Anonyme [1652], CONTRE-VERITEZ DV VRAY, ET DV FAVX DV CARDINAL DE RETZ. , françaisRéférence RIM : M0_789. Cote locale : B_10_16.
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CONTRE-VERITEZ
DV
VRAY,
ET DV
FAVX
DV CARDINAL DE RETZ.

A PARIS,

M. DC. LII.

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CONTRE-VERITEZ DV VRAY,
& du Faux du Cardinal de Retz.

IL ne faut point d’artifice pour persuader la
verité, plus elle est naïfue, plus elle est belle,
elle a d’elle-mesme tant de charmes qu’elle
rauit dés le moment qu’elle paroist, il n’y a
que le mensonge qui ait besoin de déguisement,
il est si odieux qu’il le faut masquer pour le faire méconnoistre,
mais si on l’enuisage de prés, on le connoist aussi
tost à sa liurée, on voit que plus il se veut deffendre, plus
il se rend criminel, & que semblable aux araignées il s’enuelope
dans ses propres toiles. L’Apologie du Cardinal de
Retz qui porte pour tiltre le Vray & le Faux, semble d’abord
estre vn ouurage de la verité, mais si on ne se laisse
point surprendre à l’apparence, est-ce autre chose qu’vn
tissu de calomnies, plastré de force paroles inutiles qui forment
vn nuage si espais, que la verité a beaucoup de peine à
le percer. Les veritables circonstances y sont industrieusement
obmises, les actions du Coadjuteur déguisées, celles
de Monsieur le Prince calomniées, celles de ses amis
noircies, bref, la verité y est si fort confonduë auec le mensonge,
qu’il est à craindre que faute d’vn nouueau iour
elle ne demeure entierement obscurcie : il y auroit sans
doute de la lascheté de ne luy pas prester ce secours, pour
peu qu’on s’efforce il est aisé d’en venir à bout, l’aduersaire
est desia à demy vaincu, il se destruit de luy-mesme,
son libelle est plus vne faute de son esprit, que l’effet de
son iugement, il fait honte à son Caractere, il le fait changer
de partis autant de fois que son ambition l’a desiré ;

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il le fait passer pour le plus lasche & le plus ingrat de tous
les hommes.

 

Depuis trois ou quatre ans, à ce qu’il dit, il n’y a point
eu d’affaire où il n’ait pris part ; Monsieur le Prince & luy
ont esté les deux personnes qui ont donné les mouuemens
à tous les autres, & pour se seruir de ses termes, ont joüé
les premiers personnages dans les Tragedies si funestes à
l’Estat. Voicy donc vn Prelat de la nouuelle mode, qui fait
gloire de cabale & d’intrigues ; qui professe hardiment
ce qui luy est seuerement defendu, il n’écoute plus ces
anciens Oracles de l’Eglise, qui interdisoient à ceux de sa
sorte le commerce des affaires seculieres, comme vne
prophanation de leur Ministere, il les considere comme la
plus digne occupation de son esprit, les affaires de son
Eglise & le salut des ames ne sont plus pour luy vn employ
assez glorieux, il le va chercher dans le cabinet de Princes,
on ne le connoist point dans les actions nobles de pieté, &
de sainteté, il n’est pas remarquable que dans les tragedies
funestes à l’Estat.

Vous auez raison Monsieur le Coadjuteur, de dire que
les maux qui nous arriuent sont vn chastiment du Ciel
qui nous oste la connoissance & le discernement. Le Prestre
est plus corrompu que le peuple ; l’Euesque est deuenu
courtisan, & le successeur des Apostres s’est rendu esclaue
de la fortune. Vous qui voyez les fautes des autres, vous
ne voyez pas celles là : pouuez vous nous persuader qu’auec
vostre Camail vous ayez bonne grace à nous faire des
leçons de Politique ? estes vous le restaurateur de l’Estat,
auez vous eu vne Reuelation pour quitter vostre Ministere,
la dignité du Sacerdoce, & la predication de l’Euangile,
qui sont les veritables emplois d’vn Coadjuteur ? que deuient
cependant la conduite de vostre peuple, tandis que
vous faites la Couraux Grands, que vous voulez assister
dans leurs Conseils, prendre part à toutes leurs deliberation ?
est ce vous acquitter de vostre charge que de la faire
par procureur, pouuez vous séruir à deux maistres ?

Il est vray que durant le siege de Paris vous commençastes,

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à vous mesler des affaires, c’estoit vn temps pour vous
bien acquitter de vostre deuoir en faisant part aux pauures
de vostre reuenu qu’apres vostre entretenement est destiné
à leur nourriture, si vous auiez lieu de passer plus auant,
c’estoit pour exhorter les esprits à la Paix, & rechercher tous
les moyens possibles pour y paruenir ; c’estoit-là que deuoit
finir vostre Diocese : qu’auiez vous fait pour esperer des
recompenses ? n’estoit ce point assez qu’on vous auoit donné
l’entrée dans le Parlement ? ce premier pas a depuis
excité vostre ambition, & seruira à la ruïne de ceux qui
vous l’ont procuré, c’estoit peut-estre ce qui vous fit esperer
de nouueaux aduantages que vous ne pouuiez iustement
pretendre. Vous auiez à la verité pris peine à vous
faire valoir, & on croyoit que ce fut le zele d’vn bon pasteur,
& non pas la vanité d’vn Pharisien : ne vous donnez
donc pas la gloire d’auoir refusé ce qu’on vous offrit, on
commençoit à connoistre vostre nom & vous vouliez faire
croire que vos actions meritoient de hautes recompenses,
vostre premiere conduite auoit esté assez conforme à vostre
maison & ne connoissiez point les intrigues, vous ne sçauiez
que les distinctions de Sorbonne, & non pas les fourbes
de la Cour.

 

Il est vray que vous auiez commencé à former quelque
caballe dans le Parlement, qui peut, estre bailla apprehension
au Mazarin de celle que vous pouuiez faire
dans le Cabinet, Il sçauoit que vous brusliez d’enuie
d’estre Cardinal, & que ce nouueau degré d’honneur
que vous veniez de receuoir dans le parlement, vous
porteroit bien tost à briguer celuy de Ministre, il craignoit
vne ambition déreglée en vn homme qui se croyoit
digne de tout : ce fut pourquoy il vous empescha l’entrée
de la Cour, mais ce que vous ne pûtes auoir par ses
bonnes graces, vous crûtes l’obtenir en continuant vos
broüilleries, chacun sçait que lors que la Cour estoit diuisée,
tous ceux qui se declaroient contre le Mazarin
estoient bien venus en vostre maison, & vous presidiez
à tous leurs Conseils, vous n’auiez point d’autre dessein

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que de paroistre à la teste de tous ses ennemis, estre le
che du [1 mot ill.], & obtenir de la necessité du temps ce que
vous ne pouuiez esperer de vostre vertu. Ce Chapeau
rouge vous tenoir l’esorit si pensis qu’il n’estoit point d’artifice
qu’il ne vous fist pratiquer, vous eussiez bien voulu
que la guerre le fust deslors declarée, & si on eust suiuy
vostre passion, le feu eut esté allumé de tous costez,
mais les affaires qui dependent de diuerses conjonctures
ne s’y trouuoient pas disposées, & vous ne pûtes souffrir
que Monsieur le Prince pacifia les choses dans vn temps
où il ne pouuoit pas dauantage. C’est ce que vous passez
si delicatement pour venir aux feux de joye que l’on fit
de la prison de Monsieur le Prince, que vous auez poursuiuie
auec tant d’instance, & fait executer auec tant
de rigueur ; vous pensiez d’vn costé vous venger de Monsieur
le Prince par sa detention, & de l’autre receuoir
du Mazarin tous les aduantages que vous en esperiez :
mais vos esperances furent deceuës par ses fourbes ordinaires :
ce que l’on vous offroit n’estoit pas ce que vous
demandiez, ce que vous eussiez receu eust bien esté le
prix de vostre lascheté, mais non pas la fin de vostre ambition.
Vous demandiez le Cardinalat par le moyen duquel
vous pretendiez venir au comble de vos desirs. Le
Mazarin voyoit par là vn compagnon dans sa fortune qui
luy contesteroit en suitte le rang & le Ministere. Il vous
nourrissoit d’esperance, comme il auoit fait l’Abbé de la
Riuiere, mais vous estiez sage à ses despens, & connoissiez
le jeu de vostre aduersaire, vous iugeastes bien qu’il
n’y auoit point de temps plus propre a la poursuitte de
vostre dessein, que lors qu’il y auoit deux partis formez :
apres auoir tenté toutes les souplesses imaginables du
costé de la Cour, il n’y auoit plus lieu d’esperer que du
costé de Monsieur le Prince, vostre entremise toute seule
eust eu fort peu d’effet, si elle n’eust esté soustenuë
par l’authorité de son Altesse Royale, vous auiez gagné
entierement sa creance, & ses bonnes graces vous seruoient
de degrez pour porter vostre ambition iusques

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au faiste. C’estoit vous venger puissamment du Mazarin
que de traitter de la liberté de Monsieur le Prince, vous
commençates donc à vous declarer pour celuy qu’vn an
auparauant vous auiez voulu perdre. Il est estrange que
vostre amitié & vostre haine suiuent tousiours la mesure
de vos interests, ils se changent l’vn en l’autre selon que
vous pensez en profiter, & comme vous n’auez iamais
aimé personne gratuitement, aussi vous ne l’auez hay
que sous esperance de recueillir le debris de sa disgrace.
Vous promistes bien de trauailler à la liberté de Monsieur
le Prince ; mais sous condition qu’il vous feroit auoir le
Chapeau de Cardinal & la place du premier Ministre ;
que Monsieur le Prince de Conty espouseroit Mademoiselle
de Cheureuse, & que vous auriez la meilleure partie
de ses benefices ; bref, tous vos Emissaires & vos confidens
deuoient prendre part dans cette rançon, elle estoit
destinée à la recompense de vos creatures. C’estoit ce
me semble vendre fort cher vostre credit, qui n’estoit pas
si grand que vous vouliez le persuader, mais vous auiez
assez de malice pour trauerser les bons desseins des amis
de Monsieur le Prince, si vous n’eussiez rien esperé de sa
sortie.

 

La liberté plus chere que la vie, oblige les hommes à promettre
à leurs Tyrans, toutes les choses dont leur auarice
& leur ambition sont capables, mais la Iustice reclame toujours
contre cette force, & les dispense particulierement de
leur parolle quand il y va de la perte de leur honneur : Monsieur
le Prince de Conty vit que cette alliance estoit blasmée
de tous les gens de bien ; pouuoit il estre plus tenu à sa
parole qu’vn particulier, où en semblable rencontre la liberté
demeure toujours aux deux parties, & peut rompre vn
traitté de mariage auec raison, sans estre accusé de violer sa
foy, de là vous pristes deffiance qu’on ne vous feroit point
Cardinal, vostre inquietude ne vous permit pas d’attendre
dauantage la recompense, vous vous liastes d’interests auec
Madame de Cheureuse ; qui ne sçait que cette femme a vieilli

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dans les intrigues des Cours & en a apris toutes les fourbes ?
l’iniure qu’elle pensoit auoir receuë par la rupture du
traitté de mariage excitoit son indignation contre la maison
de Monsieur le Prince : si elle eut eu encor les clefs de la
geole elle l’eut sans doute reserré pour le reste de ses jours,
mais elle n’estoit plus en puissance de luy nuire que par ses
artifices ; deslors on commença à ietter de luy des soupçons
ridicules, toutes ses paroles & ses actions estoient interpretées
à contre sens ; Et vous fistes vos efforts pour porter son
A. R. dans la deffiance de sa conduitte ; Madame de Cheureuse
& Monsieur de Chasteau neuf y pratiquerent ce qu’ils
auoient de soupplesses. Bref en peu de temps on vit vn
parti formé dans la Cour. Vous demeurez court en cet endroit,
vous accusez Monsieur le Prince d’auoir manqué à
toutes les paroles qu’il vous auoit données, & vous ne les
expliquez pas, quand vous rauissez la reputation à ceux
ausquels vous deuez le bien & l’Archeuesché que vous possedez,
vous faites monstre de vos longues periodes, & s’il se
trouue quelque action susceptible de la mauuaise interpretation
que vous luy donnez, vous en faites des pages entieres,
en ce rencontre vous estes trop succint, & trenchez
en deux mots, accuser vn Prince de manquer de parole à
son Liberateur, est ce pas le plus grand de tous les crimes,
chaque article violé est ce pas autant de Sacrilege, d’où
vient qu’ils ne paroissent point, & que vous voulez qu’on
s’en rapporte à ce que vous en dites ? C’est la honte & la confusion
qui vous ferment la bouche, vous n’osez descouurir
ce que vous auez eu tant dé peine à cacher, ce traitté auquel
vous dites que l’on a manqué, salira à iamais vostre
pourpre, & fera voir que vostre bonnet rouge est la recompense
de vostre trahison. C’est donc sans raison que vous
auez attaqué Monsieur le Prince ; c’est sans raison que
vous dittes que sa sortie n’a point apporté la Paix à l’Estat,
ç’a esté vous qui l’auez troublée en conseillant auparauant
la majorité du Roy le retour du Mazarin, on sçait les resistances
genereuses que M. le Prince y apporta, & qu’enfin

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il fut contrainct pour asseurer sa liberté & sa vie, à se retirer
de la Cour. Le gouuernement de Guyenne estoit ce vne recompense
ou plutost vn eschange de son gouuernement de
Bourgogne, pourquoy desguisez vous la verité dans les
choses les plus connuës ? Auoit il d’autre azyle que celuy-là ?
Pourquoy le venir pousser par la force des armes, & le
reduire à la necessité de se deffendre ? Tout cela ne s’est-il
pas fait par vos conseils, n’estes vous pas l’infracteur de la
Paix, n’auez-vous pas troublé la tranquillité publique ?

 

Il n’y a personne de bon sens qui doute, qu’apres auoir
perdu l’esperance de receuoir de M. le Prince les aduantages
que vous vous en estiez promis, vous ne les pouuiez attendre
que du restablissement du Mazarin, il n’y a rien de
plus cher à la Cour que la conseruation de cét homme, &
par consequent il n’y a point de prix que l’on refuse à celuy
qui le maintiendra, vous n’estiez pas de condition assez releuée
pour vous declarer ouuertement pour luy ; mais ce
que vous ne pouuiez faire par vostre authorité, vous l’auez
fait par vos fourbes. La Cour auoit grand interest d’apporter
la diuision entre Son Altesse Royalle, & Monsieur le
Prince, c’est à quoy vous auez esté employé, vous vous
estes seruy de la confiance que Son Altesse Royalle auoit
en vos Conseils pour ietter la deffiance dans son esprit, &
sous apparence d’estre fort attaché à ses interests, vous luy
donniez ombrage de Mõsieur le Prince : il n’est rien si facile
que de se mettre dans la creance des Princes en parroissant
affectionné à leur seruice, & feignant de conseruer leur authorité :
c’estoit par cette adresse que vous estiez entré dans
les bonnes graces de Son Altesse Royalle, & que vous pensiez
vous y maintenir. Quand vn grand Prince est preuenu
de cette premiere impression on a beaucoup de peine à l’en
desabuser, ceux qui l’en veulent guerir luy sont suspects, il
croit qu’en toutes leurs paroles & leurs actions il y a des embusches
dressées, & le fourbe qui assiege son esprit, ne manque
point de pretexte pour couurir son ieu. Pendant l’absence
de M. le Prince on n’entendoit parler que de doûtes,
tantost on disoit qu’il auoit fait son accommodement, tantost
qu’il se vouloit rendre maistre du party. Sa presence a

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esté necessaire pour se iustifier de toutes les calomnies, &
rendre compte à Son Altesse Royalle de sa conduitte, elle
a paru si sincere à la veuë de tout le monde que vous mesme
auez rougy de vos impostures iusques au fonds de l’ame,
mais comme plusieurs choses se deliberoient sans vous, &
que vous ne pouuiez pas en rendre vn compte si fidelle à la
Cour selon vostre coustume, vous proposastes industrieusement
détablir vn Conseil, & conterer auec des personnes
qui estoient à ce que vous dites moins que vous en naissance
& en dignité, d’où venoit cette bassesse en vn homme si
genereux ? partoit-elle du zele que vous auiez pour Son Altesse
Royalle, ou bien pour entretenir vos correspondances
à la Cour, & faire valoir vostre entremise, estoit ce pour
animer les resolutions, ou pour en empescher l’effet ? ce discernemẽt
est aisé à faire si on considere que c’estoit dans le
temps auquel on vous promettoit le Chapeau, & depuis
pour en reconnoistre le bien fait ? Auoit-on raison de ne
point conferer auec vous, puisque vous auiez vn si grand attachement
à l’ennemy du party, estoit ce pas la mesme
chose, que si luy mesme eust assisté aux Conseils ? Ne cherches
donc point d’autre cause de ce refus non plus que de
vos aduis qui n’ont pas esté suiuis, s’ils auoient quelque apparence
de bien, ils ne tendoient en effet qu’à la ruine de
l’honneur de Son Altesse Royalle. Ne sçait on pas qu’auant
le retour du Mazarin, tout ce qui se faisoit estoit calomnié,
comme vne Tyrannie & vne vsurpation de l’autorité
legitime ? vous disiez hautement, que la deffense à laquelle
M. le Prince estoit reduit, estoit vn pretexte pour
brouiller l’Estat, que le Mazarin estant hors le Royaume
on ne deuoit pas au seul bruit de son nom mettre des Armées
en Campagne, & se figurer des phantosmes pour les
détruire, si en ce temps on eust touché aux deniers publics,
quel iugement auroit on fait de cette action, ne l’eut on
pas estimée criminelle, n’eut-on pas delà pris occasion de
faire des predictions sinistres bien esloignées de la pureté
des intentions de Son Altesse Royalle, auoit-on pas raison
de preuenir ces malheureux accidens, & n’auiez vous pas
tort de les conseiller, estoit-ce pas vne action de prudence

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d’oster tous les sujets à la calomnie, & à vous vne malice
noire de luy donner des armes contre la personne devostre
Protecteur ? Enfin le retour du Mazarin a dissipé tous ces
faux bruits, iustifié la conduitte precedente de Monsieur
le Prince, & leué tous les doutes que ses Ennemis auoient
auparauant semées : Mais la haine que vous luy portiez n’en
est pas demeurée là, vos Emissaires ont eu l’effronterie de
soustenir qu’il estoit reuenu par les ordres secrets de Monsieur
le Prince : quand donc vous auez frappé, vous dites
que c’est la main d’vn autre qui a porté le coup, vos actiõs
sont si mauuaises, que vous estes contraint de les desaduoüer,
croira on que Monsieur le Prince soit l’autheur de
ce Conseil, luy qui s’expose tous les iours à la mort pour en
empescher l’execution ? ne croira-on pas plustost que l’asseurance
que vous auiez donnée au Mazarin de mettre la
diuision entre les Princes, luy a baillé l’audace de reuenir,
que vos fourbes & vos mauuais conseils ont esté le gage de
vostre parole ; & que vostre chapeau a esté la recompense
de vostre entremise ?

 

A vous entendre dire, si vos Conseils eussent esté suiuis,
la guerre seroit terminée, vous n’estiez pas d’aduis que le
commandemẽt des armées fut donné au Duc de Beaufort
pour son incapacité au fait de la guerre, s’est il iamais veu
vne ingratitude semblable à la vostre, de reconnoistre si
mal la protection que ce Prince vous a renduë ? pouuez-vous
bien desaduoüer que vous ne tenez pas de luy & de sa
maison vostre dignité de Coadjuteur, tous les gens d’honneur
sont témoins de cette verité, & vostre écrit est la preuue
de vostre ingratitude ; quand vous diriez qu’elle estoit
deuë à vostre merite, on ne vous croiroit pas, toute vostre
fortune dependoit de l’éleuation de sa maison : & pendant
son aduersité vous estes demeuré dans la poussiere. C’est
par son moyen que vous auez esté cõnu à la Cour, que l’on
a conceu de bonnes esperances de vous sur les asseurances
qu’il en auoit baillées, & à vray dire sa seule recommandation
vous rendit digne de vostre Caractere ; Il fit expedier
vostre affaire, lors que vous n’estiez qu’vn Escholier de
Sorbonne, & sa vertu fut couronnée par les Eloges du deffunt

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Roy, lors qu’on ne sçauoit pas si vous estiez au mõde.
Voila donc ses bien faits tres mal reconnus, mais cela ne
le touche point, son amitié a tousiours esté desinteressée,
& il vous a protegé par le seul motif de sa generosité, il n’apartient
qu’aux ames heroïques à faire du bien sans esperer
de recompense, c’est ce que vous ne sçauez pas faire, il faut
estre né Prince, & auoir le cœur Royal, & vous auez de la
contagion du commerce de vos ancestres, & retenez l’esprit
de leur trafic, vous reconnoissez mal les bien faits, parce
que vous n’en sçauez pas le prix ; mais au moins il falloit
traitter ce Prince auec plus de iustice, & vous n’en eussiez
pas receu tant de honte. Si on obligeoit les Generaux d’armées
à gagner des batailles, à forcer les Villes, & detruire
la puissance des Ennemis, il ne s’en trouueroit point à ce
prix là, toutesfois vous vouliez que le Duc de Beaufort le
fit, il s’est comporté auec toute la diligence & l’experience
necessaire ; mais vous desirez de luy ce qui n’est pas en
la puissance d’vn homme. Vne entreprise qui n’aura pas
reussi sera blasmée, comme si on estoit garand des euenemens,
& que la fortune ne prit aucune part dans les armes :
où est l’aduantage que les Troupes du party contraire ont
remporté de tous leurs desseins ? tantost elles ont perdu
leur bagage, tantost elles ont esté chargées auec vne vigueur
merueilleuse. Le siege d’Estampes est-il pas bien
glorieux au Mareschal de Turenne ? Il n’a pas seulement eu
la honte de le leuer ; mais encore d’y perdre ses meilleures
troupes ; Si le Duc de Beaufort auoit fait vne semblable
entreprise, vous ne l’accuseriez pas seulement d’incapacité
mais de trahison. La médisance trouue tousiours assez
de matiere, mais la verité ne peut souffrir le tort qu’elle
veut faire aux gens de bien. Si Monsieur le Prince n’a pas
fait de grands efforts, auoit il pas donné les ordres necessaires
pour asseurer la place, & la mettre hors de peril ? plus
le Mareschal de Turenne s’y est attaché, & plus il a perdu de
soldats, & s’il n’eust point si tost leué le siege, il y auroit
perdu le reste de son armée : vous estiez assez fasché de ce
mauuais succez, & d’auoir la honte de voir auorter de soy-mesme
vne entreprise si temeraire. Ne dites donc pas que

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cependant Monsieur le Prince fit des Traitez secrets auec la Cour ;
si toutes les fois que l’on a parlé de paix Monsieur le Prince en eut
rejetté les ouuertures, vous n’auriez pas manqué de l’alleguer pour
la preuue de cette noire calomnie, que Monsieur le Prince ne la
veut point faire, il en a embrassé toutes les occasions, & incontinent
vous vous escriez que son accommodement est fait, vous aduoüez
que la paix est necessaire, il faut dõc des Deputez pour traiter,
& dès le moment qu’ils sont enuoyez vous dites qu’ils traitẽt
d’interests particuliers, & que Monsieur le Prince abandonne le
party, que ne dites vous que tout ce qu’il fera vous déplaira, &
que vous ne cesserez iamais de mesdire.

 

Ne pensez pas estre creu quand vous dites que vous prenez congé
de son A. R. que vous ne voulez plus participer à ses deliberations,
vos escrits démentent vos paroles, à l’instant que vous faites
cette profession si solemnelle, les libelles qui sortent de vos
mains marquent l’aigreur que vous auez dans l’ame, vous déchirez
ceux qui trauaillent pensant vous rendre plus necessaire, il n’y
aura plus de gens de bien que vos valets, & les esclaues de vostre
fortune, celuy qui ne sera pas dans vos interests sera incapable de
toutes affaires, & qui n’aura pas vostre approbation, sera incontinent
chargé d’infamie, vostre passion vous aueugle si fort qu’elle
vous fait oublier, ie ne dis pas vostre deuoir, mais la modestie
d’vn Chrestien, tous vos escrits ne sont remplis que de calomnies,
que vostre ambition soit au moins vn peu plus sage, & si les
gens de bien de ce temps sont scandalisez de vostre mauuais exemple,
que la posterité ne rougisse point de vos ordures.

Vous voudriez bien persuader aux simples que vous ne tenez
point vostre Chapeau de la faueur du Mazarin : C’est-là l’escueil
de vos desguisemens ; c’est là qu’il saut qu’ils fassent naufrage.
Vous eussiez mieux fait de vous taire que de vous defendre si mal
sur ce poinct ? Y estes vous paruenu par vos grandes alliances, vostre
noblesse n’est pas si ancienne que l’on ne se souuienne de vos
an cestres qui ont autresfois tenu la Banque, & y ont gagné la
meilleure partie du bien de vostre maison. Aussi aduoüez-vous
que vous n’en estes redeuable qu’à la seule bonté de la Reine.

Il est vray que les bien-faits des grands viennent de leur liberalité,
& qu’ils en remportent tousiours la gloire, mais ils ne laissent
pas d’auoir des mediateurs : vous dites que c’est son A. R, ie
veux bien croire qu’il s’en sera meslé, & que son entremise vous

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aura seruy de pretexte, mais pour voir si ce n’est point vn present
du Mazarin, il ne faut que vos paroles pour estre esclaircy sur ce
fait.

 

Vous reconnoissez qu’il peut estre dit le maistre de la Cour,
puis qu’il a la confiance de la Reyne, & qu’elle n’agit que par ses
conseils, se peut il faire que vous teniez vostre Chapeau de la
bonté de la Reine sans participation de cét homme ? Il a fait dites
vous tous ses efforts en Cour de Rome pour empescher vostre
promotion ? s’il auoit eu dessein de s’y opposer, ne se seroit-il
point seruy de son credit prés de la Reine ; vers laquelle il peut
tout ? pouuez-vous vous tirer de cette contradiction manifeste,
ou nous siller les yeux pour ne la point voir. Bien que cela ne se
soit passé pendant qu’il estoit hors le Royaume, il n’en auoit pas
moins de credit à la Cour, qui ne sçait que ses ordres estoient religieusement
obseruez, & que pour terminer les affaires d’importance,
il falloit attendre ses resolutions ; dites tant qu’il vous plaira
que vous adjoustez à celle du Duc de Beaufort : mais qui differe
toutes fois en ce poinct, que par vos intrigues vous trauaillez
vtilement pour luy ? S’imaginera on que vous ayez receu ce bien
sans vous obliger à le reconnoistre, & qu’elle en peut-estre la recõnoissance,
que de seruir à la ruine du party ; apres cela, faut il demander
la raison des pernicieux conseils que vous auez donné à
son A. R. Et de ceux que vous luy donnerez, de la hayne que vous
noircissez dans vos escrits, parce qu’ils font connoistre vos impostures ?
Se presentera il iamais occasion de nuire à Monsieur le
Prince que vous ne l’embrassiez, qu’elle fin auront vos escrits, que
de calomnier & le mettre dans la deffiance des Peuples ; vos pensées,
vos paroles ; & vos actions auront-elles d’autre objet que la
perte des Princes, ne porterez vous pas la contagion par tout, se
pourra t’on bien deffendre de vos pieges.

Vous trouuez vne ingenieuse contradiction quand on soustient
que vous protegez le Mazarin, & que vous aspirez à la place de
premier Ministre. Vous ne pouuez, dites vous, pretendre vne
chose indiuisible, remplir vne place occupée, & que maintenir
vnhomme qu’on a interest de perdre, est vne contradiction manifeste.
Vous renfermez en cela toute vostre deffense, chacun sçait
que le seruice que vous rendez au Mazarin n’a point d’autre fondement
que la hayne que vous portez à Monsieur le Prince, qui
a esté recompensé de vostre Chapeau de Cardinal, ce n’est pas

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par vn principe d’amitié, c’est par la necessite de vos interests, vous
croyez ne vous pouuoir venger de M. le Prince, sans faire subsister
son ennemy capital, vous aduouès qu’il est le maistre de la Cour,
que son autorité est fatale à la perte du Royaume, ne l’est-elle pas
par consequent à la ruine de M. le Prince ? peut-il auoir le rang dans
les conseils qui est deu à sa naissance ses auis seront-ils reçeus & approuuez
du Cabinet, pendant que cét homme en aura tout le credit,
pourra t’il trouuer vn endroit dans le Royaume où il puisse viure
en seureté, dira-t’on pas tousiours qu’il souleuera les Peuples,
qu’il fera des preparatifs contre le seruice du Roy, la malice s’est-elle
pas seruy de ces artifices pour le venir persecuter en Guyenne,
& enfin le contraindra-t’on tousiours, ou à se deffendre, ou à quitter
la partie ? Est-ce pas ou vous pensez venir en protegeant le Mazarin :
mais ce n’est pas dites-vous occuper sa place dans les Conseils,
il est vray que cependant vous ne l’occupez pas, mais c’est
pourtant vostre derniere fin, il ne faut que la derniere page de vostre
écrit pour la preuue de cette verité, vous promettez vostre secours
à la ville de Paris, lors qu’elle sera abandonnée de ceux qui se
disent ses protecteurs ? En quel temps peut elle estre priuée du secours
de M. le Prince, que lors que Mazarin l’aura emporté sur luy,
& qu’il ne sera plus en estat de s’opposer à sa Tyrannie ? ce sera lors
que vous viendrez pour la combattre, c’est donc pour cela que vous
gardez vos efforts, c’est pour cela que vous vous reseruez. Vous
voulez que la deffaite de ce monstre soit deuë à vostre courage,
mais n’esperés vous pas d’en remporter les dépouilles pour la marque
de vostre triomphe, & monter sur le Throsne de celuy que
vous aurez terrassé l’éclat que vous tirerez de vostre pourpre vous
donnera le courage d’attaquer vostre compagnon, la faueur que
vous esperez de son A. R. vous protegera dans cette entreprise, &
vostre cabale aura formé vn party qui esperera tous ses aduantages
de vostre bonne fortune, apres cela il est facile à iuger si vous n’auez
point de pretentions sur la place de Mazarin, puisque vous asseurés
vous mesme estre necessaire pour le chasser, & que seul vous
en pretendez la gloire ? vos conseils vont-ils presentement à la perte
de cét hõme, en desirez vous la ruine ou plutost la conseruation ?
Si vous pouuiez separer son A. R. auec M. le Prince, & paruenir à
vne diuision si funeste au repos de l’Estat, verroit on pas ensuitte
tous ces desseins vous reussir, on ne feroit que changer de Tyran,
mais la tyrannie subsisteroit tousiours, faudroit-il pas gorger les

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sangsuës qui vous entourent du peu de sang qui reste au Peuple ?
Que vous resteroit-il plus à desirer que l’establissement d’vne maison
aussi puissante que vostre ambirion seroit d’emesurée. Dieu
nous garde d’vne si malheureuse catastrophe ; Et vous Peuples de
Paris n’en sentiriez vous pas les premiers les plus rigoureux efforts,
ne seriez vous pas la Victime infortunée de son auarice. Son Ministere
seroit cimenté de la rapine de vos biens & de l’oppression de
vos familles. Croyez vous que celuy qui oublie sa premiere condition,
qui quitte son veritable ministere, celuy dis-ie qui ne s’est
fait connoistre que par des laschetez, ne vous sacrifiera pas encore
à ses interests, auroit-il respect pour les Loix humaines, puis qu’il
méprise si insolemment les diuines, espargneroit-il le Peuple, puis
qu’il choque si hardiment les Princes, en vn endroit, il dit, que s’il
se fut seruy des remedes dont son experience est capable, le repos
de la Ville eust esté desesperé, en vn autre que pour se reconcilier
à M. le Prince il eust esté obligé à des bassesses : Voyez comme à sa
fierté naturelle il adiouste encore l’insolence, il ne peut rien, & s’estime
capable de troubler l’Estat, s’il auoit le pouuoir ne desespereroit-il
pas les Peuples, sa reconciliation l’eut obligé à des bassesses,
voyez vous qu’il va d’égal auec les Princes du Sang. Cette
petite grenoüille qui s’enfle comme vn taureau, braue defia ce
qu’il y a d’Auguste dans l’Estat, de vostre abondance dépend,
dit-il, son éleuation, c’est qu’il deuore desia vos biens en esperance.
En vn autre temps ou tous les autres se ruinent, il est le seul
qui profite, Monsieur le Prince despense tout son bien, & chaque
iour expose librement sa vie pour le salut de la Ville, & la liberté
de la Patrie. Peuple souffre, & luy seul augmente d’honneur
& de biens. Souuenez vous que celuy qui descrie les actions des
Princes & de leur amis s’est laschement vendu au Mazarin,
que celuy-là qui se promet d’estre vostre liberateur, est celuy-là
mesme qui porte sur sa teste le prix de vos biens & de vos
vies : Il est vostre Prelat & se croit rendre par la plus recommandable.
Iugez s’il vous plaist si par ses écrits & par ses actions, il n’a
pas renoncé à l’honneur de son Ministere, il n’est pas encore las de
broüilleries, il s’en prepare à l’aduenir, cependant il ny a point de
venin qu’il ne verse sur ceux qu’il attaque, ne s’est-il pas liuré
luy mesme à l’infamie, souffrirez vous donc tousiours que les Estrangers
chassent les enfans de la Maison, que les Viperes vous
rongent le sein, & que vostre ennemy Regne au milieu de ses
desordres.

 

FIN.

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Anonyme [1652], CONTRE-VERITEZ DV VRAY, ET DV FAVX DV CARDINAL DE RETZ. , françaisRéférence RIM : M0_789. Cote locale : B_10_16.