Anonyme [1652], LA NOVVELLE LIGVE FAITE A LA COVR CONTRE LE C. MAZARIN, SVR LE DESSEIN DV RETOVR DV ROY A PARIS: Depuis la defaite des troupes Mazarines. , françaisRéférence RIM : M0_2550. Cote locale : B_12_12.
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LA NOVVELLE
LIGVE
FAITE
A LA COVR
CONTRE LE C. MAZARIN,
SVR LE DESSEIN
DV RETOVR
DV ROY A PARIS :

Depuis la defaite des troupes Mazarines.

A PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë Saincte Anne.

M. DC. LII.

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LA NOVVELLE LIGVE FAITE
à la Cour contre le C. Mazarin, sur le dessein
du retour du Roy à Paris.

CEVX qui sçauent considerer les
choses meurement & qui par vn
raisonnement desinteressé tirent
des coniectures de l’auenir, n’ont
pas douté que les aduantages que
Monsieur le Prince a remportez
sur les troupes du C. Mazarin, ne
d’eussent apporter beaucoup d’alteration dans les
esprits de la Cour, leur preuoyance s’est trouuée
veritable, puis que l’eschec qu’ils ont souffert a produit
quelques diuisions entre ceux mesmes qui y ont
les premiers rangs & qui approchent de plus prés Sa
Maiesté, il ne sera pas hors de prepos de faire sçauoir
aux Peuples le suiet de telles querelles, puis qu’ayant
esté meuës deuant le Roy mesme, la Reyne sa Mere,
& tout son Conseil, elles doiuent seruit à Maiesté
comme des inspirations que le Ciel luy enuoye pour
pouruoir aux affaires de son Estat : voicy comme
l’affaire se passa.

Apres que la Nouuelle fut venuë à la Cour,
de la deffaite du Mareschal d’Hoquincourt,
chacun se trouua bien surpris : mais comme le

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Cardinal Mazarin, n’a jamais manqué de fourberie,
il n’en manqua pas aussi dans vne occasion si
pressante pour cacher au Roy, la verité de ce qui
s’estoit passé dans le Combat, neantmoins il ne
peust pas si bien faire auec tous ses desguisemens,
qu’il ne vint à la connoissance du Roy, que ses
trouppes auoyent eû du pis, à cause du grand bruit
que cette deffaicte fit dans la Cour : pour done
remedier à vn mal si pressant, il fut tenu Conseil,
pour deliberer de la routte que l’on feroit prendre
à Sa Majesté & dans qu’elle ville on la meneroit,
ou plustost pour trouuer vn lieu d’asseurance au
Cardinal Mazarin, n’y ayant aucune ville en France
où le Roy, ne soit tres bien receu de ses sujets, qui
le desirent auec tout le zele que l’on doit auoir
pour son Souuerain : mais ils ne veulent point ouyr
parler du Cardinal Mazarin.

 

Chacun de ceux qui assistoient audit Conseil,
donnoient leurs aduis selon leur passion & leur
interest, & comme ils estoient presque tous des
Creatures du Mazarin, il ne faut pas demander
s’ils defferoient à ses opinions, l’vn disoit qu’il falloit
aller à Sens, l’autre à Neuers : Mais Monsieur
le Mareschal de Ville Roy, comme mieux
intentionné, fut le seul qui fut d’auis que Sa Majesté
s’acheminast à Paris, l’asseurant que tout le
peuple le souhaittoit auec passion, & mesme appuyant
son dire de plusieurs raisons, & entr’autres,
que sur le bruit qui y auoit couru que l’armée
du Roy auoit esté deffaite, il estoit necessaire

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que Sa Majesté y allast en personne, pour oster
quelques mauuaises impressions que cela auroit
pû ietter dans quelques esprits mal intentionnez ;
que le Roy, comme vn autre Soleil, pourroit
dissiper toutes les vapeurs & broüilleries qui s’y
pourroient former durant son absence, & de plus,
que cela contribueroit de beaucoup à la paix, toutes
les Prouinces sçachant que le Roy seroit retourné
dans sa bonne ville de Paris, Metropolitaine
du Royaume : ces raisons sembloient assez
bonnes pour moyenner le retour du Roy, mais le
Mareschal du Plessis Praslin, le plus zelé de tous
les Mazarins, & qui a esté par son moyen si bien
recompensé de la léuée d’vn Siege, se mit à regarder
la Reyne & le Cardinal Mazarin, en se
riant de ce que Monsieur le Mareschal de Ville-Roy
auoit dit, dont ledit Sieur Mareschal s’estant
apperceu, luy respondit fort indigné, qu’il
n’auoit rien dit de ridicule, & qu’il ne sçauoit
pas ce qu’il pouuoit auoir à rire, qu’il soustiendroit
son aduis contre tous, & qu’il estoit prest à
le donner par escrit & le signer, & qu’il ne parloit
que pour l’interest seul du Roy son Maistre, &
n’auoit que faire d’aucun adueu, comme beaucoup
d’autres, pour dire son sentiment, qui ne
parloient que comme des Echos, par repetitions;
ce qui offença fort ledit Mareschal du Plessis, &
troubla tout le Conseil ; si bien que s’estans picquez
encore de plusieurs autres discours, le Roy
leur fit donner des gardes : cela fit vne grande diuision

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dans la Cour, car aussi tost tous les Officiers
du Roy, & ceux qui ne sont point du party
de Mazarin, que par forme, se vinrent offrir à
Monsieur le Mareschal de Ville Roy : d’autre costé
les Creatures, ou ces pretendans Visionnaires, qui
courent la bouche ouuerte apres les appas chimeriques
du Cardinal Mazarin, vinrent se ioindre audit
Mareschal du Plessis. On dit que le Cardinal Mazarin
s’alla mettre au lict d’apprehension, & commanda
qu’on ne fit parler personne à luy, cela luy fit faire
trois selles plus qu’a l’ordinaire, & mesme luy
donna quelques accez de fievre. La Reyne eut beaucoup
de peine à faire appaiser cette émotion, chacun
commençant desia dans la Cour à crier, point de Mazarin ;
& les vns aux autres se disans voila vne belle
occasion à gagner cinquante mille escus, iusques aux
petits marmitons de la cuisine, qui s’animoient l’vn
l’autre pour vne si belle entreprise.

 

Vous auez sceu comme il auoit desia auparauant
receu quelque atteinte du Marquis de Roquelaure,
& comme dans vn bal estant en peine à qui donner
son épée, il dit tout haut deuant Sa Majesté, le ne
sçay à qui fier mon épée, ie ne voy icy que des Mazarins,
à quoy Monsieur le Duc d’Anjou respondit,
donnez-la moy Requelaure, ie ne suis point Mazarin :
Toutes ces petites attaques sont autant d’auertissemens
pour songer à sa conscience, mais (induratum
est cor Pharaonis) & se fie sur ce qu’vn Astrologue Italien
& Charlatan comme luy, luy a predit dans son
horoscope, que s’il passoit les derniers iours de Mars

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de cette année, il seroit le plus heureux homme du
monde parmy les plus mal-heureux, & se verroit
mesme honoré de tous ses ennemis. L’explication de
cette Prophetie est à deux visages s’il l’examine de
pres, ainsi qu’estoit celle que l’oracle rendit à Eacidas
auant que de donner la Bataille contre les Romains,
qui portoit ces mots (Aiote Eacida Romanos vincere
posse) & pour l’auoir interpreté temerairement à son
auantage, il perit auec toute son Armée, il en pourroit
estre de mesme de celle dont nostre Cardinal
se flatte tant, car à proprement parler, les iours de
Mars sont les iours de la guerre & non seulement les
iours du mois de Mars, si bien tant que la guerre dureta,
nous pourrons apeller tous les iours les iours de
Mars, puisque Mars est le Dieu de la guerre, & pour
tourner cette Prophetie à son auantage, il faudroit
qu’il eust veu la guerre terminée, & d’ailleurs si cela
arriuoit ainsi (ce qu’a Dieu ne plaise) ces mots parmy
les plus mal-heureux, nous representent sa tyrannie,
s’il venoit à bout de ses desseins, n’esleuant sa fortune
que sur nos ruines ainsi qu’il a desja commencé :
mais ie croy qu’auec la grace de Dieu, il en arriuera
autrement, puisque nos François commencent à se
réueiller de la letargie qui les tenoit depuis si longtemps
assoupis pour se jonindre à Son A. R. & à
Messieurs les Princes, qui se comportent auec
tant de zele pour guerir cette maladie de l’Estat,
que le temps à la fin pourroit rendre incurable.

 

Il me souuient sur ce sujet d’vne autre Prophetie,
qui couroit il y a quelque temps, qui ne sembloit

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pas si auantageuse au Cardinal Mazarin, dont la
Centurie contient ces paroles.

 


Le grand Heros quittera la Nature.
La veufue aura tout son credit perdu,
Quand de Crapaux faisant desconfiture
Le Ius enfin se verra respandu. Beaucoup se sont estudiez à expliquer cette Centurie
selon leur passion, & y ont donné plusieurs sens
differens, mais voicy mon explication selon mon
iugement.

 

Le grand Heros, ne peut estre autre que le Roy, n’y
ayant personne en France plus illustre en naissance
& authorité quittera la Nature, ne veut pas dire mourir,
mais quittera les sentimens de la nature, qui l’oblige
à suiure ceux de sa Mere, La veufue aura tout
son credit perdu, cela n’a pas besoin d’explication,
Quand de Crapaux faisant desconfiture, c’est à dire des
deffaites de François, qui sont signifiez par les Crapaux,
leurs anciennes armes, ainsi que nous auons
desia veu dans cette derniere bataille, Le ius enfin se
verra respandu, c’est icy l’accomplissement de la prophetie,
car dans le Ius, on trouue Iules tout du long,
lequel apres auoir esté appuyé de la Reyne & de ses
Creatures, se verra enfin respandu, c’est à dire mort
au grand contentement de toute la France & pour le
salut de l’Estat.

FIN.

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