Anonyme [1649], CONTRIBVTION D’VN BOVRGEOIS DE PARIS, Pour sa cotte-part au secours de sa Patrie. , françaisRéférence RIM : M0_790. Cote locale : C_1_37.
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A MESSIEVRS DE LA VILLE
DE PARIS.
MESSIEVRS,

SI vous estes nez hommes, si vous estes Chrestiens,
si vous estes François, faictes reflexion
sur ce que vous estes. La nature en general vous
oblige à vostre propre conseruation : La qualité
d’hommes vous incline à la charité de vos
enfans, de vos femmes, de vos amis, de vos concitoyens.
Vostre Religion qui doit marcher la premiere, vous astraint
à l’entiere sousmission & fidelité que vous auez iurée à Dieu
dans vostre Baptesme. La qualité de François vous engage à
l’amour de vostre pays, & à l’obseruation des mœurs anciennes
qui ont esté pratiquées par vos ancestres. Si quelque obstacle
se presente pour vous empescher de satisfaire à ces deuoirs,
vous deuez vous roidir au contraire : vostre conscience,
vostre honneur, & vostre particuliere vtilité vous y conuient.
Est-il donc besoin d’exhortation pour resueiller en
vous des sentimens qui sont si iustes & si naturels ? D’vn million
d’hommes qui habitent dans Paris, & qui composent
cette plus belle ville du monde, il n’y en a pas vn seul, s’il n’est
furieux & insensé, qui ne doiue estre imbu de ces veritez ; &
cependant la lascheté de quelques-vns est si grande, qu’ils
semblent douter s’ils sont bien fondez à veiller à leur propre
conseruation. Escoutons au moins la nature qui donne à tous
les animaux l’instinct de l’amour propre, & qui nous enseigne
de parer aux blessures de la teste & des autres parties principales,

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par l’opposition des bras & des mains, comme nous le
voyons en la cheute des petits enfans. Escoutons la raison en
suite qui nous dicte & nous conuainc, que nous n’auons ny
facultez ny industrie que nous ne deuions employer pour
nostre salut, & pour le bien public. C’est pour cela que nous
auons choisi des Rois & des Patrons afin de nous proteger,
de nous regir, & de decider nos querelles. Donne-nous des
Rois pour nous rendre iustice, ainsi que les autres peuples en
ont, disoient les Israëlites à Moyse. Ils ne sont point fais pour
nous tyranniser, & pour abuser de nostre obeïssance ; & ceux
qui taschent d’estendre leurs pouuoirs au delà des bornes legitimes,
ce sont des pestes de la societé ciuile, & les plus pernicieux
ennemis que les Rois mesmes puissẽt auoir, puis qu’ils
procurent leur malediction & leur damnation. Or nous en
auons vn, Dieu mercy, qui est encore dans l’innocence de
son Baptesme, & qui ne nous a iamais fait de mal. Dieu le
conserue, Dieu l’illumine, plaise à Dieu de l’instruire par ses
inspirations immediates ; car on a malheureusement pourueu
à son education, en y commettant vn homme execrable, &
qui est cause de tous les troubles presens. C’est à ce monstre
auquel nous auons à faire, & contre lequel nos cœurs & tous
nos ressentimens doiuent estre armez & sousleuez, In majestatis
reos, & publicos hostes omnis homo miles. Iamais il n’y eust vne
querelle plus iuste. Nos peres ont veu des guerres ciuiles qui
ont partialisé la France l’espace de trente ou quarante ans,
mais il y auoit vn grand sujet, c’estoit celuy de la Religion :
car d’vn costé on soustenoit la bonne, & d’autre part on en
pretendoit vne meilleure L’ambition des Grands se ietta parmy
ces troubles, comme le Diable fait parmy les tonnerres :
mais au fonds plusieurs millions d’hommes diametralement
opposez croyoient bien faire & dans cette creance abandonnoient
les sentimens, & obligations de parenté, pour adherer

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au party qu’ils pensoient iuste ; de la vindrent toutes ces larmes,
& toutes ces desolations. La Guerre ciuile qui s’est esmeuë
depuis trois iours, n’est point de cette qualité : elle n’est
point problematique : Il ne faut point assembler de Concile,
pour en decider la controuerse. Les Iesuites, & la Sorbonne
sont d’accord sur cet article. Que l’on porte iuger ce differend
aux Scythes, & aux nations les plus barbares, il n’y en a pas
vne qui ne determine facilement que c’est vne brutalité insupportable
d’abandonner tout vn Royaume à la conduite
d’vn Estranger, premierement pour le deshonneur qui rejaillit
sur la nation qui se commet ainsi, de n’auoir pas produit
vn Sujet capable de la conduire ; & secondement pour l’inconuenient
qui en arriue, lors que cet Estranger se retirant
par mescontentement, ou par disgrace, il est en pouuoir de
liurer les forteresses de l’Estat, & de trahir tout son secret.
Que si cet indigne Ministre auec l’incapacité de sa naissance,
est encore diffa me d’vne reputation execrable : n’est-ce pas
vne horreur & vn aueuglement terrible de le preposer à l’education
d’vn Roy de dix ans. Les cent mille mousquets qui
sont maintenant allumez dans la ville de Paris, peuuent-ils
faire assez de feu, pour urger, & expier vne telle infamie.
Grand Dieu, qui par vne conuenable iustice proportionnez
vos vengeances à nos crimes, il faut qu’ils soient bien extremes,
& bien scandaleux, puis que vous les punissez par des
flagellations si ignominieuses, & que vous abbatez les François
deuant le plus vil animal qui se soit iamais formé des excremens
de la plus abominable volupté La famine, la peste,
la guerre sont bien impitoyables ; mais ces accidens-là n’entament
point l’honneur des hommes, & les nations, qui en
sont affligées, n’en sont pas flestries. Mais de souffrir l’empire
d’vne creature si indigne, c’est vne idolatrie pareille à celle de
l’adoration des Chiens & des Crocodilles, c’est vne prostitution

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aussi scandaleuse que celle des Sorciers, qui se prosternent
deuant vn Bouc. Auoüons la debte : C’est vne tache qui
ne se pourroit iamais effacer du nom François, si l’histoire
equitable, qui nous en fera le reproche, n’ajoustoit incontinent
le desaueu que le Prince de Conty vient de faire au
nom de tous les bons François, de n’auoir iamais consenty à
cette infamie. Reste à Messieurs du Parlement assistez de ces
grands chefs de Guerre qui se sont declarez, de trauailler sans
relasche à l’acheuement de cette loüable entreprise, & de ne
se pas contenter de purger la France de la contagion de cette
peste, mais de pouruoir à l’aduenir, qu’il ne s’en forme plus
de semblables, & que ces monstres de Fauoris nous deuiennent
aussi odieux que les Basilics & les Serpens. Pour cet effet
il faudroit exterminer ces perfides flatteurs qui les enuironnent,
& qui se prostituent à des seruitudes si infames : car
ce sont eux qui les soufflent & qui les enflent, & qui les portent
à cet orgueil effroyable, & à cette eminence qui les esbloüit.
Car si ce lasche Courtisan qui ne vaut rien, n’en faisoit
accroire à l’ambitieux Ministre : si le bouffon pour le diuertir,
si le parasite, si le succeur d’hemorroïdes ne vomissoit
l’ordure de sa bouche contre le visage de l’homme de bien
pour le denigrer : Le calomniateur n’oseroit iamais l’attaquer
de droit fil, & luy rompre en visiere. Mais quand le plaisant
a fait le prologue, le malin fait la fausse accusation, & le bourreau
fait la catastrophe. Apres cela le Tyran de Fauory, pour
qui se ioüe la sanglante tragedie, paye liberalemẽt les acteurs,
& leur baille les habits de ceux qu’ils ont ioüez, calomniez,
& despoüillez. Apres les Flatteurs viennent en ordre de malice
les Maletostiers qui les tiennent par la main, & qui ne les
perdent point de veüe : Ils font table de bourse commune, &
dans leurs festins ils mangent leurs bisques destrempées dans
le sang du peuple. C’est là qu’ils font leurs belles alliances

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c’est là qu’ils traittent leurs mariages, & qu’ils accouplent
cent mille escus, fussent ils ramassez du plus vilain esgoust
du marais, auec vne noblesse qui se croid aussi ancienne que
celle du Duc de Saxe. Fœcunda culpæ sæcula nuptias primùm
inquinauêre. De là vient qu’il est impossible d’auoir iustice du
Partisan, à cause de l’alliance qu’il prend auec les gens de condition,
ausquels ces vilains cancres s’attachent par les liaisons
& les fibres des interests qui les engagent. Et ce qui nous desespere,
c’est que desormais il n’y a plus de famille qui ne soit
enuenimée & corrompuë de cette lepre ; de sorte qu’il est
presque impossible de purifier, & deliurer la France de ce
mal vniuersel, si ce n’est par vn grand coup du Ciel, & par
vne crise de la qualité de celle qui se presente. Esprits courageux
que Dieu a visiblement excitez pour le salut de cet Estat,
perseuerez en vos bonnes resolutions, & ne perdez point l’occasion
qui vous est offerte. Les iours de crise doiuent estre
punctuellement obseruez. Iusques à present vous auez bien
traitté ce pesant corps malade : mais gardez-vous de l’indulgence
poltronne, & ne vous contentez pas de retrancher
cette carnosité estrangere, qui a formé l’apostume : coupez
& bruslez tout ce qui paroist autour de pourry & de gangrené.
Il faut donner iusques à la chair viue laquelle vous pretendez
de guerir, & la remettre en sa premiere vigueur. Parlons
franchement & sans figure. Respect à nos Princes, puisque
nostre Estat est ainsi estably. Malediction & chastiment exẽplaire
sur les auares & les perfides Ministres. Mais sans discourir
& sans perdre temps, accourons ainsi que le Laocoon
de Virgile, à nos deux chers Enfans que ces deux Serpens veulent
suffoquer : car non seulement ils vont estouffer les Enfans,
mais ils ont desia enueloppé les Princes de la plus haute
taille : Spirisque ligant ingentibus, & iam superant capite, & ceruicibus
altis. Ne vous relaschez pas, Messieurs, ne vous ennuyez

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pas pour la fatigue de quelques iours. Et vous Magistrats
populaires, ne vous des vnissez pas de ces grans Senateurs.
Vous seruez Dieu & vostre patrie, & vous immortalisez
vos noms. A vostre genereuse conduite voila que tant de
braues Seigneurs viennent contribuer leur sagesse, & leur valeur.
Voicy la plus grande compagnie d’hommes qui soit sur
la face de la terre, qui vous preste la main. Voila dix mille
Religieux qui poussent leurs prieres au Ciel à vostre dessein.
Les trois Estats du Royaume conuiennent auec vous en vn
mesme suffrage. Nous reuerons tous vn mesme Souuerain,
ainsi que nous adorons vn mesme Dieu. Vos deux Prelats
iustifient l’équité, & la necessité de vostre defense. Apres cela
nous auons tout sujet d’esperer que la Diuine Bonté par vne
grace singuliere, & par vne souueraine misericorde calmera
bien tost toute cette tempeste, laquelle il a permis de se sousleuer,
pour nous réueiller de nostre oubliance, & nous remettre
en haleine & en affection de nostre propre salut.

 

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