Anonyme [1649], LA SOTTISE DES DEVX PARTIS. DIALOGVE DV PARISIEN ET DV MAZARINISTE. , françaisRéférence RIM : M0_3697. Cote locale : C_10_19.
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LA
SOTTISE
DES
DEVX PARTIS.
DIALOGVE
DV
PARISIEN
ET DV MAZARINISTE.

M. DC. XLIX.

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LA
SOTTISE
DES
DEVX PARTIS.
DIALOGVE DV
PARISIEN ET DV MAZARINISTE.

LE PARISIEN.

Monsieur le Bougre : car il vous faut traiter en Gentil
homme, & vostre Noblesse vous a esté acquise
Par Bougrerie ; vous nous auez bien voulu faire du mal ?

Le Mazariniste.

Grand badaut ce seroit mieux dit si tu disois que nous
t’en auons fait.

Le Parisien.

Il est vray, si vous nous auiez fait tout le mal que
vous nous vouliez faire, mais Dieu ne vous a pas fait la
grace de venir à bout de vostre dessein, & croi ie que si
nous auous souffert du froid vous n’auez eu gueres de
chaud cét Hyuer.

Le Mazariniste.

On sçait bien que qui veut faire du mal se doit resoudre

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d’en souffrir, mais il y a cét aduantage de s’en prendre
contre Paris, qu’on ne doit point craindre ses attaques ny
ses sorties ; tous les Bourgeois sont des poltrons, & il ne
faut qu’vne pognée de gens pour les faire mourir de
faim.

 

Le Parisien.

Vous en auez menty bougre, nous ne sommes point des
poltrons, nous ne sçauons que c’est de tourner le dos,
comme vous qui faites la guerre à la guiche, & n’oseriez
nous prester le collet.

Le Mazariniste.

Si nous estions assez sots pour vous prester le collet, vous
seriez peut-estre assez meschants pour nous faire sauter la
teste dessus les espaules, quand à nous si d’auanture nous
eussions esté les plus forts nous ne vous aurions point
mis en pieces, mais vous aurions fait mourir haultement,
& vous eussiez allé en Paradis donnant force benedictions
auec les pieds.

Le Parisien.

Et nous auions resolu de vous couper les couilles & à
vostre chef de party, & il n’est pas que vous n’ayez ouy
dire qu’on n’a chanté sur le Pont Neuf, si iamais dans
Paris tu r’entre on te fera comme au Marquis d’Ancre.

Le Mazariniste.

Son Eminence a sçeu tout ce qui s’est dit & fait dans Paris
contre luy, il tient registre de tous ceux qui ont pris le
party du peuple ; & il ne faut non plus douter qu’il se vengera

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des Parisiens, qu’il faut douter que nous sommes
Chrestiens.

 

Le Parisien.

D’accord pour tout ce que vous venez de dire, mais ne
croyez pas que nous ayons peur pour cela, au contraires
vous nous asseurez quand vous dites qu’il ne faut non plus
douter que Mazarin se vengera de Paris, qu’il faut reuoquer
en doute qu’il est Chrestien. Certes on ne le met
pas en doute, mais on tient pour tout asseuré qu’il ne l’est
pas.

Le Mazariniste.

Quoy il est Cardinal & il ne seroit pas Chrestien, des
heretiques mesmes ne parleroient pas de la sorte.

Le Parisien.

Qu’il soit ce qu’il voudra, mais vn bon Catholique le
tiendra plustost pour Antechrist que pour Chrestien,
Celuy qui massacre les Prestres, qui polluë les Temples,
qui despoüille les autres.

Le Mazariniste.

Que vous estes benets de nous estimer Antechrists pour
cela, vous le croiriez tout de bon si nous vous auions
fait voir que nous auons les dents doubles, bien plus
que Berlique berloque qui ioüoit il y a quelque temps
sur le Pont-Neuf, non pauures idiots, Monseigneur le
Cardinal n’est point en aucune façon ennemy de l’Eglise,
elle luy donne tous les ans plus d’vn million de liures,
& il a pour domestiques beaucoup de Prestes, d’Abbez,
& mesme des Euesques ; si ses Soldats ont commis quel

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que insolence dans les Eglises, ç’à esté contre son intention
qui estoit de tout perdre, horsmis ceux qui auroient
receu la Tonsure, & ne pourroient porter les armes, en
tout cas il n’est pas si peu muni de priuileges qu’il ne
puisse rendre comme non auenu tout ce qui a esté fait
pour son seruice & celuy de sa Maiesté.

 

Le Parisien.

Vous nous en donnez bien là à garder, à vostre
compte, nos Prelats seroient deuenus Courtisans, mais
il n’y en a point sinon quelque Iudas qui fut Euesque de
dol & d’aireur, & quant à ce que vous dites de sa Maiesté
ce sont des mots amphibologiques, où à deux ententes,
& vous ne trouuerez point mauuais si ie vous en demande
l’éclaircissement.

Le Mazariniste.

Quel esclaircissement desirez-vous

Le Parisien.

Si vous l’auez pour agreable, vous me direz si c’est
pour le seruice du Roy, où pour le seruice de la Reyne
que vostre Cardinal a fait ce qu’il a fait : car comme il y a
Maiesté & Maiesté, aussi y a il seruice & seruice.

Le Mazariniste.

Pour le seruice de leurs Maiestez mon Seigneur s’est
tousiours employé & ne s’est iamais espargné de nuict
ny de iour pour son maistre ny pour sa maistresse.

Le Parisien.

Ie voy bien qu’au lieu de me resoudre vous prenez
plaisir de me ietter plus auant dans le trouble, ne s’espargner

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de iour & de nuit pour sa maistresse, sont des mois
chatouilleux, mesmement pour des Courtisans qui ont
accoustumé de se dire esclaues de celles sur qui ils ont tout
pouuoir.

 

Le Mazariniste.

O prenez le comme il vous plaira, ie ne puis pas en
dire dauantage, s’il vous reste quelque doute où difficulté,
allez vous en en Sorbonne où l’on dispute tous les iours
des Equiuoques des Amphibologiques Elentius [1 lettre ill.]ù redargutions,
on vous y dira, mon amy, qu’vn Asne peut
faire plus de questions que le plus sçauant Docteur ne
pourrois decider ; c’est estre ignorant & sot de ne pas entendre
ce qu’on dit & forger des difficultez qui ne vallent
pas le parler.

Le Parisien.

Vous estes vn ignorant & vn sot bien fait vous mesme,
proposer touchant des doutes des matieres cachées
& tres sublimes, c’est estre sçauant, dit Aristore. Or qui
a il de plus sublime que le trosne, & de plus caché que ce
qui se passe entre le Cardinal & la Reyne.

Le Mazariniste.

Ie voy bien que vous n’estes qu’vn homme de lettres
& de chicane, vous ny tous vos semblables ne nous font
pas grand peur ; voulez vous que ie vous dise le bon mot,
c’est qu’a tous vous autres frondeurs & badauts de Paris
on vous apprendra à iaser, souuenez vous qu’on ne vous
promet pas poires molles.

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Le Parisien.

Reuenez y seulement, & ne vous souciez que de bien
danser, vous aurez bonne notte, si vous ne nous promettez
pas poires molles, nous vous promettons de la dragée
& des confitures seiches, il n’en ira pas comme il en
est allé.

Le Mazariniste.

Hé, que ferez vous pauures idiots, voudriez vous prendre
quelque Iean de Paris pour estre le Roy des Frondeurs.

Le Parisien.

Si cela arriuoit nous prendrions vn François & non pas
vn Iean, ny vn Louys. Ie veux bien que vous sçachiez
qu’auec la fronde on a mis des Geants par terre, & le plus
adroit en ce mestier a merité la fidelle Couronne, ô Israël,
mais nous sommes seruiteurs du Roy, rien ne nous fait
tant de desplaisir que son esloignement, & voudrions
de tres-bon cœur qu’il fut au Louure, & que tout le reste
fut au Diable.

Le Mazariniste.

Qu’en vous par tout le reste, qui dit tout, dit beaucoup.

Le Parisien.

I’entends le Mazarin & ce qu’il vous plaira.

Le Mazariniste.

Nous sommes seruiteurs du Roy & vous luy estes rebelles.

Le Parisien.

Vous estes seruiteurs du Roy, comme celuy qui au dire

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de N. S. dans l’Euangile frappoit tous les domestiques,
renuersoit tout sans dessus dessous, dissipoit tout le bien
du maistre, où comme ce Facteur lequel voyant qu’il
faudroit vn iour rendre compte, & que son administration
luy estant ostée il tomberoit en necessité, s’entendoit
auec les Fermiers & leur en passoit quinze pour
quatorze : Le Roy à vostre aduis vous sera beaucoup obligé
d’auoir ruiné son peuple, allumé dans son Estat le feu
de la discension, & de vouloir destruire la plus belle ville
de son Royaume.

 

Le Mazariniste.

Tout cela se fait pour l’affermissement & la grandeur
de son Estat.

Le Parisien.

Comment horsmis d’estre sorcier pourriez-vous persuader
à des hommes que ce soit affermir & agrandir vn
Estat, de ruiner les suiets, violer les loix, & mettre tout
en combustion.

Le Mazariniste.

Parce qu’on vous traite, & que vous auez esté tousiours
traitez doucement vous vous plaignez, aussi ce Prouerbe
demeurera tousiours veritable, oignez le vilain il vous
poindra, poignez le vilain il vous oindra.

Le Parisien.

Tel nous doit qui nous demande ; vous appellez nous
auoir traité doucement d’auoir mis des impots sur toutes
les necessitez de la vie, & par vne opiniastreté aueugle
& enragée auoir voulu faire mourir de faim vn peuple

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qui passe parmy les estrangers pour stupide, à raison de
sa trop grande fidelité.

 

Le Mazariniste.

Quoy estimez auoir eu, ou pouuoir mesmes auoir
trop de fidelité enuers le Roy.

Le Parisien.

Non vous auez raison vostre asne pere, nous sçauons
pourtant que les extremitez sont vitieuses suiuant ceste
regle de la Morale & de la Politique mideu agau, & ceux-là
pourroient bien estre trompez qui croiroient qu’il
ne faut que mettre en auant l’authorité du Roy pour regle
de l’obeyssance ; la raison doit dominer sur les hommes,
iustum est, dit Aristote, legem dominari non hominem :
Les Roys mesmes s’estiment obligez d’obeyr aux Loix,
du moins ceux qui veulent regner dans les cœurs des peuples,
le plus heureux de tous les Empereurs a dit que
c’estoit vne plus grande gloire pour luy d’obeyr aux loix
que de commander aux hommes.

Le Mazariniste.

Cét Empereur estoit sans doute quelque Philosophe,
& se pourroit bien estre quelqu’vn d’Antonius, mais on
se mocque de toutes ses maximes.

Le Parisien.

Apres vous estre mocquez de tout ce que la Religion
a de plus sainct & sacré, on ne doit pas trouuer estrange
si vous m’esprisez ce qu’il y a de plus Auguste parmy les
hommes, vostre ambition est trop haute pour estre arrestée
par quelque consideration, où d’estat, où de conscience,

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vous iugeriez vostre puissance estre bien amoindrie
si elle n’estoit plus forte que les loix & le droit des
gens.

 

Le Mazariniste.

Le Roy de France est absolu, n’est il pas vray ; dites ouy
ou non : la Reyne n’est-elle point Regente.

Le parisien.

Ouy, & il vous fera voir vn iour qu’il punira celuy qui
a des-honoré les premieres années de sa minorité, & les
dernieres de la Regence.

FIN.

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