leur authorité iniuste, comme si ce
n’estoit pas assez de faire des crimes ; ils se plaisent à
faire des criminels, mais nous auons cét aduantage,
que ces Corps Augustes ayans esté establis par nos

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Rois, seuls legitimes administrateurs de la Iustice,
laquelle ils ont eux-mesmes constituées TVTRICE
de leur Estat. Il est aisé de faire voir par les Loix
du Royaume, que les Parlemens doiuent auoir
seuls la connoissance & le gouuernement des affaires
publiques, que les Rois Mineurs sont particulierement
sous leur conduite, puisque dans leur
Majorité mesme, ils ont tousiours fait gloire de
sousmettre leur authorité. C’est ce que i’ay entrepris
de traitter contre les Ministres dont on a composé
VN CONSEIL D’ENHAVT, pour ne pas
dire vn amas de gens ennemis de l’Estat, lesquels
par vn excés d’impieté deschirent les entrailles de
leur Patrie, & tous noircis de crimes, ne se sçauroient
cacher que dans les playes de la Republique.
Mais ce qui me trauaille & me peine, est la crainte
de ne pouuoir pas respondre à la dignité du sujet,
& qu’il ne m’arriue comme à ces Peintres, lesquels
plus heureux en la matiere de leurs ouurages qu’en
leur Art, ternissent quelquesfois les plus belles couleurs
par des lineamens obscurs & ombrageux, i’apprehende
de ne pouuoir pas satisfaire à la grandeur
de la matiere.

 

 


Fas mihi graiorum sacrata resoluere iura
Apparent Priami & veterum penetralia regum.

 

Aussi toutes les lignes de ce Discours n’aboutissent
qu’à vne recherche mysterieuse & sacrée des Loix fondamentales
de la Monarchie, & se reünissent comme
en leur centre en deux propositions principales, puisées
des maximes les plus pures de l’Estat.

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L’vne, que nous ne reconnoissons en France qu’vne
seule authorité.

L’autre, que nos Rois l’ayant communiquée à
leurs Parlemens pour le bien de leurs Subjets, & particulierement
pour la conduite & l’administration
des affaires du Royaume, il n’y a que les Compagnies
Souueraines qui la puissent exercer legitimement
pendant la Minorité.

La premiere de ces propositions est appuyée, &
a pour fondement vne verité inuincible, que la Monarchie
humaine, à l’imitation de la Diuine, consiste
en l’vnité, elle est seule & indiuisible, comme on peut
aussi remarquer, que tout ce qui commande en la nature
est vnique.

Le Soleil qui est l’image des Princes de la terre,
le Roy du monde sensible, comme Platon l’appelle
[illisible]. Luy sous la puissance duquel se
meut toute la disposition de la nature elementaire,
il est vnique, l’on ne void point deux Soleils dans le
Ciel.

L’ame qui nous informe & nous gouuerne comme
le Prince qui fait mouuoir le corps de son Estat selon
sa volonté, elle est seule, & n’en pourroit pas souffrir
vne autre pour animer vn mesme corps. Vnum corpus
vnius animo regendum.

L’entendement qui domine sur toutes les puissances
sensitiues de l’ame, est representé admirablement
par ce grand Archeuesque de Thessalonique, comme
vn Roy seul esleué en la partie la plus eminente du
corps ; [illisible] ; Enfin tout ce qui

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regit & gouuerne est vn & ne se diuise point, & s’il
est vray que l’vnité tienne lieu de principe & d’element
à toutes choses, mesme que chaque chose ne
soit qu’entant qu’elle est vne, & qu’elle cesse d’estre
quand elle perd son vnité indiuiduelle, combien plus
cela a-il lieu aux Monarchies, qui ne subsistent & ne
retiennent leur nom que par l’vnité, & comme c’est
elle qui les conserue, aussi la diuision & la pluralité
les destruit.

 

C’est ce que dit excellemment vn autre Interprete
d’Homere plus ancien qu’Eustathe, qu’on dit estre
Dydimus d’Alexandrie, sur ce beau vers du Poëte,
[illisible]. Si l’on pouuoit, dit-il, trouuer
en la nature vn corps qui fut simple, & d’vn seul element,
il ne souffriroit iamais de corruption ny d’alteration,
& cite là dessus vn lieu d’Hippocrate, de natura
hominis, [illisible], si
homo vnum esset nunquam doleret : nos corps ne se corrompent
qu’entant qu’ils sont composez de plusieurs
qualitez. Enfin pour mettre le sceau à tant de belles
analogies, & de comparaisons illustres, que l’estude
des Sçauants, & les meditations des grands Genies,
pourroient icy fournir par vn exemple qui nous est
particulier & domestique. Disons qu’il n’y a qu’vne
seule Couronne entre les Astres, & qu’en la terre celle
de la France est vnique, c’est cette perle precieuse produite
de la rosée & de l’influence du Ciel, i’entends
cette liqueur celeste, diuine & miraculeuse, dont nos
Rois sont sacrez ; comme la perle est vnique & singuliere
en sa generation, parce que ce qui la produit

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n’en porte iamais qu’vne, appellée pour cela par les
Latins du mot qui signifie l’vnité. La Couronne de
France qui est la perle de toutes les autres, est demeurée
depuis tantost sept cens ans dans l’vnion de toute
sa puissance, sans en souffrir iamais la moindre
diuision.

 

Or comme l’ordre des Estats n’est que l’ombre de
l’ordre Eternel de la Sagesse Diuine, qui découle en
terre par l’esprit des Rois, comme par des canaux
choisis par la Diuinité pour se communiquer aux
hommes. Nous voyons que nos Rois n’ont iamais
fait part de leur authorité qu’à leurs Cours Souueraines,
pour se decharger d’vne partie de leurs obligations
& de leurs soins ; de mesme que le Soleil ne
communique sa lumiere qu’aux Astres, afin que par
leurs influences ils cooperent auec luy à la conseruation
& à l’administration de l’Vniuers.

Cette derniere proposition, bien que susceptible
d’ornemens & de recherches, ne doit reluire que de
sa propre solidité, c’est vn or tout pur qui esclate
de sa seule lueur ; & parce qu’il faut icy toucher la
maistresse corde d’ou despend toute l’harmonie du
Royaume, à laquelle les ennemis du Roy s’efforcent
de donner de faux sons ; le voudrois pouuoir desployer
tous les traits de l’eloquence la plus viue, combattre
contre eux corps à corps, & vaincre auec les
Argumens les plus forts & les plus puissans, suiuant
le conseil & l’instruction que nous donne le plus disert
& le plus eloquent des Prophetes, celuy à qui
l’Ange auoit purine & nettoyé les levres, prope iudicium,

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c’est au 42. d’Isaye, Afferte si qu’il forte habetis,
[illisible], ce que les Septantes ont traduit,
[illisible], fortia vestra, firmamenta vestra : Voicy
le poinct decisif, & qui me fait desia considerer la
France comme l’Astre qui a la plus haute eleuation
dedans le ciel de la fortune.

 

Encore que les Parlemens ne seruent principalement
qu’à faire regner les Rois, & qu’ils ne reconnoissent
autre cause de leur institution dans les Estats,
que celle qui a constitué les Monarques parmy les
hommes ; Tesmoins ce que nous lisons dans l’Escriture
de ce peuple d’Israël, qui demandoit à Dieu vn
Roy pour le iuger : Et la priere du ieune Salomon venant
tout petit à l’Empire, Que Dieu luy enuoyast
des Gens fidelles, & vn Conseil intelligent pour bien
regner. Neantmoins nos Histoires font foy, que les
Compagnies Souueraines, en France sont moins anciennes
que l’Estat Monarchique ; car ie ne veux parler
que de nos premiers Rois, sans m’arrester vainement
à remuer les cendres de ces anciens Druides, &
de tant de petits Senats, dont Cesar fait mention en
ses Commentaires, que nos Gaulois tenoient en leurs
Villes & dans leurs Prouinces, sous l’authorité des
Romains.

La Iustice en France estoit administrée par le Roy
& les Princes, & lors qu’ils estoient assemblez auec
les Barons & autres grands Seigneurs, pour deliberer
des affaires les plus importantes (ce qui arriuoit deux
ou trois fois l’année :) Ces conuocations generales de
tous les ordres du Royaume, s’appelloient Parlement,

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comme du Tillet, Pasquier & les autres remarquent ;
& bien que ce fust vn tiltre plus particulierement attaché
à leurs deliberations qu’à leurs personnes, c’est
neantmoins l’vnique origine, & la source adorable
d’où ont rejally tant de viues lumieres qui ont depuis
esclairé la Pourpre de nos Rois.

 

Et d’effet l’ambition naturelle à tous nos Princes
de porter leurs armes & la terreur tout ensemble dans
les païs estrangers, ne borner leur Empire que par
l’estenduë de leurs Conquestes, ayant desiré qu’on
pourueut à l’Estat de gens de probité, de suffisance &
de merite, pour le regir & gouuerner lors qu’ils conduisoient
eux-mesmes leurs armées, & que tous les
grands du Royaume les accompagnoient. Ils ordonnerent
vn Parlement composé des spectacles du
Royaume, auec plain pouuoir de commander en leur
absence, connoistre des affaires publiques & particulieres
en toute souueraineté ; nous en auons d’anciens
vestiges dans les Capitulaires de Charlemagne, car
tout cela s’est fait sous le regne du Roy Pepin son
pere, & comme ce Parlement aussi necessaire à la personne
du Prince, qu’à la conduite de son Estat, n’auoit
point de lieu asseuré, ny de seance certaine, le
Roy Philippes le Belle rendit sedentaire, & luy laissa
les mesmes fonctions & prerogatiues qu’il auoit à la
suite des Rois ses predecesseurs, auec attribution particuliere
de connoistre de toutes les affaires publiques :
C’est pour cela que Monstrelet, Froissart & les
autres, n’ont appellé le Parlement que LE CONSEIL
DES ROIS, & d’effet il ne se trouue point de lettres de

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son institution, comme des autres Cours Souueraines,
parce qu’il a tousiours tenu la place du Conseil
de tous les Grands du Royaume prés les personnes de
nos Rois, & l’on peut dire qu’il n’est pas tant institué,
comme il est né auec eux, enquoy il represente plus
parfaitement la Majesté du Prince, & porte plus sensiblement
les traits de son image, astre creé de la splendeur
de la Royauté, viue estincelle du feu de la vertu
Royale, esclat brillant de ce diuin Planette, Senat
aussi fameux & renommé, que celuy dont les Conseillers
furent pris par nos Peres pour autant de Dieux, &
pour autant de Rois par les Ambassadeurs de Pyrrus,
aussi estes-vous honorez du tiltre de Diuinitez dedans
les Liures Saints, & portez en main comme ces Iuges
de la Grece, le Sceptre de l’authorité souueraine, dont
nos Rois vous ont rendus participans.

 

[illisible]

C’est de vous que nous voulons apprendre les glorieux
succez de tant d’entreprises vertueuses, dont
vous auez soutenu la France sous le regne de tant
de Rois ; & l’on ne doit point trouuer estrange, si ie
vous fais parler en vostre propre cause, puis qu’en
vne contestation que l’on peut dire estre entre les
Dieux, on ne doit attendre que des Oracles, lesquels
vous auez seuls, comme ie feray voir, l’authorité de
rendre. Et s’il est vray qu’on ait tousiours fait grand
estat dans les escoles des Orateurs des preuues qui
viennent de la chose, des tesmoignages que l’on tire
du sein de la cause mesme, des arguments qui sont

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extraits en quelque façon, & comme exprimez des
entrailles d’vne affaire, que les Rhetoriciens Grecs
ont appellé pour cela [illisible], si rien ne
fait voir le Ciel plus clairement que les Estoiles, parce
qu’elles sont de la substance du Ciel mesme, qu’elles
en sont les parties plus espaisses & plus ramassées, des
preuues qui viennent naturellement, qui naissent de
la chose mesme, donnent bien plus de iour & de lumiere.
Quædam sunt probationes quæ ex re ipsa descendunt,
dit la Loy. Combien les argumens qui viennent des
personnes mesmes, doiuent estre plus dignes & plus
excellens, car ce sont des preuues viuantes, des preuues
parlantes & animées, lesquelles persuadans d’elles-mesmes,
il n’est plus besoin d’autre discours, les paroles
sont oysiues & superfluës, & l’aduantage que nous
auons par ce moyen est tel, que le gain de nostre cause
est tout entier entre nos mains.

 

Nous remarquons en cette belle Remonstrance
que vous fistes au deffunct Roy, de glorieuse memoire,
en six cens quinze, & qui a depuis esté donnée
au public, des exemples illustres de l’authorité, en laquelle
tous nos Rois successiuement ont conserué
leurs Compagnies Souueraines. Charles V. ioignant
la Iustice à la puissance Royale, ne declaroit iamais
la guerre, & ne traittoit d’aucune affaire importante
que par l’aduis de son Parlement, luy qui s’estoit acquis
dans toutes les Nations ce haut tiltre de Sage,
faisoit gloire d’auoir retiré l’vne de ses Prouinces d’vne
main estrangere, par vn Arrest de son Parlement.
L’on sçait ce qui arriua du temps de Loüis XI. Prince

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plus jaloux de son authorité, qu’aucun de ses predecesseurs,
car ayant enuoyé vn Edict pour verifier, sur
lequel on luy fist de grandes remonstrances, non seulement
il les eut agreables, mais il adjousta, qu’il remercioit
son Parlement, & ne le contraindroit iamais à faire
chose contre sa conscience. Ce Grand Roy se voyant menacé
d’vne mort prochaine, fit venir le Dauphin son
fils, qui a depuis regné sous le nom de Charles VIII.
aupres de sa personne, pour luy declarer ses dernieres
volontez, & apres luy auoir fait entendre, qu’il desiroit
l’instruire & le preparer au gouuernement de son
Estat, la derniere parole
Extremum fato quod te alloquor hoc est.
fust, de ne rien entreprendre sans l’aduis de ses Pairs & de
son Parlement, & voulut que la remonstrance qu’il luy
faisoit y fust registrée. Paroles dignes de fermer la vie
& la bouche de ce Grand Prince d’vn mesme sceau, &
comme elles partoient d’vne ame libre, qui n’estoit
asseruie qu’à la consideration du bien de son Peuple,
elles deuroient sans doute seruir à tous les Rois d’vne
rare leçon, de confier tousiours à ces Corps augustes,
les secrets les plus importans pour la conduite de leurs
affaires, & pour leur administration.

 

L’on celebroit vne Feste chez les Egyptiens au commencement
de chaque année, dont parle Iamblique
leur grand Prestre au Liure qu’il a fait de leurs mysteres,
qu’ils appelloient le Baston du Soleil, comme si
cét Astre naissant eust besoin de quelque appuy, ou
plustost pour monstrer que les ieunes Princes doiuent
estre assistez de conseils, & qu’ils ont particulierement

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besoin du bras de la Iustice pour les soustenir.
Aussi les anciens Registres, depositaires des Oracles
de cette celebre Compagnie, sont remplis de deliberations
importantes, pour le bien & la conseruation
du Royaume pendant la minorité des Princes, &
nous lisons que les mariages des Enfans de France ne
se faisoient que par l’aduis de ses sages Moderateurs
de l’Estat, pour monstrer qu’ils n’auoient pas seulement
l’administration des biens, mais aussi des personnes ;
de sorte que nous pouuons dire, ce que Vegetius
appliquoit à ce grand Senat Romain ; Eius fidei
atque virtuti, fortuna ciuium, tutela Imperij, salus vrbium,
Reipublicæ gloria debetur. Mais laissons-là des preuues
qui nous sont domestiques, & passons aux anciennes
ordonnances du Royaume, & aux loys fondamentales
de nostre Monarchie.

 

Encore que dans ce Royaume toutes choses fleschissent
sous les commandemens du Roy, & se sousmettent
à sa souueraine puissance, que nos Rois qui
ne tiennent leur Empire que de Dieu & de leur espées,
ayent vne authorité absoluë, & vne souueraineté Monarchique,
neantmoins ils ont apporté vn tel temperament,
qu’ils n’ont iamais voulu que leurs volontez
& ordonnances fussent tenuës pour loys, ou qu’elles
emportassent vne necessité d’y obeïr, auparauant que
la Cour les eust declarées iustes, digne loy de l’Empire
du peuple François, le plus doux & le plus libre de
tous les peuples, & qui a donné à la France les plus
iustes & les plus grands de tous les Rois.

Ce meslange & cette moderation de puissance receuë

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de tout temps en la Monarchie, est la base & le
fondement de nostre Estat, la cause de son progrez,
le principe de sa conseruation, si nous suiuons la pensée
de ce grand Astronome Abimadel, le mieux versé
dans la Politique des Arabes, chez qui l’authorité des
Rois estoit beaucoup inferieure à celle du Senat, lors
que des deux mouuemens opposez de ce Roy des
Astres, l’vn violent & rapide qui nous marque les
iours, l’autre naturel & plus moderé qui distingue les
années, il conclud que du dernier despend l’harmonie
des saisons, l’entretien des corps sublunaires, la vie
des hommes sur la terre, que l’impetuosité & la violence
de l’vn destruiroit sans doute, si la douceur & la
moderation de l’autre ne les conseruoit.

 

Ainsi les Cours Souueraines, dont l’authorité n’est
qu’vne participation & vn escoulement de cette immensité
de puissance qui soûmet les hommes, & les
contraint de ployer sous la Majesté des Princes, ont
esté de tout temps associées à l’Empire, pour temperer
par la prudence de leurs conseils, les mouuemens
rapides de ces volontez souueraines, que les loys sacrées
& inuiolables de l’Estat ont en quelque façon
domptées, non pas que nos Roys empruntent leur
puissance du Conseil de leurs Parlemens, mais bien
par vne regle immuable en la Monarchie, ils doiuent
en prendre les aduis pour authoriser leurs commandemens.

Nostre France riche des despoüilles de ce superbe
Empire des Romains, où le Senat auoit l’Intendance
de la paix & de la guerre, l’authorité de faire des loys

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& de les reuoquer, a tousiours pris plaisir d’estre gouuernée
par ces puissants genies, & voir ses Roys marcher
sur les vestiges des premiers Conquerans du
monde, qui n’entreprenoient rien sans l’aduis du Senat,
& faisoient gloire d’abandonner leur Empire &
leurs propres personnes à sa conduite. C’est ce qui a
merité tant de beaux eloges à l’Empereur Nerua dans
Zonare, à Probus dans Vopisque, à l’Empereur Hadrien
dans Dion Cassius, & nous auons vn lieu singulier
de Iustin Martyr en sa seconde Apologie sur la
fin, où il rapporte vn Edict de l’Empereur Antonin,
conceu en ces termes, I’entends que ce que i’ordonne
soit authorisé, soit appuyé de mon Senat, [illisible].
Il semble mesme
que ces grands Guerriers n’auoient appris à se rendre
maistres du monde, si nous en croyons Claudian, que
par les actes & les registres de ce corps le plus illustre
de leur Empire.

 

 


Gestarum patribus causas ex ordine rerum
Euentusque refert, veterumque exempla secutus,
Digerit Imperij sub Iudice facta Senatu.

 

C’est ce que disoit vn autre Poëte :
Regnantem iure Senatum.

Ainsi nos Rois par des sentimens dignes de la Majesté
Royale, se sont despoüillez de leur Pourpre,
pour en reuestir leurs Parlements, & n’ayans pû trouuer
de lieu plus auguste pour establir leur throsne, ils
y ont constitué leur lict de Iustice, pour se reposer
de tout ce qui les concerne dans le sein de leurs Magistrats.
Nous en auons vn tesmoignage authentique

-- 30 --

en la personne du Roy François I. qui prit son
Parlement pour arbitre, lors que s’agissant de sa propre
liberté, il ne fist autre response à Charle Quint,
sinon, que les loys fondamentales de son Royaume, estoient de
ne rien entreprendre sans le consentement de ses Cours Souueraines,
entre les mains desquelles residoit toute son authorité.

 

L’Estranger mesme s’est tenu honoré de le prendre
pour tiers dans les differends les plus notables ;
l’Empereur Frederic II. du nom, Roy de l’vne & l’autre
Sicile, se sousmit à son iugement, sur les pretentions
qu’il auoit à cause de son Empire & de son
Royaume contre le Pape Innocent IV. & bien que le
Roy de France eust ambrassé ouuertement son party,
& fait publier diuers Arrests & iugemens en faueur
du Pape, si est-ce que l’Empereur ne fit aucune
difficulté d’en passer par l’aduis du Parlement, tant la
reputation s’estoit espanduë parmy les peuples de
son integrité.

La cause du Comte de Namur fust iugée en la mesme
Cour, entre Iean Comte de Namur, & Charles
Comte de Valois, frere de Philippe le Bel, & du Roy
Philippe de Valois, & l’Arrest fut rendu contre Charles
de Valois en l’année 1320.

Le Duc de Lorraine & Guy de Chastillon se rapporterent
au Parlement pour regler les bornes & les
separations de leurs terres & Seigneuries, en 342. Et en
390. le Dauphin de Viennois & le Comte de Sauoye
se soumirent au Parlement sur le differend de l’hommage
du Marquisat de Saluce, lequel par Arrest fust
adiugé au Dauphin, & depuis par vn autre Arrest le

-- 31 --

Comte de Sauoye condamné en deux cens mil liures
d’or pour la restitution des fruicts & les dommages
& interests.

 

Mais ce qui arriua en l’année 1403. n’est pas moins
remarquable, lors que des Seigneurs d’Espagne apporterent
au Parlement vn traitté de paix entre les
deux Roys de Castille & de Portugal, pour y estre
omologué toutes les Chambres assemblées.

Apres cela, que les Grecs vantent leur Areopage,
de ce qu’il estoit paruenu à vne si haute reputation,
& à vn degré si esleué d’honneur & de gloire, que
les Dieux mesmes prenoient plaisir d’y confier leurs
interests, tesmoin ce differend notable de Mars &
de Neptune, qui a tant exercé ces anciens Orateurs,
pour le iugement duquel ils disoient que les Dieux
y estoient venus prendre leur place, & que Mars
ayant remporté la victoire, cela donna le nom ou
plutost la denomination à l’Areopage, car nous voyõs
nos Roys & nos plus grands Princes, qui sont les images
viuantes de la Diuinité, nos Dieux corporels &
sensibles, qui veulent que leurs Parlemens soient
leurs Iuges & leurs arbitres, non seulement en ce qui
regarde les droits de leur Couronne, mais aussi pour
les interests les plus importants à leurs personnes ; &
nous pouuons dire que de tout temps en ce lieu le
plus eminent de la Iustice du Royaume, duquel la renommée
s’est espanduë par tout l’Vniuers, on y a veu
des Empereurs, des Monarques & des Princes Souuerains
se tenir honorez d’y auoir leur seance, & d’y
estre protegez.

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Nostre Henry qui a merité seul le nom de Grand
parmy nos Roys, protesta hautement en l’assemblée
generale tenuë en la ville de Roüen, qu’il suiuroit toûjours
leurs Conseils, & qu’il se mettoit luy & son Estat en
leur tutelle. Mais s’il est vray pour terminer ce poinct,
par vn argument qui doit tout vaincre & tout emporter,
que les Parlemens soient les Peres des Roys,
quand il n’y auroit que la cause de leur institution,
qui est de gouuerner le Royaume, comme ce Roy
d’Egypte establissant Ioseph Gouuerneur du païs, &
luy donnant vn pouuoir Souuerain sur son peuple,
faisoit crier par ses Herauts, qu’il estoit le Pere du
Roy, le Parlement qui est la Cour des Pairs, eux qui
ont l’honneur de declarer nos Roys en leur Sacre,
leur donner leur Sceptre & leur Couronne, les constituer
eux mesmes dans le thrône, tellement qu’ils
semblent qu’ils les fassent Roys, si dans la Majorité
on leur donne, comme il est vray, la qualité de Pere,
pourroit-on trouuer estrange, quand mesme celle
de Tuteur leur seroit attribuée pendant la Minorité.

Il y auoit vn sacrifice, dont parle Pausanias, qui se
faisoit par l’inuocation de certains esprits, où il dit,
que les Prestres au commencement ne voyoient que
des tenebres, des nuits & des obscuritez, mais quand
les ceremonies estoient acheuées, ils s’apperceuoient
que l’air blanchissoit peu à peu, que les tenebres commençoient
à se dissiper, les ombres disparoistre, de
sorte que s’il restoit encore quelque nuage, apres tant
d’exemples & de preuues illustres dont ie me suis seruy,
quand l’on aura examiné quel est l’exercice & la

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fonction de nos Ministres qui vsurpent l’authorité
Royale. Tout ce qu’il y a d’obscur en cette question
si graue & importante, demeurera plainement esclaircy.

 

Donc apres auoir monstré que nous ne reconnoissons
en France qu’vne puissance Souueraine, laquelle
nos Rois, pour se descharger d’vne partie de
leurs obligations, ont de tout temps communiquée
à leur Parlement ; d’où vn Ancien l’appelloit excellemment
l’œil du Prince, parce qu’il doit esclairer
toutes ses actions. Il est aisé de faire voir que le Conseil
d’enhaut n’esclatte que d’vne fausse lumiere, c’est
cét œil malade que Salomon au 28. des Prouerbes,
attribuë à ceux qui ne cherchent qu’à butiner & faire
leur profit par des voyes illicites, Viri festinantes ad
substantiam, comme il y a au texte original, sunt oculi
mali, habent oculum nequam : Gens que l’ambition desespere,
& que la conscience des crimes agite, lesquels
ne pouuans trouuer de repos que dans le meurtre &
le carnage, se feignent de tous costez des ennemis.

Bellumque sine hoste. Sans considerer que le triomphe des Subjets & des
Citoyens, n’est qu’vn faux triomphe, que la force &
la valeur degenere en ce rencontre, en vne espece de
sacrilege & de mal heur. Aussi leur premiere demarche,
apres auoir preuenu & s’estre rendus maistres de
l’esprit de nostre Reyne, par leurs artifices pernicieux
& leurs conseils abominables, a esté de luy rendre
les deliberations de son Parlement suspectes, parce
qu’elles n’ont esté formées que dans les broüillards

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& les nuages qui troubloient nostre ciel. Les perles
qui sont conceuës en vn iour clair & serain, reluisent
d’vne naïue blancheur ; celles au contraire qui sont
engendrées en vn temps obscur & orageux, filles du
tonnerre & des tempestes, ont la couleur ternie, & se
ressentent de l’ombre & de l’obscurité.

 

Mais nostre France doit imputer tous ses troubles
à ces nouueaux Genies, puisque n’ayant receu que de
benignes influences sous le gouuernement de nos
Rois & de leur Parlement, lors que ces faux Soleils se
ioignent à leur puissance tout le Ciel est en feu,
Crebris micat ignibus æther.
La terre fume de sang, le Royaume est en proye, &
ceux qui estoient plus estroittement obligez au seruice
du Roy par le deuoir du sang & par le droit de
leur naissance, ce sont eux qui employent tous leurs
efforts à renuerser son authorité.

L’on a veu autresfois cette Reyne Semiramis, porter
en sa banniere vne Colombe qui auoit dans son
bec vne espée toute sanglante, de laquelle elle menaçoit
son peuple, & dont le Prophete Ieremie au
chapitre 46. prioit Dieu de le guarentir, Reuertamur ad
populum a facie gladij columbæ. Et nous voyons aujourd’huy
l’vne des plus grandes Princesses, Regente de
la premiere Monarchie du monde, souffrir que l’on
arme les mains innocentes de nostre ieune Roy,
comme on dit qu’Helie fut veu en songe succer le
feu auec le laict. Et les Egyptiens rapportent de leur
Osiris, que sa mere auec la mammelle luy mettoit du
fer dans la bouche, estrange spectacle, & bien plus funeste

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que celuy qui donna sujet à ce beau discours
que fist Epiphane au second Concile de Nicée septiesme
Oecumenique : I’ay veu, dit-il, le portraict
d’vne Princesse de Colchis, laquelle irritée contre ses
Subjets, & les pour suiuans le glaiue à la main, le
Peintre par son adresse luy auoit partagé & representé
le visage de deux diuers aspects ; de sorte que
luy ayant fait vn œil de fureur, tout flambant, allumé
de cholere, il luy adoucist l’autre, parce qu’elle
deuoit estre au mesme temps touchée de pitié & de
compassion. Misericordia & furore faciem diuisit, vno
oculorum iratam, altero parcentem indicante ; Mais nous
pouuons nous asseurer, que tant que nostre Reyne
sera persuadée par ces esprits factieux, la douceur &
la clemence ne luy partagera iamais ny le visage ny
le cœur ; ce sont eux qui luy ont fait rejetter les plus
humbles remonstrances, ce sacrifice de la bouche
que Dieu tesmoigne luy estre plus agreable que tous
les autres dans sa cholere, & que l’Escriture appelle,
les hosties & les victimes de nos levres, vitulos laboriorum :
parce que leur dessein a tousiours esté, de faire
de la plus puissante ville du Royaume, au commencement
de ce nouueau regne, comme cette ancienne
Rome dans sa naissance, la retraitte & l’azyle d’vne
troupe d’estrangers & d’inconnus, vn amas d’espaues
infames & sans maistre, aberrantia animalia, dit nostre
Charles du Moulin, quorum Dominus ignoratur, peut-estre
aussi qu’ils n’en reconnoistront bien-tost point
d’autre, que cét insolent Ministre dont la naissance
ne nous est pas plus asseurée. Gens qui s’imaginent

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auoir desia l’intendance de toutes les affaires de la
Monarchie, parce qu’ils sçauent abuser de la bonté
de nostre Reyne, qui en deuroit seule auoir la conduite,
plustost que de contreuenir aux loix fondamentales
de l’Estat, de n’associer que des François au
gouuernement de l’Empire ; loy qui ne nous est pas
seulement particuliere, mais generale à tous les Estats
du monde, Patriis auspiciis rempublicam administrari debere
non alienigenis. Afin que les mœurs des Subjets ne
soient point corrompuës & alterées, par le meslange
& la communication d’vn sang si pur & si mesprisable.
Ne seruilis & peregrini sanguinis colluuione corrumperentur,
comme disoit l’Empereur Auguste dans Suetone.
De sorte que les Parlemens n’ayans esté instituez
que pour maintenir les loix du Royaume en leur
authorité, eux qui en sont les loix viuantes & animées :
Il est certain qu’ils ont deu s’opposer pour le
seruice du Roy, le bien de l’Estat, l’honneur du
Royaume, & la reputation du nom François, aux efforts
iniustes d’vne puissance estrangere, vsurpatrice
sacrilege d’vne authorité innocente, qu’elle veut
exercer sur nous dans vne souueraineté tyrannique
pendant la minorité.

 

Nous auons l’Ordonnance de Charles V. laquelle
declarant nos Rois Majeurs à l’âge de quatorze ans,
leur designe des Conseiller pour leur gouuernement
& leur conduite : Mais ce sage Prince, comme i’ay
desia monstré, n’a iamais admis aux affaires importantes
du Royaume, que sa Cour de Parlement ; & de
verité, si nous voulons prendre les choses dans leur

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sources, & repasser sur les anciennes Coustumes de
nos premiers Princes. Nous lisons que les Conseillers
qu’ils tenoient prés leurs personnes, ne seruoient
qu’à faire des propositions & des ouuertures, dont les
resolutions estoient reseruées à la Cour des Pairs ; &
quand les Rois ne pouuoient assister eux mesmes aux
deliberations, ils deputoient ces sortes de Gens pour
recueillir les voix & leur rapporter les opinions, puis
ils prononçoient eux mesmes les Arrests, Consilij latores,
dans Festus, distinguez des Iuges, en ce qu’ils
pouuoient seulement proposer, & ne iugeoient iamais.
Voila le tiltre & la premiere institution du
Conseil Priué des Rois, distinct & separé des Princes
& du Parlement, Gens qui donnoient ou rapportoient
des aduis, descouuroient des aubeines, & seruoient
de mouchards & de solliciteurs aux Princes,
encore cela n’auoit lieu que dans la Majorité, estant
certain que nos Rois Mineurs n’ayant point de volonté
constante & determinée, il n’y auoit que les
loix de l’Estat, l’esprit de la Republique, qu’appelle
Platon [illisible], qui animast & pût faire mouuoir
cette puissante machine.

 

 


Totamque infusa per artus
Mens agitat molem. Et ces loix pour lors estoient obseruées dans leur pureté
originaire, en sorte que les Regentes qui ont depuis
succedé, venans auiourd’huy à leur donner atteinte,
& les destruire par vn Conseil dangereux, &
vne administration pernicieuse, l’authorité que le
Parlement a de s’y opposer est eternelle, le droit d’y

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resister perpetuel, imprescriptible, & à iamais durable ;
On ne prescrit point, disoit Themistocle, contre
les Dieux & contre la Republique, les loix de
l’Estat ne fleschissent & ne se relaschent iamais. Ce
qui a fait dire à Zonare au Liure premier de son Histoire,
explicant le songe de ce Roy de Babylone,
& la vision de cette grande statuë, dont le chef estoit
d’or, & representoit l’Estat des Assyriens ; les pieds
qui estoient de fer, le Senat des Romains ; non seulement
parce qu’il estoit l’appuy & les colomnes de
l’Empire, mais à cause qu’il estoit ferme & resolu dedans
la rigueur exacte de l’obseruation des loix, & ne
fleschissoit iamais non plus que le fer, [illisible],
quand ie parle de la rigueur des loix, ie l’entend
comme en termes de Geometrie, rigor à recto, rigor
suæ rectitudinis nomen accipit, dans Aggenus Villicus,
mais laissons là le terme de rigueur, si on le trouue
trop rude, & disons la vigueur des loix fondamentales
du Royaume, qui doit seule ranger nos volontez
sous leur Empire & leur obeïssance, & qui nous guide
à present par vne authorité publique & inuiolable,
contre la tyrannie d’vn Ministre qui a desolé
toute la France. Quoy nos Rois plus iustes, & plus
iustement Rois que tous les Rois du monde, eux
dont l’humanité a tousiours surmonté l’authorité,
& la bonté surpassé la puissance, ne permettent pas
que leurs volontez soient executées, à la pointe des
armes, & ont institué les Compagnies Souueraines
pour temperer leurs commandemens absolus par
leurs prudens Conseils, comme le cœur se sert du

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cerueau son premier ministre, le siege de la prudence,
pour moderer par sa froideur les esprits, en rabattre
la chaleur & la vehemence ; & vn estranger agira
en France en toute licence & liberté, n’aura que sa
volonté pour regle, fera executer ses commandemens
au nom du Roy, de puissance absoluë & de
pleine authorité.

 

 


Maxima res effecta viri timor omnis abesto,
Nam si non cecidit potuit cecidisse videri.
Nam te maioribus ire per altum
Auspiciis manifesta fides.

 

Il est vray que les Princes qui ne sont nez que pour
le seruice du Roy, que la haute naissance a mis dedans
la sphere de la grandeur, esleuez dans le firmament
de la gloire, doiuent tousiours reluire des rayons de
leur fidelité, n’auoir rien de plus cher ny de plus precieux,
que la deffense des droits du Roy & de son authorité.
Si ce bon Roy de Boheme combatit tout
aueugle qu’il estoit, pour Philippes de Valois en la
Iournée de Crecy : Combien plus les Princes du Sang
doiuent-ils fermer les yeux, & ne les ouurir iamais
aux pretextes quelques specieux qu’ils soient, ny se
rendre fauteurs d’vn party qui ruine & destruit la
Monarchie, en luy ostant ses Loix & ses Magistrats,
Pertitura troia, perdidit primum deos.
Eux qui ayment naturellement le bien public, & qui
ne sont conduits, comme les anciens Theologiens
ont tenu, que par vne secrete influence d’vn esprit superieur
qui preside à leurs sages conseils, & ceux qui
en voudroient parler autrement, meriteroient la peine
de ce Poëte, qu’vn Rheteur disoit auoir esté deschiré
& son corps mis en pieces, pour auoir attribué
aux Dieux des actions indignes de leur condition &
de leur estre.

Ce n’est pas que ie veüille entreprendre de faire
icy le procés à Monsieur le Prince, on respecte trop

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son Sang, quoy qu’on en redoute le courage ; mais ie
diray seulement, entant que la necessité d’vne iuste
deffense le requiert.

 

Parcius ista mihi tamen obijcienda. Que si mettant à part toutes ses excellentes qualitez,
sa generosité inuincible, ses viues affections & volontez
ardentes à la gloire de l’Estat ; il est permis de
remarquer en luy quelque defaut, comme les Astres
les plus brillants ne laissent pas d’auoir leur tache,
bien qu’ils esclattent pardessus tous les autres ; C’est
le reproche que l’on faisoit à Cassius dans Tacite,
Objectum Cassio quod inter imagines suas, effigiem Caij,
Coluisset, inscriptam DVCI PARTIVM : tiltre d’autant
plus odieux en la Monarchie, que la diuision & la
multitude ne presage que la destruction ; tous les
maux qui arriuent dans vn Estat, ne procedent que
des diuers partys qui diuise l’authorité & la souueraine
puissance : Ce que Platon a si dignement remarqué
en l’vne de ses Epistres, quand il a dit, que
lors que nous faisons quelque chose de bien, quelque
action vertueuse, c’est Dieu sans doute qui donne
commencement à l’œuure ; mais quand nous faisons
quelque action mauuaise, ce n’est plus Dieu,
ce sont plusieurs Dieux qui nous conduisent, pour
monstrer que le fondement de tout bien c’est l’vnion.
Et si l’on me permet de reprendre les premiers
malheurs de nos peres, foüiller dans les cendres de
leurs braziers esteints, encore que les Atheniens eussent
rayé de leurs Fastes le iour fatal que Neptune &
Minerue auoient contesté ensemble de la Seigneurie

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d’Athenes, pour ne rafraischir iamais la memoire
des calamitez publiques. Cesar dit en ses Commentaires,
que les diuisions entre les Gaulois furent la
principale cause de ses Conquestes, & luy donnerent
le moyen de vaincre vne nation, laquelle bien vnie
estoit inuincible. Vn autre Prince interrogé par Scipion,
pourquoy Numance, si forte & si puissante,
auoit esté ruinée ; ne fist autre response, sinon qu’elle
s’estoit diuisée. Donc s’il est vray pour finir par la
premiere maxime de nostre Estat, que les Monarchies
ne subsistent principalement que par l’establissement
d’vne autre Verité aussi importante, que cette
vnité ne peut estre entretenuë & conseruée que par
la Iustice. C’est ce qui a fait dire à ce diuin Philosophe
au second de sa Republique, que lors que tous
les Subjets d’vn Estat sont vnis entr’eux, c’est vne
marque que la Iustice les maintient & les gouuerne :
D’où il poursuit en vn autre endroit, que l’vn des
preceptes escrits au Temple de Delphe, estoit qu’on
deuoit honorer & auoir vn singulier respect pour
tous les Magistrats. Et l’vn des plus sçauans Historiens
Grecs Denis d’Halicarnasse, parlant des premiers
mouuemens qui s’esleuerent dans la Republique
Romaine, ne les attribuë qu’au mespris qu’elle
commençoit de faire de ses Legislateurs. Raison fondée
non seulement dans les maximes de la Politique
humaine & profane, mais qui se trouue establie dans
l’Escriture au 4. des Iuges, lors que cette sage Dame
fut appellée au gouuernement du Peuple de Dieu,

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& luy dit ; Ie me suis leuée pour estre vostre mere, & i’ay
mon cœur vers les gouuernemens, ou selon la verité Hebraïque,
les Legislateurs d’Israël. Exemple auguste pour
les Regentes en nostre Monarchie, qui doiuent cherir
les Magistrats, & preferer tousiours la qualité de
mere du Peuple, à celle que s’estoit acquise cette
Princesse Romaine par le mespris des Loix, de mere
des armées. Dieu qui a mis les cœurs des Rois dans
les mains des Sages, & que nous reconnoissons Protecteur
de l’Estat François, destruira les desseins iniustes
de ceux qui font porter à nostre Reyne ces
noms d’espouuante & de terreur. C’est cét œil de la
Iustice Diuine, qui découure tout ce que la malice
des hommes tient secret & caché, cette haute Prouidence
du Ciel impenetrable aux yeux des hommes,
mais neantmoins qui penetre par tout, par la sage
conduite de laquelle tous les euenemens du monde
sont reglez, qui fera connoistre à nostre Princesse,
que le Parlement n’a pour but de son entreprise, sinon
de remettre le Roy en liberté par la deffaite des
esprits factieux qui abusent de son authorité. Elle
reconnoistra que les Arrests rendus contre ces perturbateurs,
sont des foudres esclatans de l’amour du
bien public ; semblables à ceux que les Anciens appelloient
Auxiliaires, dont l’approche peut auoir
quelquefois apparence de nuire, mais l’effect est
tousiours de secourir. On remarque entre les merueilles
des Indes, qu’il y a vne fontaine d’où l’on
puise quantité d’or, & au fond se trouue du fer qui
a cette proprieté, que les espées qui en sont faites ne

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sont iamais employées au sang & au carnage, mais
seruent seulement à faire cesser les tempestes, les
vents & les orages, & rendre l’air calme & serain.
C’est à la faueur de ces armes que nous deuons acquerir
l’immortalité de nostre bon heur, lier les aisles
& les pieds à la bonne fortune de la France, & la
tenir mieux arrestée que n’estoit cette Victoire sans
aisles chez les Atheniens, ou ce Mars chargé de chaisnes
en Lacedemone. Enfin nous pouuons nous asseurer,
que cette année heureuse marquée de rouge
dans les Fastes des ennemis de l’Estat, rendra la France
le plus esleué Theatre des actions memorables, &
qui surpasseront desormais l’esperance de pouuoir
estre saites, aussi bien que la creance de l’auoir esté.

 

Fin de la premiere Partie.

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I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.