Anonyme [1649], CAYER CONTENANT. LES TRES-HVMBLES Remonstrances des Deputez du Parlement de Bordeaux, presenté au Roy & à la Reyne Regente, le second Octobre mil six cens quarente neuf. , françaisRéférence RIM : M0_662. Cote locale : C_1_10.
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Le Parlement fondé sur l’exemple de plusieurs Arrests
anciens donné en de moindres occasions, sur
l’authorité d’vne lettre du feu Roy expediee auec
moins de suiet, deffendoit en cette saison dangereuse
l’approche des trouppes à dix lieuës de Bordeaux, Pouuoit

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il mieux marquer qu’il ne vouloit point de guerre, il
luy estoit impossible d’en faire sans rompre son propre
Arrest en faisant venir des trouppes à plus prés de dix
lieuës, ou dans la ville. Mõsieur d’Espernon, au contraire
sans aucun pretexte ni occasion pour le seruice du Roy
soit de passage ou de logement des gens de guerre fait
retrograder vers Bordeaux, ceux qui estoient desia
dans le haut pays par quel autre dessein que d’y causer
du trouble, il les fait venir à Libourne, & retourner
vne seconde fois contre la foy d’vne parolle donnee, il
y desarme les Habitans, pour quel suiect, que pour y
bastir comme il a fait vne Citadelle & mesnager cette
piece à son aduantage pendent les desordres de l’estat.
Sa presence à Bordeaux & son vnion auec le Parlement
estoit ce qui pouuoit empescher la naissance de tous
desordres, apres y auoir donné tous les ombrages possibles
de ses desseins contre cette ville, s’estre saisi des
Citadelles de Puymirol, & de Bourg, auoir fait de grands
magazins d’armes, poudres & mesche, auoir fortifié le
Chasteau Trompette de nouuelles reparations, d’hommes
& de munitions, auoir fait monter ses canons &
pointer contre la ville, sans que toutes ces choses comme
il pretendoit peut-estre y eussent causé la moindre
emotion, neantmoins il en sortit soudainement sans en
aduertir le Parlement, fit d’estendre ses meubles, & de
nuict enleuer du Chateau du Hà quelques pieces d’artilleries.
Le temps & la forme de ce depart & de cét enleuement
de canon commencerent d’allarmer le peuple,
sur ce le Parlement enuoye incontinent vers luy

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dans sa maison de Cadillac des Commissaires [illisible]
coup le prier de reuenir, de rasseurer les esprits &
de leuer leurs ombrages, luy accorde ce qu’il desiroit par
vne condescendence sans exemple de supprimer l’Arrest
de l’esloignement des trouppes à dix lieuës, affin
que la chose se fit de son auctorité. Il accepta cette condition
& ne l’executa pas, & refusa de reuenir à Bordeaux.
Enfin deux fois les choses se sont pacifiées en
Guyenne par les soins de leurs Maiestés. Le Parlement
dans les formalitez & dans le fond a passé dessus
toutes les difficultez qu’il faisoit naistre pour paruenir à
la paix ; deux fois Monsieur d’Espernon l’a rompue
par ses infractions au traité, & a renouuellé la guerre
par ses violences. Est il pas aisé à iuger qui des deux a
cherché le seruice du Roy, & qui des deux a voulu
le desordre Les preuues de cette verité seroient infinies,
en voicy vne conuainquante : Monsieur d’Espernon
ne demeura pas d’accord que les gens de guerre ne se
deussent approcher de la ville à dix lieuës, mais il ne
contesta pas pourtant les autres priuileges authentiques,
& l’vsage constant & inuariable pour la distance
des quatre lieuës, neantmoins le Parlement recouuré
en original vne exemption de logement & rauages des
gens de guerre donnée par luy & signée de luy pour vne
maisõ qui est à demylieuë de Bordeaux, & ce dés le troisiesme
Feurier dernier, qui est deux mois entiers auant
la premiere naissance des troubles, qui luy ont donné
pretexte de bloquer & assieger la ville & d’en faire approcher
ses trouppes, ce qu’il ne pouuoit preuoir humainement

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s’il n’eut eu dés lors le dessein ferme dans
son esprit de faire les choses qu’il a depuis executé es.
Dãs son Manifeste imprimé à Cadillac dans sa nouuelle
imprimerie il a auouë deux choses remarquables ; l’vne
qu’il n’a fait approcher de Bordeaux ses trouppes, que par
ce que le Parlement l’auoit deffendu ; l’autre que si les
Bourgeois luy feussent allé demander l’esloignement
des mesmes trouppes, il leur eut accordé, n’ayant peu
ny voulu l’accorder au Parlement, en sorte que par sa
propre confession vne primeur & vne ialousie de charge,
vne auersion & vn ressentiment contre le Parlemẽt
sont les raisons qui luy ont fait entreprendre la guerre,
dans vn temps ou tous les bons seruiteurs du Roy deuoient
relascher de ce qui leur estoit le plus important,
& s’oublier deux mesmes plutost que d’alterer la tranquilité
publique. Ce sont les plus importantes fautes de
Monsieur d’Espernon d’auoir commencé & renouuellé
par des pretextes si foibles & par des passions si déraisonnables
vne guerre si cruelle & si dangereuse. Dans
l’execution il n’a pas esté plus innocent, ces premieres
considerations le rendent coupable de tous les desordres
que la guerre entraine necessairement apres elle,
mais il est plus reprochable encore de ceux qu’il a procurez
directement & par dessein formé, ayant receu
quelque eschec à complotures. Sa passion luy persuada
que ne pouuant se venger sur les autheurs, il le deuoit
faire sur le lieu de sa disgrace, il enuoye dans ce village,
& les personnes de tous aages & de tous s’exes s’estans
retirez dans l’Eglise il y fait mettre le feu, les ornemens

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& argenterie furent pillés par prealable iusques au saint
Ciboire, & l’adorable Sacrement de l’Autel fut ietté au
vent dans le Cemetiere, le reste des especes fut auec la
custode mis dans le bagage des soldats & porté par vne
prouidence particuliere sur le Bureau du Parlement. Au
mesme lieu les femmes enceintes & celles qui tenoient
leurs enfens dans les bras, furent iettées dans les flammes
de l’Eglise Ailleurs les Prestres ont esté esgorgés du
pieds des Autels, les femmes y ont esté violees, & les
Eglises ont seruy d’estables & de lieux de prostitution.
Monsieur d’Espernon a pris luy mesme le Superieur des
Recolets de Libourne à la gorge, & l’a fait conduire dãs
vne basse fosse par ses gardes, & ce qui est plus estrange
sa main mesme à donné le commencement &
le signal de cét attentat sans exemple ; les maisons
des particuliers ont esté ou bruslées ou desmolies, & les
materiaux portez à Cadillac, il a degradé les biens des
personnes les plus considerables, & des Officiers les plus
qualifiez : contre la foy des traittez, il a fait pendre des
soldats, brusler & ruiner des maisons, emprisonner des
Gentilhommes depuis la paix du sieur d’Argenson &
de Monsieur l’Archeuesque de Bordeaux.

 

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