Anonyme [1652], LA GENEREVSE RESOLVTION DE MESSIEVRS LES PRINCES, Prise en l’Assemblée du Parlement, ce iourd’huy 17. Iuillet, pour aller deliurer Messieurs les Deputez à Sainct Denis. Auec le décampement du Roy & de son armée. , françaisRéférence RIM : M1_119. Cote locale : B_14_35.
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LA
GENEREVSE
RESOLVTION
DE MESSIEVRS
LES PRINCES, Prise en l’Assemblée du Parlement,
ce iourd’huy 17. Iuillet, pour aller
deliurer Messieurs les Deputez à
Sainct Denis.

Auec le décampement du Roy & de son armée.

A PARIS,
Chez IEAN BRVNET, ruë saincte Anne.

M. DC. LII.

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La genereuse resolution de
Messieurs les princes, prise
en l’Assemblée du Parlement,
ce iourd’huy 17. Iuillet,
pour aller deliurer Messieurs
les Deputez à sainct
Denis.

LE Cardinal Mazarin est maintenant
dans l’Estat de ceux qui
sont condamnez à mourir, &
comme ces pauures miserables
voyent l’heure inéuitable de
leur mort, ils taschent à gagner
quelquesfois vn quart d’heure pour allonger
ce peu de vie qui leur reste. Ainsi cét Eminent
personnage, qui voit infailliblement sa
grandeur perir, estant sur le point d’estre chassé
hors du Royaume, apporte tousiours quelques
nouueaux delais pour gouster encore les douceurs
de la fortune qui l’auoit follement esleué
si haut. Il n’a plus le vent en poupe, & ne peut
plus voguer heureusement dans cette mer de la

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Cour, qui est enfin deuenuë orageuse, & le menace
d’vn naufrage eminent. Il arriue tousiours
à la cour des nouuelles qui ne luy sont point
auantageuses : Vous auez sceu les resolutions du
Parlement de Normandie, & depuis encore ce
qui s’est passé en celuy de bourgogne, & comme
le Duc d’Epernon, vne de ses principales
creatures a esté chassé de Dijon par les habitans.
Il faut maintenant que l’Vnion de la ville de
Paris auec Messieurs les Princes, donne le branle,
& qu’elle decide vne question qui nous a
tant donné de peine à resoudre : l’on est encore
sur ce chapitre. Et voyant que nos Deputez
persistent incessamment à son esloignement, &
qu’ils pressent pour auoir leur congé, afin de
venir rendre compte icy de leur negotiation. Il
se trouue bien empesché & tasche tousiours de
prolonger le temps, soit par lettres ou responses
ambiguës, qu’il faut interpreter comme les
Oracles. Neantmoins cela n’est pas guerir vn
mal, ce n’est que prolonger la fievre d’vn malade,
car on commence dans la Cour à s’ennuyer
de toutes ses affaires icy, qui ne leur sont
pas plus auantageuses qu’à nous. Et d’ailleurs
ne sçachant ou trouuer vn azile quand l’armée
de l’Archiduc Leopold aura iointe celle des
Princes, dont ils ont eu auis qu’elle s’auançoit,
il faut qu’ils pouruoyent de bonne heure à leurs

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seuretez, tellement de quelque façon que ce
soit, il faut que le Roy l’esloigne au moins pour
quelque temps : c’est pourquoy sur l’esperance
que Sa Majesté en auoit donnée à Messieurs les
Deputez, on s’estoit desia assemblé plusieurs
fois, mais la lettre de cachet que Messieurs les
Deputez enuoyerent au parlement, ayant retardé
les resolutions de l’Assemblée de Mardy,
& ne s’y estant rien resolu, le tout fut remis au
lendemain Mercredy, qui est ce iourd’huy 17.
Iuillet l’on a voulu deferer ce delay au respect
de Sa Majesté, qui demandoit encore ce peu de
temps, & qui estoit (ainsi que Messieurs les
Deputez mandoient) vne disposition pour
nous donner la Paix, mais l’affliction suruenuë
dans la cour par la mort recente de Manchini
les auoit interrompus. Car il est constant, que
le Roy l’aymoit beaucoup, & ie le trouue tres-heureux
dans sa mort, de se voir regreter du
plus grand Monarque de l’europe. Enfin Messieurs
du Parlement ayant fait auertir les Conseillers
par leurs Huissiers, de se trouuer ce iourd’huy
matin, à cause qu’il y en manquoit beaucoup
hyer, ils sont venus en plus grand nombre,
& s’estans assemblez, Messieurs les Princes
y seans, lors que l’on opinoit sur les resolutions
que l’on deuoit prendre. Il est arriué vn Courier
du Roy despesché par Mazarin, qui a rompu

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les cartes : Il portoit vne Lettre de Cachet,
qui est le Remora de Mazarin, par lequel il empesche
ce grand Vaisseau de paris, de voguer
d’vn costé ny de l’autre. Cela n’a pourtant pas
empesché la resolution de Messieurs les Princes,
sur la Detention de Messieurs les Deputez, qui a
esté d’aller ce jourd’huy les desliurer par force à
Saint Denys, où ils sont retenus par force, &
gardez par quatre cens Cheuaux & autant d’Infanterie
auec permission à tous les volontaires
qui y voudront aller de les suiure. Ie croy qu’ils
ne manqueront pas de gens dans vne si genereuse
resolution.

 

L’Armée du Mareschal de Turenne est décampée,
auec ordre de s’aller opposer au passage
des troupes de l’archiduc, que l’on dit estre
aupres de Soissons, elle fait bien en tout, seize à
dix-sept mille hommes. Le Comte de Fuensaldagne,
ayant douze à treize mil hommes, & le
Cheualier de guise trois à quatre mil de l’armée
du Duc de Loraine, qui le sont venus ioindre.

Le Roy auec sa cour est parti de S. Denis dés
quatre heures du matin, il tire vers Pontoise
pour delà aller à Mantes prendre vn lieu de seureté,
car le Milord d’Igby en est Gouuerneur,
& y a garnison de mille à douze cens hommes.

Le Courier qui est venu au Palais de la part
du Roy, demandoit encor des Deputez de la

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part des Princes, pour moy ie croy que le cardinal
Mazarin en veut faire vn magazin, car il
voudroit bien auoir ainsi beaucoup de personnes
de qualité pour respondre de sa personne.
Mais ie croy que voila les deputations finies,
puis qu’ils ont si mal traité ceux-cy : cela fait
bien voir aux Parisiens comme on les fourbe ;
mais enfin arriuera que ceux qui les trompent
se tromperont eux-mesmes. C’est ce qui a fait
resoudre Messieurs les Princes & le Parlement
de donner à demain Arrést d’Vnion pour tout
delay, & se declarer entierement contre le Cardinal
Mazarin & ses adherans : c’est vne chose
qu’il y a long-temps qui deuroit estre faite, mais
enfin il vaut mieux tard que iamais.

 

Ie ne sçay pas s’ils trouueront leurs seuretez
en Normandie, veu la resolution du Parlement
de Roüen, que vous auez aprise ses iours passez,
& mesme qu’ils auoient pris la Paille comme
icy. Au reste, s’ils veulent sauuer leur Prouince
dans vn temps que tous les biens sont sur la terre,
ils ne receuront point ny de Mazarin, ny de
troupes, ils sçauent comme il en a cuit aux autres.

FIN.

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Anonyme [1652], LA GENEREVSE RESOLVTION DE MESSIEVRS LES PRINCES, Prise en l’Assemblée du Parlement, ce iourd’huy 17. Iuillet, pour aller deliurer Messieurs les Deputez à Sainct Denis. Auec le décampement du Roy & de son armée. , françaisRéférence RIM : M1_119. Cote locale : B_14_35.