Anonyme [1649], LA MILITANTE REPVBLIQVE DE VENISE PROSTERNÉE AVX PIEDS DE LA FRANCE, implorant son secours, CONTRE LA TYRANNIE DV TVRC. , françaisRéférence RIM : M0_2468. Cote locale : C_4_57.
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LA MILITANTE REPVBLIQVE
de Venise prosternée aux pieds de la France, implorant
son secours, contre la tyrannie du Turc.

En Vers Burlesques.

 


Otres-grand, tres-puissant Empire
Que le Ciel & la Terre admire,
France en vous est mon seul recours ;
Daignez nous donner du secours,
A genoux on vous en supplie
On sçait que vous estes remplie,
Des soldats qui par leur valeur
Nous pourront oster du malheur,
Dont la cruelle tyrannie
Du Turc auecque sa manie ;
Nous menasse à chasque moment
Il nous prepare vn grand tourment,
Puis qu’il leue vne grande armée
De sa propre rage animée,
Par laquelle il veut rauager
Nos champs, & nos gens saccager,
Vous sçauez qu’il tient la Canée
Il fait desia plus d’vne année,
C’est là qu’il ramasse son train
Pour nous faire viure en chagrain,
C’est là qu’il enuoye de Grece
De la munition sans cesse,

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C’est là qu’il fait prouision
Auecque grande passion,
Des biscuits afin que hors de terre
Soit pour la bouche ou pour la guerre :
Ses soldats ne manquent de rien
Il ne cherche que le moyen
De mettre nostre Republique
Sous son Empire tyrannique ;
Ses vaisseaux qui sont sur la Mer
Les Nauires qu’il fait armer,
Nous detiennent dans des allarmes
Nous apprehendons que ses armes ;
Iettant nostre belle Duché
Le Turc qui vit dans le peché,
D’vne cruelle felonnie
La pourra par sa tyrannie
Perdre comme vn autre Illion
Si les Lys auec le Lion,
Ne nous donnent point assistance
Pour supprimer sa violence ;
Nous apprenons que ces Bachas
Leuent sans cesse des soldats,
Et fait construire vne machine
Qui nous menace de ruine,
Les Trompettes & les Tambours
Ne font que résonner tousiours,
Afin de leuer la Milice
Qui nous voudroit par sa malice,
Mettre dans la confusion
Dans la presente occasion,

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Le Turc qui boit dans le carnage
Le sang des Chrestiens par sa rage,
Nous donne vne telle terreur
Que nous apprehendons l’horreur,
De la mort dont il nous menace
Si le Ciel par sa saincte grace,
Ne nous deliure de ce fleau
Et qu’il fasse perir dans l’eau,
Ses armées & sur la terre
Par des forts eslans de tonnerre :
L’excessif nombre des soldats
Qu’il arme pour nous mettre à bas,
Ses canons, ses bombes funestes
Nous font craindre plus que cent pestes.
Son abbord dans nostre pays
Dont nous sommes bien esbays,
Et nous ne viuons qu’en la crainte,
De la mort qui nous est depeinte.
Les petits enfans à genoux
Prient Dieu qui nous soit si doux ;
Qu’il nous vueille sauuer la vie
Et qu’il face perdre l’enuie,
Au fier ennemy des Chrestiens
De nous mettre au nombre des siens.
Vous entendriez les pauures femmes
Qui luy recommandent leurs ames,
Leurs maris auec leurs parens,
Les plus petits & les plus grands ;
Le sexe sans estre aux allarmes
Ne laisse de verser des larmes,

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Et les vieillards voudroient mourir
Quand ils ne peuuent secourir
Leur fidelle & chere Patrie
De crainte de la voir fletrie.
Par ces loups garroux des enfers
Et qu’elle viue dans leurs fers,
Nos ieunes gens que le courage ;
Et l’horreur d’vn cruel pillage,
Anime vers nos ennemis
Ne sont iamais point endormis :
Le sang qui boult dans leurs artaires
Tesmoigne leur iustes coleres.
Et le grand zelle de leurs cœurs
Ils desirent estre vainqueurs,
Ce grand desir leur sert d’amorce
Et leur fait redoubler leur force,
Neantmoins ils ne pourroient pas
Mettre nos ennemis à bas,
Sans vostre secours grande France,
Et vostre heroique assistance
Nous sçauons que vostre valeur
Peut seule chasser le malheur,
Qui nous talonne & fait la guerre
A dessein de mettre par terre
L’estat de nostre liberté,
Pour nous mettre en captiuité.
Nostre esprit dans l’inquietude
N’a pour obiet ny pour estude
Que de pouuoir bien inuenter
Le moyen de viste arrester,

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Le Turc & toute son Armée,
Que nous voudrions rendre abysmée,
Dans l’humide sein de la Mer,
Ce desir nous a fait armer,
Plusieurs Vaisseaux en diligence ;
Esperant que vostre assistance
Secondera nos bons desirs :
Ayant esgard à nos souspirs,
Qui troublent l’air parmy les nuës ;
Pour rendre nos douleurs connuës,
Iamais on n’a veu nos Estats
Craindre vn si funeste degats,
Nous chancelons dans vne crainte,
Par qui la mort nous est depeinte ;
Car cét ennemy des humains
N’a point des plus cruels desseins,
Que ceux qu’il nourrit dans son ame
D’vser du fer & de la flamme,
A dessein de nous ruiner ;
Et pour nous faire prosterner,
A ses pieds pour luy rendre hommage
Et luy donner pour heritage,
La liberté de nos Estats,
Nous aymons mieux que le trespas,
Finisse nos tristes iournées ;
Parauant que les destinées,
Nous voyent viure sous la loy
Du Turc qui vit sans point de foy,
Toutes les puissances du monde ;
Où la Loy des Chrestiens abonde,

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Nous doiuent sans plus discourir,
De leurs forces nous secourir ;
Si bien que la Paix generale,
Nous peut deliurer de scandale
C’est par elle tant seulement ;
Que nous pouuons mettre au tourment,
Le Turc duquel il nous menace ;
France, faites nous cette grace,
Donnez la Paix à l’Vniuers :
Contentez-vous des Lauriers vers,
Que vous auez dessus la teste
Nostre Republique souhaitte :
Vous prie & coniure à genoux,
Que vous luy monstriez vostre œil doux,
Et que par vos puissantes Armes
Vous la deliuriez des allarmes :
Autrefois vostre Henry le Grand ;
Pour nous tesmoigner son cœur franc,
Nous fit present de son espée ;
Venez donc la rendre occupée,
Par la mains de vos bons soldats,
Lors nous ne redouterons pas,
Le Turc ny toute son engeance ;
Nous crierons, viue la France,
Viue cét Empire de Lys,
Qui rend nos maux enseuelis.

 

FIN.

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