I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.
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IMPORTANTES
VERITEZ
POVR LES PARLEMENS.

PROTECTEVRS DE L’ESTAT.

CONSERVATEVRS DES LOIX.
ET
PERES DV PEVPLE.

Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix
fondamentales du Royaume.

DEDIEE AV ROY.

Par I. A. D.

Vt cunque ferent hoc fata, Vincit amor patriæ laudumque immensa cupido.

A PARIS, Chez IACQVES VILLERY, au Palais, à l’entrée de la Salle Dauphine.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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AV ROY.

SIRE,

Nous lisons du jeune Cresus, qu’ayant
à peine l’vsage de la parole, si tost qu’il
eust apperceu le meurtrier qui aduançoit

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le bras pour percer le sein de son
pere, se deslia la langue, & transporté
d’vne viue apprehension, commença à
s’escrier soudain, NE TOVCHEZ
PAS AV ROY MON PERE,
ainsi dans les mesmes sentimens de
crainte, accablé sous le faix de la douleur,
& ayant l’honneur de commencer
sous le Regne de Vostre Majesté sacrée,
de voüer au public mes premieres paroles,
dans le Barreau le plus eminent
de la Iustice du Royaume, ie sens que
ma langue s’est heureusement desliée si
tost qu’on a attenté directement à Vostre
Majesté, & qu’vn MEVRTRIER
insolent a paru armé au sac de vostre
ville, au massacre de vos Subjets, à la
ruine de vostre Parlement. Ce qui nous
cause & redouble encore vn plus sensible
& cuisant regret, est que les souspirs
& les larmes dont vostre peuple vous a

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fait naistre, n’ont pû vous obtenir pour
la seconde fois. Il souffre dans le cœur
les mesmes conuulsions & les frayeurs
horribles, que ressentit ce mal-heureux
pere quand il apperceut qu’vne beste feroce
s’estoit saisie de son enfant qu’elle
auoit tiré du berceau tout endormy, &
porté sur vn precipice ; On vous a enleué
de nuit des bras de vos Subjets, &
nous vous voyons, SIRE, entre les
mains d’vn Ministre cruel & merueilleusement
estourdy ; de prendre les armes
pour luy courir sus, ayant en sa disposition
vn si cher & si pretieux gage,
c’estoit commettre trop temerairement
vostre sacrée personne, & l’enuelopper
dans le peril. Le precipice où il vous a
porté auec tout vostre Estat, sa condition
d’estranger, & son imprudence naturelle,
rend vostre peuple excusable,
de n’auoir jetté en ce rencontre que des

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larmes, & attendu dans les tremblemens
continuels ce qui en pouuoit arriuer.
Tout nostre crime, SIRE, est d’auoir
souffert aupres de Vostre Majesté,
vn animal deguisé, qui a trouué dans
vostre Royaume ce qu’vn autre, aussi
adroitement que luy, rencontra chez les
Tyriens ; & s’est enfin saisi d’elle, lors
qu’elle reposoit sur les Palmes que son
Parlement luy auoit cueilly. Il importe
de leuer les sinistres impressions qu’on
luy donne de ses plus fideles seruiteurs,
dont on fait passer pour rebellion, le
zele & l’ardeur de respandre leur sang
pour le soustien de la Couronne ; Magistrats
vrayement dignes des charges
qu’ils exercent, si le gouuernement d’vn
ambitieux & trop violent Ministre, n’auoit
esté indigne d’eux. Mais il est temps,
SIRE, de rejetter d’vn regne si innocent,
ces marques funestes & ces images

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sanglantes qui s’offrent à nostre souuenir,
quand nous voyons des gens qui se
portent courageusement à deffendre vostre
Estat ; de dire celuy-là a esté banny,
& celuy-cy empoisonné. L’exil & les
supplices ne sçauroient plus ternir le vif
esclat de leur Pourpre. Et si c’est vn office
de pieté, de fermer les yeux à ses
amis, & les composer à la mort ; Venez,
SIRE, voir expirer vostre peuple, &
vous trouuerez leurs Magistrats, quand
ils ne pourront faire autre chose, luy
rendre encore ce dernier deuoir, & se
remettre entre vos bras. Mais d’esperer
qu’vn mauuais Conseil les fasse honteusement
fleschir, sous la main sacrilege
d’vn meschant Ministre, eux qui ne
peuuent perir qu’auec la Monarchie,
les Loix de vostre Estat ne le peuuent
souffrir ; non ces pensées sont trop funestes.
Reuenez IEVNE PRINCE,

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les Dieux & les Rois n’ont pas des peuples
pour les faire languir. Le Soleil
chasse la tristesse du Ciel, & resioüist toute
la terre, & la presence du Roy n’apporte
que de la joye & du soulagement
à ses Subjets ; C’est vne lumiere esclattante,
dit Salomon, qui dissipe & perce
tous les nuages, lumiere, marque de la
Royauté, d’où les Empereurs de Constantinople
faisoient tousiours porter deuant
eux vne lampe ardente, pour dire
que la lumiere n’esclairant iamais pour
soy, mais pour faire voir les autres, aussi
que la Royauté ne regarde que le bien
des Subjets. Vous verrez, SIRE, que
tous vos peuples jetteront plus que jamais
les yeux sur Vostre Majesté, vous
n’entendrez que des paroles de resioüissance,
& des acclamations publiques ; &
si autresfois en France les Rois, au retour
des batailles, estoient portez par les

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Princes sur leurs Boucliers, & ainsi exposez
à la veuë de leur peuple, à vostre
arriuée dans Paris, vous serez porté
sur les cœurs de vostre peuple, vray
bouclier des Rois, desquels enfin pour
marque de fidelité, il vous fera des victimes
& des sacrifices, comme je fais à
present du mien & de mes tres-humbles
seruices. Qui suis & seray à jamais,

 

Le chien
de Tyr
qui trouua
la
Pourpre.

De vostre Majesté,

Tres-humble, tres-obeïssant,
& tres-fidele seruiteur &
sujet, I. A. D.

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AV LECTEVR.

C’ESTOIT vn bel ornement
aux Iuges des Egyptiens, remarqué
par Diodore Sicilien
au premier de son Histoire, où
il dit, que celuy qui presidoit
aux iugemens auoit vne chaisne d’or en
son col, à laquelle pendoit vn anneau enrichy
de pierreries, qu’ils appelloient LE
SIGNAL DE LA VERITE, & que la coustume
estoit apres auoir gardé vn long silence,
de tourner ce signal vers le party le
plus veritable, auant que pouuoir prononcer.
Il est vray que les Autheurs, dont
la passion ou l’auarice a fait esclatter au
moment de nos troubles, des iugemens
precipitez, n’ayans traitté pour la pluspart,
que des matieres indifferentes, &

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s’estans proposé seulement d’arrester les
esprits mediocres sur des sujets mal digerez,
ne deuoient point vser de ces ceremonies,
qui ne sont faites que pour les
ouurages plus solides, & les escrits plus
recherchez. Mais j’aduouë qu’ayant eu
à parler de l’authorité du premier Parlement
du Royaume, & ayant esté porté
par ceux mesmes qui y sont plus considerez,
à mettre au iour ces Veritez Importantes,
ie n’ay pû me dispenser de garder
ce long silence, auant que de tourner le signal,
& declarer mes sentimens, soit par le
respect particulier, de toucher à des droits
si sacrez, auec des mains peu sçauantes &
experimentées : Suiuant la pensée du plus
eloquent des Prophetes, qui dit au chapitre
32. Et erit cultus iustitiæ silentium. D’où
Homere, qui passera tousiours pour le
maistre de tous ceux qui sçauent, voulant
descrire les respects & les honneurs incomparables,
que les Troyens portoient
à leurs Chefs & à leurs Gouuerneurs, luy
qui est riche & abondant principalement

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en ses descriptions, ne dit autre chose sinon,
qu’ils ne parloient qu’apres vn long
silence, soit aussi par la crainte
& apprehension de la grandeur du sujet,
& du peril où nous jettent quelquesfois
les mouuemens trop libres de nostre esprit ;
neantmoins ayant icy pour garands
les principaux Officiers de cet illustre
Corps, dont i’ay l’honneur d’estre vn des
enfans, & n’ay rien fait que sous leur conduite :
I’ay crû pouuoir dire auec Hildebert
Archeuesque de Tours, Qamuis mihi
periculosum fore intelligam, si illud, liberius paulò
tractauero, dicam tamen quod mens mihi ratioque
dictauerit, nec tanti faciam, fortunæ sæuientis terrores
vt IVSTITIÆ mecum facientis non asseram
VERITATES.

 

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IMPORTANTES
VERITEZ
POVR LES PARLEMENS.

PROTECTEVRS DE L’ESTAT.

PREMIERE PARTIE.

EXTRAICT DES REGISTRES
de Parlement.

CE iour la Cour, toutes les Chambres
assemblées, deliberant sur le Recit
fait par les Gens du Roy, de ce qu’ils
se sont transportez à Saint Germain
en Laye pardeuers ledit Seigneur Roy & la
Reyne Regente en France, en execution de

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l’Arrest du iour d’hier, & du refus de les entendre,
& qu’ils ont dit que la Ville estoit bloquée :
A ARRESTÉ ET ORDONNÉ, Que tres-humbles
Remonstrances par escrit seront faites
audit Seigneur Roy & ladite Dame Reyne
Regente. Et attendu que le Cardinal Mazarin
est notoirement l’autheur de tous les desordres
de l’Estat & du mal present, L’a declaré & declare
Perturbateur du repos public, Ennemy
du Roy & de son Estat : Luy enjoint se retirer
de la Cour dans ce iour, & dans huictaine hors
du Royaume : Et ledit temps passé, Enjoint à
tous les Subjets de luy courre sus. FAIT deffenses
à toutes personnes de le receuoir, ORDONNE
en outre qu’il sera fait leuée de gens
de guerre en cette Ville en nombre suffisant : A
cette fin Commissions deliurées pour la seureté
de la Ville, tant au dedans que dehors, & escorter
ceux qui ameneront les viures, & faire en
sorte qu’elles soient amenées & apportées en
toute seureté & liberté. Et sera le present Arrest
leu, publié & affiché par tout où il appartiendra,
à ce qu’aucun n’en pretende cause d’ignorance
Enjoint aux Preuost des Marchands
& Escheuins, tenir la main à l’execution.

 

Signé, GVYET.

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AESCHYLE Poëte Grec, descriuant le
siege de la Ville de Thebes par Polynicés
fils d’Ædipe, & representant ses sept Chefs
qu’il auoit choisis les plus vaillants de toute
son armée, & qui ont donné le nom à cette celebre
Tragedie, l’vne des plus belles pieces de l’Antiquité
Grecque, [illisible], dit, Que tous les Capitaines
qu’il auoit disposez pour attaquer la Ville par
diuers endroits, auoient leurs Boucliers superbement
enrichis & grauez de diuerses figures, qu’en l’vn estoit
empraint vn Promethée enuironné de feu, auec cette
inscription, IE REDVIRAY LA VILLE EN CENDRES ;
En l’autre il y auoit vn Geant representé, qui emportoit
sur ses espaules vne Ville toute entiere, laquelle
il auoit arrachée auec des pinces de fer, & au
tour estoit escrit, MALGRÉ LES DIEVX IE L’EMPORTERAY
DE FORCE ; Mais le General de toute l’armée
auoit vn Bouclier plus grand & plus ample que les
autres, & pour deuise, on voyoit vn ieune Prince que
la Iustice tenoit par la main, auec ces paroles qu’elle
luy adressoit : C’EST MOY QVI VOVS REMENERAY
EN VOSTRE VILLE, reducam te in ciuitatem, [illisible],
ET VOVS CONSERVERAY LE TRÔNE QVE VOS
PERES VOVS ONT ACQVIS, [illisible]

Cette derniere Figure est la representation naïve,
& la viue expression des troubles & des desordres, où
nous a plongé l’absence de nostre ieune Monarque,

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ou plustost l’enleuement commis en sa personne par
vn complot & vne conspiration detestable, vn attentat
abominable. Qu’aux yeux de toute la France,
& de ce corps auguste de la Iustice suprême du
Royaume, ce Parlement celebre, Dieu tutelaire de
l’Estat, où les premiers Princes du monde ont tenu à
honneur de faire leurs principaux sacrifices, & voüer
leur fidelité à la deffense de cette florissante Monarchie.
Qu’on ait veu, dis-je, vne troupe de coniurez
s’armer pour la ruine & l’embrazement de ces sacrez
Autels, apres en auoir rauy ce ieune Prince, que le
Ciel a formé de sa main pour estre le miracle de nos
iours, lors que tous ces grands Genies n’estoient occupez
qu’à le faire triompher en naissant, & agrandir
son authorité ; N’est-ce pas LE CONSEIL de ces
fameux Incendiaires qui embrazerent le Temple de
Diane en Ephese, pendant que cette Deesse estoit attentiue
à la naissance d’Alexandre, & preparoit aux
hommes le Conquerant de l’Vniuers.

 

On dit que l’Eclipse du Soleil n’arriue iamais, que
ce monde inferieur ne se ressente de la perte qu’il fait
pour vn temps de la lumiere de ce bel Astre, toute la
nature tombe en defaillance, la terre est obscurcie,
& n’est menacée que de sinistres accidens. Mais nous
pouuons dire que l’absence de nostre ROY, comme
l’Eclipse du Soleil naissant de cette Monarchie, fera
ressentir à l’Estat de perilleux effects. La terre cache
quelquefois le Soleil à nos yeux, mais ne le rauit pas
aux hommes : Et ce ieune Prince a esté arraché des
bras de ses Subjets, il est demeuré la proye de ses

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Rauisseurs, & son Royaume exposé par de mauuais
Ministres, aux seditions & aux reuoltes, qui est vn
crime, du nombre de ceux que Lactance appelloit,
Cothurnata flagitia, digne du Cothurne tragique. Car
ie ne crois pas que iamais le Theatre ait raisonné &
retenty de plus funestes euenemens, crime non seulement
remply d’enormité, mais d’horreur & d’impieté ;
puis qu’il est estrange, disoit Firmicus, qu’vn
Roy commence à regner par le massacre & le carnage
des siens, sans qu’on leur puisse imputer autre chose,
sinon qu’ils sont nez ses Subjets, Cædibus suorum surgit
Rex imperaturus, & à suppliciis regnum, auspicatur, eam
tantum ob causam, quia sui sunt.

 

Voyons pour espargner vne plus longue Preface,
& ne m’engager point en des preambules fugitifs, si
ce grand Senat n’estoit pas obligé de prendre les armes
en main pour conseruer l’authorité du Roy,
maintenir l’honneur de son Sceptre, & reprimer l’insolence
de ces nouueaux Geants, lesquels ne menacent
pas seulement comme à Thebes, d’emporter de
force les Villes les plus puissantes, mais s’imaginent
auec temerité, qu’ils peuuent seuls atteindre & s’esleuer
dans le Ciel de la Royauté, qu’ils ont droit de
s’opposer aux Cours Souueraines, porter le feu de la
diuision en toutes les parties du Royaume, respandre
le sang des Subjets du Roy, declarer les Parlemens
rebelles, leur authorité iniuste, comme si ce
n’estoit pas assez de faire des crimes ; ils se plaisent à
faire des criminels, mais nous auons cét aduantage,
que ces Corps Augustes ayans esté establis par nos

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Rois, seuls legitimes administrateurs de la Iustice,
laquelle ils ont eux-mesmes constituées TVTRICE
de leur Estat. Il est aisé de faire voir par les Loix
du Royaume, que les Parlemens doiuent auoir
seuls la connoissance & le gouuernement des affaires
publiques, que les Rois Mineurs sont particulierement
sous leur conduite, puisque dans leur
Majorité mesme, ils ont tousiours fait gloire de
sousmettre leur authorité. C’est ce que i’ay entrepris
de traitter contre les Ministres dont on a composé
VN CONSEIL D’ENHAVT, pour ne pas
dire vn amas de gens ennemis de l’Estat, lesquels
par vn excés d’impieté deschirent les entrailles de
leur Patrie, & tous noircis de crimes, ne se sçauroient
cacher que dans les playes de la Republique.
Mais ce qui me trauaille & me peine, est la crainte
de ne pouuoir pas respondre à la dignité du sujet,
& qu’il ne m’arriue comme à ces Peintres, lesquels
plus heureux en la matiere de leurs ouurages qu’en
leur Art, ternissent quelquesfois les plus belles couleurs
par des lineamens obscurs & ombrageux, i’apprehende
de ne pouuoir pas satisfaire à la grandeur
de la matiere.

 

 


Fas mihi graiorum sacrata resoluere iura
Apparent Priami & veterum penetralia regum.

 

Aussi toutes les lignes de ce Discours n’aboutissent
qu’à vne recherche mysterieuse & sacrée des Loix fondamentales
de la Monarchie, & se reünissent comme
en leur centre en deux propositions principales, puisées
des maximes les plus pures de l’Estat.

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L’vne, que nous ne reconnoissons en France qu’vne
seule authorité.

L’autre, que nos Rois l’ayant communiquée à
leurs Parlemens pour le bien de leurs Subjets, & particulierement
pour la conduite & l’administration
des affaires du Royaume, il n’y a que les Compagnies
Souueraines qui la puissent exercer legitimement
pendant la Minorité.

La premiere de ces propositions est appuyée, &
a pour fondement vne verité inuincible, que la Monarchie
humaine, à l’imitation de la Diuine, consiste
en l’vnité, elle est seule & indiuisible, comme on peut
aussi remarquer, que tout ce qui commande en la nature
est vnique.

Le Soleil qui est l’image des Princes de la terre,
le Roy du monde sensible, comme Platon l’appelle
[illisible]. Luy sous la puissance duquel se
meut toute la disposition de la nature elementaire,
il est vnique, l’on ne void point deux Soleils dans le
Ciel.

L’ame qui nous informe & nous gouuerne comme
le Prince qui fait mouuoir le corps de son Estat selon
sa volonté, elle est seule, & n’en pourroit pas souffrir
vne autre pour animer vn mesme corps. Vnum corpus
vnius animo regendum.

L’entendement qui domine sur toutes les puissances
sensitiues de l’ame, est representé admirablement
par ce grand Archeuesque de Thessalonique, comme
vn Roy seul esleué en la partie la plus eminente du
corps ; [illisible] ; Enfin tout ce qui

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regit & gouuerne est vn & ne se diuise point, & s’il
est vray que l’vnité tienne lieu de principe & d’element
à toutes choses, mesme que chaque chose ne
soit qu’entant qu’elle est vne, & qu’elle cesse d’estre
quand elle perd son vnité indiuiduelle, combien plus
cela a-il lieu aux Monarchies, qui ne subsistent & ne
retiennent leur nom que par l’vnité, & comme c’est
elle qui les conserue, aussi la diuision & la pluralité
les destruit.

 

C’est ce que dit excellemment vn autre Interprete
d’Homere plus ancien qu’Eustathe, qu’on dit estre
Dydimus d’Alexandrie, sur ce beau vers du Poëte,
[illisible]. Si l’on pouuoit, dit-il, trouuer
en la nature vn corps qui fut simple, & d’vn seul element,
il ne souffriroit iamais de corruption ny d’alteration,
& cite là dessus vn lieu d’Hippocrate, de natura
hominis, [illisible], si
homo vnum esset nunquam doleret : nos corps ne se corrompent
qu’entant qu’ils sont composez de plusieurs
qualitez. Enfin pour mettre le sceau à tant de belles
analogies, & de comparaisons illustres, que l’estude
des Sçauants, & les meditations des grands Genies,
pourroient icy fournir par vn exemple qui nous est
particulier & domestique. Disons qu’il n’y a qu’vne
seule Couronne entre les Astres, & qu’en la terre celle
de la France est vnique, c’est cette perle precieuse produite
de la rosée & de l’influence du Ciel, i’entends
cette liqueur celeste, diuine & miraculeuse, dont nos
Rois sont sacrez ; comme la perle est vnique & singuliere
en sa generation, parce que ce qui la produit

-- 21 --

n’en porte iamais qu’vne, appellée pour cela par les
Latins du mot qui signifie l’vnité. La Couronne de
France qui est la perle de toutes les autres, est demeurée
depuis tantost sept cens ans dans l’vnion de toute
sa puissance, sans en souffrir iamais la moindre
diuision.

 

Or comme l’ordre des Estats n’est que l’ombre de
l’ordre Eternel de la Sagesse Diuine, qui découle en
terre par l’esprit des Rois, comme par des canaux
choisis par la Diuinité pour se communiquer aux
hommes. Nous voyons que nos Rois n’ont iamais
fait part de leur authorité qu’à leurs Cours Souueraines,
pour se decharger d’vne partie de leurs obligations
& de leurs soins ; de mesme que le Soleil ne
communique sa lumiere qu’aux Astres, afin que par
leurs influences ils cooperent auec luy à la conseruation
& à l’administration de l’Vniuers.

Cette derniere proposition, bien que susceptible
d’ornemens & de recherches, ne doit reluire que de
sa propre solidité, c’est vn or tout pur qui esclate
de sa seule lueur ; & parce qu’il faut icy toucher la
maistresse corde d’ou despend toute l’harmonie du
Royaume, à laquelle les ennemis du Roy s’efforcent
de donner de faux sons ; le voudrois pouuoir desployer
tous les traits de l’eloquence la plus viue, combattre
contre eux corps à corps, & vaincre auec les
Argumens les plus forts & les plus puissans, suiuant
le conseil & l’instruction que nous donne le plus disert
& le plus eloquent des Prophetes, celuy à qui
l’Ange auoit purine & nettoyé les levres, prope iudicium,

-- 22 --

c’est au 42. d’Isaye, Afferte si qu’il forte habetis,
[illisible], ce que les Septantes ont traduit,
[illisible], fortia vestra, firmamenta vestra : Voicy
le poinct decisif, & qui me fait desia considerer la
France comme l’Astre qui a la plus haute eleuation
dedans le ciel de la fortune.

 

Encore que les Parlemens ne seruent principalement
qu’à faire regner les Rois, & qu’ils ne reconnoissent
autre cause de leur institution dans les Estats,
que celle qui a constitué les Monarques parmy les
hommes ; Tesmoins ce que nous lisons dans l’Escriture
de ce peuple d’Israël, qui demandoit à Dieu vn
Roy pour le iuger : Et la priere du ieune Salomon venant
tout petit à l’Empire, Que Dieu luy enuoyast
des Gens fidelles, & vn Conseil intelligent pour bien
regner. Neantmoins nos Histoires font foy, que les
Compagnies Souueraines, en France sont moins anciennes
que l’Estat Monarchique ; car ie ne veux parler
que de nos premiers Rois, sans m’arrester vainement
à remuer les cendres de ces anciens Druides, &
de tant de petits Senats, dont Cesar fait mention en
ses Commentaires, que nos Gaulois tenoient en leurs
Villes & dans leurs Prouinces, sous l’authorité des
Romains.

La Iustice en France estoit administrée par le Roy
& les Princes, & lors qu’ils estoient assemblez auec
les Barons & autres grands Seigneurs, pour deliberer
des affaires les plus importantes (ce qui arriuoit deux
ou trois fois l’année :) Ces conuocations generales de
tous les ordres du Royaume, s’appelloient Parlement,

-- 23 --

comme du Tillet, Pasquier & les autres remarquent ;
& bien que ce fust vn tiltre plus particulierement attaché
à leurs deliberations qu’à leurs personnes, c’est
neantmoins l’vnique origine, & la source adorable
d’où ont rejally tant de viues lumieres qui ont depuis
esclairé la Pourpre de nos Rois.

 

Et d’effet l’ambition naturelle à tous nos Princes
de porter leurs armes & la terreur tout ensemble dans
les païs estrangers, ne borner leur Empire que par
l’estenduë de leurs Conquestes, ayant desiré qu’on
pourueut à l’Estat de gens de probité, de suffisance &
de merite, pour le regir & gouuerner lors qu’ils conduisoient
eux-mesmes leurs armées, & que tous les
grands du Royaume les accompagnoient. Ils ordonnerent
vn Parlement composé des spectacles du
Royaume, auec plain pouuoir de commander en leur
absence, connoistre des affaires publiques & particulieres
en toute souueraineté ; nous en auons d’anciens
vestiges dans les Capitulaires de Charlemagne, car
tout cela s’est fait sous le regne du Roy Pepin son
pere, & comme ce Parlement aussi necessaire à la personne
du Prince, qu’à la conduite de son Estat, n’auoit
point de lieu asseuré, ny de seance certaine, le
Roy Philippes le Belle rendit sedentaire, & luy laissa
les mesmes fonctions & prerogatiues qu’il auoit à la
suite des Rois ses predecesseurs, auec attribution particuliere
de connoistre de toutes les affaires publiques :
C’est pour cela que Monstrelet, Froissart & les
autres, n’ont appellé le Parlement que LE CONSEIL
DES ROIS, & d’effet il ne se trouue point de lettres de

-- 24 --

son institution, comme des autres Cours Souueraines,
parce qu’il a tousiours tenu la place du Conseil
de tous les Grands du Royaume prés les personnes de
nos Rois, & l’on peut dire qu’il n’est pas tant institué,
comme il est né auec eux, enquoy il represente plus
parfaitement la Majesté du Prince, & porte plus sensiblement
les traits de son image, astre creé de la splendeur
de la Royauté, viue estincelle du feu de la vertu
Royale, esclat brillant de ce diuin Planette, Senat
aussi fameux & renommé, que celuy dont les Conseillers
furent pris par nos Peres pour autant de Dieux, &
pour autant de Rois par les Ambassadeurs de Pyrrus,
aussi estes-vous honorez du tiltre de Diuinitez dedans
les Liures Saints, & portez en main comme ces Iuges
de la Grece, le Sceptre de l’authorité souueraine, dont
nos Rois vous ont rendus participans.

 

[illisible]

C’est de vous que nous voulons apprendre les glorieux
succez de tant d’entreprises vertueuses, dont
vous auez soutenu la France sous le regne de tant
de Rois ; & l’on ne doit point trouuer estrange, si ie
vous fais parler en vostre propre cause, puis qu’en
vne contestation que l’on peut dire estre entre les
Dieux, on ne doit attendre que des Oracles, lesquels
vous auez seuls, comme ie feray voir, l’authorité de
rendre. Et s’il est vray qu’on ait tousiours fait grand
estat dans les escoles des Orateurs des preuues qui
viennent de la chose, des tesmoignages que l’on tire
du sein de la cause mesme, des arguments qui sont

-- 25 --

extraits en quelque façon, & comme exprimez des
entrailles d’vne affaire, que les Rhetoriciens Grecs
ont appellé pour cela [illisible], si rien ne
fait voir le Ciel plus clairement que les Estoiles, parce
qu’elles sont de la substance du Ciel mesme, qu’elles
en sont les parties plus espaisses & plus ramassées, des
preuues qui viennent naturellement, qui naissent de
la chose mesme, donnent bien plus de iour & de lumiere.
Quædam sunt probationes quæ ex re ipsa descendunt,
dit la Loy. Combien les argumens qui viennent des
personnes mesmes, doiuent estre plus dignes & plus
excellens, car ce sont des preuues viuantes, des preuues
parlantes & animées, lesquelles persuadans d’elles-mesmes,
il n’est plus besoin d’autre discours, les paroles
sont oysiues & superfluës, & l’aduantage que nous
auons par ce moyen est tel, que le gain de nostre cause
est tout entier entre nos mains.

 

Nous remarquons en cette belle Remonstrance
que vous fistes au deffunct Roy, de glorieuse memoire,
en six cens quinze, & qui a depuis esté donnée
au public, des exemples illustres de l’authorité, en laquelle
tous nos Rois successiuement ont conserué
leurs Compagnies Souueraines. Charles V. ioignant
la Iustice à la puissance Royale, ne declaroit iamais
la guerre, & ne traittoit d’aucune affaire importante
que par l’aduis de son Parlement, luy qui s’estoit acquis
dans toutes les Nations ce haut tiltre de Sage,
faisoit gloire d’auoir retiré l’vne de ses Prouinces d’vne
main estrangere, par vn Arrest de son Parlement.
L’on sçait ce qui arriua du temps de Loüis XI. Prince

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plus jaloux de son authorité, qu’aucun de ses predecesseurs,
car ayant enuoyé vn Edict pour verifier, sur
lequel on luy fist de grandes remonstrances, non seulement
il les eut agreables, mais il adjousta, qu’il remercioit
son Parlement, & ne le contraindroit iamais à faire
chose contre sa conscience. Ce Grand Roy se voyant menacé
d’vne mort prochaine, fit venir le Dauphin son
fils, qui a depuis regné sous le nom de Charles VIII.
aupres de sa personne, pour luy declarer ses dernieres
volontez, & apres luy auoir fait entendre, qu’il desiroit
l’instruire & le preparer au gouuernement de son
Estat, la derniere parole
Extremum fato quod te alloquor hoc est.
fust, de ne rien entreprendre sans l’aduis de ses Pairs & de
son Parlement, & voulut que la remonstrance qu’il luy
faisoit y fust registrée. Paroles dignes de fermer la vie
& la bouche de ce Grand Prince d’vn mesme sceau, &
comme elles partoient d’vne ame libre, qui n’estoit
asseruie qu’à la consideration du bien de son Peuple,
elles deuroient sans doute seruir à tous les Rois d’vne
rare leçon, de confier tousiours à ces Corps augustes,
les secrets les plus importans pour la conduite de leurs
affaires, & pour leur administration.

 

L’on celebroit vne Feste chez les Egyptiens au commencement
de chaque année, dont parle Iamblique
leur grand Prestre au Liure qu’il a fait de leurs mysteres,
qu’ils appelloient le Baston du Soleil, comme si
cét Astre naissant eust besoin de quelque appuy, ou
plustost pour monstrer que les ieunes Princes doiuent
estre assistez de conseils, & qu’ils ont particulierement

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besoin du bras de la Iustice pour les soustenir.
Aussi les anciens Registres, depositaires des Oracles
de cette celebre Compagnie, sont remplis de deliberations
importantes, pour le bien & la conseruation
du Royaume pendant la minorité des Princes, &
nous lisons que les mariages des Enfans de France ne
se faisoient que par l’aduis de ses sages Moderateurs
de l’Estat, pour monstrer qu’ils n’auoient pas seulement
l’administration des biens, mais aussi des personnes ;
de sorte que nous pouuons dire, ce que Vegetius
appliquoit à ce grand Senat Romain ; Eius fidei
atque virtuti, fortuna ciuium, tutela Imperij, salus vrbium,
Reipublicæ gloria debetur. Mais laissons-là des preuues
qui nous sont domestiques, & passons aux anciennes
ordonnances du Royaume, & aux loys fondamentales
de nostre Monarchie.

 

Encore que dans ce Royaume toutes choses fleschissent
sous les commandemens du Roy, & se sousmettent
à sa souueraine puissance, que nos Rois qui
ne tiennent leur Empire que de Dieu & de leur espées,
ayent vne authorité absoluë, & vne souueraineté Monarchique,
neantmoins ils ont apporté vn tel temperament,
qu’ils n’ont iamais voulu que leurs volontez
& ordonnances fussent tenuës pour loys, ou qu’elles
emportassent vne necessité d’y obeïr, auparauant que
la Cour les eust declarées iustes, digne loy de l’Empire
du peuple François, le plus doux & le plus libre de
tous les peuples, & qui a donné à la France les plus
iustes & les plus grands de tous les Rois.

Ce meslange & cette moderation de puissance receuë

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de tout temps en la Monarchie, est la base & le
fondement de nostre Estat, la cause de son progrez,
le principe de sa conseruation, si nous suiuons la pensée
de ce grand Astronome Abimadel, le mieux versé
dans la Politique des Arabes, chez qui l’authorité des
Rois estoit beaucoup inferieure à celle du Senat, lors
que des deux mouuemens opposez de ce Roy des
Astres, l’vn violent & rapide qui nous marque les
iours, l’autre naturel & plus moderé qui distingue les
années, il conclud que du dernier despend l’harmonie
des saisons, l’entretien des corps sublunaires, la vie
des hommes sur la terre, que l’impetuosité & la violence
de l’vn destruiroit sans doute, si la douceur & la
moderation de l’autre ne les conseruoit.

 

Ainsi les Cours Souueraines, dont l’authorité n’est
qu’vne participation & vn escoulement de cette immensité
de puissance qui soûmet les hommes, & les
contraint de ployer sous la Majesté des Princes, ont
esté de tout temps associées à l’Empire, pour temperer
par la prudence de leurs conseils, les mouuemens
rapides de ces volontez souueraines, que les loys sacrées
& inuiolables de l’Estat ont en quelque façon
domptées, non pas que nos Roys empruntent leur
puissance du Conseil de leurs Parlemens, mais bien
par vne regle immuable en la Monarchie, ils doiuent
en prendre les aduis pour authoriser leurs commandemens.

Nostre France riche des despoüilles de ce superbe
Empire des Romains, où le Senat auoit l’Intendance
de la paix & de la guerre, l’authorité de faire des loys

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& de les reuoquer, a tousiours pris plaisir d’estre gouuernée
par ces puissants genies, & voir ses Roys marcher
sur les vestiges des premiers Conquerans du
monde, qui n’entreprenoient rien sans l’aduis du Senat,
& faisoient gloire d’abandonner leur Empire &
leurs propres personnes à sa conduite. C’est ce qui a
merité tant de beaux eloges à l’Empereur Nerua dans
Zonare, à Probus dans Vopisque, à l’Empereur Hadrien
dans Dion Cassius, & nous auons vn lieu singulier
de Iustin Martyr en sa seconde Apologie sur la
fin, où il rapporte vn Edict de l’Empereur Antonin,
conceu en ces termes, I’entends que ce que i’ordonne
soit authorisé, soit appuyé de mon Senat, [illisible].
Il semble mesme
que ces grands Guerriers n’auoient appris à se rendre
maistres du monde, si nous en croyons Claudian, que
par les actes & les registres de ce corps le plus illustre
de leur Empire.

 

 


Gestarum patribus causas ex ordine rerum
Euentusque refert, veterumque exempla secutus,
Digerit Imperij sub Iudice facta Senatu.

 

C’est ce que disoit vn autre Poëte :
Regnantem iure Senatum.

Ainsi nos Rois par des sentimens dignes de la Majesté
Royale, se sont despoüillez de leur Pourpre,
pour en reuestir leurs Parlements, & n’ayans pû trouuer
de lieu plus auguste pour establir leur throsne, ils
y ont constitué leur lict de Iustice, pour se reposer
de tout ce qui les concerne dans le sein de leurs Magistrats.
Nous en auons vn tesmoignage authentique

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en la personne du Roy François I. qui prit son
Parlement pour arbitre, lors que s’agissant de sa propre
liberté, il ne fist autre response à Charle Quint,
sinon, que les loys fondamentales de son Royaume, estoient de
ne rien entreprendre sans le consentement de ses Cours Souueraines,
entre les mains desquelles residoit toute son authorité.

 

L’Estranger mesme s’est tenu honoré de le prendre
pour tiers dans les differends les plus notables ;
l’Empereur Frederic II. du nom, Roy de l’vne & l’autre
Sicile, se sousmit à son iugement, sur les pretentions
qu’il auoit à cause de son Empire & de son
Royaume contre le Pape Innocent IV. & bien que le
Roy de France eust ambrassé ouuertement son party,
& fait publier diuers Arrests & iugemens en faueur
du Pape, si est-ce que l’Empereur ne fit aucune
difficulté d’en passer par l’aduis du Parlement, tant la
reputation s’estoit espanduë parmy les peuples de
son integrité.

La cause du Comte de Namur fust iugée en la mesme
Cour, entre Iean Comte de Namur, & Charles
Comte de Valois, frere de Philippe le Bel, & du Roy
Philippe de Valois, & l’Arrest fut rendu contre Charles
de Valois en l’année 1320.

Le Duc de Lorraine & Guy de Chastillon se rapporterent
au Parlement pour regler les bornes & les
separations de leurs terres & Seigneuries, en 342. Et en
390. le Dauphin de Viennois & le Comte de Sauoye
se soumirent au Parlement sur le differend de l’hommage
du Marquisat de Saluce, lequel par Arrest fust
adiugé au Dauphin, & depuis par vn autre Arrest le

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Comte de Sauoye condamné en deux cens mil liures
d’or pour la restitution des fruicts & les dommages
& interests.

 

Mais ce qui arriua en l’année 1403. n’est pas moins
remarquable, lors que des Seigneurs d’Espagne apporterent
au Parlement vn traitté de paix entre les
deux Roys de Castille & de Portugal, pour y estre
omologué toutes les Chambres assemblées.

Apres cela, que les Grecs vantent leur Areopage,
de ce qu’il estoit paruenu à vne si haute reputation,
& à vn degré si esleué d’honneur & de gloire, que
les Dieux mesmes prenoient plaisir d’y confier leurs
interests, tesmoin ce differend notable de Mars &
de Neptune, qui a tant exercé ces anciens Orateurs,
pour le iugement duquel ils disoient que les Dieux
y estoient venus prendre leur place, & que Mars
ayant remporté la victoire, cela donna le nom ou
plutost la denomination à l’Areopage, car nous voyõs
nos Roys & nos plus grands Princes, qui sont les images
viuantes de la Diuinité, nos Dieux corporels &
sensibles, qui veulent que leurs Parlemens soient
leurs Iuges & leurs arbitres, non seulement en ce qui
regarde les droits de leur Couronne, mais aussi pour
les interests les plus importants à leurs personnes ; &
nous pouuons dire que de tout temps en ce lieu le
plus eminent de la Iustice du Royaume, duquel la renommée
s’est espanduë par tout l’Vniuers, on y a veu
des Empereurs, des Monarques & des Princes Souuerains
se tenir honorez d’y auoir leur seance, & d’y
estre protegez.

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Nostre Henry qui a merité seul le nom de Grand
parmy nos Roys, protesta hautement en l’assemblée
generale tenuë en la ville de Roüen, qu’il suiuroit toûjours
leurs Conseils, & qu’il se mettoit luy & son Estat en
leur tutelle. Mais s’il est vray pour terminer ce poinct,
par vn argument qui doit tout vaincre & tout emporter,
que les Parlemens soient les Peres des Roys,
quand il n’y auroit que la cause de leur institution,
qui est de gouuerner le Royaume, comme ce Roy
d’Egypte establissant Ioseph Gouuerneur du païs, &
luy donnant vn pouuoir Souuerain sur son peuple,
faisoit crier par ses Herauts, qu’il estoit le Pere du
Roy, le Parlement qui est la Cour des Pairs, eux qui
ont l’honneur de declarer nos Roys en leur Sacre,
leur donner leur Sceptre & leur Couronne, les constituer
eux mesmes dans le thrône, tellement qu’ils
semblent qu’ils les fassent Roys, si dans la Majorité
on leur donne, comme il est vray, la qualité de Pere,
pourroit-on trouuer estrange, quand mesme celle
de Tuteur leur seroit attribuée pendant la Minorité.

Il y auoit vn sacrifice, dont parle Pausanias, qui se
faisoit par l’inuocation de certains esprits, où il dit,
que les Prestres au commencement ne voyoient que
des tenebres, des nuits & des obscuritez, mais quand
les ceremonies estoient acheuées, ils s’apperceuoient
que l’air blanchissoit peu à peu, que les tenebres commençoient
à se dissiper, les ombres disparoistre, de
sorte que s’il restoit encore quelque nuage, apres tant
d’exemples & de preuues illustres dont ie me suis seruy,
quand l’on aura examiné quel est l’exercice & la

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fonction de nos Ministres qui vsurpent l’authorité
Royale. Tout ce qu’il y a d’obscur en cette question
si graue & importante, demeurera plainement esclaircy.

 

Donc apres auoir monstré que nous ne reconnoissons
en France qu’vne puissance Souueraine, laquelle
nos Rois, pour se descharger d’vne partie de
leurs obligations, ont de tout temps communiquée
à leur Parlement ; d’où vn Ancien l’appelloit excellemment
l’œil du Prince, parce qu’il doit esclairer
toutes ses actions. Il est aisé de faire voir que le Conseil
d’enhaut n’esclatte que d’vne fausse lumiere, c’est
cét œil malade que Salomon au 28. des Prouerbes,
attribuë à ceux qui ne cherchent qu’à butiner & faire
leur profit par des voyes illicites, Viri festinantes ad
substantiam, comme il y a au texte original, sunt oculi
mali, habent oculum nequam : Gens que l’ambition desespere,
& que la conscience des crimes agite, lesquels
ne pouuans trouuer de repos que dans le meurtre &
le carnage, se feignent de tous costez des ennemis.

Bellumque sine hoste. Sans considerer que le triomphe des Subjets & des
Citoyens, n’est qu’vn faux triomphe, que la force &
la valeur degenere en ce rencontre, en vne espece de
sacrilege & de mal heur. Aussi leur premiere demarche,
apres auoir preuenu & s’estre rendus maistres de
l’esprit de nostre Reyne, par leurs artifices pernicieux
& leurs conseils abominables, a esté de luy rendre
les deliberations de son Parlement suspectes, parce
qu’elles n’ont esté formées que dans les broüillards

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& les nuages qui troubloient nostre ciel. Les perles
qui sont conceuës en vn iour clair & serain, reluisent
d’vne naïue blancheur ; celles au contraire qui sont
engendrées en vn temps obscur & orageux, filles du
tonnerre & des tempestes, ont la couleur ternie, & se
ressentent de l’ombre & de l’obscurité.

 

Mais nostre France doit imputer tous ses troubles
à ces nouueaux Genies, puisque n’ayant receu que de
benignes influences sous le gouuernement de nos
Rois & de leur Parlement, lors que ces faux Soleils se
ioignent à leur puissance tout le Ciel est en feu,
Crebris micat ignibus æther.
La terre fume de sang, le Royaume est en proye, &
ceux qui estoient plus estroittement obligez au seruice
du Roy par le deuoir du sang & par le droit de
leur naissance, ce sont eux qui employent tous leurs
efforts à renuerser son authorité.

L’on a veu autresfois cette Reyne Semiramis, porter
en sa banniere vne Colombe qui auoit dans son
bec vne espée toute sanglante, de laquelle elle menaçoit
son peuple, & dont le Prophete Ieremie au
chapitre 46. prioit Dieu de le guarentir, Reuertamur ad
populum a facie gladij columbæ. Et nous voyons aujourd’huy
l’vne des plus grandes Princesses, Regente de
la premiere Monarchie du monde, souffrir que l’on
arme les mains innocentes de nostre ieune Roy,
comme on dit qu’Helie fut veu en songe succer le
feu auec le laict. Et les Egyptiens rapportent de leur
Osiris, que sa mere auec la mammelle luy mettoit du
fer dans la bouche, estrange spectacle, & bien plus funeste

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que celuy qui donna sujet à ce beau discours
que fist Epiphane au second Concile de Nicée septiesme
Oecumenique : I’ay veu, dit-il, le portraict
d’vne Princesse de Colchis, laquelle irritée contre ses
Subjets, & les pour suiuans le glaiue à la main, le
Peintre par son adresse luy auoit partagé & representé
le visage de deux diuers aspects ; de sorte que
luy ayant fait vn œil de fureur, tout flambant, allumé
de cholere, il luy adoucist l’autre, parce qu’elle
deuoit estre au mesme temps touchée de pitié & de
compassion. Misericordia & furore faciem diuisit, vno
oculorum iratam, altero parcentem indicante ; Mais nous
pouuons nous asseurer, que tant que nostre Reyne
sera persuadée par ces esprits factieux, la douceur &
la clemence ne luy partagera iamais ny le visage ny
le cœur ; ce sont eux qui luy ont fait rejetter les plus
humbles remonstrances, ce sacrifice de la bouche
que Dieu tesmoigne luy estre plus agreable que tous
les autres dans sa cholere, & que l’Escriture appelle,
les hosties & les victimes de nos levres, vitulos laboriorum :
parce que leur dessein a tousiours esté, de faire
de la plus puissante ville du Royaume, au commencement
de ce nouueau regne, comme cette ancienne
Rome dans sa naissance, la retraitte & l’azyle d’vne
troupe d’estrangers & d’inconnus, vn amas d’espaues
infames & sans maistre, aberrantia animalia, dit nostre
Charles du Moulin, quorum Dominus ignoratur, peut-estre
aussi qu’ils n’en reconnoistront bien-tost point
d’autre, que cét insolent Ministre dont la naissance
ne nous est pas plus asseurée. Gens qui s’imaginent

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auoir desia l’intendance de toutes les affaires de la
Monarchie, parce qu’ils sçauent abuser de la bonté
de nostre Reyne, qui en deuroit seule auoir la conduite,
plustost que de contreuenir aux loix fondamentales
de l’Estat, de n’associer que des François au
gouuernement de l’Empire ; loy qui ne nous est pas
seulement particuliere, mais generale à tous les Estats
du monde, Patriis auspiciis rempublicam administrari debere
non alienigenis. Afin que les mœurs des Subjets ne
soient point corrompuës & alterées, par le meslange
& la communication d’vn sang si pur & si mesprisable.
Ne seruilis & peregrini sanguinis colluuione corrumperentur,
comme disoit l’Empereur Auguste dans Suetone.
De sorte que les Parlemens n’ayans esté instituez
que pour maintenir les loix du Royaume en leur
authorité, eux qui en sont les loix viuantes & animées :
Il est certain qu’ils ont deu s’opposer pour le
seruice du Roy, le bien de l’Estat, l’honneur du
Royaume, & la reputation du nom François, aux efforts
iniustes d’vne puissance estrangere, vsurpatrice
sacrilege d’vne authorité innocente, qu’elle veut
exercer sur nous dans vne souueraineté tyrannique
pendant la minorité.

 

Nous auons l’Ordonnance de Charles V. laquelle
declarant nos Rois Majeurs à l’âge de quatorze ans,
leur designe des Conseiller pour leur gouuernement
& leur conduite : Mais ce sage Prince, comme i’ay
desia monstré, n’a iamais admis aux affaires importantes
du Royaume, que sa Cour de Parlement ; & de
verité, si nous voulons prendre les choses dans leur

-- 37 --

sources, & repasser sur les anciennes Coustumes de
nos premiers Princes. Nous lisons que les Conseillers
qu’ils tenoient prés leurs personnes, ne seruoient
qu’à faire des propositions & des ouuertures, dont les
resolutions estoient reseruées à la Cour des Pairs ; &
quand les Rois ne pouuoient assister eux mesmes aux
deliberations, ils deputoient ces sortes de Gens pour
recueillir les voix & leur rapporter les opinions, puis
ils prononçoient eux mesmes les Arrests, Consilij latores,
dans Festus, distinguez des Iuges, en ce qu’ils
pouuoient seulement proposer, & ne iugeoient iamais.
Voila le tiltre & la premiere institution du
Conseil Priué des Rois, distinct & separé des Princes
& du Parlement, Gens qui donnoient ou rapportoient
des aduis, descouuroient des aubeines, & seruoient
de mouchards & de solliciteurs aux Princes,
encore cela n’auoit lieu que dans la Majorité, estant
certain que nos Rois Mineurs n’ayant point de volonté
constante & determinée, il n’y auoit que les
loix de l’Estat, l’esprit de la Republique, qu’appelle
Platon [illisible], qui animast & pût faire mouuoir
cette puissante machine.

 

 


Totamque infusa per artus
Mens agitat molem. Et ces loix pour lors estoient obseruées dans leur pureté
originaire, en sorte que les Regentes qui ont depuis
succedé, venans auiourd’huy à leur donner atteinte,
& les destruire par vn Conseil dangereux, &
vne administration pernicieuse, l’authorité que le
Parlement a de s’y opposer est eternelle, le droit d’y

-- 38 --

resister perpetuel, imprescriptible, & à iamais durable ;
On ne prescrit point, disoit Themistocle, contre
les Dieux & contre la Republique, les loix de
l’Estat ne fleschissent & ne se relaschent iamais. Ce
qui a fait dire à Zonare au Liure premier de son Histoire,
explicant le songe de ce Roy de Babylone,
& la vision de cette grande statuë, dont le chef estoit
d’or, & representoit l’Estat des Assyriens ; les pieds
qui estoient de fer, le Senat des Romains ; non seulement
parce qu’il estoit l’appuy & les colomnes de
l’Empire, mais à cause qu’il estoit ferme & resolu dedans
la rigueur exacte de l’obseruation des loix, & ne
fleschissoit iamais non plus que le fer, [illisible],
quand ie parle de la rigueur des loix, ie l’entend
comme en termes de Geometrie, rigor à recto, rigor
suæ rectitudinis nomen accipit, dans Aggenus Villicus,
mais laissons là le terme de rigueur, si on le trouue
trop rude, & disons la vigueur des loix fondamentales
du Royaume, qui doit seule ranger nos volontez
sous leur Empire & leur obeïssance, & qui nous guide
à present par vne authorité publique & inuiolable,
contre la tyrannie d’vn Ministre qui a desolé
toute la France. Quoy nos Rois plus iustes, & plus
iustement Rois que tous les Rois du monde, eux
dont l’humanité a tousiours surmonté l’authorité,
& la bonté surpassé la puissance, ne permettent pas
que leurs volontez soient executées, à la pointe des
armes, & ont institué les Compagnies Souueraines
pour temperer leurs commandemens absolus par
leurs prudens Conseils, comme le cœur se sert du

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cerueau son premier ministre, le siege de la prudence,
pour moderer par sa froideur les esprits, en rabattre
la chaleur & la vehemence ; & vn estranger agira
en France en toute licence & liberté, n’aura que sa
volonté pour regle, fera executer ses commandemens
au nom du Roy, de puissance absoluë & de
pleine authorité.

 

 


Maxima res effecta viri timor omnis abesto,
Nam si non cecidit potuit cecidisse videri.
Nam te maioribus ire per altum
Auspiciis manifesta fides.

 

Il est vray que les Princes qui ne sont nez que pour
le seruice du Roy, que la haute naissance a mis dedans
la sphere de la grandeur, esleuez dans le firmament
de la gloire, doiuent tousiours reluire des rayons de
leur fidelité, n’auoir rien de plus cher ny de plus precieux,
que la deffense des droits du Roy & de son authorité.
Si ce bon Roy de Boheme combatit tout
aueugle qu’il estoit, pour Philippes de Valois en la
Iournée de Crecy : Combien plus les Princes du Sang
doiuent-ils fermer les yeux, & ne les ouurir iamais
aux pretextes quelques specieux qu’ils soient, ny se
rendre fauteurs d’vn party qui ruine & destruit la
Monarchie, en luy ostant ses Loix & ses Magistrats,
Pertitura troia, perdidit primum deos.
Eux qui ayment naturellement le bien public, & qui
ne sont conduits, comme les anciens Theologiens
ont tenu, que par vne secrete influence d’vn esprit superieur
qui preside à leurs sages conseils, & ceux qui
en voudroient parler autrement, meriteroient la peine
de ce Poëte, qu’vn Rheteur disoit auoir esté deschiré
& son corps mis en pieces, pour auoir attribué
aux Dieux des actions indignes de leur condition &
de leur estre.

Ce n’est pas que ie veüille entreprendre de faire
icy le procés à Monsieur le Prince, on respecte trop

-- 43 --

son Sang, quoy qu’on en redoute le courage ; mais ie
diray seulement, entant que la necessité d’vne iuste
deffense le requiert.

 

Parcius ista mihi tamen obijcienda. Que si mettant à part toutes ses excellentes qualitez,
sa generosité inuincible, ses viues affections & volontez
ardentes à la gloire de l’Estat ; il est permis de
remarquer en luy quelque defaut, comme les Astres
les plus brillants ne laissent pas d’auoir leur tache,
bien qu’ils esclattent pardessus tous les autres ; C’est
le reproche que l’on faisoit à Cassius dans Tacite,
Objectum Cassio quod inter imagines suas, effigiem Caij,
Coluisset, inscriptam DVCI PARTIVM : tiltre d’autant
plus odieux en la Monarchie, que la diuision & la
multitude ne presage que la destruction ; tous les
maux qui arriuent dans vn Estat, ne procedent que
des diuers partys qui diuise l’authorité & la souueraine
puissance : Ce que Platon a si dignement remarqué
en l’vne de ses Epistres, quand il a dit, que
lors que nous faisons quelque chose de bien, quelque
action vertueuse, c’est Dieu sans doute qui donne
commencement à l’œuure ; mais quand nous faisons
quelque action mauuaise, ce n’est plus Dieu,
ce sont plusieurs Dieux qui nous conduisent, pour
monstrer que le fondement de tout bien c’est l’vnion.
Et si l’on me permet de reprendre les premiers
malheurs de nos peres, foüiller dans les cendres de
leurs braziers esteints, encore que les Atheniens eussent
rayé de leurs Fastes le iour fatal que Neptune &
Minerue auoient contesté ensemble de la Seigneurie

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d’Athenes, pour ne rafraischir iamais la memoire
des calamitez publiques. Cesar dit en ses Commentaires,
que les diuisions entre les Gaulois furent la
principale cause de ses Conquestes, & luy donnerent
le moyen de vaincre vne nation, laquelle bien vnie
estoit inuincible. Vn autre Prince interrogé par Scipion,
pourquoy Numance, si forte & si puissante,
auoit esté ruinée ; ne fist autre response, sinon qu’elle
s’estoit diuisée. Donc s’il est vray pour finir par la
premiere maxime de nostre Estat, que les Monarchies
ne subsistent principalement que par l’establissement
d’vne autre Verité aussi importante, que cette
vnité ne peut estre entretenuë & conseruée que par
la Iustice. C’est ce qui a fait dire à ce diuin Philosophe
au second de sa Republique, que lors que tous
les Subjets d’vn Estat sont vnis entr’eux, c’est vne
marque que la Iustice les maintient & les gouuerne :
D’où il poursuit en vn autre endroit, que l’vn des
preceptes escrits au Temple de Delphe, estoit qu’on
deuoit honorer & auoir vn singulier respect pour
tous les Magistrats. Et l’vn des plus sçauans Historiens
Grecs Denis d’Halicarnasse, parlant des premiers
mouuemens qui s’esleuerent dans la Republique
Romaine, ne les attribuë qu’au mespris qu’elle
commençoit de faire de ses Legislateurs. Raison fondée
non seulement dans les maximes de la Politique
humaine & profane, mais qui se trouue establie dans
l’Escriture au 4. des Iuges, lors que cette sage Dame
fut appellée au gouuernement du Peuple de Dieu,

-- 45 --

& luy dit ; Ie me suis leuée pour estre vostre mere, & i’ay
mon cœur vers les gouuernemens, ou selon la verité Hebraïque,
les Legislateurs d’Israël. Exemple auguste pour
les Regentes en nostre Monarchie, qui doiuent cherir
les Magistrats, & preferer tousiours la qualité de
mere du Peuple, à celle que s’estoit acquise cette
Princesse Romaine par le mespris des Loix, de mere
des armées. Dieu qui a mis les cœurs des Rois dans
les mains des Sages, & que nous reconnoissons Protecteur
de l’Estat François, destruira les desseins iniustes
de ceux qui font porter à nostre Reyne ces
noms d’espouuante & de terreur. C’est cét œil de la
Iustice Diuine, qui découure tout ce que la malice
des hommes tient secret & caché, cette haute Prouidence
du Ciel impenetrable aux yeux des hommes,
mais neantmoins qui penetre par tout, par la sage
conduite de laquelle tous les euenemens du monde
sont reglez, qui fera connoistre à nostre Princesse,
que le Parlement n’a pour but de son entreprise, sinon
de remettre le Roy en liberté par la deffaite des
esprits factieux qui abusent de son authorité. Elle
reconnoistra que les Arrests rendus contre ces perturbateurs,
sont des foudres esclatans de l’amour du
bien public ; semblables à ceux que les Anciens appelloient
Auxiliaires, dont l’approche peut auoir
quelquefois apparence de nuire, mais l’effect est
tousiours de secourir. On remarque entre les merueilles
des Indes, qu’il y a vne fontaine d’où l’on
puise quantité d’or, & au fond se trouue du fer qui
a cette proprieté, que les espées qui en sont faites ne

-- 46 --

sont iamais employées au sang & au carnage, mais
seruent seulement à faire cesser les tempestes, les
vents & les orages, & rendre l’air calme & serain.
C’est à la faueur de ces armes que nous deuons acquerir
l’immortalité de nostre bon heur, lier les aisles
& les pieds à la bonne fortune de la France, & la
tenir mieux arrestée que n’estoit cette Victoire sans
aisles chez les Atheniens, ou ce Mars chargé de chaisnes
en Lacedemone. Enfin nous pouuons nous asseurer,
que cette année heureuse marquée de rouge
dans les Fastes des ennemis de l’Estat, rendra la France
le plus esleué Theatre des actions memorables, &
qui surpasseront desormais l’esperance de pouuoir
estre saites, aussi bien que la creance de l’auoir esté.

 

Fin de la premiere Partie.

-- 47 --

IMPORTANTES
VERITEZ
POVR LES PARLEMENS.

CONSERVATEVRS DES LOIX.

PREMIERE PARTIE.

EXTRAICT DES REGISTRES
de Parlement.

VEV par la Cour les grand’Chambre,
Tournelle & de l’Edit assemblées, les
Lettres Patentes du Roy du troisiesme
Octobre 1643. par lesquelles ledit Seigneur
auroit commis les sieurs de Montescot &
le Nain Maistres des Requestes ordinaires de son
Hostel, pour proceder extraordinairement contre

-- 48 --

le sieur de Beaufort & ses Complices ; sur le fait
de la conspiration & attentat à la personne de son
tres-cher & tres-amé Cousin le Cardinal Mazarin,
circonstances & dependances : Interrogatoires
& auditions par eux faits des nommez François
Dupont sieur Dauencourt, Florimond, de Monsures
sieur de Brassy, Toussaint Rouault, Nicolas
Thibouuille, Iean Greuet, Claude Maupassant,
Thomas Varin, Pierre Gaillart, Claude
Regnauldot, Iean Vautier, François Dandelle
sieur de Gausseuille, & René Chenu sieur de Saint
Philbert, les 13. 14. 16. 17. 19. 20. 22. dudit mois
d’Octobre 1643. 25. 26. 29. Ianvier, 19. 20. &
23. Fevrier 1644. Information faite par ledit
Commissaire les quatre & six Nouembre audit
an 1643. Autres interrogatoires faits par ledit
le Nain, en vertu de la Commission du 20. Mars
audit an 1644. aux nommez Ioannet, la Ralde,
Bertrand de Combaut, & Henry le Musnier, les
30. Avril, 1. & 12. May ensuyuant ; & par ledit
de Montescot à iceux Musnier, la Radde & Combault,
comme aussi aux nommez Pierre Vigier &
Pierre Durand, les 8. 12. 14. 16. 25. 26. & 27.
Nouembre audit an 1644. Confrontation faites
par lesdits Commissaires ausdits Dupont & de
Monsures, du 27. dudit mois d’Octobre 1643.
Autres confrontations faites audit de Gausseuille

-- 49 --

le 28. dudit mois de Fevrier 1644. & ausdits
Musnier, Viger, la Ralde & de Combault, les 22.
23. 26. & 27. dudit mois de Nouembre suiuant.
Autre Arrest de ladite Cour du 30. Aoust 1645.
par lequel Commission d’icelle auroit esté octroyée
audit Procureur General pour faire informer des
faits mentionnez esdites Lettres, circonstances &
dependances, & à cette fin obtenir monition en forme
de droit ; ordonné que les tesmoins ouys esdites
informations seroient repetez sur leurs depositions :
comme aussi iceux Dandelle, Dupont, de Monsure,
Roüault, Thibouuille, Chenu, la Ralde, de Combault,
Musnier, Viger, Greuet, Maupassant,
Gaillard, Thomasse, Varin, Regnauldot, Vaultier
& Durant, repetez sur leurs interrogatoires
pardeuant Messieurs Iean Scarron & Michel
Ferrand Conseillers Rapporteurs, pour le tout veu
communiqué audit Procureur General faire droit,
ainsi qu’il appartiendroit. Procez verbaux de repetition
faite par lesdits Commissaires en execution
dudit Arrest d’iceux Dandelle, Dupont, de
Monsures, Rouhaut, Thibouuille, la Ralde, de
Combaut, Musnier, Viger, Greuet, Maupassant,
Gaillard, Thomasse, Varin, Regnauldot, Vaultier
& Durand lors prisonniers au Chasteau de
la Bastille, sur tous leurs interrogatoires, les 18. 19.
22. 23. & 25. Septembre audit an 1645. Autre

-- 50 --

procés verbal de repetition par eux faite les 17.
dudit mois, & 6. Octobre suiuant, de Simeon Lauenet,
Anthoine Fricquet, Anthoine Maruc, dit
Largentier, & de Gaspard du Quesnoy, tesmoins
ouys en l’information desdits 4. & 6. Nouembre
1643. sur leurs depositions information faite par
lesdits Commissaires en execution dudit Arrest,
le 28. dudit mois Septembre. Autre procés verbal
desdits Commissaires du 11. Decembre audit
an 1645. contenant l’audition dudit Combault
sur sa requisition & missiue par luy representée,
parafféene varietur. Procés verbaux d’eslargissement
desdits de Combault, Brassy, Ganseuille,
A autres cy-dessus nommez. Requeste presentée
à la Cour par ledit sieur de Vendosine Duc de
Beaufort, le 14. du present mois, à ce que pour les
causes y contenuës, il fut, entant que besoin seroit,
receu appellant, tant comme de Iuge incompetant
qu’autrement, de toutes les procedures faites par
lesdits Maistres des Requestes : Comme aussi de la
procedure faite en execution de l’Arrest dudit 30.
Aoust, & mesmes opposant à l’execution d’iceluy
& faisant droit, tant sur lesdites appellations
qu’oppositions, casser les procedures faites par lesdits
Maistres des Requestes, & infirmant celle
faite en execution dudit Arrest, renuoyer ledit
Suppliant absous de l’accusation contre luy intentée,

-- 51 --

sans preiudice de ses droits & actions à l’encontre
dudit Cardinal Mazarin & autres, aux
fins de reparation, despens, dommages & interests.
Conclusions du Procureur General du Roy, Tout
consideré dit a esté, Que la Cour a enuoyé ledit de
Vendosme Duc de Beaufort, absous de l’accusation
contre luy intentée. Sauf à se pouruoir afin de
reparation, despens, dommages & interests, contre
qui & ainsi qu’il verra estre à faire deffenses
au contraire. Fait en Parlement le quinziesme
Ianvier mil six cens quarente-neuf.

 

Signé, GVYET.

APRES le glorieux tesmoignage que vient
de rendre le premier Parlement de France,
à la vertu & au merite de Monsieur le
Duc de Beaufort ; ie puis bien à l’imitation
d’Homere, qui a meslé le langage des hommes
auec les Oracles des Dieux, orner de quelques fleurs
de paroles, & faire reluire à la posterité par des considerations
toutes publiques, l’innocence & la iustification
d’vn Prince, qui nous fait gouster chaque
iour les fruits delicieux des seruices importans qu’il
rend à nostre Estat en tant d’occasions memorables,
ou plustost desployer en sa faueur tous les Eloges
d’honneur & de loüanges, puis qu’il ne s’espargne
point à produire tant d’actions loüables, & qu’il signale

-- 52 --

tous les iours de sa vie, d’autant d’actes fameux
& dignes de memoire.

 

Encore qu’il semble que la vertu toute pleine
d’elle-mesme, remplie de ses propres biens, & riche
de ses ornemens particuliers, n’ait point besoin de
gloire exterieure pour se recommander, qu’elle soit
son plus ample theatre, son triomphe, sa victoire
& son prix tres-digne, & qu’elle n’ait point de plus
belle Couronne que celle qui est tissuë de ses branches,
& esmaillée de ses propres fleurs ; neantmoins
il faut aduoüer que c’est vn beau lustre aux actions
vertueuses, que la splendeur & la celebrité publique :
Car comme les couleurs qui sont les plus rares ornemens
de la nature, si viues & esclattantes qu’elles
soient, demeureroient neantmoins comme esteintes,
& ne donneroient aucun plaisir aux yeux, si la
lumiere, ce present admirable de la Diuinité, ne nous
en descouuroit les perfections & singularitez : Ainsi
les plus beaux exploits, les plus hautes & heroïques
actions, demeureroient enseuelies dans les tenebres,
si elles n’estoient esclairées de la lumiere publique, &
particulierement de celle qui reluit dans le Temple
auguste de la Majesté sacrée de nos Rois, ce grand
Senat de la France qui est le plus bel ornement de
l’Vniuers. C’est là où l’on donne le poids à la vertu &
au merite, non point ce poids profane & vulgaire,
mais celuy du Sanctuaire auquel Dieu vouloit qu’on
mesurast le s choses qui luy estoient offertes en sacrifice.
C’est dans ce lieu proprement, que la verité &
l’innocence a le thrône de sa gloire ; les labeurs honorables,

-- 53 --

& les sueurs pretieuses des hommes vertueux
y reçoiuent leurs Couronnes. Mais comme
la rosée que l’on void sur les fleurs, n’est de soy qu’vne
goutte d’eau vile & mesprisable, si le Soleil jettant
ses rayons ne luy fait prendre l’esclat des perles
& des plus riches pierreries : Ainsi l’innocence & sans lustre,
si cét Astre brillant de nostre Monarchie n’y jette
ses rayons, & qu’elle ne soit esclairée, ou pour mieux
dire, animée de la splendeur d’vne reception & approbation
publique.

 

C’est sous ces heureux auspices que i’entreprend
en cette seconde Partie de consacrer à tous les siecles,
la deffense d’vn ieune Prince qu’vn PERNICIEVX
CONSEIL a voulu perdre en naissant, le soustraire à
la France, & luy susciter de faux accusateurs pour le
tenir caché dans l’ombre & dans l’obscurité, l’enseuelir
tout viuant en la premiere saison de sa vie, & luy
donner des Commissaires interessez & partisans de sa
ruine pour le sacrifier, comme si la fortune enuieuse
de sa grandeur eust pris ses aduantages, & l’eust
voulu attaquer en vn temps que sa vertu ne pouuoit
faire aucune resistence, à l’empire absolu du Cardinal
qui regnoit trop insolemment.

Ceux qui ont desploré la naissance & la condition
miserable de l’homme, ont dit qu’ayant violé
son estat d’innocence, il auoit fait de la vie la porte
de la mort ; c’est pourquoy la premiere ouuerture
qu’il fait de la bouche & des yeux, c’est pour donner
yssuë & aux cris & aux larmes. Et quant aux Anciens

-- 54 --

qui n’ont pas esté esclairez de la lumiere de la Religion,
n’ayans marché que dans la sombre clairté de
la nature, ils se sont indignez contre elle sur ce sujet.
Pline entr’autres en sa Preface du Liure septiesme ;
N’est-il pas estrange, disoit-il, que l’homme commence
sa vie par les supplices, sans auoir commis autre
crime sinon qu’il est né. Iacet pedibus manibusque
deuinctis flens animal cæteris imperaturum, & in ipso lucis
rudimento torquetur, hanc solum ob culpam, quòd natum est.
Le Cardinal a esté assez ingenieux, & a eu assez d’artifice
& d’adresse, mais assez de malice pour encherir
sur toutes les peines & les supplices ausquels l’homme
est exposé en naissant, & inuenter vn nouueau
genre de misere, qui est de conspirer contre la liberté
que Dieu luy adonné dans sa naissance, & luy faire
traisner pendant cinq ou six ans vne vie miserable &
languissante.

 

Quand le Promethée des Poëtes a destrempé dedans
ses larmes la terre & le limon, duquel on dit
qu’il vouloit former l’homme, pleurant en sa naissance
les miseres qui le suiuent iusques à la mort ; il
n’a point pensé à vn accident si funeste & lamentable,
que de tomber entre les mains d’vn Ministre
cruel & barbare, alteré d’vn desir execrable d’estouffer
tous ceux qui pourroient s’opposer à ses efforts, luy
disputer la puissance & l’authorité. Et au lieu que les
Anciens auoient accoustumé, si tost qu’vn Prince
estoit né, de l’estendre par terre, Vt terræ contactu laboris
& duræ conditionis primordia libarent, comme dit Censorinus
de die natali, mais ils le reueloient aussi-tost.

-- 55 --

 


Tellure cadentem
Excepi fouique sinu. Y ayant vne Deesse destinée à cét office, qu’ils appelloient
pour cela Leuana : mais celuy-cy a voulu escraser
ce ieune Prince contre la terre, au lieu de le releuer
l’enfoncer encore plus auant dedans les tenebres,
dedans l’obscurité, pour en faire perdre, s’il eust
esté possible, à iamais la memoire, l’arracher de la
face de la terre, en sorte qu’il n’en fut iamais parlé.

 

 


Et primo in limine vitæ
Principis heu miseri nascentia rumpere fata. Voila le Tiltre & l’Eloge de l’accusation capitale :
contre ce lasche vsurpateur de l’authorité Royale,
Titulus criminis : Et comme on dit en Droict, actio inscripti
maleficij. C’est le sujet graue & important de ce
second Discours, dans lequel ie ne m’arresteray point
à releuer par des considerations particulieres, le merite
d’vn Prince dont les Peuples aujourd’huy consacrent
la vertu : Comme les statuës de ces grands Heros
esleuées à la veuë d’vn chacun, n’auoient point
besoin d’inscription pour estre reconnuës : Mais tout
mon dessein est de faire voir, quoy que dans la bassesse
d’vn langage peu conuenable à la dignité des
matieres que ie traitte, que.

 

Si on reçoit en France les accusations secretes, les
delations mystiques & cachée ; si l’on permet les emprisonnemens
sans formes, & que l’on arrache le glaiue
des mains des Cours Souueraines, pour le confier à
des Commissaires & des Iuges deleguez, qui n’ont ny
tiltre ny caractere ; c’est establir dans l’Estat politique,

-- 56 --

vne inquisition aussi pernicieuse que celle que
l’on a introduit dans l’Ecclesiastique. Et pour disposer
toutes mes raisons à l’exemple de ces bataillons
d’Homere, qui ont tousiours en teste ce qu’il y a de
plus fort, ie les reduits à monstrer.

 

Qu’il y a bien vne espece de Iustice, laquelle nous
estant donnée d’enhaut, peut estre exercée icy bas
par tous les hommes ; mais que la puissance du glaiue
accordée priuatiuement aux Princes & aux Monarques,
& deposée par vn ordre inuiolable de tous les
Estats, entre les mains des Compagnies Souueraines,
ne peut estre communiquée par les Rois à des Iuges
bottez, Que pour faire des meurtres & des assassinats.

Quant à la premiere proposition, les Poëtes ont
feint que la Iustice estoit fille de Iupiter & d’vne
Deesse, pour nous faire entendre par leurs fictions
fabuleuses, que ce n’est pas vne chose humaine, qui
se trouue en la nature de l’homme, introduite par
l’ordonnance des peuples : Elle prend son origine du
Ciel, & est grauée dans nos cœurs de la propre main
de Dieu ; les opinions & les iugemens dont nous nous
seruons, estans vne autre espece de Iustice aussi, ils sont
non seulement differens, mais souuent contraires ;
parce que les loix des hommes, les mœurs & les coustumes,
varient selon la diuersité des païs.

 


Sic alias aliud terras sibi vindicat astrum,
Idcirco varias in leges atque figuras
Dispositum est genus humanum. Ces loix diuerses selon la diuersité des peuples, ne
sont point la vraye Iustice, elle est d’enhaut, c’est du

-- 57 --

Ciel & de l’inspiration de Dieu qu’elle procede. Aussi
Proclus disoit, qu’elle auoit son thrône & son siege
au milieu du Soleil. Et les anciens Commentaires
d’Aratus la faisoient fille du pere des Estoiles, luy assignant
sa place sur la porte du Ciel ; & bien qu’il
semble qu’elle reside en terre en la personne des Rois,
& que par leurs Magistrats & Officiers, comme par
des canaux sacrez, elle s’espande par tous leurs Estats,
neantmoins son origine est toute celeste, & ce beau
rayon de Iustice, comme ceux du Soleil, encore qu’il
touche la terre, demeure tousiours au lieu d’où il est
enuoyé. C’est pourquoy les Lyciens representoient
& figuroient la Iustice par vne fille assise sur vne
pierre carrée, & qui auoit la teste dans le Ciel. Mais
laissons-la ces profanes pour escouter la Sapience
Diuine, qui dit elle-mesme par la bouche de l’Autheur
de ce Liure sacré, auquel elle a donné son nom,
que c’est elle qui a produit la Iustice ; Ie suis, dit-elle,
la viue source de l’equité, la rectitude est mon propre
ouurage, & ie me plais d’estre appellée principalement
du nom de Iustice, comme du plus necessaire
& du plus noble organe dont ie me sers en l’administration
du monde. La Iustice a esté le principal
instrument qui a formé cette admirable machine,
car apres la creation de la premiere matiere, rude &
confuse, toutes choses estans errantes & desordonnées,
les Elemens informes dedans ce vaste abysme,
la terre pleine d’obscurité, tout estant remply de desordre,
de trouble & de confusion ; Dieu par l’egalité
de sa Iustice, ordonna toutes choses conformément

-- 58 --

à leur naturel, distingua la lumiere des tenebres, assembla
tous les Elemens par des proportions de similitude
& d’harmonie, faisant compatir ensemble
tant de qualitez diuerses & contraires ; de sorte que
quand il a plu à Dieu sortir de son Eternel sejour, &
de ce repos incomprehensible à nos sens, pour faire
paroistre sa puissance infinie en la creation de l’Vniuers,
nous voyons que cette Iustice a esté l’instrument
precieux dont il s’est seruy pour la construction
du monde ; c’est le beau discours que fait la
Sagesse à cét Ouurier Eternel, descriuant elle mesme
l’Histoire de ses ouurages, lors qu’elle luy dit, Qu’il
tenoit la balance en main, quand il crea le Ciel & la
Terre. Il pesa, dit-elle, les Elemens, il pesa la Terre,
la balançant auec ses trois doigts sacrez, sa Puissance,
sa Iustice & sa Prouidence ; Ce qui a sans doute fait
dire à Platon, lequel Clement Alexandrin nous asseure
auoir puisé les plus beaux secrets de sa Philosophie,
des Hebreux & des Liures Saints ; que Dieu
auoit estably toutes choses en leur estre, par certains
nombres & proportions harmoniques, luy ayant
fait prattiquer en la Creation du monde, l’Arithmetique
& la Geometrie ; & puis expliquant cela, il adjouste,
que Dieu assis & colloqué en la nature sur de
saints fondemens, a parfait toutes choses selon le
droit & la iustice : tellement que les Oeuures de Dieu
en la Creation du monde, n’ont esté qu’vne Iustice
continuelle qu’il a exercée ; & comme elle est le
vray principe du monde elementaire, aussi le monde
ciuil & politique, qui consiste en l’establissement

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& gouuernement des Citez, Prouinces, Republiques
& Monarchies, n’a esté formé que par la Iustice, &
ne se regit & gouuerne que par elle ; car apres la structure
& composition admirable de l’homme, qui est
l’image de ce grand monde, le recueil & l’abbregé
de tout l’Vniuers ; elle s’est encore fait paroistre comme
la principale ouuriere en cette symmetrie si iuste
& si exacte de toutes les parties du corps, & de tous
ces membres diuers, mais si bien proportionnez
qu’ils s’entr’aydent mutuellement, & conspirent ensemble
en vn si bel accord & vne proportion si conuenable,
tant des parties entr’elles, que de chacune à
leur tout, qu’Hippocrate a dit, qu’il n’y auoit point
de Iustice pareille à celle de la nature [illisible], &
c’est celle-la que i’entend que tous les hommes peuuent
exercer entr’eux, & à laquelle ils doiuent composer
toutes leurs actions, se rendans des assistances
mutuelles, & des seruices reciproques. Mais nous distinguons
vne autre Iustice, à qui Dieu a donné la
conduite & direction des peuples ; c’est elle qui esleue
les Royaumes à leur plus haut degré d’honneur, qui
les rend glorieux & triomphans, & sousmet à leur
Empire les nations de la terre : Ce qui a fait dire à
vn graue Autheur de l’Antiquité, que les Romains
auoient plus conquis de Prouinces par le bras de leur
Iustice, que par la terreur de leurs armes ; C’est cette
Iustice qui fait regner les Rois, qui affermit leurs
Sceptres & leurs Couronnes, maintient les peuples
en leur obeïssance ; c’est la Patrone tutelaire de nostre
Ville, l’heureux Genie de nostre Estat ; sans elle

-- 60 --

le Royaume ne seroit que brigandage, les Prouinces
que forests, les maisons que cauernes ; elle guarentist
les peuples de l’outrage, de l’oppression & de la tyrannie,
& comme le monde ne pourroit pas subsister,
si le Soleil, qui est quasi la seule cause de toutes
les productions naturelles, ne tournoit à l’entour
pour espandre par tout la splendeur de sa viue lumiere ;
Aussi si ce bel astre des polices humaines,
Lux immensi publica mundi. ne roulloit continuellement dedans ce Zodiaque
anime de la societé ciuile, viuifiant toutes choses par
sa diuine chaleur, nous ne pourrions pas viure. Et
quand vne autre main que celle du Parlement en a
pris la conduite, nous auons veu tout le Royaume
en feu, & les Villes reduites en cendres.

 

 


Neque enim igni fero quisquam consistere, in axe
Te valet excepto. C’est vous qui estes seul depositaire de ce feu sacré,
Gardien fidele du repos commun, & de la tranquillité
publique. Vous, dis-je, le plus illustre corps de
nostre Empire, estably par les Loix de la Monarchie
pour temperer la puissance & l’authorité Souueraine
des Rois, puissance inseparable de la Iustice, car c’est
la Iustice mesme, laquelle par consequent est vne &
indiuisible, & ne se peut produire au dehors que par
les organes qui luy sont propres & naturels : I’entend
le Parlement & les Compagnies Souueraines, en sorte
que les Commissaires & les Iuges deleguez, soient
plustost les instrumens de la vengeance & de la cholere,
les organes de l’iniquité, que les dispensateurs

-- 61 --

d’vne puissance legitime, laquelle les Loix de l’Estat
ne leur permettent pas d’exercer : car s’il est vray que
la punition des crimes est le principal fondement
des polices humaines, l’entretien salutaire de la societé
des hommes, & qu’on ne punit mesme dans
l’Estat, que les actions qui tendent à le destruire, &
entant que la Republique seule en est offensée ; parce
que le glaiue, disoit vn Ancien, n’a pas esté donné
aux Magistrats pour vanger la querelle des Dieux,
mais pour procurer la paix entre les Citoyens ; & de
verité quand nous punissons vn crime, bien souuent
il ne l’est plus deuant Dieu, nos peines & nos supplices
ne vont qu’à l’exemple, & la condemnation fait
seule le criminel parmy les hommes, & deuant Dieu
c’est l’action : ce que l’on peut remarquer en passant
pour dire, que si les iugemens des hommes dans l’establissement
des Estats, font les coupables & les innocens ;
si les supplices & les condemnations, les recompenses
& les absolutions, ne partent que de leurs
bouches ; combien nous est-il important de ne pas
commettre la vie, l’honneur & les biens des Princes
& des grands du Royaume, non pas mesme des moindres
Subjets, à la passion d’vn luge qu’vn ennemy
aura pratiqué, & qu’vne Commission extraordinaire
ne rendra tousiours que trop odieux & suspect,
puis qu’il n’y en a pas vn qui ait pû dire iusqu’icy
auec Seneque, Procedam in tribunali non infestus, sed
vultu legis, Loy qui est sans passion & sans affection,
[illisible], dit Aristote ; mais plustost comme nous
lisons dans Tertullien, de ceux dont la haine & l’animosité

-- 62 --

formoient les iugemens, Cæcitate odij in suffragium
impingunt. Ce n’est pas que ie veüille pretendre
qu’on ne puisse agir & poursuiure criminellement,
que dans les Cours Souueraines, ou deuant les
Iuges ordinaires. Ie sçay que les Commissions &
les Delegations sont aussi anciennes que les Iurisdictions,
mais nous y apportons ce temperament
qu’elles ne peuuent estre considerées, & qu’on les
doit rejetter comme pernicieuses & tyranniques, si
elles ne sont emanées des Parlemens. Nous remarquons
dans Tite Liue en la troisiesme de ses Decades,
que Licinius ayant esté fait Preteur, eust Commission
du Senat pour connoistre de l’accusation de
Popilius : Et le mesme Autheur rapporte, que deux
Senateurs furent deleguez pour faire le procés à ceux
qui auoient esté preuenus de l’impieté des Pacchanales,
entre lesquels ils renuoyerent au Senat le President
de la Prouince qui s’y trouua engagé. Tacite au
sixiesme de ses Annales dit, que Neron fut subrogé
de l’Ordonnance du mesme Senat, au lieu de Minutius
Preteur Peregrin, pour faire le procés aux empoisonneurs
dedans la Ville de Rome & aux enuirons,
& que Terentius constitué en pareille charge
& dignité que Neron, fut commis pour proceder
extraordinairement contre Scipion accusé de peculat.
Ces Iuges choisis de la main des Sages, lecti iudices,
bien differens de ceux que les Tyrans enuoyoient
auec pleine puissance, estoient autant de rayons de
ces Soleils animez, & leurs iugemens portoient cette
necessité de ne tomber iamais en tenebres, les Commissions

-- 63 --

du Senat faisoient partie de son authorité ;
Ce qui a fait dire à vn ancien Iurisconsulte, qu’il est
des Iuges deleguez, c’est vne comparaison assez propre,
comme des pieces d’vn crystal & d’vn miroüer
diuisé, chaque petit esclat resserre en soy la mesme
espece, la mesme image & impression que le corps
entier de la glace ; Les Commissaires comme tous les
Magistrats, representent la personne du Prince, ce
sont des miroüers de la Majesté Royale ; mais auec
cette difference que les vns rendent tousiours fidellement
sa veritable espece, & les autres l’alterent &
la corrompent. Glaces perfides & menteuses, qui ne
representent point la naiueté de son visage, & ne descouurent
à nos yeux que sa cholere, sa vengeance &
sa fureur. La France qui a seule entre tous les Estats
le priuilege d’estre miserable, car c’est ainsi qu’Eumenius
en parle à l’Empereur Constantin, Sola Gallia habet
priuilegium miseriarum, alibi cœpit illud priuilegium,
alibi destitit, in sola Gallia stetit, s’est veuë de temps en
temps le theatre des plus sanglantes tragedies, & n’a
pas encore beu le sang que les derniers Commissaires
establis par le feu Cardinal, ont si largement respandu :
L’on me permettra bien d’interrompre icy
son repos, puis qu’il a si bonne part dans nostre Histoire,
comme ayant esté Chef principal de cette
troupe sacrilege, laquelle violoit impunément sous
son authorité les Ordonnances les plus saintes, & les
Loix capitales de nostre Royaume, de n’admettre à
la poursuite des crimes que Monsieur le Procureur
General ou ses Substituts, & ne donner pour Iuges

-- 64 --

aux accusez, que les Officiers des Iurisdictions ordinaires,
& des Cours Souueraines. C’est l’vsage vulguaire,
& le droit le plus commun de la France, estably
par les anciennes Ordonnances, & renouuellé
de temps en temps par nos Rois ; l’Ordonnance de
l’an 1539. article 145. est notoire, qui dit, que si tost
que la plainte d’vn crime aura esté faite, il en sera
informé, pour l’information faite & communiquée
à nostre Procureur, c’est le Roy qui parle, & veu les
conclusions, qu’il sera tenu de mettre au bas de l’information,
estre ordonné ce que l’on verra estre à
faire, selon l’exigence des cas.

 

Que l’on voye tous les Arrests de reglement, rendus
entre les Officiers des Presidiaux, ils portent tous
qu’il ne pourra estre de cerné aucun decret, d’adiournement
personnel, ou de prise de corps, sans qu’au
prealable les Substituts de Monsieur le Procureur
General, n’ayent eu communication des informations,
& donné leurs conclusions sur icelles.

Nous auons dans le vieux stile de proceder du pays
de Normandie, vne Ordonnance transcrite du Roy
Louys XII. de l’an 1498. en ces termes : Que les Baillifs
& Vicomtes procederont diligemment à voir les
informations, & pour donner Commissions sur icelles,
appelleront nos Aduocats & Procureur pour les
leur communiquer ; & ce fait, apres deliberation par
eux prise sur lesdites informations, sera fait vn dictum
par escrit, contenant les prouisions tant d’adjournemens
personnels, que de prise de corps.

Et pour les Parlemens, il y a vne Ordonnance du

-- 65 --

Roy François I. de l’an 1535. chapitre 13. article 8. qui
porte, auant les informations rapportées, elles seront
veuës par nostre Procureur General pour y bailler
ses conclusions.

 

Toutes matieres criminelles doiuent estre communiquées
à Monsieur le Procureur General, c’est
luy qui a la poursuite des crimes, à qui appartient
l’accusation & la vindicte publique.

Par la Loy de Solon il estoit permis à vn chacun
de prendre & espouser la querelle de celuy qui auoit
esté offensé dans la Ville d’Athenes, & si le moindre
Citoyen auoit esté outragé en son corps, en son honneur,
en ses biens, chacun pouuoit faire appeller en
Iustice celuy qui auoit commis l’iniure, & le poursuiure
aussi asprement comme s’il l’auoit receuë luy-mesme,
afin d’accoustumer les Citoyens à se ressentir
du mal les vns des autres, comme d’vn membre
commun de leur corps qui auoit esté blessé. Ainsi à
Rome, les actions publiques estoient permises à vn
chacun, & pour cela on les appelloit populaires.

En France toutes ces actions publiques appartiennent
à Monsieur le Procureur General, tout ce qui
concerne le public reside en sa personne, il est subrogé
au lieu de ceux lesquels en l’estat populaire des
Romains, accusoient les autres sans interest particulier :
de sorte que parmy nous Monsieur le Procureur
General est le seul & vray accusateur des crimes,
c’est pourquoy en la poursuite extraordinaire des delits,
les parties ne pouuans conclure que ciuilement,
la vengeance & la punition publique est laissée à

-- 66 --

Monsieur le Procureur General, & l’on ne peut faire
aucun decret d’adjournement personnel, ou de prise
de corps, sans que les informations luy ayent esté
communiquées, & qu’il ait donné ses conclusions,
n’y ayant en France ny Censeurs ny Tribuns, le Procureur
General fait toutes ses fonctions, il a l’esgard
& l’inspection sur tout ce qui concerne le public. Et
d’autant que les affaires criminelles sont publiques,
[illisible], dit Balsamon sur le
Canon 6. du Concile de Constantinople 7 Oecumenique,
il est tousiours partie, & au lieu qu à Rome
les Arrests & les Decrets du Senat, ausquels le peuple
auoit interest, estoient marquées d’vn T, pour
monstrer que les Tribuns y auoient consenty, Senatusconsultis,
disoit Asconius, littera T, adscribi solebat,
eaque nota significabatur Tribunos consensisse. En France
aux affaires publiques, aux causes criminelles, on ne
se contente pas de marquer les Arrests d’vn P, pour
dire qu’elles ont esté communiquées à Monsieur le
Procureur General, mais on fait mention expresse
de ses conclusions, & l’on ne peut agir autrement
sans enfraindre & violer les Ordonnances, renuerser
toutes les regles, & peruertir tout ordre legitime &
iudiciaire. Apres cela souffrirons-nous des Commissaires
qui ne distinguent, ny la qualité des actions,
ny les formes prescrites par les Ordonnances, n’ayans
autre but de leurs iugemens, que de venger ceux qui
leurs mettent en main la puissance, puis que par les
Loix du Royaume ils se reconnoissent eux-mesme
suspects & incompetens. S’il est vray ce que dit Aristote,

-- 67 --

que la Loy inique ne doiue point estre appellée
Loy, mais iniquité ; des iugemens comme ceux-là
rendus contre les formes ordinaires, par des Iuges
interessez d’affection, & portez de passion ; ce ne
sont point iugemens, [illisible], ce
sont plustost iniures & iniustices.

 

Mais ie passe bien plus auant, & soustiens que des
gens de cette qualité, lesquels sans Commissions
deuëment verifiées, entreprennent de faire actes de
Magistrats, & exercer la puissance Souueraine, sont
criminels de Leze Majesté, que toutes leurs poursuites
ne sont que voyes de fait, des excés & des attentats,
& qu’on les doit punir de mort. La Loy 3. ff.
ad leg. Iul. maiest. est expresse & diserte : Qui priuatus pro
magistratu, potestate ne se gessit lege Iulia maiestatis tenetur.
Aussi la premiere Loy qui fut publiée dans l’inter-regne
des Romains, que Plutarque a remarquée en
la vie de Publicola, estoit de n’entreprendre d’exercer
aucun Office sans concession particuliere du peuple,
à peine de la vie. Il est vray que la pluspart de
ceux que l’on employe à faire ces massacres, estans
personnes peu connuës, qui agissent secretement, &
frappent sans paroistre, on ne peut s’adresser à eux
que difficilement. Mais il faut demeurer d’accord,
que si la voix du sang de tant de gens qu’ils ont assassinez,
a penetré, comme l’Escriture Sainte nous asseure,
iusques au Tribunal de Dieu mesme, & attiré
sur nous tous les orages & les tempestes que nous
auons iusqu icy essuyez : Il est sans doute, de la pieté
& de la religion des Parlemens, de reuoir les procez

-- 68 --

& vanger leur memoire, s’attaquer aux iugemens
qu’ils ont rendus, iuger leur iustice, puis que c’est tout
ce qui nous reste d’abolir des actes si cruels & si sanglans.

 

Il y auoit vn sacrifice que l’on faisoit en la Grece à
Iupiter [illisible.] dont la forme estoit telle, que le peuple
estant assemblé dans le Temple, la Victime posée
au deuant de l’Autel pour estre immolée & sacrifiée,
des gens inconnus sortoient de la presse, lesquels se
coulans subtilement, & se meslans parmy les Prestres
& Sacrificateurs, frappoient la Victime auec tant d’adresse
& de subtilité, que la blessure estant plustost
apperceuë que le coup n’en auoit esté preueu ; & eux
se retirans habilement, & laissant le cousteau sur la
place, l’on accusoit le fer & le glaiue, suiuant la Loy
du païs, qui permettoit la peine & la punition des
choses inanimées, on appelloit le cousteau en iugement,
& on luy faisoit son procés, pour auoir troublé
l’assemblée & empesché la ceremonie du sacrifice,
[illisible].
Ainsi que Pausanias rapporte
en la description de l’ancienne Grece. Voila les couleurs
les plus naïues dont on puisse depeindre l’ordre
& la façon de proceder, que tiennent nos Commissaires,
lesquels se meslent subtilement parmy les
Iuges Souuerains, nous frappent & se retirent, & laissans
là les armes dont ils nous ont blessez ; i’entends
ces actes iniurieux, ces condamnations barbares dont
ils ont troublé toute la societé ciuile ; C’est contre
ces instrumens inanimez, mais qui ne sont que trop

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sensibles, que les Iuges Souuerains doiuent conspirer
& faire le procés ; ce sont ces iugemens, ennemis de
la Iustice, laquelle le Sage disoit estre tousiours accompagnée
d’humanité : [illisible],
que les Magistrats doiuent immoler à la vengeance
publique.

 

Les Romains auoient accoustumé, dans la rencontre
d’vn accident funeste, & de quelque mal-heur
arriué à ceux qui se presentoient deuant les Iuges
pour imprimer plus sensiblement l’image de leur
misere, de faire des tableaux où leur infortune estoit
depeinte, qu’ils exposoient en iugement ; Vidi depictas
in foro tabulas supra Iouem, c’estoit le lieu où ils
les attachoient, in imaginem rei cuius atrocitate iudex erat
commouendus, afin que par de secrets mouuemens d’indignation
que pouuoit exciter en leur cœur vn si
triste spectacle, ils fussent mieux persuadez de l’estat
deplorable de leur condition. Ie n’aurois qu’à representer
icy ces supplices nocturnes, que les emissaires
du feu Cardinal tenans la Chambre de Iustice, car
c’est ainsi qu’ils l’appelloient, ont prattiqué les premiers
dans le Royaume, à la honte & au mespris des
Loix, Quid tam inauditum, disoit Seneque au 3. de ira
quam nocturnum supplicium sola tenebris abscondi debent
latrocinia, & animaduersiones innotescere ad exempla. La
France l’a souffert dans vn temps que tous ses Magistrats
accablez sous le poids de la plus haute tyrannie
que iamais Ministre ait exercé dans l’Estat, n’auoient
pas mesme la voix libre pour luy dire auec ce Declamateur,
Age prætor interdiu, occide in foro, erubescunt

-- 70 --

leges ad lucernam agere : Mais si le sang de tant de miserables
pour auoir coulé dessus les eschaffauts, n’est
pas moins pur & innocent, ne le rendons point coupable
par le silence, & ne luy refusons pas le remede
qu’il peut attendre de l’authorité de la principale
Cour Souueraine ; la reuision des procés en matiere
criminelle, est vn remede de droit que les Grecs ont
prattiqué les premiers, & l’appelloient [illisible], Iudiciorum
retractatio, terme dont se sert Herodiam, in
maximino, parlant des reuisions que le Senat accordoit
à ceux que l’on auoit iniustement condamnez,
lors que c’estoient des Iuges recusables & incompetens,
car en ce cas il n’estoit pas besoin de lettres du
Prince ; & Hesychius sur le mot [illisible] dit que cela
auoit lieu particulierement dans les causes publiques
qui regardoient l’Estat : [illisible],
dont il n’y auoit que le Senat qui pût connoistre,
pour monstrer que c’estoit vn moyen legitime, de
reprimer les attentats faits à son authorité. Moyen
que les Romains, lesquels ont puisé les maximes les
plus pures de leur politique chez les Grecs, ont depuis
employé contre les iugemens de ceux que l’on
pouuoit valablement recuser : Si conspiratione aduersariorum,
& falsis testimoniis oppressum te probaueris, c’est
en la Loy Diuus Adrianus, ff de re Iudicata, res seuere vindicetur,
facta in integrum restitutione, c’estoit assez de dire ;
Vous estes establis de la main de mes parties, & conspirez
ensemble ma ruine, elles vous ont armé pour
me destruire ; vous n’estes point des Iuges, mais des
meurtriers. Aussi auons nous nos exemples particuliers

-- 71 --

& domestiques de la seuerité, auec laquelle le
Parlement a tousiours vangé la memoire de ceux que
l’on auoit iniustement suppliciez. Les anciens Registres
de la Cour font mention d’vn Arrest rendu en
1408. contre le Preuost de Paris ou son Lieutenant,
pour auoir condamné à mort, & fait executer deux
ieunes hommes, nonobstant les causes de recusation
par eux proposées, les parents en ayans poursuiuy l’apel
au Parlement, & les causes de recusation declarées
bonnes & valables. Arrest interuint, par lequel
il fut dit, qu’il auoit esté en tout & par tout mal &
nullement procedé, iugé & sententié : le Preuost de
Paris condemné à dependre les corps en personne,
& en les dependant les baiser à la bouche, & assister à
leur Conuoy. Digne Oracle d’vn Parlement, lequel
seul entre tous les autres, n’a iamais esté susceptible
de reproches, non pas mesme pour les parentez, il a
tousiours deposé toutes affections, iusques à celles
du sang. Ces viues Images, qui font des impressions
si douces & si agreables, qu’elles peuuent quelquesfois
nous diuertir insensiblement du droit chemin
de la verité ; neantmoins ce Senat Auguste s’est tousjours
maintenu en cette reputation, de ne deferer iamais
dans ses iugemens à aucune consideration particuliere,
& n’estre porté d’autre passion que de l’amour
de la Iustice. C’est ce qui fust representé au feu
Roy en l’année 1628. lors que Monsieur le Garde des
Seaux de Marillac, voulust faire difficulté d’expedier
des Lettres de prouision, à ceux qui auoient dans le
Parlement leurs peres, leurs freres, & autres parents,

-- 72 --

La Lettre qui fut escrite au Roy de la part du Parlement,
qui est aux Registres & en la main de plusieurs,
porte, que soit qu’on attribuë cela au temperament
de l’air & du lieu, ou plustost à l’ancienne discipline ;
il se contracte dedans cette Compagnie celebre, ce
corps le plus florissant de la Iustice du Royaume, vne
certaine habitude à cette indifference vertueuse, qui
est le temperament le plus propre pour rendre la
Iustice ; tellement qu’en ce qui est de leur fonction,
(car ce n’est pas qu’on manque d’humanité pour cela)
mais dedans l’exercice de leurs charges ils ne sont iamais
portez d’aucun respect particulier.

 

Cette Cour estant la capitale de la Iustice de la
France, esleuée au dessus des autres, est comme cette
Region superieure du monde, la plus voisine du
Ciel & des Estoiles, qui n’est iamais troublée ny offusquée
de nuages, aussi les vapeurs & les fumées de
tant de passions & affections diuerses, ne montent
point iusques à eux.

Il y auoit vn Temple de Iupiter en la Grece, dont
parle Polybe au 16. de son Histoire, qui estoit disposé
de telle sorte, que ceux qui y entroient ne rendoient
iamais d’ombre, [illisible], &
ceux qui entrent dedans ce Temple sacré de la Iustice,
deuiennent si clairs & si brillants, qu’ils ne rendent
point d’ombres, & ne peuuent souffrir les iugemens
qui se ressentent des tenebres & de l’obscurité.
C’est en ce lieu proprement que la Iustice reluit, de
ce bel or dont vn ancien Poëte dans Athenée luy a
composé le visage, sans estre neantmoins suspecte

-- 73 --

de corruption, [illisible] & bien
qu’il semble à plusieurs, que ce Poëte pour la loüer
a voulu representer son contraire : Comme ce sage
Legislateur pour recommander dauantage la sobrieté
à ses Citoyens, leur voulut faire voir vn infame
object d’vn banquet dissolu. Il est certain qu’on
ne peut mieux representer la Iustice que par l’or,
d’où Platon au troisiesme de sa Republique, ayant
dit que Dieu sur le poinct de la naissance des grands
personnages, & sur tout des hommes iustes & vertueux,
leur mesle de l’or pur dedans l’ame, ce qui fait
qu’ils n’ont point besoin de le porter au dehors & à
l’exterieur, puis qu’il est né auec eux, & qu’ils en sont
ornez & parez interieurement. Olympiodore expliquant
ce beau lieu de Platon a dit, que l’or que Dieu
mesle dans la generation des hommes, c’est la Iustice,
& comme il est le plus pur & le plus accomply des
corps elementaires, & la substance la mieux trauaillée
qui soit en la nature, laquelle se forme icy bas
dans le sein de la terre, par la force & la vigueur de
ce bel Astre du Ciel, & est appellé pour cela le Fils du
Soleil. Aussi la Iustice esclatte dans les Magistrats
comme vn ray on sacré de la Diuinité, & certes faut
bien qu’il y ait quelque chose de diuin, de voir que
les puissances se viennent aujourd’huy humilier deuant
eux, que les plus grands Princes apportent volontairement
à leurs pieds, leurs biens, leur honneur
& leurs vies, pour en disposer selon qu’ils iugent raisonnable.
Apres cela nous pouuons dire, que le plus
pretieux ornement des Estats, & dont ils puissent

-- 74 --

estre plus richement parez, c’est celuy de la Iustice,
elle fait seule toute leur beauté : Tesmoins ce fameux
Epigramme Grec escrit au Temple d’Apollon en
l’Isle de Delos, dont le premier vers commençoit,
[illisible], pulcherrimum quod iustum ; Car s’il
est vray que de toutes les choses, les vnes sont plus
excellentes que les autres, personne ne doutant que
l’homme ne soit l’excellence de la nature mortelle,
l’ame l’excellence de l’homme, & la vertu l’excellence
de l’ame ; la Iustice aussi est l’excellence de la
vertu, toutes les vertus la reconnoissent pour leur
Reyne & leur Souueraine. Et pour ne rien obmettre
de tout ce qui s’en peut dire, adjoustons, aussi
bien ne peut-on pas mettre fin à vne chose de soy
infinie ; nous esprouuons sensiblement, que ce qui
est l’air au monde elementaire, le Soleil au celeste,
l’ame en l’intelligible ; la Iustice est le mesme au
monde Politique, c’est l’air qu’vn chacun de nous
demande à respirer, le Soleil dont les perçants
rayons commencent à dissiper nos troubles & nos
nuages, c’est l’ame qui doit donner la vie à tout le
peuple ; Et comme ce diuin Philosophe dit au second
Liure, [illisible], en vain la terre se donneroit
si liberalement aux hommes, en vain abandonneroit-elle
tous ses biens & ses richesses, & permettroit
qu’on luy ouurist si hardiment le sein pour en
tirer ses thresors, si la IVSTICE ne deuoit distribuer
à chacun ce qui luy appartient. Ainsi la France
s’abandonneroit en vain à son Liberateur, en
vain les peuples luy sacrifiroient & leur sang & leur

-- 75 --

vie, si ce grand Parlement, l’ame de la Iustice, ne trauailloit
pour asseurer nos biens & nos fortunes, nous
donner la paix & la tranquillité pour en ioüir auec
contentement, qui est le suprême bien & la parfaite
felicité de l’Estat François.

 

Fin de la seconde Partie.

-- 76 --

IMPORTANTES
VERITEZ
POVR LES PARLEMENS.

PERES DV PEVPLE.

TROISIESME PARTIE.

Du Dimanche vingt-huictiesme Février
mil six cens quarante-neuf.

CE iour la Cour, toutes les Chambres
assemblées, Ayant deliberé sur
le recit fait le iour d’hier par Monsieur
le premier President, de ce qui
s’est passé à S. Germain en Laye, en la Deputation
faite vers le Roy & la Reyne Regente,
en execution de l’Arresté du 19. de ce mois &
an, & de la Proposition faite de tenir vne Conference,

-- 77 --

pour aduiser à ce qui est necessaire
pour le bien de la Paix generale & soulagement
des Peuples. Et oüy sur ce les Gens du
Roy ; A ARRESTÉ ET ORDONNÉ, que
ladite Conference sera tenuë en lieu seur, tel
qu’il plaira au Roy & à la Reyne Regente.
Qu’à cette fin y assisteront quatre Presidens
de ladite Cour. Vn ou deux des Generaux.
Deux Conseillers de la Grand’Chambre. Vn
Conseiller de chacune Chambre des Enquestes,
& vn des Requestes, comme aussi vn
Maistre des Requestes. Deux de chacune des
Compagnies Souueraines de cette Ville. Et le
Preuost des Marchands, ou en son absence l’vn
des Escheuins ; Lesquels auront plein pouuoir
de traitter & resoudre ce qu’ils iugeront par
leur prudence, & qui sera trouué plus propre,
vtile & conuenable pour le bien de l’Estat,
soulagement des Peuples, & particulierement
de la Ville de Paris, authorité des Compagnies,
& conseruation des interests de ceux qui ont
tesmoigné fidelité & affection en cette occasion
si importante, dont sera donné aduis au
sieur Duc de Longueuille, ausdites Compagnies
Souueraines de Paris, aux Deputez des
Parlemens de Roüen & d’Aix en Prouence, &
ausdits Preuost des Marchands & Escheuins.

-- 78 --

Et seront les Gens du Roy deputez pour aller
vers ledit Seigneur Roy & ladite Dame Reyne
Regente, pour leur faire entendre le present
Arresté, & les supplier de la part de ladite Cour,
Que suiuant la parole donnée, les passages
soient ouuerts pour la liberté des choses necessaires
en cette Ville : Et ont esté deputez Messieurs
les premier President, de Mesmes second
President, le Cogneux & de Nemon aussi Presidens :
De Longueüil & Menardeau Conseillers
de la Grand’Chambre : De la Nauve, le Cocq,
Bitault, P. Viole & Palluau des Enquestes : Et le
Févre des Requestes.

 

Du Lundy premier iour de Mars 1649.

CE iour la Cour, toutes les Chambres assemblées,
Maistre Guillaume Brissonnet Conseiller
& Maistre des Requestes, a esté deputé
pour l’execution de l’Arresté du iour d’hier.

Signé, DV TILLET.

CEVX qui ont penetré dans les mysteres plus
secrets de la Theologie des Egyptiens, &
qui ont remarqué les ceremonies particuculieres
dont ils honoroient leurs Deïtez menteuses
& fabuleuses, rapportent que lors que le fleuue du
Nil commençoit à croistre & à inonder en Egypte,

-- 79 --

aux plus fortes chaleurs de l’Esté, arrousant toute la
surface de leur terre, ils celebroient vne Feste solemnelle
appellée [illisible], comme qui diroit les Niliaques,
la Feste du Nil, en laquelle ils faisoient des
sacrifices, consacroient des Hymnes & des chants de
loüange à son honneur, esclairans auec des feux de
ioye, & toutes les ceremonies d’vne resioüissance publique,
le iour auquel ce fleuue admirable, cét Ocean
de l’Egypte, en vn temps que les autres fleuues se
desseichent & tarissent, & lors que cette Region
estoit sur le point d’estre reduite en cendres, venoit
ouurir son sein, & baigner leur terre d’vn de luge si
fecond : Que ce païs d’ailleurs sterile & infructueux,
combattoit de profit auec les terres les plus abondantes
& steriles. Ie ne voudrois pas restablir icy des
sacrifices si superstitieux & profanes, pour celebrer
auec pompe & solemnité cét heureux iour de Paix,
que le Parlement nous va procurer auec aduantage,
lors que la France au milieu des braziers d’vne guerre
sanglante & funeste, voyant ses villes bruslées & desolées.
Il semble que la Iustice ait quitté son lict naturel
pour s’escouler auec plus d’effort, & s’espandre
par tout en abondance, Decurrens velut aqua iudicium,
& iustitia sicut torrens fortis. De sorte que si la sainteté
& la pureté de nostre Religion ne nous permet pas
de luy dedier vne Feste particuliere, comme à la
Deesse tutelaire de la Monarchie, au moins ne pouuons
nous luy refuser l’offrande de quelques paroles
choisies, pour exprimer ses merueilleux effets &
ses diuines puissances, & l’on souffrira bien que nous

-- 80 --

espandions sur ses Autels quelques Esloges d’honneur
& de loüange, comme autant de fleurs exquises
& triées, qui nous attirent par vne agreable odeur
en son amour. S’il est beau de concilier la paix & l’vnion
entre les Citoyens, disoit le Sophiste Libanius,
il est beau aussi d’en estre loüé.

 

Et parce que nos actions ne sont pas considerées,
& ne s’estiment point selon ce qu’elles sont en elles-mesmes,
mais plustost par la fin où elles tendent : on
ne peut à mon sens conclure plus proprement ces veritez
importantes, qu’en iustifiant par les voyes les
plus communes & populaires, puis que nous traittons
vn sujet où le Peuple & la Iustice partagent esgalement
leurs interrests.

 


Qui me cumque manent hoc in certamine casus,
Et te turne manent. Que la paix & le bon-heur des Estats despend absolument
de l’obseruation des Loix, & de la parole des
Monarques, qui se lient & obligent à leurs Subjets
par des Edits & Declarations salutaires, des reglemens
aduantageux & profitables. En sorte que la
derniere Declaration verifiée, auec toutes les connoissances
de causes, & apres les deliberations de plus
de deux cens seances, doit estre sans doute religieusement
executée, veu que tout le repos & la tranquilité
du Royaume y est inseparablement attachée.

 

Et bien qu’il semble qu’vne proposition de cette
qualité si iuste & fauorable, n’ait pas besoin d’vn
fort grand discours, [illisible], disoit Pindare
en ses Neomeniques, Ode 7. en vne cause de bon

-- 81 --

nom & bonne odeur, [illisible], il ne faut
que trois paroles, mesme disoit vn ancien Philosophe
dans Libanius en sa Declamation premiere ; en
toutes causes on doit estre succint & sommaire ; ce
qu’il entendoit autrement & vouloit dire, qu’en celles
qui estoient mauuaises & iniustes, l’on ne deuoit
pas seulement ouurir la bouche pour parler, [illisible]
aux bonnes, il ne faut point
tant de langage, qui ne sert le plus souuent qu’à esgarer
les choses ; neantmoins ie donneray au sujet
toute l’estenduë qu’il me sera possible, ayant à combatre
contre ceux qui osent bien dans les Chaires
enseigner les Princes à violer leur foy, au lieu de leur
apprendre à obseruer fidellement leurs promesses,
faire voir qu’ils ont vn notable interest d’estre tenus
pour Princes de parole, sans rechercher de faux pretextes
pour y manquer, & que c’est le propre des Tyrans
& vsurpateurs, qui n’ont ny pieté ny iustice, de
n’en tenir compte ; mais non des Princes legitimes,
qui doiuent craindre vn Dieu vangeur de l’infidelité.
Aussi ce n’est point en France où les Princes sont au
dessus des Loix, où leurs volontez Souueraines, &
leurs commandemens absolus font les regles de leurs
actions ; eux qui ont en horreur tous les noms d’espouuente,
qui seruoient d’inscriptions aux anciens
marbres des premiers Empereurs, de foudroyans &
assiegeurs de Ville, ont tousiours preferé le tiltre de
Iustes à tant de qualitez tyranniques, imitans celuy
de la main duquel ils tiennent leur Empire, qui dit
dans l’Escriture, Assemblez tous les peuples de la

-- 82 --

terre, afin qu’ils iugent entre mon peuple & moy,
s’il y a chose que i’ay deu faire, & que ie n’ay pas fait.
les Rois doiuent auoir encore plus de constance &
de fermeté en leurs conuentions que les particuliers,
parce qu’ils sont autheurs de la iustice, & que la foy
publique reside proprement en leurs personnes.
D’où nous voyons dans les Constitutions des Empereurs,
qu’on met entre les cas fortuits, & les accidens
inesperez, quand les Princes contreuiennent à leurs
promesses, comme n’estant pas à presumer que iamais
ils le fassent, l’obligation en ce rencontre estant
double ; l’vne pour l’equité naturelle, qui veut que
les pactions & conuentions soient entretenuës ; lautre
pour la foy & la parole du Roy, qui passe pour
vne verité constante & irreuocable. I’obserue & ie
prends garde sur tout, disoit le Sage à la parole du
Roy, os regis custodio & verbum iuramenti eius, parce
qu’elle doit tousiours demeurer ferme & immuable,
comme celle de Dieu mesme, lors principalement
qu’il s’agist du bien & du soulagement des Subjets.

 

Verum age do quoduis volensque remitto. Dit Iupiter à Iunon au 12. de l’Eneide, surquoy Seruius
Autheur excellent, do quoduis, bene in præsenti, nam
promissio numinis pro facto est, tout ce qu’il promet est
reputé desia executé. Dieu dés le commencement du
monde, des douze noms qu’on luy attribuë, prend
celuy d’Helin qui vient d’vn mot Hebreu, signifiant
lier & obliger ; se faisant premierement connoistre à
l’homme sous le nom d’obligeant, pour monstrer
que s’estant engagé à luy, & l ayant sait naistre dans

-- 83 --

les bienfaits, la reconnoissance aussi luy doit passer
en nature, c’est à dire, la fidelité & l’obeïssance ; & de
verité, rien ne concilie dauantage l’esprit & la bienveillance
d’vn peuple, que d’executer ponctuellement
ce qu’on luy a vne fois accordé : Comme a
bien reconnu Xenophon, quand pour faire entendre
à Cyrus le moyen d’auoir de ses Subjets tout ce
qu’il desiroit, il l’aduertit sur toutes choses, de garder
& entretenir sa foy & ce qu’il leur promettoit ;
disant ce sage Precepteur des Rois, que la parole d’vn
Prince fait plus enuers son peuple que les violences
& les contraintes, qui ne traisne le plus souuent
que des chaisnes incomprehensibles de tragiques
euenemens. Nous n’auons que trop d’exemples regrettables
de Rois, d’Empereurs & de Souuerains,
lesquels n’auoient en la bouche que la foy & la pieté,
& leur cœur n’estoit remply que d’hypocrisie, de
feinte & de duplicité : Ils ne sont que trop connus
par les Histoires, mais il importe d’en esteindre le
souuenir, & charger leurs tombeaux de ces infames
statuës, que les Grecs esleuoient à ceux qu’ils desvoüoient
au mesme temps aux ombres & à l’oubly.

 

Les François entre les peuples les plus libres, s’estans
sousmis d’eux-mesmes à leurs Rois, ils n’ont
pas seulement l’honneur d’estre leurs Subjets, mais
la faueur d’estre leurs Enfans ; Subjets par obeïssance,
Enfans par affection : Aussi nos Rois ont moins tiré
de gloire de commender auec Souueraine puissance,
que de seruir de Peres à leurs peuples pour compâtir
à leur misere. Nous lisons dans les ceremonies qui

-- 84 --

s’obseruent aux Sacres & aux Couronnemens, que les
peuples sont tenus de declarer tout haut, qu’ils trouuent
le Roy digne de les gouuerner, & tenir en main
les rhenes de l’Empire, Scitis illum esse dignum, c’est la
demande que l’on fait, vtilemque Ecclesiæ & ad huius
regni regimen, nouimus & credimus eum dignum esse : Mais
le serment qu’il preste ensuite, de maintenir & conseruer
vn chacun en ses biens, obseruer les Loix, & se
sousmettre à la Iustice, Profiteor & promitto legem &
iustitiam, & populo deinceps mihi subiecto pacem, comme
si on ne commençoit à le reconnoistre Roy, deinceps,
que lors qu’il s’est obligé par serment, de procurer la
Paix à son peuple ; ce n’est point vne vaine ceremonie,
mais vn contract solemnel qui lie estroitement
les Rois à Dieu & aux hommes, & dont les Parlemens
sont tenus par le droit de leurs charges de poursuiure
l’execution, estans seuls constituez guarands par les
Loix du Royaume, des promesses & de la volonté
des Rois enuers leurs peuples. Volonté qui ne peut
estre changée pour quelque cause ou pretexte que ce
soit : Semel iu[2 lettres ill.]ui in sancto, si Dauid mentiar, dit ce Roy
Prophete ; quod egressum est de labiis meis non mutabo. Les
Egyptiens qui auoient l’art d’exprimer les secrets de
la nature par des sculptures & des caracteres, que les
Grecs appellent Hieroglyphiques, sous le voile desquels
ils couuroient les mysteres de leur Philosophie,
voulant representer vn certain fleuue qui engraissoit
merueilleusement, & faisoit profiter leurs terres :
depeignoient vn cœur, & à ce cœur ils donnoient
vne langue, [illisible]. Comme Orus

-- 85 --

Apollo le remarque, Autheur Grec tres ancien, peut-estre
pour dire, que comme le cœur est le principe
& l’autheur de la vie, le siege principal de l’ame, &
celuy qui distribuë les esprits à toutes les parties du
corps ; aussi que ce fleuue estant l’origine & la source
d’vne grande fertilité, leur donnoit la vie, c’est à
dire, les fruicts de la terre qui l’entretiennent & la
conseruent ; car nous n’auons point ce Hieroglyphe
autrement bien expliqué, mais nous pouuons dire,
que quand on leur eust demandé vn caractere propre
pour exprimer parfaitement ce qui est de l’office
& du deuoir d’vn bon Prince, ils n’en pouuoient pas
donner vn qui le representa plus naïuement que le
cœur, & la langue sur le cœur, pour dire qu’il doit
estre veritable, n’auoir point d’autre langage que celuy
du cœur ; & que comme la langue est la messagere
& l’interprete des conceptions de l’ame, il faut
aussi qu’elle soit fidele, qu’elle les rende toutes entieres,
& ne se demente iamais. Disons dauantage, &
mettons sur ce cœur la loy au lieu de la langue : Lex
eius in corde ipsius, & ideo non supplantabuntur gressus eius :
Le Prince doit communiquer abondamment sa loy
& sa liberalité à tout son peuple, comme le cœur
enuoye auec affluence les esprits qui nous animent.
C’est ce qui fait mouuoir les Monarchies, qui establit
la paix dans les Villes, maintient les Subjets dans
le respect & l’obeïssance ; & au contraire, s’il vient à
retrancher & alterer les Ordonnances & les Loix les
plus salutaires ; si les Declarations qui tendent principalement
à soulager le peuple, n’ont pas leur estenduë

-- 86 --

naturelle, & souffrent quelque diminution, c’est
lors que les troubles & les desordres publics trauaillent
les Estats, que les sterilitez & les miseres en ternissent
l’esclat & le lustre. Il y auoit des Prestres en
Egypte qui auoient charge d’annoncer & publier au
peuple, la cruë & le rabaissement du Nil, & quand on
vouloit sçauoir à quel poinct il estoit paruenu, parce
que delà dependoit tout le bon-heur de l’Egypte, on
alloit en vne Isle, au milieu de laquelle estoit vne
Colomne marquée & diuisée en plusieurs toises, &
lors qu’il commençoit à croistre, les Prestres auec
leur mesure qu’ils appelloient Cubitus, marquans de
combien ce fleuue estoit haussé, le faisoient sçauoir
au peuple, & quand il alloit iusques à seize coudées
& au dessus, il y auoit affluence & abondance de tous
biens ; s’il demeuroit à douze, on estoit asseuré d’vne
tres mauuaise année. Les Ordonnances de nos Rois
sont les Colomnes qui tiennent le pied des Estats,
des Villes & des Republiques, ferme & solide : Les
Parlemens ont en depost la regle & la mesure, pour
connoistre iusques à quel point peut croistre le torrent
de la puissance Souueraine, [illisible], virgam
æquitatis, virgam regni, au Psalme 44. Et lors qu’elle
demeure aux termes des anciens reglemens & statuts
du Royaume, l’on ne doit attendre que des prosperitez ;
si elle deroge aux Loix & diminuë la liberté publique,
c’est vne source de mal-heurs & de calamitez.

 

Voyons dans le particulier, combien aduantageuse
est la derniere Declaration pour le bien de
l’Estat, le repos & le soulagement des peuples.

-- 87 --

 


[illisible]
Cape ipsa oracula & lege.

 

LOVIS PAR LA GRACE DE DIEV
ROY DE FRANCE ET DE NAVARRE :
A tous presens & aduenir, Salut : L’amour que
nous portons à nos Peuples, nous a obligé de rechercher
tous moyens pour arrester le cours des
desordres, qui croissoient à tel degré qu’il eust esté
impossible d’y apporter par apres le remede ; &
ayant commencé d’y donner les reglemens necessaires
sur la distribution de la Iustice, & l’ordre
de nos Finances, & remis le surplus à vn conseil
que nous voulions assembler, dautant que differant
plus long-temps, les maux augmentoient de
iour en iour, pour asseurer le repos de l’Estat, &
le bon-heur de nos Subjets ; Nous de l’aduis de
nos Princes, & autres Grands & notables personnages
de nostre Conseil, & de nostre certaine
science, plaine puissance & authorité Royale :
Auons statué & ordonné, statuons & ordonnons
ce qui ensuit, c’est à sçauoir, Que voulant tesmoigner
de plus en plus, combien nous desirons
apporter de soulagement à nosdits Subjets, Declarons
qu’au lieu du demy quart des Tailles remis
pour la presente année six cens quarente-huit,
il leur sera deduit le cinquiesme, sur le pied de
cinquante millions à quoy montent toutes Tailles,

-- 88 --

Taillon, Subsistances, Estapes, & autres droits
generalement quelconques : lequel cinquiesme montant
à dix millions, sera esgalé sur toutes les Generalitez
des païs d’Election, à proportion de la
somme laquelle chacune Generalité doit porter, &
que chacun particulier est cottise, en telle sorte
qu’il sera deduit à chacun particulier, vn cinquiesme
de sa part & cottisation.

 

CELVY qui a trauaillé au Panegyrique de l’Empereur
Constantin, fait mention d’vne remise tres-considerable,
faite par ce Prince à ses Subjets sur les
reuenus de l’Empire, qui surpassoit le quart des tributs
& impositions ordinaires. Quartam amplius partem
nostrorum censuum remisisti, ô lustrum omnibus lustris
Fœlicius. Et nous auons vne remarque tres singuliere
que fait Spartian in Adriani vita, que les Romains
auoient vn soin particulier, de faire de temps en
temps des remises & descharges à nos anciens Gaulois,
peuples jaloux de leur liberté, ennemis de l’oppression
& de la seruitude. Gallias omnes causariis liberalitatibus
subleuabant : parce que ces liberalitez n’estoient
causées, & n’auoient pour pretexte, que la
bien veillance & l’inclination naturelle des Princes
à leur bien faire, comme estant le seul moyen de tenir
la franchise d’vne Nation si libre, captiue & asseruie
sous leur pouuoir souuerain. Il est vray que la
necessité, qui est la loy du temps, peut quelquesfois
iustifier les plus dures impositions, & les taxes les
plus frequentes. Que les peuples doiuent contribuer

-- 89 --

aux pressantes necessitez de l’Estat, ce qui est de leur
puissance, comme nous voyons que les membres
contribuent de leurs facultez à la nourriture de tout
le corps : mais il faut que les Princes soignent tousjours
plus diligemment le simple peuple, & veillent
de temps en temps à son repos & à son soulagement.
Les influences des Astres passent bien à trauers les autres
Elemens, mais elles s’arrestent principalement à
la terre : Aussi est-ce à la partie populaire de l’Estat
que les Rois doiuent faire aboutir les effets de leur
bienveillance & leurs bons traittemens : D’où nous
lisons dans Cedrenus au premier de ses Annales, vn
Edict de l’Empereur Nicephore en faueur du menu
peuple, que les taxes extraordinaires se feroient sur
les plus nobles, à raison de ceux qui se trouueroient
dans l’estenduë de son Empire, ne pouuoir supporter
qu’à peine les tributs & les charges ordinaires : Et
d’effet, c’est vne consideration que doiuent auoir
tous les Princes, veu que les surcharges sont le plus
souuent les marques de leur dereglement, que comme
en vn corps malade les parties plus foibles ont
plus de ressentiment des accidens qui luy arriuent ;
aussi que le plus foible de tous les ordres ne peut iamais
souffrir sans esclat, & mesme sans preiudice de
l’authorité Royale, les effets principaux des desordres
d’vn Estat.

 

[illisible]

NOVS n’entendons que les particuliers puissent
estre contraints pour les debtes de la

-- 90 --

Communauté, ne que l’on puisse exercer aucunes
soliditez à l’encontre d’eux, sinon és cas des Ordonnances ;
& afin de faire connoistre à nos Subjets
par des effets presens, nostre passion pour leur
soulagement, nous leur auons remis des impositions
dont nous ioüissions, vne somme tres-notable
sur nostre reuenu par chacun an, tant sur la ferme
des entrées de nostre bonne Ville de Paris, Aydes,
cinq grosses Fermes, que Gabelles, à commencer
du iour de la publication des presentes, sçauoir
la suppression du petit Tarif estably par nostre
Edict de six cens quarente-six, reseruant l’ancien
barrage qui demeure pour quatre-vingts mille
liures, ce qui faisoit deux cens quatre-vingts dix
mille liures, à quoy montoit ledit petit Tarif mentionné
en l’Arrest de nostre Parlement du septiesme
Septembre 1647. ce faisant sera par les Tresoriers
de France, procedé à nouueau bail de ladite Ferme
de l’ancien barrage.

 

PLINE en son Histoire Naturelle, faisant reflexion
sur les remedes ineptes & superstitieux que
prattiquoient les Anciens dans les maladies contagieuses
& populaires, dit qu’ils auoient coustume
d’imprimer leur figure sur de la cire, laquelle ils attachoient
dés la pointe du iour à la porte du premier
de leurs voisins, & là dessus s’escrie, ô quanta vanitate
si falsum est, sed quanto scelere, si morbos transferant ad innocentiores.
Les violences & les contraintes qui s’exercent

-- 91 --

pour l’exaction des taxes & impositions, qu’Aristote
appelle en ses Politiques la maladie des peuples,
[illisible]. Sont des remedes dont les effets
pleins de cruauté & de barbarie, ne se font que trop
redouter, lors que des Receueurs inhumains despoüillans
la figure d’hommes, pour parler selon la
doctrine des Stoïques, qui tiennent que toutes les
actions cruelles sont autant d’animaux, transferent
sur les premiers qu’ils rencontrent, & font essuyer le
plus souuent à vn seul homme, tous les mal-heurs &
les miseres d’vne Communauté. C’est ce qui a fait
dire à Theodoric dans Cassiodore, voyant que ces
excés & voyes de fait, prenoient cours en son regne,
Fœdum est inter iura publica, priuatis odiis licentiam dare,
& alterum pro altero quod dictu nefas pignorare. Comme
à la verité, rien ne peut rendre les Princes odieux à
leurs peuples, que d’amasser des thresors ensanglantez,
& enrichir leur Espargne de biens qui distillent
leurs sueurs, leur sang & leurs larmes, Impium, dit Rupert,
stillans cruorem, lachrymasque patrimonium. L’Ordonnance
du Roy François I. verifiée en 1543. deffend
aux Receueurs, pour le payement des Tailles,
d’vser de contraintes solidaires, & emprisonner les
particuliers pour le commun de leurs Parroisses ; car
encore que les tributs soient les anciens propres des
Empires, & les biens patrimoniaux des Princes &
des Souuerains ; Tesmoins la response que Dieu fist
par la bouche de Samuël, à son peuple qui demandoit
vn Roy, Hoc erit ius regis qui imperaturus est, segetes
vestras & vinearum reditus addecimabit vosque eritis

-- 92 --

serui eius. Neantmoins nos Rois n’ont iamais authorisé
les rigueurs & les seueritez dont on se porte, à
exiger les subsides & les droits de leur Couronne,
iugeans bien que les impositions aigrissent assez les
esprits d’vn peuple, qui de sa nature est auare, & semble
n’estre sensible que pour satisfaire auec regret
aux obligations mesmes où sa naissance l’engage, &
ausquelles il demeure sousmis par sa condition : Ce
n’est pas que les Souuerains, qui donnent à leurs Sujets
le pouuoir & la faculté d’vser entr’eux des contraintes
& de la seuerité des Loix, en ce qui les concerne,
ne se trouuent encore mieux fondez à ioüir
pour leurs interests particuliers, des priuileges qu’ils
ont faits ; mais ils veulent que ce soit le dernier remede,
& comme l’anchre sacrée, qui ne se doit jetter
que quand tous, les autres moyens pour la conseruation
du vaisseau ont esté consommez ; c’est lors que
pour sauuer le reuenu de l’Empire, que la clemence
du Prince, & trop de facilité, feroit decheoir & diminuer.
L’on permet d’exercer les emprisonnemens
solidaires, & toutes les rigueurs establies en ces rencontres
par les Ordonnances ; ce qui se trouue mesme
fondé dans le Droict des Digestes, en la Loy I. §.
quod si nemo ff. quod cuius. vniuers où tous nos Docteurs
s’accordent en ce poinct, qu’on peut contraindre
les particuliers, en haine de la contumace
& de l’opiniastreté de tous les habitans d’vn lieu, qui
refuseroient de payer, auec cette distinction neantmoins
qu’ils ont perpetuellement faite, que cela n’a
lieu que pour les taxes & impositions anciennes &

-- 93 --

domaniales, introduites par le temps & l’vsage dedans
l’Empire ; estant certain que les nouuelles charges,
qui n’ont pour fondement que le luxe, où l’auarice
des Souuerains ne peuuent iamais souffrir d’executions
violentes : Encore moins dans ce rencontre,
qu’on puisse sacrifier des personnes priuées pour se
vanger d’vne Communauté, c’est ce que disoit le
Comique :

 


Me ne ob stultitias fieri piacularem oportet,
Vt meum tergum auaritiæ tuæ subdas succedaneum. Au contraire, il est permis à vn chacun de resister, &
l’on doit repousser la violence, c’est la doctrine de
Saint Augustin en son Liure sixiesme, question dixiesme,
& de saint Thomas en sa 2. q. 40. fondée sur
l’authorité & la puissance du glaiue, que Dieu n’a
point mis en la main des Roys pour ruiner leurs Estats
& destruire leurs subjets. Nos histoires estants remplies
d’exemples qui deuroient porter la terreur dans
l’esprit des Princes & des Ministres, & qui marquent
la protection d’vne main superieure qui prend la conduite
des peuples, & par de secrets mouuemens les deliure
de l’oppression. Ce fauory du Roy Theodebert
pour auoir esté l’autheur d’vne nouuelle imposition
& donné lieu à des surcharges & des taxes extraordinaires,
fut lapidé en la ville de Treues. Et l’on a veu
en France vn Theodoric à son aduenement à la Couronne,
pour les exactions violentes que les Maires du
Palais qui gouuernoient l’Estat faisoient sous son
nom, chassé hors le Royaume, & declaré par le peuple
indigne du sceptre François ; aussi le plus bel eloge

-- 94 --

à mon gré que iamais Demosthene ait donné aux
Ephores & Gouuerneurs d’Athenes, c’est quand il
leur disoit, qu’ils estoient vaillants à la guerre, mais
doux & moderez en leurs impositions. Ie finis toutes
ces considerations par vn lieu de Polydore au 26. de
son Histoire, lequel rapporte qu’Edouard IV. Roy
d’Angleterre ne donnoit autre nom aux taxes extraordinaires
qu’on leuoit sur le peuple, sinon de liberté
& de bien-veillance, chacun contribuant à son
gré. D’où conclud ce graue Historien que les surcharges
& nouueaux subsides, estants les presages d’vn
Estat languissant, on doit surseoir aux violences.

 

[illisible]

NOVS auons aussi esteint & supprimé le droit
de Maubouge, consistant en vingt sols sur
chacun muid de vin entrant en toutes les Villes &
Bourgs de nostre Royaume, & pour nostre bonne
Ville de Paris dix sols seulement creez par Declaration
du mois de Fevrier 1643. & compris dans
le bail des Aydes, & encore des vingt sols de subuention
creez par la Declaration du mois de Nouemb.
1644 reglé par Arrest du Conseil du 26. Ianuier
1641. d’autres vingt sols de sedan creez par Arrest
du Conseil du 13. Iuillet 1641. & compris en la Declaration
du mois de Septembre 1644. du sol pour
liure, tant desdits vingt sols de subuention & vingt
sols de sedan, que des dix sols du droit de Maubouge
pour l’entrée de Paris. Des six deniers pour

-- 95 --

liure, sur les trois sols restans du nouueau Tarif
à prendre sur le muid de vin, dont l’entrée est deschargée
par le moyen de la suppression dudit nouueau
Tarif, faisans tres-expresses inhibitions &
deffenses à nos Fermiers, leurs Commis & autres,
de leuer à l’aduenir lesdits droits & impositions à
peine de concussion ; & pour cét effet voulons qu’à
l’aduenir nos fermes soient baillées en nostre Conseil
au plus offrant & dernier encherisseur, & procedé
à l’adjudication, à la lumiere esteinte, apres
publications sur les lieux, encheres & remises, sans
aucuns deniers d’entrée ny d’aduances, & les Fermes
du barrage, & autres Domaniales faites par
les Thresoriers generaux de France en la maniere
accoustumée.

 

Toutes les histoires anciennes & modernes ont remarqué,
que les nations les plus souples ont tousiours
mesuré le droict des Imposts à leurs puissances & facultez,
& ont cru ne les deuoir souffrir, quand ils excedoient
les fruicts qu’ils recueilloient en toute l’année,
surquoy le plus veritable de nos Historiens François
auoit escrit que lors que Chilperic chargea premierement
le vin, le Ciel prit ouuertement la querelle
du peuple, & se declara de son party contre les autheurs
d’vn conseil si pernicieux, en sorte qu’il permit
que la vigne portast des raisins deux fois en vne
mesme année, & que les Conseillers & les Ministres
qui auoient trempé dans ce mauuais dessein, fussent

-- 96 --

affligez de maladies continuelles, & d’vne grande
mortalité. Il est vray que les anciens ont tousiours
estimé que les imposts & les taxes n’estoient que les
effets des maladies de ceux qui ne sçauent pas gouuerner.
Car comme au monde elementaire Platon
disoit que l’accord des diuerses parties dont il est
composé, & l’harmonie des qualitez contraires & ennemies
des quatre premiers corps est la santé du monde,
parce que de là dépend sa conseruation, & en effet
si Dieu n’auoit proportionné les qualitez des elements
en certains degrez pour les accorder les vns
aux autres, tout iroit en desordre & confusion ; aussi
au monde politique, c’est la prudence & le conseil de
ceux qui regissent, qui donne la santé, la force & la
vigueur aux Estats, c’est elle seule qui met la paix &
la concorde parmy les peuples & les range à leur deuoir,
empeschant qu’on n’entreprenne trop licentieusement
sur eux, comme au contraire l’imprudence
& le mauuais conseil en fait la maladie, lors
que par des surcharges elle vient rompre & diuiser ce
bel accord de tant d’humeurs & de passions differentes
d’vn peuple semblable aux elements, dont les quatre
qualitez bien temperées conseruent ce grand Vniuers
en son estre, & le doiuent destruire par leur desreglement ;
ainsi nous deuons apprehender pour nostre
Monarchie, où nous voyons que la froideur des
miserables ne peut plus resister à l’ardeur de la vangeance
des plus grands aduersaires. La vie coulante &
humide, comme parle saint Iean Chrysostome sur
saint Paul des pauures & indigents, [illisible],

-- 97 --

à la seiche & insatiable cupidité des plus
auares, & la legereté d’vn peuple affoibly & espuisé, à
la pesanteur d’vn Ministre si fort & si puissant, tout
cela ne presage que d’estranges reuolutions.

 

Hippocrate rapporte en l’vne de ses Epistres, qu’il
fust vn iour appellé par la Republique des Abderites,
pour la guerison de Democrite, & qu’ils luy manderent
qu’auec Democrite il trouueroit aussi LE
CONSEIL MALADE & tres-indisposé, [illisible].
Et quelle estoit l’indisposition de ce Conseil, sinon
qu’il n’auoit laissé à ces miserables, que l’ame & la
voix libre de continuelles charges & impositions ;
ceux qui ont escrit de l’estat de ce peuple, remarquent
que le vice & la corruption auoit tellement
gaigné parmy les Gouuerneurs & les principaux Officiers,
que le cours & la violence du mal, forçoit tous
les remedes qu’on y pouuoit opposer. Leurs mains,
lesquelles, selon le dire de Galien, sont la iuste regle
de tout le temperament du corps, qui se reconnoist
par le toucher, n’estoient pas bien innocentes, ils ne
manioient pas LES FINANCES auec la pureté &
netteté qui estoit necessaire ; les vns auoient les yeux
esbloüis de leurs interests particuliers, & offusquez
des fumées de l’ambition ; les autres estoient entierement
aueuglez de passion, ce qui leur desroboit le
vray visage des objets, & leur faisoit paroistre les
choses comme au trauers d’vne nuée toute autres
qu’elles n’estoient, semblables à ces Icteriques, ausquels
tout ce qu’on oppose paroist jaune, & à ceux
qui sont trauaillez de la suffusion du sang, sous la

-- 98 --

peau des yeux, lesquels ne se plaisent qu’à des objets
rouges & sanglants. Leur bouche qui prononçoit
des Edits si peu conformes aux Statuts & anciennes
Loix de leur Republique, n’estoit ny iuste ny droite,
leur langue estoit chargée & imbuë d’vne autre saveur
que de celle de la Iustice, tellement qu’vn corps
si mal affecté, auoit besoin d’vn Archiatre aussi excellent
qu’Hippocrate pour le remedier. Et dautant
que nostre CONSEIL D’ENHAVT, apres toutes les
conuulsions les plus violentes, se trouue aujourd’huy
dans la crise d’vne maladie aussi dangereuse que celle
du Conseil des Abderites ; il n’est que trop constant
qu’il a perdu l’esperance de nous pouuoir reduire,
voyant que la prudence d’vn Parlement sçait
mieux conseruer vn peuple, que la generosité & la
vaillance de leurs Chefs ne le sçait combattre. C’est
ce que l’Oracle fist vn iour entendre aux Grecs, lors
que pour leur monstrer combien les forces de l’esprit
estoient plus puissantes & plus à craindre que
celles du corps, il leur dit : ENFANS genereux de
la Grece, encore que vous soyez tous braues, &
resolus de vaincre, neantmoins vous assiegez vne
Ville depuis tant de temps, & n’y auez rien fait :
Achille n’y a rien aduancé poursuiuant les ennemis ;
c’est en vain qu’Aiax a lancé tous ses dards, ny Agamemnon
auec son Conseil, ny Nestor auec ses Harangues,
Chalcas auec ses Predictions, Vlisse auec ses
ruses, ny feront iamais rien ; vous y consommez le
temps inutilement, car vous manquez d’vn homme,
& qui est-il, vn homme dont l’ame se porte bien,

-- 99 --

[illisible], c’est en vn mot, que la Iustice n’est
pas de vostre party. La Iustice & la santé de l’esprit
ont vn rapport tres-conforme & conuenable ; car
s’il est vray que l’iniustice, au dire d’Iamblique, en
soit la maladie, [illisible], l’on peut bien
dire que la Iustice en est la guerison, puis que le
contraire se guerist par son contraire ; & cette pensée
n’est point de moy, elle est deuë à Proclus successeur
de Platon, qui a dit que la Iustice estoit la
guerison des maladies de l’ame, [illisible].
Ce qui establit vne paix bien ordonnée
dans nous, qui accorde les puissances corporelles &
intellectuelles l’vne à l’autre, qui appaise tous les
mouuemens desreglez, & fait aux troubles de l’ame
ce que la correction des humeurs superfluës & corrompuës
pour la restitution de la santé ; c’est elle
qui reprime les appetits de vengeances, reduit les
passions à vne esgalité bien reglée : I’entend cette
Iustice qui rectifie toutes nos actions, & entretient
nos puissances dedans les deuoirs. Enfin c’est elle
que Salomon, le premier de tous les Sages, & le plus
grand de tous les Rois, duquel les iugemens ont esté
admirez iusques aux extremitez de la terre, ayant
demandé à Dieu si ardemment & si instamment,
comme l’vne de ses plus pretieuses graces. Ioseph
Autheur Hebreu, qui a rapporté cette priere, dit
qu’il luy demanda cette Iustice sous le nom de la
santé de l’esprit, [illisible]. Voyons pour mettre
fin à tant de veritez importantes, si elle reside
ailleurs que dans les Parlemens, & si nos Rois n’ont

-- 100 --

pas reconnu qu’elle soustient seule leur Couronne,
& que la paix de leur Estat despend absolument de sa
conduite & de son gouuernement.

 

[illisible]


Accerse mihi harum rerum testes.

 

POVR faire connoistre à la Posterité l’estime
que nous faisons de nos Parlemens, & afin
que la Iustice soit administrée dans nostre Royaume
auec l’honneur & l’integrité requise, Nous
voulons qu’à l’aduenir les articles quatre vingts
vnze, quatre vingts douze, quatre vingts dix-huict,
& quatre vingts dix-neuf, de l’Ordonnance
de Blois de l’année cinq cens soixante &
dix-neuf, soient inuiolablement gardez & executez :
Ce faisant que toutes affaires qui gisent
en matiere contentieuse, dont les instances sont
de present, ou pourront estre cy-apres, indecises
& introduites en nostre Conseil, tant par euocation
qu’autrement, soient renuoyées & les renuoyons
à nostre Parlement, sans que nostre dit
Conseil prenne connoissance de telles & semblables
affaires, & ce suiuant les Edits & Ordonnances,
sans que les Arrests de nostredit Parlement
puissent estre cassez ny retractez, sinon par
les voyes de droict, qui sont Requestes ciuiles &
propositions d’erreur, & par les formes portées
par lesdites Ordonnances, ny l’execution desdits

-- 101 --

Arrests suspenduë ou retardée sur simple Requeste
presentée à nostredit Conseil. Et pour faire cesser
les plaintes à nous faites par nos Subjets, à l’occasion
des Commissions extraordinaires par nous
cy-deuant decernées, auons reuoqué & reuoquons
toutes lesdites Commissions extraordinaires ; Voulons
poursuite estre faite de toute matiere, pardeuant
les Iuges ausquels la connoissance appartient,
& ne pourront lesdits Maistres des Requestes,
instruire & iuger en leur Auditoire, autres
matieres que celle dont la connoissance leur
appartient par nos Edits & Ordonnances, ny iuger
en dernier ressort ny souuerainement aucun
procés, quelques lettres attributiues de iurisdiction
& renuoy qui leur puisse estre fait, le tout à peine
de nullité.

 

LES Anciens qui ont rapporté l’inuention de la
Medecine aux Dieux, pour attribuer l’Art de conseruer
les hommes à la mesme puissance qui les auoit
produits, ont dit qu’Apollon le Pere & l’Autheur
de cette science Celeste, auoit engendré deux Enfans,
Esculape pour la Medecine des particuliers, &
Platon pour celle des Estats & des Republiques, parce
que ce diuin Philosophe estoit grandement versé
dans la Politique, qu’il auoit apprise de Socrate
ce grand Maistre de l’ancienne sagesse, luy duquel
on disoit, qu’ayant trouué la Philosophie voyageant
par les Cieux & par les Elemens, il l’auoit attiré

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le premier dans les Villes pour la faire conuerser
auec les hommes ; tellement que par ses beaux
preceptes, dont la fin estoit de bien gouuerner, corrigeant
toutes les vicieuses habitudes & mauuaises
inclinations des Princes & des Grands, leurs passions
& affections desreglées. Il faisoit que les Estats
recouuroient leur premiere force, & leur vigueur
toute entiere ; c’est pour quoy les Atheniens ont obserué,
que Platon estoit né le mesme iour qu’on celebroit
parmy eux la Feste de la naissance d’Apollon,
& pretendoient ne faire point d’iniure à cette
Diuinité, de ioindre la naissance du plus grand Politique,
auec celle du Pere de la Medecine, parce que
tous les beaux discours de sa Philosophie ne tendoient
qu’à conseruer & maintenir les Royaumes,
les Prouinces & les Citez. Aussi ayant remarqué dés
l’entrée que le Parlement est né auec la Monarchie,
ie ne crois point faire iniure à la Pourpre de nos
Rois, d’associer auec eux vn corps qu’on ne peut separer
sans la ternir & la destruire, & qui ne reconnoist
autre cause de son institution, que de se ioindre
auec les Rois, & conspirer ensemble pour le salut
du peuple, & pour sa conseruation ; c’est ce qui a
fait qu’il a opposé auec tant de succés, la prudence
& le conseil, aux armes & à la violence ; que ses victoires
sont tousiours innocentes, & ses triomphes
iamais sanglants. Ce grand Capitaine Romain, qui
fut appellé à la charge de Dictateur pour appaiser
quelques mouuemens qui s’estoient esleuez dedans
la Republique, ne demanda pas aux Dieux de vaincre

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en combattant, mais seulement l’honneur de
concilier l’vnion & la concorde entre les Citoyens,
& qu’il pourroit trouuer ailleurs vn champ plus honorable
pour la gloire des armes. Le Parlement n’a
iamais eu autre souhait, que de pouuoir reünir les
esprits des Princes auec leur peuple, reioindre leurs
affections diuisées, & ne seruir entr’eux que d’instrument
de paix & de concorde.

 

 


Hic quoque seruati contingit gloria ciuis
Altaque victrices, intexent limina palmæ. Mais on a rejetté leurs soumissions, mesprisé leurs
vœux & leurs obeïssances, & les Princes se sont liez
d’interest, à proteger vn faux Ministre contre les veritables
& plus fideles seruiteurs de nos Rois. Que
diront les Histoires d’auoir veu la plus grande Princesse
deschirer ses entrailles pour conseruer vn object
d’execration & d’anatheme, & bien qu’il soit
odieux à tous les peuples, vouloir que la fumée de
leur sang le puisse seule desrober à leurs yeux. Car
pour ce qui est du Mars de nos armées, qui s’en est
declaré partisan, on luy dira ce que Dieu fist à ce
fameux fratricide, puis qu’il ne poursuit pas, moins
viuement son frere, ecquid fecisti, c’estoit à dire selon
l’interpretation de Philon Iuif, nihil fecisti. Les
autres ont creu qu’estans saisis de la personne du
Roy, ils pouuoient donner quelque voile à la temerité
de leur faction ; mais ils ont enfin reconnu,
qu’il y auoit plus d’aduantage de retourner sur leurs
pas, & executer entierement les dernieres Declarations.
C’estoit vne course que l’on faisoit dans les

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ieux publics de la Grece, lors qu’on auoit atteint le
bout de la carriere, de retourner tout court & rebrousser
chemin, & ceux qui s’exerçoient ainsi s’appelloient
[illisible], parce que reflectebant eandem
viam, dit Pausanias. Et quoy que Philon nous
asseure, que ceux qui en vsent de la sorte sont semblables
à la Lune, laquelle il represente retournant
par la mesme voye apres auoir esté plaine ; neantmoins
il est tousiours honorable par quelque chemin
que ce soit de se rendre à la IVSTICE : Lebon
sang qui s’eschauffe se remet aussi-tost en son temperament,
& quand on reconnoist le mal qu’on a
commis, c’est la condition plus approchante de la
probité de ceux qui ne le commettent point. Il ne
faut pas estre bien versé dans la science Ciuile & Politique,
pour dire qu’on n’a iamais tiré de beaux
triomphes de ses propres ruines, & que les puissances
qui s’emportent sont semblables à ces tours superbes
de ces grands Palais démolis, qui se brisent
sur les testes de ceux mesmes qu’elles escrasent, &
dont on ne marque le poids, que par l’ouuerture
d’vn gouffre où elles se vont enseuelir. Quel dessein
& quelle entreprise plus cruelle, que d’amasser des
gents de tous les endroits du monde, & des païs les
plus estranges, & vouloir porter comme en vn
champ de bataille, la capitale du Royaume, le Domicile
de nos Rois, le Thrône de la Iustice de l’Estat,
& le Temple commun de tous les Peuples, pour
estre deschirée & mise en pieces par toutes les Nations
de la terre. Semble il pas que les Monarchies,

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lors qu’elles sont montées à vn certain degré de perfection,
tirent insensiblement de leur matiere, ie ne
sçay quelle inclination secrette à empirer ; comme
nous voyons aussi que la nature ne peut demeurer en
mesme estat, & se trouuant oysiue agist contre elle
mesme, & tasche à se destruire. Les peuples sans
doute ont grand sujet de renouueller en ces rencontres,
la priere que les Tenediens faisoient à Iupiter
dans Pindare, de leur conseruer le cœur inuulnerable
parlans de leurs Magistrats, [illisible],
c’est à dire qu’ils fussent impenetrables aux
traits de toutes les passions, & particulierement de
la haine & de la vengeance, qui ont causé la ruine
des plus fleurissantes Republiques. Car comme l’œil
de l’homme ne void pas bien ce qui est trop esloigné
de luy, & qu’il a besoin d’vne distance proportionnée
pour exercer sa fonction, aussi les Gouuerneurs
& les Ministres, ausquels tout vn peuple est
commis, ne voyent iamais clairement en ses interests
lors qu’il est trop esloigné de leur affection ;
& s’il ne se conserue ce cœur pur & inaccessible à
tant de noires vapeurs, dont on s’efforce de l’estouffer,
il faut que tout l’Estat perisse lors que ce principe
de la vie ciuile, i’entend les Magistrats & la Iustice,
se trouue blessé & offensé.

 

Nous voyons qu’entre les armes des Soldats Romains,
Polybe recommande particulierement vn
certain bouclier qu’ils tenoient sur l’estomac, &
l’appelloient la garde du cœur, [illisible]. Mais
les François doiuent plus estimer les fermes & constantes

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resolutions dont leurs Magistrats sont armez,
& repoussent tous ceux qui s’opposent à leurs
vertueuses entreprises : C’est à present que le peuple
doit esprouuer qu’il a vn cœur inuulnerable &
inuincible, qui ne sçauroit fleschir sous aucune consideration
de grandeur ny de puissance, & qui se
monstre plus vigoureux, & redouble son courage
lors qu’il est plus fortement attaqué. Ainsi le Soleil
augmente sa chaleur quand il est paruenu au signe
du Lion ; & comme les miroüers d’Archimede, lors
qu’ils estoient directement opposez à ses rayons
produisoient vn feu plus ardent, dont il brusla les
vaisseaux des ennemis qui tenoient sa Ville assiegée.
Aussi à l’esclat des rayons des plus grands & redoutables
Princes du Royaume, il a rassemblé toutes
ses forces, s’est encore enflammé d’vne plus grande
ardeur pour le bien public, & s’est opposé aux
efforts les plus violens, pour monstrer que les Platoniciens
ont erré, qui vouloient que toutes les vertus
eussent le nom & la figure de femme, & que la
Iustice (comme disoit Eustathe au premier de l’Iliade)
doit auoir vn visage d’homme, [illisible]
parce qu’il n’appartient qu’aux hommes de gouuerner
vn Estat auec Iustice, & qu’elle ne peut compâtir
auec les passions desreglées des femmes : C’est
pour cela que Iesus fils de Syrach, que l’on peut iustement
nommer, le second Sage de l’Escriture
Sainte, disoit, ou il faut despoüiller le tiltre de Magistrat,
ou se disposer à faire teste à l’iniustice & à
l’iniquité, & non seulement luy resister, mais luy

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faire effort & la vaincre. Enfin c’est par ces sentimens
de generosité que se doit verifier dans les Estats, le
dire du Prophete,

 

ET ERIT PAX OPVS IVSTITIÆ.

Fin de la Troisiesme Partie.

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I. A. D. [1649], IMPORTANTES VERITEZ POVR LES PARLEMENS. PROTECTEVRS DE L’ESTAT. CONSERVATEVRS DES LOIX. ET PERES DV PEVPLE. Tirées des anciennes Ordonnances, & des loix fondamentales du Royaume. DEDIEE AV ROY. Par I. A. D. , français, latinRéférence RIM : M0_1686. Cote locale : C_5_59.