Anonyme [1649], LA HARANGVE DV COVRIER EXTRAORDINAIRE ENVOYEE PAR N. S. P. LEPAPE à la Reine Regente. , françaisRéférence RIM : M0_1558. Cote locale : A_4_23.
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LA
HARANGVE
DV
COVRIER
EXTRAORDINAIRE
ENVOYEE PAR N. S. P. LEPAPE
à la Reine Regente.

A PARIS,
Chez Guillaume Sassier, Imprimeur & Libraire
ordinaire du Roy, ruë des Cordiers, proche
Sorbone, aux deux Tourterelles.

M. DC. XXXXIX.

Auec Permission.

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LA
HARANGVE
DV
COVRIER
EXTRAORDINAIRE
ENVOYÉE PAR N. S. P. LE PAPE
à la Reine Regente.

MADAME,

Sa SAINTETÉ se trouuant informée
des pernicieux Conseils des Ministres
de vostre Estat, & preuoyant les funestes euenemẽs
que leur malice pourroit causer, à creu vous
deuoir aduertir par des sentimens tres salutaires
pour le repos vniuersel de vostre Royaume ; Et
representer à vostre Majesté, qu’vne ame genereuse
ne se doit jamais sousmettre aux volontés
d’autruy, que son discours ne se soit premierement
soumis à sa raison ; par ce que l’obeïssance
que l’on rend à cette maistresse de nos actions,

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couronne ceux qu’elle captiue : au lieu que si
l’on suit seulement les mouuemens des autres,
bien souuent la Courõne & le Sceptre des Roys
ne seruent que pour honorer le triomphe de
leurs ennemis. La parfaite connoissance que
toute la terre à de la puissance de vostre Genie,
nous fait croire dans cette conjoncture, que vostre
Majesté n’eut pas le temps de considerer les
raisons malicieuses de vos Ministres, lorsqu’ils
vous persuadent de rauir à vostre peuple leur
sacré Tresor, ny le prejudice qu’il pouuoit aporter
à l’excelence de vostre vertu, puis que s’estant
toûjours maintenuë dans son integrité, elle semble
auoir esté blessée dans cette rencontre, par
le refus que vostre Majesté fit de l’equité & de la
justice, qui luy donnent beaucoup plus dauãtage
que la fortune ; par ce que celle-cy en luy
donnant la Couronne ne pare que de cendres,
lors que la reputation meurt auec le corps, au
lieu que l’autre en donnant le merite fait viure
toûjours, & ne peut succomber aux funestes necessités
de la mort ; ce n’est pas seulement par la
fourberie de leurs auis qu’ils ont fait injure à vostre
Majesté, mais bien lors qu’ils en ont temerairement
tanté l’execution, & ils vous ont voulu
priuer du plus noble droit qui vous fait Reine,
en vous ostant le moyen de commander à des
personnes libres & volontaires, se persuadans

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qu’il sufisoit de regner, ou par la force ou par la
puissance. Mais souuenés vous, s’il vous plaist,
MADAME, que ceux qui tiennent les autres
à la chaisne sont bien souuent les plus captifs,
d’autant que la crainte d’vne rebellion leur oste
la liberté ; & si vous experimentés maintenant
cette verité, sçachés s’il vous plaist que vos sujets
apres auoir perdu tous leurs biens n’ont pû
souffrir qu’on leur aye voulu rauir ce pretieux
gage, qu’ils tiẽnent par participation de la Diuinité ;
D’ou nous pouuons conclure que les precipités
sentimens de vos turbulans Ministres causent
presentement vn dommage plus cruel dans
vostre Royaume, qu’vne contagion eschaufée,
puis qu’il n’y a pas vne seule personne qui ne soit
dangereusement alterée. Vostre Majesté mesme,
s’il m’est permis de le dire, se trouue contrainte
dãs cette occasion d’imiter ceux qui cueillẽt les
fruits auant que d’estre meurs, puis qu’elle est
priuée du succés fauorable qu’elle esperoit de ses
entreprises. Ou ie vous prie de considerer que
ces foibles esprits, ont là de tres mauuaises productions
pour s’estre trop hastés ; puis qu’au
lieu d’vne heureuse fecondité, tout leur dessein
ne se terminera qu’à des auortons, & à vn effort
inutile. Toute la France deplore, MADAME,
que vous vous y trouuiés par vne bonté sans esgalle
insensiblement engagée ; & que cette generosité

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que vous aués toujours témoignée dans
vos resolutions se soit laissée prendre aux fourberies
d’vn esprit dissimulé, neãtmoins le temps
n’est pas encore trop court pour desiller vos
yeux, & pour faire cõnoistre à vos sujets, que si ce
rusé à voulu tromper vos sentimens, vous aués
eu assés de forçe pour y resister, & pour conuaincre
sa malice, agissés seulement en Souueraine,
& non pas en interessée, conserués ce noble
auantage de regner par la douceur & non pas
par la force, de crainte que vous ne vous trouuiés
commander par ce moyen à des rebelles, & non
pas à des sujets libres & obeïssans ; Apres quoy
vous vous deués souuenir, MADAME, que
l’illustre qualité de Regente misericordieuse ne
vous donnera pas moins de titres par excellence
apres vostre mort, qu’elle atache maintenant de
pierres pretieuses à vostre Couronne ; c’est cette
merueilleuse vertu qu’on a toûjours reconnuë
en vous, comme dans son principe, qui donne
quelque consolation à vos sujets affligez, & qui
leur fait esperer quelque soulagement dans leurs
souffrances ; sçachans bien que vous n’ignorés
pas que la paix & l’vnion, sont la recompense des
ames bien-heureuses, & que vous aués trop de
vertu, pour permettre la destruction de vostre
Royaume, qui en est infallible par la durée de
cette diuision.

 

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Toutes ces considerations, MADAME, sont
trop Chrestiennes & trop equitables, pour estre
refusées, & vous aymés trop la paix pour soufrir
plus long-temps ce desordre : banissés s’il vous
plaist ces pestes, ces esprits gangreinés qui l’entretiennent,
& qui comme de Sangsuës sont rauis
de se nourir du sang qu’vne guerre malheureuse
fait espandre, & donnés s’il vous plaist la
guarison à tout vostre peuple malade, qui vous la
demande par vne soumission glorieuse & volontaire,
& par les vœus qu’il vous proteste de faire
pour vostre prosperité (si vous le deliurés des
persecutiõs d’vn tiran sans exemple ;) Vous n’en
sçauriés douter, MADAME, puis que le nom
de protecteur est vn nom de justice, qui fait donner
des benedictions eternelles à celuy qui les
porte : Vos sujets sont trop raisonnables pour oublier
vn si souuerain bien, & pour ne pas continuer
leurs prieres : ç’a esté cet vnique motif qui
à obligé sa Sainteté de m’ẽuoyer vers vostre Majesté
pour luy faire ses justes remontrances, &
pour luy demender la paix pour tout le Royaume :
I’espere que ma delegation ne sera point
inutille, & que vous ne me refuserés pas, ce que
le Ciel, sa Sainteté, vos Sujets, & vostre propre
conscience vous demandent.

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