Anonyme [[s. d.]], CONSVLTATION CHRESTIENNE ET POLITIQVE : Sçauoir ; LEQVEL EST LE PLVS EXPEDIENT, & le plus avantageux à la France, que le Cardinal de Retz, ou le Cardinal Mazarin Gouuerne l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_779. Cote locale : B_10_20.
Section précédent(e)

CONSVLTATION
CHRESTIENNE
ET
POLITIQVE :
Sçauoir ; LEQVEL EST LE PLVS EXPEDIENT,
& le plus avantageux à la France,
que le Cardinal de Retz, ou le Cardinal
Mazarin Gouuerne l’Estat.

-- 2 --

-- 3 --

CONSVLTATION
CHRESTIENNE
ET
POLITIQVE :
Sçauoir ;
Lequel est le plus expedient & le plus avantageux
à la France, que le Cardinal de Retz,
ou le Cardinal Mazarin gouuerne
l’Estat.

IL ne faut estre ny deuin ny prophete,
pour sçauoir & connestre que les maux
& les miseres que nous souffrons en
France depuis trente ans, & plus, sont
les fruits & les presens des Cardinaux que l’on a
tolerez dans le gouuernement des Affaires, & proche
la personne de nos Roys. Aprés que le Cardinal

-- 4 --

de Riche-lieu, Euesque & prestre, eut mis toute
l’Europe en Guerre, & renouuelé la persecution des
anciens Chrestiens, & la destruction de leurs Temples,
nous croyons que Dieu nous ayant déliuré de
cét illustre & glorieux Tyran, nous verrions la fin
de nos persecutions, auec la fin de sa vie. Mais le
Ciel qui n’est point encore satisfait de nos pechez, &
qui ne peut point écouter nos plaintes, puis que les
mesmes bouches qui les presentent, sont celles là mêmes
qui l’irritent, & qui l’offencent de plus en plus ;
a permis qu’vn autre Cardinal, qui est le Mazarin,
s’emparast auec plus d’insolence, & plus de cruauté,
des foüets que nous ressentons, afin que la douleur
nous ramene à nostre deuoir, puisque la penitence
& la raison ne le sçauroient plus faire.

 

Dieu veut que tout les hommes soient sauuez,
& comme il est le seul qui sçait les moyens necessaires
pour cela, il afflige les pecheurs en general &
en particulier, pour les faire rentrer en eux-mesmes ;
Il les aduertit par des calamitez publiques, afin que
considerans que les gens de bien n’en sont point
exempts non plus qu’eux ; ils quittent leurs pechez,
comme les autres redoublent leur vertu : & de quelque
façon qu’il nous prenne, & qu’il nous appelle
à luy, il est tousiours certain & veritable qu’il ne
fait quoy que ce soit que pour nostre plus grand
bien, & nostre plus grand bonheur, si nous sçauons

-- 5 --

correspondre à ses graces, & nous conformer
à ses saintes & adorables volontez.

 

Toute la terre sçait que le Cardinal de Richelieu
en rompant les murailles des Huguenots, & forçãt
leurs Citadelles, s’est contenté de se faire ouurir
leurs portes, sans en conuertir vn seul ; & pour
abbattre des bastions qui n’estoient ny rebelles
ny heretiques, nous auons veu brûler cent milles
Eglises, profaner vn million d’Hosties, martyriser
vne infinité de Prestres, & violer plus de
Religieuses mille fois, que sainte Vrsule n’en a iamais
conserué. Toute l’Allemagne ressent ce malheur,
la France en déplore tous les iours la rigueur,
l’Angleterre y a veu décoler son Roy,
& perir tout ce qu’il y auoit d’Apostolique dedans
ses trois Royaumes, la pluspart de l’Espagne
en est toute sanglante, l’Italie en a ressenty l’iniustice,
la Lorraine, la Sauoye, & les Païs bas,
n’en peuuent encore respirer ; & parmy toutes
ces Guerres conduites par vn Cardinal Euesque
& Prestre, nous ne voyons que la Suede, l’Angleterre,
les Prouinces vnies, & tous les Protestans,
auoir profité de nos Ruines, & tellement fortifié
l’Heresie, que nous pouuons dire & confesser
qu’ils sont vingt fois plus obstinés & plus puissants
qu’ils n’estoient auparauant, & nous cent

-- 6 --

fois plus foibles & moins religieux.

 

Le Cardinal Mazarin succedant à l’ambition,
mais non pas à la conduite ny à la gloire de son
Predecesseur, voyant qu’il ne pouuoit estendre,
pas mesme conseruer des Conquestes qui sembloient
lasser leurs vainqueurs, negligeant l’honneur
du Royaume, & le repos de ses Peuples,
s’est contenté de faire sa fortune, & de reduire la
qualité de Ministre d’Estat, à celle de Fauory &
de Courtisan, s’emparant de l’esprit d’vne Reyne
Regente, pour abuser plus facilement de l’ignorance
& du peu de connoissance d’vn Roy mineur,
& jeune enfant.

Ce dessein luy a si heureusement reüssi, qu’on
le void maistre de la mere & du fils, possesseur de
tout l’argent de la France, joüissant d’vne infinité
de Charges & d’Abbayes, dispensateur de toutes,
les graces & de toutes les dignitez de l’Estat,
Conestable, Surintendant de la Marine, enfin
Roy en effect, qui est plus que s’il n’en auoit que
le nom, sans le Pouuoir & la Puissance. Les Princes
du sang jaloux d’vne fortune qui effaçoit leur
naissance, & le Parlement de Paris n’en pouuant
supporter l’insolence & le déreglement plus longtemps,
ont voulu y donner des bornes, s’opposer
aux Tyrannies qui en prouenoient, & remedier

-- 7 --

aux iniustices & aux bouluersemens qu’elle
produisoit.

 

La Reyne mere qui ne peut oublier sa derniere
authorité, veut soustenir son ouurage & sa creature,
plûtost qu’vn grand Royaume auquel elle n’a
point de part ; Le Roy qui ne sçait pas ce qu’il est,
ny qui le trompe, est persuadé que la conseruation
de son Estat luy est moins chere que celle de ce
petit Estranger ; & cét auorton d’vne fortune
aueugle se voyant adoré de la mere, & en la place
du fils, s’imagine que les Sujets ne luy peuuent
refuser aucune obeïssance iustement, puisque le
Souuerain ne luy dénie aucun pouuoir, ny aucune
authorité.

Les gens de bien s’opposent à ces desordres, le
Parlement ne peut souffrir vne vsurpation qui est
honteuse à la Royauté, & dangereuse à l’Estat ; &
les Peuples lassez de tant de miseres & de tant de
Tyrannies demandent la liberté de leur Roy, &
l’éloignement de ce Cardinal, qui sacrifie toute la
France à l’insolence & au déreglement de son ambition.

Monsieur le Duc d’Orleans Oncle du Roy ne
manque point d’affection pour conseruer le Domaine
de son Nepueu, & celuy de ses enfans ; mais
sa bonté se laissant surprendre & corrompre trop

-- 8 --

facilement par les artifices & les Cabales du Cardinal
de Retz, dont la pourpre n’est pas moins
suspecte ny moins dangereuse que celle de son Antagoniste,
est cause que ce differend n’est point encore
vuidé, & que tout le Royaume est aux abois
par la malice de deux Princes de l’Eglise qui ne
sont rouges que de nostre sang.

 

Les deux principaux personnages de cette tragedie
funeste, sont le Roy, & son Altesse Royale,
l’Oncle & les Nepueux ; & comme ny l’vn ny l’autre
ne peut pas les representer comme ils voudroient,
le premier pour son peu d’experience, &
le second pour estre continuellement trompé &
mal seruy ; ils ont presté non seulement leurs habits,
mais encore leurs noms, leur pouuoir, & leur
authorité à ces deux Cardinaux qui les joüent &
qui les abaissent de plus en plus, pour s’éleuer &
s’emparer de leur grandeur & de leur Puissance cõme
ils font, pendant qu’ils les abusent, & qu’ils
les surprennent hautement à la ruine de l’Estat.

Le Cardinal Mazarin pour se conseruer malgré
les vœux & les souhaits du Peuple, soustient qu’il y
va de l’honneur & de la Souueraineté du Roy de se
voir obligé d’éloigner d’auprés de soy vne personne
qu’il aime & qu’il employe, pour plaire à des Sujets
qui enuient son bon-heur, & qui semblent vouloir
regler les affections de sa Majesté.

-- 9 --

Le Cardinal de Retz qui croit que sa qualité d’Eminentissime
est inseparable de celle de premier Ministre,
& qu’estant aussi rouge, & aussi ambitieux que son confrere
il ne doit plus souffrir qu’vn Italien nouuellement
naturalizé fasse la loy à celuy qui l’est depuis le temps de
Catherine de Medicis, de la façon que chacun sçait, &
comme l’histoire de cette bonne Reine l’enseigne ; C’est
pourquoy il fait entendre à Son Altesse Royale, que le
Mazarin la bannissant des Conseils du Roy, que conferant
les Benefices, les charges, & tous les honneurs du
Royaume sans luy en parler ; & que disposant de toutes
ces choses qu’il deuroit donner pour recompenser les
siens, & se faire des creatures, il n’y a aucun remede à
tout cela que d’éloigner cét homme, & le renuoyer
chez soy. Et pourquoy, ie vous prie, afin qu’estant retiré,
il s’empare de sa place, & fasse encore pis que luy,
pour estre plus vain, plus insolent, plus superbe, plus presomptueux,
plus temeraire, plus entreprenant, & plus à
craindre mille fois que ce Sicilien, qui ne demande plus
que de jouïr de la douceur de sa fortune inconceuable.

Le Roy, qui n’est qu’vn enfant sans experience &
sans conseil, veut que son Cardinal demeure : Monsieur
le Duc d’Orleans qui ne se connoist point assez, non
plus que le Coadjuteur qui le trompe, desire que le sien
subsiste, & soit premier Tyran en la place de l’autre. Le
Mazarin dit au Roy, que son Oncle entreprend sur son
authorité, & le rend suspect à Sa Majesté. Le Cardinal
le Retz fait entendre à Son Altesse Royale, qu’estant

-- 10 --

Surveillant de l’Estat, & Administrateur naturel du
Royaume pendant le bas âge du Roy, il ne peut ny ne
doit souffrir qu’vn Estranger abusant de la facilité d’vn
Roy de treize ans & quelques mois, dispose d’vne Couronne
qui le regarde, & à laquelle il a tant de part. Ils
arment d’vn costé & d’autre. Le Roy ruine ses Sujets,
les troupes des Princes n’en font pas moins : La France
s’affoiblit, & ses ennemis se fortifient : la Iustice est abatuë,
le commerce cessé, le plat païs ruiné, les villes affamées,
les Temples violez, & le peuple crie misericorde :
Et tout cela par la malice & l’ambition du Cardinal Mazarin,
qui ne veut point quitter sa place au Cardinal de
Retz, & par celle de ce petit orgueilleux, qui veut tout
estre, & qui n’est rien ; & qui veut tout faire, & ne peut
rien que broüiller & semer du desordre & de la confusion
par tout où il est écouté auec les femmes qui le
supportent.

 

Estant certain que la France qui connoist trop bien
ces deux esprits desreglez, aime beaucoup mieux la domination
du Mazarin, que celle du Coadjuteur, non pas
que l’vne & l’autre ne luy soit également fatale &
odieuse : Mais parce que de deux maux il faut toûjours
choisir le moindre, & qu’il vaut mieux auoir affaire à vn
cœur lasche, timide & abattu, que non pas à vn superbe,
insolent, & temeraire. Paris ne pouuant oublier les bons
conseils que son Pasteur publie trop hautement pour se
faciliter l’entrée au Ministeriat, disant que s’il auoit le
timon en main il trouueroit bien les moyens de mettre

-- 11 --

dans l’esclauage, & de sousmettre cette Capitale en la
destruisant, d’abattre le Parlement en le transferant, &
luy ostant la pluspart de son ressort pour en créer trois
ou quatre nouueaux, & de ranger les peuples en ne leur
laissant que les plaintes, & le souuenir de leurs felicitez
passées.

 

Ce discours n’est point d’vn Prestre, encore moins
d’vn Archeuesque, d’vn Docteur en Theologie, & d’vn
Predicateur Euangelique ; il faut estre moins qu’homme
pour s’abandonner à tant de cruautez, & autre chose
que Chrestien pour suggerer tant de tyrannies : C’est
pourquoy ce n’est pas sans raison, ny sans beaucoup de
justice que le Roy ordõne par sa Declaratiõ du 18. Avril
1651. qu’à l’aduenir aucuns Estrangers, quoy que naturalisez,
ny ceux de ses Sujets qui auront esté promus à la
dignité de Cardinal, n’auront plus entrée dans ses Conseils,
& ne seront admis à la participation de ses affaires ;
ce que le Parlement a verifié par son Arrest toutes les
Chambres assemblées, le dix neufiesme du mesme mois
ensuiuant, qu’il fera executer, s’il luy plaist, exactement
& religieusement, pour empescher que ces Pasteurs
pretendus ne deuiennent les loups rauissans de
leurs ouailles, & pour meriter le iuste tiltre qu’on luy
donne, de Pere du peuple, de conseruateur de l’Estat,
& de destructeur de la tyrannie & de la nouueauté.

Puis donc qu’il est constant qu’il n’y a que le Mazarin
qui empesche que le Roy ne reuienne à Paris, & ne soulage
son peuple ; & qu’il est encore plus vray que le Cardinal

-- 12 --

de Rets est le seul qui retarde l’accommodement
de Son Altesse Royale auec Sa Majesté, pour des raisons
qui ne regardent que son propre interest, & son
auancement particulier ; & que par ainsi il n’y a plus
que ces deux broüillons, & ces deux pestes publiques
qui sont cause que le Royaume se deschire luy-mesme,
que la Maison Royale est en diuision, que les peuples
sont accablez de misere, que la justice est violentée &
n’est plus reconnuë, que la Religion deperit tous les
iours, que les blasphemes, les sacrileges, les incestes,
les violences, les brigandages, & toutes sottes de crimes
se commettent impunément par tout ; il faut pour
remedier doucement à tant de desordres, que le Mazarin
sorte du Royaume, suiuant la Declaration de Sa Majesté
verifiée dans tous les Parlements, & chasser le Cardinal
de Rets incontinent apres, si on veut reuoir la
France en repos, les peuples sans misere, le Sang Royal
sans alteration, la Religion dedans sa pureté, la justice
dessus son Throsne, le commerce restably, la tyrannie
abbatuë, & toute l’Europe en paix. Sinon tenez pour
certain, que tant que l’on fomentera l’ambition de ces
deux Prelats interessez, & que nostre Roy & Son Altesse
Royale appuyeront leur insolence & leur temerité, en
les souffrant plus long-temps aupres de leurs personnes
aymables, ils n’auront iamais de satisfaction dans l’ame,
& seront toûjours dans la haine & l’auersion des peuples
qui sont las de tant de souffrances, & a demy desesperez
par tant de tyrannies qui ruinent le Roy & le

-- 13 --

Royaume. Les Cardinaux sont faits pour estre
Conseillers des Papes, & non pas des Princes de la
terre ; leur deuoir est de prier Dieu pour la propagation
de la Religion, & le repos de la Chrestienté, au
lieu de violer les Temples, de fomenter la guerre, &
mettre tous les Fideles en troubles & en diuision.
Les Loix Diuines & Humaines leur defendent le tracas
du monde, & le sejour de la Cour ; à plus forte
raison de s’y empresser pour y cajoller les Dames,
pour y cabaler contre son prochain, & pour y semer
le desordre & la confusion ; les Prestres & les Prelats
sont pour trauailler au salut des ames, & non pas
à leur perte & à leur damnation ; il faut faire son
mestier, sans entreprendre sur celuy des autres ; la
Hierarchie est dans l’Eglise, & la subordination dedans
le monde ; les Euesques & les Cardinaux prés
des autres, & les Ministres & les Magistrats dessus
les Tribunaux ; & tant que les Ecclesiastiques
voudront faire ce qui est reserué aux Seculiers, &
les Prophanes ce qui est du deuoir du Sacerdoce, il
n’y aura n’y regle, n’y police dedans l’Estat, n’y ordre
n’y repos dedans la Republique.

 

FIN.

-- 14 --

Section précédent(e)


Anonyme [[s. d.]], CONSVLTATION CHRESTIENNE ET POLITIQVE : Sçauoir ; LEQVEL EST LE PLVS EXPEDIENT, & le plus avantageux à la France, que le Cardinal de Retz, ou le Cardinal Mazarin Gouuerne l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_779. Cote locale : B_10_20.