Anonyme [1649], SECOND DISCOVRS D’ESTAT ET DE RELIGION, A MESSIEVRS DV PARLEMENT. , françaisRéférence RIM : M0_1106. Cote locale : C_7_37.
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SECOND
DISCOVRS
D’ESTAT
ET DE RELIGION,
A MESSIEVRS
DV PARLEMENT.

Novs ne doutons point (Messieurs)
que ce ne soit Dieu qui
vous a mis cette occasion en
main, puisque nous cognoissons
par vous mesmes celuy qui vous
y a fait agir du commencement ;
la pluspart d’entre vous ayant eu quelque repugnance
de pousser les affaires au poinct ou

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elles ce trouvent à present ; Il vous laisse les
Maistres, pour ce qui nous regarde en particulier,
& les meût en chacun de nous comme il
luy plaist pour la cause publique ; le miracle
de sa Providence y a parú en vostre faueur, &
la voix d’vne simple femmelette y a fait mouvoir
tout vn monde, comme vn étincelle qui
embraze vne grande forest ; Vous aués veu auparavant
les partys qui se brassoient contre
vous par des assignations, des abbouchement,
& des conferences qui ne tendoient qu’à vostre
ruïne ; & vous auez experimenté depuis
comme il en a faict évanoüvr les complots par
des obstacles jmpréueuz : Il vous a toujours
maintenu & accrû la premiere vigueur qu’il
vous avoit jnspirée ; & toute la France a recognu
durant cinq ou six mois, qu’autant de fois
que vos ennemis vous ont voulu accabler de
leur authorité, ils n’ont fait qu’augmenter la
vostre & se procurer eux-mesmes leurs ruïnes.
Mais c’est aujourd’huy (Messieurs) qu’il est
temps de regarder pourquoy le bras de Dieu
vous a si hautement protegé, & de rechercher
sérieusement à luy rendre le service qu’il desire
de vous ; il avoit entendu la voix des pauvres
& le gémissement des captifs & vous a choisis
pour leur subvenir : Vous voyés comme il a visiblement
arraché la puissance de la main de

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ceux qui leur bouchoient les oreilles, & si vous
en penetrés le motif qui vous a dés-ja esté representé
vous trouverés que ç’a esté pour le mespris
qu’on a faict de son nom, en vendant l’honneur
de son fils aux impies ; Si nous considerons
que c’est le mesme Dieu qui a faict le Ciel
& la Terre, & qui regne de toute Eternité,
Nous trouverons qu’il a toûjours esté jaloux de
sa gloire, & qu’il a faict éclatter de grands exemples
de ses jugemens dans tous les siécles pour
le maintenir. Vous avés veu depuis peu pendant
ces petites revoltes dans vos prisons des
personnes qui ont esté accusés de l’avoir blessé
iusques au vif, & nous ne pouvons plus ignorer
par la suitte de l’Histoire, que ce ne soit le
peché de ceux qui vous en ont jnterdict la connoissance
qui leur ont secrettement attiré toutes
ces confusions, ce pendant le scandalle en demeure
encor à tout l’Estat, la cause jndecise ou
non ; & c’est à vous à qui le pouvoir est presentement
de l’éteindre, d’y penser pour chercher
premierement le regne de Dieu, afin que
toutes choses vous soyent octroyées : les grands
maux ne se peuvent guerir que par des souverains
remedes, & nous y perdons le temps &
la peine si nous n’y travaillons par vn principe
de benediction. Il ne s’est peut estre iamais veu
(Messieurs) d’affaires plus deplorées que celles

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de cette Monarchie par toutes leurs circonstances
presentes ; & nous ne sçaurions croire que
vous ne vous réveillez icy comme d’vn pezant
sommeil pour soûtenir sa Machine ébranlée,
il y a plus de trente-huict ans qu’elle est gouvernée
par des regences de Favoris, où de Ministres
qui ont toûiours tournés toutes choses
à leur poinct, & qui ont fomentés succesiuement
la guerre, parce que la Paix ne leurs fournissoit
pas le moyen de satisfaire leurs avarices,
ils se sont acharnés tour à tour à devorer ses
entrailles pour engraisser leur fortune : La vanité
des premiers n’a faict qu’enfler l’orgueil des
derniers, & l’exemple du Marquis d’Ancre n’a
point fait d’impression dans l’esprit du Cardinal
Mazarin ; il a volé plus de millions luy seul que
tous ces successeurs, le grand nombre qu’il a
faict battre d’or & d’argent (outre ceux qu’il
avoit trouvé tous prests) sont abysmés, & nous
ne voyons plus de Louis qu’en cuivre. Il vous
abuse d’vne Paix de l’Empire qu’il nous faict
entendre par ces ruës comme d’un grand acheminement
à la Paix generale, que luy seul a
rompuë, il y a plus de deux ans par son artifice,
& par ses Lettres qui ont esté reuelées. Il
nous a laissé perdre depuis nos principales Alliances,
qui ont remis le haut du paué à nos
ennemis pour nostre ruine. Toutes ces entreprises

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& finesses ont perdu nos affaires, en Italie,
en Allemagne & par toute l’Europe. Ses
Agents, & ses Emissures ont porté toutes
choses à telle extrémité dans le Royaume, que
les Officiers ne viuent plus que de pain de misere,
& les peuples de racine ; Il a tenu ses ordres
si serrez sur les Dignitez de l’Eglise & sur
les Benefices, que les Ecclesiastiques de quelque
merite qu’ils soyent, n’y peuuent estre pourveus
que de sa main, il s’est emparé des plus considérables ;
si bien qu’il en possede jusques à des
millions de revenus : Il a reduict le Corps de la
Noblesse qui a toûiours esté le bras de l’Estat,
a prodigué sa vie & son sang en mengeant le
reste de son bien, & de n’esperer plus de charges
ny d’honneur que de sa magnificence ; Il
fait passer vne monstre, ou vne demie, par an
aux gens de guerre, pour vne grande libéralité,
il a exposé par le bannissement ou par la prison
tous ceux qui luy empeschoyent la liberté de
ses coudées, & vous avez tous les jours à vos
oreilles les plaintes des Provinces qu’il a désolées :
Il a si bien prevenu les autres que ceux
qui ne le couvrent pas de leur espee, le couvrent
de leur silence, & reduit les Grands dedans
la Cour, à n’y estre regardez de personne
qu’au mespris, s’ils ne sont à luy. Il a despoüillé
le Roy de ses Capitaines des Gardes, au mesme

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temps qu’il a veu son administration suspecte,
& pour comble de desordre surprit la
Reyne sa Mere d’vne telle attache d’esprit, qu’elle
ne peut plus entendre que par ses oreilles, ny
voir que par ses yeux : Il s’est rallié de tous ceux
qui se sont gorgez du sang du peuple, és confusions
passees, comme des jnstrumens propres
à ses desseins, & ce sont ceux qui tranchent aujourd’huy
de grand Champions de l’authorité
Royalle, de peur qu’ils ont de ne pouvoir plus
rançonner le monde jmpunément, ou d’estre
contraints de rendre ce qu’ils ont pris, cependant
ce sont les mesmes qui vous accusent de
l’avoir abbaissee, & il est vray que si vous ne
continuez à la relever, empeschant les tyrannies
qui l’ont abbatuë, ils acheveront de la faire
perir : Ils l’ont réduite au dernier souspir, vous
l’avez empesché d’expirer, & si vous ne redoublez
vostre secours, il n’y en a plus, par ce que
les peuples qui ont conceu quelque esperance
de vostre protection, n’auront plus de recours
qu’au desespoir si vous les abandonnez : Vous
sçavez bien (Messieurs) que cette authorité ne
consiste pas en l’injustice, & qu’il n’y aura point
de differance entre vn Roy legitime & son Tyran,
si le Roy ne vouloit regner qu’aux despens
de la vie & du sang de ses Sujets, & quant il
n’y auroit aucun droit de verification que tous

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nos Roys vous ont defferé pour regler leurs velontez,
ils ont bien recognu (cõme Chrestiens)
qu’ils ne pouvoyent estre Roys legitimes s’ils
n’estoyent justes. Ie confesse que vous avez
beaucoup de choses à calomnier dans cette
conjoncture, & que vostre zele, pour le salut
public, quelque grand qu’il soit, ne trouve pas
peu de difficulté à se déclarer : Le Roy a besoin
d’estre secouru dans la necessité pressante de ses
affaires de dehors, & l’ordre que vous avez
voulu apporter au dedans luy doit donner
moyen de ne plus surcharger son peuple, &
d’avoir toûjours de l’argent de reserve. Ils
nous veulent persuader que vous faites jour à
les advantages de ses ennemis, & si vous vous
relaschez vous deschirez sa Couronne : Car il
est impossible de tirer de la campagne vne
sources de thresors des peuples à qui il ne reste
plus que la vie, & qu’on la leur arrache : Le
Roy ce fait en vn moment autant d’ennemis
que de Sujets, & d’autant de Villes autant de
Citadelles contraires, la mauvaise odeur de
l’administration qu’ils estiment passee, seroit capable
de leur faire lever ouvertement le masque,
& de vous rendre coupables du malheur
qui en arriveroit : Il ne se trouve plus de resource
pour subvenir à ces occasions que par vous
mesmes, & le seul respect que vous avez acquis

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dans tous les cœurs par vostre entremise
y conserve celuy de sa Majesté Royalle, tous
les autres tesmoignages qui les ont tant de fois
deceus, leurs sont en aversion, & il n’y a plus
que le vostre qui leur puisse faire connoistre la
volonté du Prince : Vous y estes desormais engagez
par vos propres interrests aussi bien que
pour les siens, & vous ne sçauriez vous en desdire
sans démentir vostre honneur. Il est vray
que vous trouverez encor de grands obstacles
pour y parvenir, & cependant que vous travaillerez
d’vn costé, ils vous attaqueront de
l’autre, si vous ne jettez les yeux par tout : Les
suggestions qui se glissent dans les esprits pour
vous rendre autheurs de toutes les plus funestes
inconveniens qui nous peuuent menacer, nous
descouurent sourdement vn preparatif dangereux,
& les qualitez ou les taches des personnes
que uous auez à contraindre sont assez faciles
à prouuer d’elles mesmes, les expériences
servent de grandes précautions à la sagesse, &
les pensées d’un ennemy qui n’oze ouurir la
bouche, sont plus à redouter que l’esprit qui
nous esbloüyt la veuë. Il n’y a point de vengeance
dont un homme alteré ne soit susceptible,
& les secrets du dedans peuuent d’ailleurs
estre surpris de ceux du dehors. Les Negocians
d’Espagne qui se sont trouuez icy plusieurs

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iours enformez dans le Cabinet du Ministre depuis
cette signalée eschappée de Paris apres le TE DEVM,
Et le retour de sainct Germain nous en donnoyent
bien quelques soupçon, & les approches des plus
interressez de ce costé là nous le pouvoyent confirmer.
Il y a d’autres inconveniens à craindre de la
part de ceux que l’ambition pourroit porter à s’agrandir,
qui meritent bien d’estre balance avec leurs
procedures ; Et le moindre mal qui en pourroit arriver,
entraisneroit des consequences à boulverser tout
l’Estat s’il n’estoit prévenu : Il n’y a pas vn d’entrevous
qui ne sçache qu’on ne peut arracher l’authorité
qui a pris racine dans vne main sans la couper :
Il n’y a point d’esprit qui ne connoisse qu’apres vne
vengeance, comme vne playe renouvelee, & tant
de moyens tantez pour la guerir : Il est impossible
que l’impuissance du remede qui ne sert qu’à rengreger
la douleur la puisse appaiser, ny que les adoucissemens
forcez qui ne font que ramasser le venin
ce puissent esteindre ? Il se grossit tousjours par son
levain, & l’orgueïl qui se flate de Iustice ne se desment
jamais luy-mesme : Les seize ou les vingt millions s’évanoüissent
encor tout d’vn coup, sous des pretextes
qui ne sçauroyent manquer à ceux qui sont
Maistre du Secret & des Estats du Roy ; Et tout le
monde sçait que ce n’est pas au bout des doits qu’on
applique le confortatif dont le cœur à besoin. Souvenez
vous (Messieurs) que de toutes les propositions

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que vous avez peu faire jusques icy pour coniurer
cet Orage, que vous n’en avez tiré que des paroles
dés le lendemain violees, ou le lendemain souplement
restablies, en attendant mieux : Et que pour
éviter le peril, il faut estre tousiours sur ses gardes :
Souvenez-vous d’vn mesme effort, & d’vn mesme
cœur, de cette generosité du Parlement de Paris qui
sauva l’Estat au passage de Charles Cinquiesme, à
Charles Sixiesme ; Souvenez vous enfin, que toute
la France comme vne Navire agittee regarde auiourd’huy
son Timon entre vos mains pour la guarantir
du naufrage : Il y va de la gloire de Dieu, du
premier service du Roy, & du salut de vostre Patrie,
& du Vostre.

 

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