Anonyme [1651], LA RELATION EXTRAORDINAIRE, CONTENANT LE TRAICTÉ de MAZARIN auec le Parlement d’Angleterre. Ensemble les Articles de Composition pour le lieu de sa retraicte dans la Ville de Londres. , françaisRéférence RIM : M0_3167. Cote locale : B_13_23.
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LA RELATION
Extra-ordinaire, Contenant
le Traicté de Mazarin
auec le Parlement
d’Angleterre : Ensemble
les Articles de composition
pour le lieu de sa retraicte
dans la Ville de
Londres.

MESSEIGNEVRS,

Puis qu’il ne m’est plus possible
de parer à ce coup fatal de mon dernier desastre,
& que mes mauuais destins ont trouué l’écuëil invincible,
où ie vois enfin eschouer ma fortune
auec toutes ses prosperités ? La necessité que

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l’honneur me prescrit de faire voir vn cœur inébranlable,
dans la plus imortelle de mes disgraces,
m’oblige à chercher vnazile, où ie puisse me mettre
à l’abri de tant de trauerses sous sa protection,
afin de pouuoir me resoudre à ce funeste changement
par la paisible cõtemplation des raisons
que i’en pourrai reconnoistre les causes ; comme
ie n’ay plus de dessein de me releuer, que pour
contribuer à l’establissement de ceux qui ne sont
pas encore affermis.

 

Pour cét effet, apres auoir meurement ietté
les yeux, sur tous les Royaumes, & sur toutes les
Republiques de l’Europe ? ie n’en ay point trouué,
que la necessité de seconder les affaires de
France, pendant que i’estois son premier Ministre,
ne m’ait obligé de choquer ? & ie pense qu’il
n’est que la seule Angleterre, qui puisse se vanter
de n’auoir iamais ressenti les effets de mes poursuites,
lors que toutes les plus redoutables puissances
du monde, ne regnoient pas neantmoins
que dans les apprehensions de mon pouuoir.

Des le commencement de ma fortune i’ay trahi
les interests d’Espagne deuant Cazal : le me
suis mocqué de la Republique de Venise qui se
rendoit mediatrice des differents des Couronnes,
en repaissant tousiours de fausses esperances, le
Sieur Contarin son Ambassadeur : Les pirateries
que i’ay permis sur la Mediterranée, m’ont mis
dans le décry des Genois : I’ay choqué le Pape
par les efforts continuels que i’ay fait pour luy faire
declarer la guerre, & par les grandes approches
des armes de France, que ie luy ay fait apprehender

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à trois journées de Rome : Tous les Potentats
d’Italie, les Ducs de Parme, de Toscane, de Medene,
de Mantouë, &c. n’ont que trop suiet de se
réjoüir de ma decadance, le premier sur le souuenir
de la guerre contre le Pape que ie lui ay mis
sur les bras par mon conseil sans l’auoir seconde ;
Le second par les secretes menées que i’ay fait
ioüer pour vnir contre luy tous les autres Princes
de l’Italie ; Le troisiéme, par le honteux succez du
Siege de Cremone, & le quatriéme par le refus
que ie luy fis faire de l’alliance de France, parce
qu’il auoit refusé d’espouser vne de mes niepces
I’ay trahi les Liegeois lors qu’ils demandoient secours
à la France pour secoüer le ioug de Bauiere :
I’ay rebuté les Princes confederés d’Allemagne,
les Prouinces vnies, & les Suedois, par les empeschemens
que i’ay opposé à la conclusion de la
Paix generalle, à laquelle ils estoient desia tous
disposez : Enfin pour conclure ceste déduction
importune, ie n’ay pas mesme redouté le plus redoutable
Potentat du mon de, c’est à dire le grand
Seigneur, puis que sans considerer l’ancienne alliance
qu’il a eu de tout temps auec la France i’ay
fait voler par le Cheualier Paul quelques Marchands
Armeniens, qui vogoient sur la Meditaranée :
Il n’est que vostre seul Royaume auparauant
& maintenant vostre Republique que i’ai
tousiours respectée, sans que ie me so’s iamais
mis en estat de la choquer en pas vn de ses desseins ;
ainsi ie iuge aussi qu’il n’est que l’Angleterre
seule entre les bras de laquelle ie puisse me ietter
pour y recueillir les restes du débris de mon

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naufrage.

 

Ie dis bien encore dauantage, que ie n’ay pas
seulement espargné vostre illustre Republique,
mais que mesme ie l’ai fauorisé dans le dessein
qu’elle auoit d’ébranler son Thrône & de casser
le sceptre de son Souuerain : Ne sçauez-vous pas,
MESSIEVRS, que dés le temps que vous estiez
aux prises auec le dernier de vos Rois, ie m’opiniastré
constamment dans le conseil pour empescher
que la France ne prestast son secours à ce
malheureux Prince son allié ? Ne vous souuient il
pas qu’il ne tenoit qu à moy de renforcer son parti,
& que ie n’eusse pas plustost accompagné le
Comte de Harcourt d’vne armée tant soit peu capable
de seconder sa valeur, qu’il eut sans doute
calmé tous les troubles d’Angleterre au grand
auantage de la Royauté que vous vouliez abolir ;
me voudries vous bien nier que la gloire de l’execution
du feu Roi ne me soit deuë en partie,
puis que les Generaux Farfax & cronuet n’en
eussent iamais resolu le dessein, si ie n’eusse meslé
les affaires en France, pour leur oster la peur d’vne
vengeance infaillible ? comme ils eussent sans
doute apprehendé que l’horreur de l’attentat
n’eust trop irrité l’esprit du peuple si les reuoltes
de celui de la France contre son Prince, sousleuàs
par mes intrigues, ne leur eussent fait esperer
qu’elles seruiroient de preiugez au peuple d’Angleterre
pour lui faire regarder le meurtre de son
Roi, moins comme vn exemple, que comme vn
coup d’imitation.

Ce n’est pas vn reproche que ie vous pretends

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faire, MESSIEVRS, des grands services que i’ay
rendus à vostre republique : Ie ne vous en rafraischis
la memoire à autre dessein, qu’afin de donner
des motifs à vostre generosité, pour la faire consentir
de me donner vn azile, dans vne conioncture
d’affaires, qui me ferme l’entrée de toutes
les puissances du monde, par la raison qu’elles ont
de me rebuter comme leur ancien ennemi (& qui
ne me laisse entreuoir d’autre resource pour se
restablissement de ma foraune, que celle que ie
doit esperer de ceux que i’ai constamment secondez
dans toutes leurs entreprises.

 

Encore ne voudrois-ie point, Messieurs,
vous mettre sur les bras vn pauure Ministre descheu
de son authorité (& moins encore vous faire
les protecteurs d’vne fortune, qui deust vous
porter auec son impuissance, la necessité d’effacer
la haine, ou d’estre exposez à la coniuration generale
des efforts de tout les Potentats de l’Europe :
L’Italie n’a garde de vous attaquer en ce temps
principalement, où la des-vnion irreconciliable
de tout ses Princes, la met en vne si visible impuissance,
de trouuer le demeslé de tant de brouilleries,
qu’elle ne peut se rendre redoutable, qu’à
ceux qui voudroient l’apprehender dans sa plus
grande foiblesse : L’Allemagne a tant d’affaires sur
les bras qu’elle est plus digne de compassion que
de crainte ; Les Requbliques de Venize, de Genes
& de Hollande, sont encore dans le rauissement
de l’heureux attentat que vous auez fait réussir
pour renuerser vostre throne, & la crainte de vous
auoit pour ennemis apres ce coup si hardi, leur

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auoir de ma protection : Ie pense que vous estes
en trop bonne posture pour redouter l’Espagne
& la France dans le milieu de leurs plus fortes diuisions,
pendant lesquelles il est certainement
impossible qu’elles se puissent reioindre, quelque
passion neantmoins qu’elles puissent auoir, pour
auoir, pour oster le preiugé d’attenter desormais
a de samblables desseins par la vengeance de celui
que vous auez fait heureusement reussit pendant
leurs diuisions.

 

Ie ne pense pas neantmoins que l’Espagne qui
n’a pas manqué de faire reconnoistre Republique
par vn Ambassadeur exprés, des que vous
vous estes declarez contre la Royauté, & qui par
ce moyen semble vous auoir autant engages à
son parti, qu’elle s’est engagée à soustenir le vostre :
s’imaginer que le pretexte de ma protection
puisse fonder celui de sa des-vnion d’auec vous,
puis qu’elle ne sçait que trop que ie ne l’ay choquée
que par la neçessité que l’honneur m’imposoit
en France, de faire valoir ma charge de premier
Ministre d’Estat : & qu’outre cela ie pence
l’auoir de beaucoup obligée, en luy donnant sujet
de pousser ses conquestes pendant que ie fomentois
les dissentions de la France ; comme elle doit
sans doute se confesser ma redeuable de l’emprisonnement
d’vn Prince, qui la mettoit en danger
de perdre tous les pais bas, si ie ne l’eusse arresté
dans le bois de Vincenne.

Pour la France, ie ne doute pas que ma protection
ne luy donne de la jalousie, & que la haine
generalle que tout l’Estat a contre moy, ne luy

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