Anonyme [1652], LA RESPONSE DV ROY A MESSIEVRS LES DEPVTEZ CONTENANT La resolution de Sa Majesté pour l’esloignement du C. Mazarin. Et le sujet de leur detention à la Cour. , françaisRéférence RIM : M0_3433. Cote locale : B_12_10.
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LA
RESPONSE
DV ROY
A MESSIEVRS
LES DEPVTEZ
CONTENANT
La resolution de Sa Majesté pour
l’esloignement du C. Mazarin.

Et le sujet de leur detention à la Cour.

A PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë Sainte Anne,

M. DC. LII.

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La Response du Roy à Messieurs
les Deputez, contenant
la resolution de Sa Majesté
pour l’esloignement
du Cardinal Mazarin, & le
sujet de leur detention à la
la Cour.

Les bruits de Paix que les Mazarins
ont fait courir pour mettre
en jeu quelque trahison, comme
nous auons veu cy-deuant,
sont cause que l’on a encore celuy
cy pour suspect. Neantmoins les
affaires de la Cour estant en desordre, &
y ayant mesmes de grandes dissensions, on croit
que cela les oblige à se relascher de leur grande
opiniastreté, & donner les mains à quelque
acheminement de Paix, la pluspart mesme du
Conseil du Roy, ayant opiné à l’esloignement
du Cardinal Mazarin. Pour moy, ie crois que,
voicy les motifs qui les ont obligez à cette extremité.

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Tout le monde scait, que la mort du Marquis
de saint Maigrin, à fait beaucoup de bruit à la
Cour, à cause de sa Charge, que le Cardinal
Mazarin a fait donner à son neueu Manchiny,
que le Comte d’Olone à qui personne ne la
pouuoit iustement disputer, a tesmoigné beaucoup
d’autres pretendans ; dont le moindre deuoit
y auoir meilleure part que Manchiny, ont
fait des brigues contre luy, afin d’empescher
qu’il vint à la possession d’vne charge qu’il n’a
meritée, ny par ses seruices, ny par sa naissance.
D’autre costé, le Cardinal Mazarin, non content
de pouruoir son neueu, s’est voulu pouruoit
luy mesme d’vne Abbaye de quarante mil liures
de rente, & de la charge de Grand Ausmonier
de France, vacante par la mort de Monsieur le
Cardinal de Lion, qui sont deux friands morceaux
pour des Italiens, qui nous fait icy obseruer
vn rude ieune depuis si long-temps. D’ailleurs,
les remonstrances du Mareschal de l’Hospital,
qui a esté disgracié comme vous sçauez,
y ont seruy beaucoup : Mais plus que tout le
bruit qu’ils ont ouy, que l’on alloit donner vn Arrest
au Parlement pour la leuée des troupes, pour
Messieurs les Princes, & l’arriuée de l’armée de
l’Archiduc.

La Cour ainsi alarmée, Messieurs nos Deputez

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ont pris leur temps, & sollicité le Roy & la
Reyne, de leur donner responce sur les Articles
qu’ils auoient presentez.

 

Enfin, le Roy sollicité perpetuellement par
Messieurs les Deputez, leur fit hyer cette Response
en ces termes, par Monsieur le Garde
des Seaux.

Response du Roy aux Deputez.

Le Roy m’a commandé de vous dire, quoy
qu’il soit aysé deconnoistre que l’on voit clairemẽt,
que la demande à laquelle l’on insiste pour
l’esloignement du C. M. ne soit qu’vn pretexte :
Neantmoins, Sa Majesté n’a pas laissé de prendre
resolution, de luy permettre de se retirer sur
la pressante instance, qui luy en a esté faite, lors
que les ordres auront esté donnez pour l’execution
de ce qui doit estre fait, pour l’establissement
du calme dans le Royaume, & pour cet
effet : Sa Majesté entend que vous fassiez sçauoir
ses volontez à Monsieur le Duc d’Orleans, &
Messieurs les Princes, afin qu’ils enuoyent des
Deputez, & cependant, vous demeurerez icy
pres de sa personne. Et d’autant que l’on pourroit
mal expliquer les intentions de Sa Majesté,
Declare que des aussi-tost que les Princes auront
enuoyé leurs Deputez pour trauailler à la tranquilité
publique, Il esloignera le Cardinal Mazarin,
auant l’execution de toutes autres choses.

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De laquelle responce, Monsieur de Nesmond
a remercié le Roy.

Voicy les propres termes de la Responce que
Sa Majesté sit à nos Deputez, ie ne sçay pas si
l’on en doit bien esperer ; Car depuis que le Cardinal
est à la Cour, il en a chassé la Foy, la Verité,
& la Iustice, trois Vertus Royales, qui doiuent
tousiours resider dans la personne d’vn Roy,
& ne nous ont iamais tenu leur foy, dans toutes
les parolles qu’ils nous ont données ? Quoy
qu’il en soit, c’est à faire à nous tenir sur nos gardes
auec telles gẽs, & ne pas s’endormir à la voix
de telles Serennes, qui ne chantẽt que pour nous
enchanter. Il faut tousiours chercher ses auantages,
& mettre des gens sur pied, & puis on leur
accordera tous les Articles qui se trouueront raisonnables.

Il y a desia long-temps qu’on leur presche
qu’il faut esloigner premierement le Cardinal
Mazarin pour donner entrée à la Paix. C’est
pourquoy iusqu’ à ce qu’on entende dire qu’il est
à cent lieuës d’icy, on aura peine à croire la Paix.
Cela leur est pourtant encore facile, puis qu’il
est en leur puissance ; c’est ce que ie trouue de
plus estrange, de nous faire tant pâtir & auoir
le remede à nos maux.

La pluspart des amis du Cardinal luy ont conseillé
de s’esloigner, luy representant qu’il mettra

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par là sa personne en seureté, & que le Roy
ayant repris son authorité, & ayant appaisé tous
les troubles du Royaume, le pourroit tousiours
faire reuenir. Et quand mesme cela n’arriueroit
pas, ce luy seroit tousiours vne grande gloire
de se retirer de la façon, apres auoir eu vne
grosse armée pour sa deffense, auoir fait donner
plusieurs combats, causé la mort des plus braues
de l’Estat, & mesme eu en teste les premiers
Princes du Sang, & le premier Parlement de
France : qu’il ne pouuoit iamais faire vne retraite
plus glorieuse, qu’au reste il ne falloit pas tenter
la Fortune, qui dans vn instant se plaist à renuerser
tout ce que nous auons erigé par des siecles
entiers. Neantmoins Cor Pharaonis induratum
est. Il ne se rend point à tous ces beaux raisonnemens,
& veut persister dans son aueuglement,
& s’il desloge, ce ne sera que pour appaiser
les esprits de la Cour, qui sont grandement
irritez contre contre luy, & laisser vn peu dissiper
ces vapeurs qui le menassent d’vn plus grand
orage, qu’il ne pourroit iamais éuiter, donnant
encore ordre à vn retour prochain, mais neantmoins
a cela à vn retour prochain, mais neantmoins
à cela pres, donnons-luy cette satisfaction,
& qu’il s’en aille auec ces folles esperances,
apres la Paix que cet esloignement nous
donnera, nous pouruoirons à trouuer des obstacles
pour son retour. Il sera facile de desabuser

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le Roy de toutes ces choses qu’il luy a fait entendre
pendant son Ministere, contre l’honneur
de nos Princes, & la fidelité de ses Peuples, & le
Roy mesme aura regret de l’auoir ainsi laissé eschaper
impunement, reconnoissant qu’il meritoit
plustost vn chastiment exemplaire, qu’vne
protection, pour auoir rompu la Paix generale,
& mis tout son Estat en proye.

 

FIN.

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